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Sous ses traits juvéniles, Amine, à seulement 20 ans, cache les ambitions d'un grand.Amputé d'un grand-frère tué sur fond de trafic de drogue, c'est à lui qu'il s'adresse dans le film pour lui raconter son difficile combat.Devenu le porte-voix des familles meurtries par cette violence qui consume Marseille et ses cités du Nord, il a créé l'association Conscience, un lieu d'écoute et de réconfort pour des mères endeuillées. Démunies face à ce fléau, elles veulent comprendre comment leursenfants sont tombés dans le trafic ? Comment l'Etat peut les protéger ? Amine veut faire de la politique, seul moyen pour lui de faire avancer ses revendications : leretour de la police de proximité, l'éducation et l'emploi des jeunes, enfin, le débat sur lalégalisation. Mais son ambition n'est pas vue d'un bon oeil et crée des dissensions. Ne pas oublier son frère, ne pas oublier tous ceux qui sont des victimes du trafic de drogue à Marseille et ailleurs, voilà sa raison de se battre.En 2023, 49 personnes auront été tuées par balle à Marseille. Année de Production :

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Transcription
00:00Je suis venu avec des journalistes aujourd'hui, parce qu'on fait un film sur Marseille, sur
00:25les quartiers, sur Frévalon, et on va parler de tout ça, on va parler des meurtres, de
00:35tout ce qu'ils ont fait là-bas.
00:55Deux corps calcinés ont été découverts ce matin dans une voiture incendiée.
01:03Le véhicule avait été abandonné sur une bretelle de service de l'autoroute A55, sur
01:08la commune d'Épennes-Mirabeau, près de Marseille.
01:11Le mode opératoire laisse penser à un règlement de compte, les victimes n'ont pas pu être
01:15identifiées.
01:16Il faut attendre les résultats de l'autopsie, qui permettra aussi de déterminer les causes
01:21de la mort.
01:22Et bonjour, ça va ? Ça va et toi ? Ça va, voilà, donc je suis grandi ici.
01:39Et il y a une légende qui dit qu'avant, Frévalon, c'était un cimetière, et donc
01:48quand on était petits, Brahim, il aimait beaucoup jouer là-bas et maman, elle ne voulait
01:51pas qu'on s'amuse ici parce qu'elle avait peur qu'il y ait des fantômes qui sortent.
01:56Et mon frère avait connu un premier accident et c'était juste ici, on va passer devant.
02:04Il était garé avec un jeune dans une voiture, je crois qu'il était 23h, quelque chose
02:11comme ça.
02:12La voiture est arrivée en pleine nuit, ils ont ouvert le feu sur la voiture et mon frère
02:16a reçu 8 balles.
02:17On a dû l'opérer, il a dû se faire greffer, etc.
02:19Son ami à lui est mort sur le coup.
02:21C'est là où il a commencé à être mal et moi, c'est les premiers messages qu'on
02:27a eus.
02:28Donc ce n'était plus le Brahim confiant, ce n'était plus le Brahim qui avait cette
02:31joie de vivre.
02:32Qu'est-ce que t'as, t'es agité ? Tiens, tiens maman, bismillah.
02:46Mon fichier, la perte d'un enfant est une douleur qu'aucun mot ne pourra jamais exprimer.
02:57Le temps passe mais la douleur reste.
03:01Le masque que je porte cache à tous l'immense douleur qui est dans mon cœur.
03:09J'ai si mal, mes larmes coulent encore.
03:15Quand on ne coule pas, mon cœur, lui, pleure continuellement.
03:22Mon enfant chéri, tu es toujours dans mon cœur.
03:27Cette Brahim était très, très, très naïf, naïf et généreux.
03:37Il avait quand même sa vie, sa maison, sa femme, sa fille, mais le mois de décembre
03:44il venait souvent, souvent, souvent, souvent, souvent et il parlait de ses frères, oui
03:49je ne veux pas qu'ils fassent ci, je ne veux pas qu'ils fassent ça, je ne veux pas qu'ils
03:52sortent, je ne veux pas qu'ils manquent de respect, je ne veux pas qu'ils fument, je
03:57n'ai pas envie de les voir maman à l'extérieur, le monde de l'extérieur est très dur.
04:01Et il commençait à partager ses habits à ses frères, donner à chacun une veste et
04:13moi je n'avais pas compris en fait, il était en train de donner déjà ses affaires, il
04:18me disait fais attention à Luna, le dernier mot c'était dans les escaliers, le jour
04:23même de son décès, il m'a dit maman prends soin de Luna.
04:27En fait il me disait, je ne sais pas, il me préparait, il me disait au revoir maman
04:35et moi je n'avais pas compris, je le regarde c'est tout.
04:44Après ta mort, on s'est retrouvés livrés à nous-mêmes, face à la douleur et au questionnement.
04:48Voir maman se consumer dans le chagrin m'était devenu insoutenable.
04:52Alors pour elle, pour ta fille Luna et pour toutes les mères qui ont perdu un enfant,
04:58j'ai commencé mon combat avec mon association conscience.
05:01Il fallait que j'exprime notre rage, notre colère, que nos responsables politiques l'entendent.
05:07On a l'impression que le messie a débarqué.
05:11Le jeune des quartiers nord finit par se frayer un chemin jusqu'au local où se tient la rencontre
05:18avec le président.
05:19Donc moi j'ai perdu mon frère le 29 décembre dernier, il a été retrouvé calciné et
05:28démembré avec un de ses amis au Pen Mirabeau, je voulais déjà montrer que oui il y a de
05:32la criminalité à Marseille, que oui il y a beaucoup beaucoup de choses qui ne vont
05:35pas à Marseille, mais que notre jeunesse elle ne se résume pas qu'à ça, que notre
05:38jeunesse, que nous les jeunes des quartiers nord, on peut s'investir.
05:41Moi ce que je voudrais vous dire c'est que ça ne sert à rien de venir avec un plan
05:44qui a été fait dans un avion ou je ne sais où, il faut que ce plan vous le construivez
05:48avec nous, les élus locaux, avec nous les associations, avec nous les familles de victimes
05:52parce qu'on a également un témoignage à apporter, parce qu'on a également un vécu,
05:56une histoire qui est très très importante et que maintenant...
05:59Elle a quel âge ?
06:0017 ans.
06:01C'est énorme.
06:02Et moi je veux...
06:03Merci.
06:11Après que j'ai interpellé le Président de la République, tout est allé très vite.
06:15Les médias m'ont sollicité, les habitants des cités aussi.
06:18J'ai eu le sentiment de devenir leur porte-parole.
06:21J'ai aussi fait la rencontre de nombreuses familles de victimes, et aujourd'hui elles
06:28sont devenues ma force.
06:30J'ai perdu mon fils en juillet dernier.
06:32C'était pas un règlement de compte, c'était une jalousie amoureuse, banale, mais c'est
06:42dans laquelle nous...
06:44Pardon, j'ai du mal, on a pris perpétuité, ma famille et moi, parce que les dommages
06:50sont collatéraux.
06:51Il y a des enfants, il y a des oncles, il y a des tantes, il y a la grand-mère, il y
06:56a des frères, il y a des sœurs, il y a des amis, il y a moi, mon petit, j'en avais
07:02qu'un.
07:03J'avais qu'un fils.
07:04J'ai fait deux mois de psychiatrie, je suis encore sourde, je n'y crois pas, jusqu'à
07:11la fin de deux jours, jusqu'à la fin de deux jours.
07:14Écoute, t'es forte Fana, tu t'es battue jusqu'à présent et on va continuer à se battre.
07:20Écoute, je suis touchée par tes témoignages, je suis famille de victime par mon neveu,
07:30donc je représente ma sœur qui n'arrive pas à certaines fois à être là, parce
07:35que c'est dur pour elle et c'est dur pour toute la famille comme elle a dit Fana, ça
07:43impacte toute la famille.
07:45Je n'arrive pas à parler, je n'arrive pas à parler de mon fils, je suis malade, c'est
07:53la police qui l'a tué mon fils, pour moi ce n'est pas un règlement de compte mais
07:58voilà.
07:59Quand vous parlez de vos enfants, vous n'avez pas à vous justifier, t'as pas à dire moi
08:02mon fils c'était pas si, il a été assassiné tout court, moi je m'oppose aux termes de
08:06victime collatérale, à chaque fois qu'on me demande dans les médias, il y a les victimes
08:10collatérales, ça veut dire que les victimes collatérales, les pauvres, paix à leur âme,
08:14et les victimes qui étaient ciblées, pas les pauvres, pas paix à leur âme, ça veut
08:17dire qu'on est en train de trier les morts, lui il méritait, lui il ne méritait pas,
08:21lui il était gentil, lui il était, non, un mort est un mort, une personne qui a été
08:25assassinée, c'est une personne qui a été assassinée, depuis Adèle, combien il y en
08:28a qui sont partis ? Des vingtaines, des trentaines, depuis Pichou, combien il y en a qui sont
08:34partis ? Malheureusement c'est des personnes parmi tant d'autres, donc ce n'est pas des
08:40cas isolés, vous n'avez pas à avoir honte ou à culpabiliser de quoi que ce soit, et
08:45vous devez garder la tête haute et vous l'avez en tout cas.
08:47Quand j'ai perdu mon fils, il y a un jeune qui est venu me voir et qui me racontait des
08:52anecdotes de mon fils, et ce jeune il est mort, voilà. Pourquoi ? Pourquoi petit ? Pourquoi
09:03? Je comprends plus le monde. Mais je pense qu'il faut aussi mettre le doigt sur la question
09:10des réseaux et des trafics, et je pense qu'il faut vraiment repartir de là, et ce ne sont
09:17pas des petits trafics locaux, en fait c'est des trafics internationaux, et donc il faut
09:22remonter sur la source du problème. L'ado qui vient des quartiers, qui veut absolument
09:26s'en sortir, qui veut travailler, mais parce qu'il vient des quartiers on ne retient pas
09:30son CV, et il finit par être en colère contre la société, et là en guise de rébellion,
09:41qu'est-ce qu'il fait ? Il rentre dans les réseaux, et là sa vie elle bascule. J'en
09:45ai vu beaucoup comme ça, et j'ai mon fils qui cherche à basculer dans ce monde, parce
09:51qu'il trouve la société injuste, parce qu'il veut travailler.
09:55Il faut qu'à un moment on prenne vraiment les choses en main, parce qu'on est abandonné.
09:59La politique de la ville a fait qu'il arrive de Marseille, Marseille c'est la Joliette,
10:06à partir de la Joliette et tous les quartiers sud, et après l'autre c'est peut-être
10:10Cali, ou Medellin, ou Bogota, on ne sait plus, parce que quand un responsable politique
10:19se dit, de toute façon je m'en fous, ils ne votent pas pour moi, ou qu'ils se tuent
10:23entre eux. Donc si vous, les politiques, vous ne bougerez pas, ben non on va bouger,
10:30pour nos enfants, et pour l'avenir des prochains, pour l'avenir des petits, et l'avenir des
10:36autres.
10:37J'ai vraiment envie que cette colère et que cette rage que vous avez en vous, qui
10:40est totalement justifiée, que vous la transformiez en force, que ça soit votre force pour aller
10:45voir d'autres jeunes, pour leur dire arrêtez tout ça, regardez moi ça, j'ai ramené
10:48mon fils, tombez dans ça, c'est pas une perspective d'avenir, ils y gagneront rien
10:53malheureusement.
10:54Chaque nouveau meurtre me ramène à toi. Il y a eu plus d'une centaine de victimes depuis
11:08ta mort. C'est toujours la boule au ventre qu'avec les mamans on part à la rencontre
11:12des familles enveillées. On leur propose une aide, parfois juridique, souvent psychologique.
11:18Parce qu'on connaît trop bien le vide qui nous attend lorsqu'on nous arrache en être
11:22cher.
11:23C'est ça, les morts continuent, et nous on est encore là en train de constater ça,
11:29nous on est encore là habitant en train d'assister à ces scènes de guerre, on est encore là
11:32nous en tant qu'association à compter ce nombre de victimes, ça n'arrête pas d'augmenter.
11:36Macron est venu à Marseille, il a annoncé des mesures supplémentaires, rien n'a changé.
11:40Au contraire, il y a plus de morts qu'avant, c'était des kalachnikovs, des grosses armes
11:43qui sont utilisées pour ces meurtres. C'était 19h dans un bar, dans une rue qui est très
11:47fréquentée. Donc aujourd'hui il n'y a plus rien, il n'y a plus de limites, il n'y a plus
11:50de codes, il n'y a plus rien qui freine ces assassins, donc par conséquent on estime que
11:54des moyens sans précédent doivent encore être débloqués pour notre ville. Et il est
11:57hors de question que nous habitants se résignent à vivre comme ça. Donc il faut encore agir
12:01plus que jamais.
12:02Chez les personnes qui sont impliquées dans le trafic, un des éléments souvent cités
12:09comme un déterminant qui serait la démission parentale, l'absence des pères, il n'est
12:16jamais opérant. En revanche, ce qu'on voit qui est opérant, c'est des situations d'exclusion
12:23importantes, majeures, et qui par ces personnes-là sont vécues plus durement que par leurs frères
12:30et soeurs, etc. Mais les situations d'exclusion, exclusion de l'école, très tôt, pas forcément
12:36au sens où on est mis dehors de l'école, mais où on ne se sent pas à sa place, on
12:40n'est pas bien traité, ou pas traité comme on pourrait. Exclusion surtout des aspirations
12:48professionnelles, formation, l'exclusion du logement, pouvoir chercher un logement,
12:55le racisme, y compris le racisme institutionnel, est quelque chose de très opérant. Donc toutes
13:01ces situations d'exclusion sont des éléments qui vont impacter très fortement le fait
13:06qu'à un moment de sa vie ou de son parcours, une personne, et pas forcément ses voisins,
13:12ses frères et soeurs, une personne, va s'engager dans une activité criminelle parce qu'elle
13:16pense, et souvent à juste titre, qu'elle n'a aucune autre place dans cette société.
13:21Petit, je me rappelle que tu m'encouragais tout le temps pour réussir à l'école,
13:35faire de longues études, même si toi tu séchais déjà les cours. Je ris toujours
13:41quand je repense au jour où tu avais escaladé le portail du collège. Je n'avais pas conscience
13:46quand on était petit que tu ne demandais qu'à trouver ta place, et malgré tout je
13:51ne t'ai jamais jugé. Ceux qui disent que tu étais quelqu'un de mauvais ne te connaissaient
13:56pas. Dans le fond, je sais que le trafic ne devait être qu'une passade, tu as trouvé
14:02ça facile, accessible, et bizarrement je n'étais pas inquiet pour toi. J'avais
14:08espoir que tu trouves le moyen d'en sortir.
14:32Dans les sociétés sociales, il n'y aura pas de solution. Le département, la région,
14:36etc. On va les inviter, vous venez vivre une semaine dans chaque cité là où il y a des
14:43problèmes. Comment enlever ces jeunes de ces réseaux en leur donnant un avenir ? Quelque
14:49chose qu'ils voient en face d'eux.
14:5110 juin, 10 heures, il faut mobiliser.
14:56Non, non, pendant la campagne on va courir, je te le dis.
15:01Le 10 juin à 10 heures, on va mettre des affiches un peu partout.
15:21Tant qu'on ne se mobilise pas pour nos quartiers, les choses ne vont pas changer.
15:24On doit se mobiliser pour nos quartiers. Autant d'avant, quand il y avait le grand frère
15:27qui circulait dans la cité, ça passait bien. Ça, ça n'existe plus, cette notion-là,
15:32elle a disparu.
15:33J'ai perdu des collègues.
15:34Bien sûr, c'est pour leur maman qu'on va marcher.
15:36Je veux vraiment montrer aux jeunes que la drogue en soi, ils ne sont pas encore au courant,
15:40mais c'est juste des pions. Et c'est ça qui fait mal.
15:44Ça fait des années qu'il n'y a personne qui se lève. Venez, on se lève tous ensemble.
15:48C'est là où on arrivera à peser et à faire changer les choses. C'est qu'à partir de
15:53ce moment.
15:54Après, en fait, les gens, ils ont lâché l'affaire.
15:57Et on va vivre comme ça, du coup ? On ne peut pas, on n'a pas le droit.
16:01On va faire quoi ? On va encore regarder des gens tomber ? On va encore compter les morts dans les rues ?
16:04Avant mon frère, combien il y en a eu ? Après lui, combien il y en a eu ?
16:07On n'a pas le droit d'oublier.
16:08Et le 10, tu seras là, Inch'Allah.
16:14Il m'a mis le gyrophare.
16:16Il travaille pour la BAC.
16:19On va voir des gens qui n'ont pas l'air trop, trop pressés. Il ne faut pas les agresser.
16:22Il faut que les gens se sentent en confiance. Il ne faut pas leur parler directement de meurtre.
16:26Vous dites que c'est une marche pour la justice des quartiers.
16:29Et on explique que tout ce qui se passe dans les quartiers, ce n'est pas normal.
16:32Ce n'est pas ouf.
16:33Mais moi, je suis à côté de tout ça. Je suis dans ma bulle.
16:35Allez, on avance.
16:37Vous avez du club de foot ? Moi, j'avais mon 17.
16:40Mais il ne faut plus que le foot. Le foot, c'est fini.
16:42Il faisait le foot.
16:43Mais il y en a plein qui n'aiment pas le foot.
16:44C'est soit le foot, soit rien. Il y en a qui veulent jouer au tennis.
16:46Il y en a qui veulent jouer au basket.
16:48Il y en a qui, au contraire, ils veulent juste aller lire, jouer aux échecs.
16:53Pourquoi est-ce qu'il n'y a zéro bibliothèque dans les quartiers nord ?
16:56Pourquoi il n'y a aucune bibliothèque dans nos quartiers ?
16:59Je ne sais pas.
17:11C'est la nuit la plus meurtrière que Marseille ait connue depuis longtemps.
17:14Trois fusillades, trois morts, sur fond de trafic de drogue.
17:19Sur ce trottoir d'un quartier près du port,
17:22ce sont des adolescents qui ont été pris pour cible vers minuit par des hommes en voiture.
17:27Un jeune de 16 ans est mort, son corps étant mené devant ses proches, dévasté.
17:33Deux autres adolescents de 14 et 16 ans ont été blessés.
17:37Un pronostic vital est engagé.
17:40Aujourd'hui, on est là pour trouver des solutions ensemble.
17:44On va essayer que cette réunion finisse avec plein de bons sujets.
17:48Et pour ça, on a besoin que tout le monde met peut-être son égo, son parti politique
17:53et qu'on trouve des solutions ensemble pour qu'on puisse avancer.
17:59Aujourd'hui, on a effectivement tous, toutes et tous, le cœur noué.
18:03On est effectivement conscients que la problématique de la criminalité,
18:06c'est une problématique qui englobe tout.
18:08Parce qu'aujourd'hui, si on avait accès à une meilleure éducation dans nos quartiers,
18:11pas de la part des parents, mais en tout cas de la part de l'éducation nationale,
18:14on aurait peut-être plus de moyens pour nos jeunes, pour les faire sortir.
18:17On doit redessiner les cartes scolaires aujourd'hui, ça c'est quelque chose de concret.
18:20Vous êtes sur le terrain, vous êtes les gens qu'on aime, qu'on a l'habitude,
18:23mais c'est pas vous qui êtes décisionnaires des choses qui sont importantes.
18:26Et ces gens-là, ils ne nous connaissent pas, ils ne savent pas qui on est.
18:29Parlez-leur. Dites-leur qu'on souffre et qu'on a besoin, qu'on est abandonnés.
18:34Nous, tous les soirs, on entend tirer.
18:37J'ai l'impression que dans dix ans peut-être, on sera le nouveau Mexique.
18:44Il y a un an, il y avait une vraie volonté, c'était les propos de la préfète,
18:48c'était pas les miens, d'aller pilonner, pilonner le trafic.
18:52Et donc on mettait des opérations comme ça, coup de poing,
18:56avec des forces de police qui arrivaient et ensuite ils restaient quelques heures et ils repartaient.
18:59À la seconde où ils repartent, c'est pas vous que je vais la prendre.
19:02Ça se réinstalle immédiatement. Et donc, la première des choses que j'évoquais avec la préfète,
19:07c'est de dire à quel moment vous avez la capacité de mettre des brigades d'intervention
19:12qui sont sur place et qui restent sur place.
19:15Pour six mois au moins, pour nettoyer, il faut que la peur change de camp.
19:20Et ensuite, quand ça sera fait, remettre de la police de proximité.
19:23Ce que vous venez de lister, il est dans notre rapport.
19:26Mais par contre, ce que vous dites, c'est le tout répressif.
19:29Il faut remonter en amont, parce que tout commence à l'école, à l'éducation.
19:33C'est là que ça commence.
19:34Moi, je réclame carrément, carrément, un plan Marshall pour nos quartiers.
19:38Parce qu'on ne s'en sortira jamais.
19:40Ne stigmatisez plus les quartiers.
19:43Arrêtez de stigmatiser les quartiers avec ce discours paternaliste et colonialiste.
19:48Non, non, je ne vous pointe pas à vous, en général.
19:51Quand on voit dans ces quartiers l'argent qu'on a donné aux subventions aux coquilles vides,
19:56c'est comme ça que nos quartiers se sont dégringolés.
19:59C'est pour ça, c'est pour ça, c'est pour ça que nos quartiers se sont dégringolés.
20:04Parce qu'on a donné de l'argent à des gens qui n'en valaient pas la peine.
20:09Écoutez, je suis invitée, mais vous m'avez vue en meeting.
20:12Si je fais un meeting, il y a 2000 personnes, moi.
20:15Mais je les incrimine.
20:17On est là aussi pour exprimer notre colère.
20:20On est là aussi pour exprimer notre colère.
20:23Donc continuez, continuez à parler.
20:26Excusez-moi, excusez-moi.
20:28On n'est pas là pour attaquer, pour accabler les gens.
20:38Je peux vous dire qu'il y a eu une volonté politique à Marseille d'isoler le nord de la ville.
20:42C'est un racisme non dit, pour être clair.
20:45Quand on dit qu'on ne veut pas que les Noirs et les Arabes arrivent facilement.
20:48Parce que ça, ça m'a été dit textuellement comme ça.
20:50Par un ancien adjoint au maire qui me dit qu'à l'époque,
20:55on n'a pas voulu que les métros et les transports se développent
20:58parce qu'on ne voulait pas que les Noirs et les Arabes arrivent facilement dans le sud de la ville.
21:02Aujourd'hui, les élus concentrent leurs efforts sur la population qui vote.
21:06Et la population qui vote, elle n'est pas la décartée.
21:08Un responsable politique m'avait dit à l'époque,
21:11si tu veux faire de la politique, si tu veux militer, regarde la carte électorale.
21:16Prends les taux de participation et concentre-toi sur les territoires qui votent.
21:19Parce que ceux qui ne votent pas, tu auras un double boulot à faire.
21:22Tu auras non seulement à les convaincre d'aller voter et ensuite d'aller voter pour toi.
21:25Dans les territoires qui votent déjà, tu as moitié moins de boulot.
21:28Tu as juste à les convaincre d'aller voter pour toi.
21:31Je m'étais même posé la question s'il ne fallait pas imposer un vote obligatoire.
21:34De savoir si ce ne serait pas du coup la meilleure manière,
21:36de manière drastique, du jour au lendemain,
21:38de pousser tout le monde à s'intéresser au quartier Nord de Marseille.
21:50Le jour de l'Aïk, c'est la fête.
21:52On doit pardonner à tout le monde.
21:54On doit parler avec tout le monde.
21:56Pas d'ennemis, que de l'amour et de belles choses.
22:00On peut pardonner même aux tueurs de nos enfants.
22:03S'ils méritent.
22:05Si ils demandent pardon, on peut pardonner, vraiment.
22:11Il va venir, ça y est.
22:13Encore deux minutes.
22:15Les femmes, depuis ce matin, se cassent la tête à faire le couscous à cuisiner.
22:18Donc, messieurs qui êtes assis là, vous les jeunes aussi,
22:21c'est nous qui allons les servir là.
22:23Elles vont venir s'asseoir et c'est vous qui allez les servir.
22:25On est d'accord ?
22:26C'est bon ?
22:27On va être galants un peu, hein ?
22:28Ok ?
22:29Allez, messieurs, donc, si vous pouvez venez.
22:31C'est bon, c'est bon.
22:32C'est bon, c'est bon.
22:33C'est bon, c'est bon.
22:34C'est bon, c'est bon.
22:35C'est bon, c'est bon.
22:36C'est bon, c'est bon.
22:37C'est bon, c'est bon.
22:38C'est bon, c'est bon.
22:40C'est bon, c'est bon.
22:41On va être galants un peu, hein ?
22:42Ok ?
22:43Allez, messieurs, donc...
22:44Vous pouvez venir.
22:45Vous devez nous donner un coup d'aime puis on va leurs ramener leurs couscous
22:47sinon qu'on va les servir.
22:49Ils sont pas contents.
22:50Ils sont pas contents.
22:52Il est où, Philippe ?
22:53Il veut s'enfuir, Philippe ?
22:54Voilà.
22:55Restez assis, mesdames.
22:56On arrive.
22:58Nous savons pas ou pas ?
22:59Alors vas-y toi aussi, comme ça tu va finir de servir le couscous.
23:04Tu veux t'essuyer les mains ?
23:05Tiens, tiens, du papier là.
23:06Viens voir.
23:07Si je ramène les assiettes ?
23:09Ah ouais, vas-y, prends les assiettes.
23:11Prends où les assiettes ?
23:13C'est une travailleuse.
23:15C'est une travailleuse.
23:17Allez-y.
23:37Bonsoir.
23:39Bonsoir.
23:41Ça va ?
23:45Ça va ?
23:47Ça va ?
23:49Pas de douleur.
24:01Amine Kassassi, bonjour.
24:03Qu'est-ce que vous demandez à travers cette manifestation ?
24:05À qui vous allez vous adresser demain matin
24:07sur l'hélioport de Marseille ?
24:09On va dire qu'aujourd'hui, on est dans le même bateau.
24:11Qu'on vienne d'écarté nord ou qu'on vienne d'écarté sud,
24:13on est dans le même bateau.
24:15On va expliquer que nous, on n'a pas besoin du plan Marseillais en grand,
24:17on a besoin du plan des Marseillaises et Marseillais.
24:19Ça veut dire quoi, concrètement, ça ?
24:21Ce que ça veut dire, c'est qu'aujourd'hui, c'est à nous d'écrire notre plan.
24:23Parce que c'est pas les sociologues,
24:25c'est pas les architectes,
24:27c'est pas les bailleurs qui sont les professionnels,
24:29c'est nous qui sommes les experts.
24:32Il faut le retour de la police de proximité,
24:34il faut qu'on mette sur la table le débat
24:36de la légalisation du cannabis.
24:38Puis il y a un deuxième axe à prendre en compte,
24:40c'est du long terme, comment on voit nos cités demain.
25:01L'autorisé, traumatisé.
25:03Jeunesse gâchée.
25:05On ne nous oubliera jamais.
25:07Stop à la violence.
25:09Je pense qu'il faut des mots, pas des phrases.
25:11Après, le message aussi,
25:13il ne faut pas qu'il soit trop négatif.
25:15Bien sûr, totalement.
25:17C'est une marge d'espoir.
25:31C'est quoi ça ?
25:45Le collectif des familles, ils font une marche
25:47une semaine après la nôtre.
25:49Une semaine après la nôtre.
25:55On part déjà divisés,
25:57on part tous chacun dans notre coin,
25:59dans le nôtre.
26:01On peut être en désaccord sur tout, mais pas sur ça.
26:19Comment ça va ?
26:21Écoute...
26:23Avec la marche, c'est fatiguant.
26:25On l'a lancée il y a trois mois,
26:27il y a des associations qui sont signataires,
26:29tout le monde est concerné, on invite les institutions,
26:31il y a des politiques qui sont venues.
26:33Et tac, t'en as une autre huit jours après,
26:35par un collectif qui se dit la même chose que nous,
26:37des mamans qui étaient avec nous initialement.
26:39Et ça, c'est en train de salir le mouvement,
26:41c'est en train de salir la cause,
26:43et ça, les gens ne veulent pas le comprendre.
26:45Parce que chacun soupçonne l'autre
26:47d'être l'agent clientéliste
26:49de quelqu'un.
26:51Et parfois c'est vrai, et finalement c'est pas grave.
26:53Et parfois c'est faux, et finalement c'est pas grave.
26:55Aujourd'hui, on est dans un clientélisme du pauvre.
26:57C'est comme dans les réseaux de stup',
26:59c'est-à-dire qu'il y a une forte concurrence pour pas grand-chose,
27:01c'est pour ça que ça s'affronte à ce point aussi fort.
27:03Et même si t'es pas clientéliste,
27:05tu vas être soupçonné de l'être.
27:07Et même si t'es pas clientéliste, on va presque te reprocher de pas l'être.
27:09C'est-à-dire, putain, t'es même pas pour un élu.
27:11On me reproche d'un tas de choses, mais qui sont complètement débiles, Philippe.
27:13On me dit, t'es pas affilié à telle politique,
27:15ah mais tu reçois...
27:17T'es macroniste parce que tu reçois l'argent de la préfecture.
27:19C'est épuisant, c'est épuisant.
27:21Mais cette guerre, elle est obligatoire.
27:23Tu le vois, toi, on te court après.
27:25T'es un minot, mais tu parles bien.
27:27T'es un arabe quand même.
27:29Putain, mais le storytelling, il est trop bon.
27:31Et donc, le politique,
27:33il te laisse venir un peu, il te laisse monter.
27:35Et une fois que t'es là, après, ils vont se battre.
27:37Ils vont essayer de te chopper, mais ils vont pas essayer de te chopper directement,
27:39ils sont pas aussi cons.
27:41Ils vont passer par l'associatif, ils vont passer par les dissensions.
27:43Ils vont voir quels sont les conflits
27:45qui se créent sur le terrain
27:47pour voir si on peut te récupérer ou pas.
27:49Puisqu'on est conscients que c'est un système
27:51qui nous divise, puisqu'on est conscients de tout ça,
27:53pourquoi on s'allie pas et on...
27:55C'est dur, les systèmes.
27:57C'est hyper dur.
27:59Cependant, je pense que là-dedans, on peut faire des choses quand même,
28:01parce que le paradoxe, c'est que tout le monde
28:03est réellement poussé
28:05par la volonté d'améliorer la situation.
28:07La question que tu dis, pourquoi ils font la guerre,
28:09c'est ton sujet, en fait. Pourquoi ils font la guerre ?
28:11Pourquoi ils nous divisent ?
28:13C'est ça, ce qu'on serait venu de penser.
28:15C'est la lutte.
28:17Totalement. On va la mener.
28:21Ça va ? Super.
28:23Être croisés, comment ça va ? Vous allez bien ?
28:25Ça va super.
28:27Je te dis bonjour.
28:29Je reviens, je vais boire un café.
28:31Ça va ?
28:33Je suis là-bas.
28:37Il y a quelque chose de nouveau, c'est qu'aujourd'hui,
28:39on est quartier Nord, quartier Sud réunis.
28:41Et ça, c'est la première.
28:43Ils disent qu'en effet, tu tires un peu la couverture à toi.
28:45Non, le problème, c'est pas moi.
28:47Tu as des visées politiques.
28:49Il y a des gens qui s'opposent à ça, en fait.
28:51D'accord. Et moi, ce que je réponds à ça,
28:53c'est que moi, un, je suis encarté nulle part. Je ne suis pas encarté dans un parti.
28:55Et la marche du 18, elle est organisée par la France Insoumise.
28:57Donc moi, ça m'embête de me mettre derrière une bannière.
28:59Tant qu'il y a des morts dans nos quartiers,
29:01tant qu'il y a des gens qui pleurent dans nos quartiers,
29:03tant qu'il y a des mamans brisées que nous, on accompagne,
29:05on n'a pas le droit de se faire cette guerre.
29:07On n'a pas le droit de se diviser.
29:09Donc la voix des quartiers Nord, c'est de dire qu'il y a deux marches.
29:11Eh bien, il y aura deux marches.
29:13Et même si on se fait insulter, on sera à celle du 18.
29:15Voilà. Aujourd'hui, l'OM est plus important
29:17que nos enfants qui tombent sous les balles.
29:19Les scores de l'OM sont plus importants
29:21que les enfants qui tombent sous les balles.
29:23Moi, j'avais un restaurant.
29:25J'étais bien dans ma vie.
29:27Du jour au lendemain,
29:29tout est noir devant moi.
29:31Tout est noir. On défend un jeune de 20 ans.
29:33Toutes les villes
29:35avec qui nous travaillons sont concernées par la situation.
29:37Donc ça doit être une cause globale.
29:39Une cause nationale.
29:41Parce que ces trafics ne se font pas
29:43que sur notre territoire, c'est international.
29:45Toutes les personnes qui disent
29:47oui, c'est la faute des parents, c'est la faute des mamans, stop.
29:49Ce n'est pas la faute des mamans.
29:51Il n'y a pas de victimes collatérales, il n'y a pas de victimes coupables.
29:53Il y a des victimes.
29:55Ils sont vraiment abandonnés par les pouvoirs publics.
29:57Nous faisons des marches pour interpeller.
29:59Nous faisons des réunions publiques pour interpeller.
30:01Nous voulons vraiment un plan global
30:03pour nos quartiers.
30:05On ne peut même plus se promener normal dans notre quartier
30:07parce qu'on a peur d'attraper une balle perdue.
30:09A l'heure d'aujourd'hui, on ne sait pas si demain
30:11on va se réveiller, si on va encore en tirer quelqu'un.
30:13On ne sait pas.
30:15J'ai mon frère qui s'est fait tirer dessus.
30:17Mais moi, j'ai la chance
30:19qu'il soit encore là, comparé à mes copines.
30:21Mais
30:23mentalement, j'ai perdu mon frère.
30:25Il n'est plus le même.
30:27On est tous ensemble, mais il y a toujours cette pensée
30:29aux personnes qui nous ont quittées.
30:31On va se battre pour les autres.
31:01Je me répétais souvent de ne jamais me résigner,
31:23ni devant les injustices,
31:25ni devant les obstacles.
31:27Toi, tu avais l'habitude de les contourner
31:29à ta manière.
31:31Tu vois,
31:33aujourd'hui, nos quotidiens sont faits de luttes
31:35et de petites victoires.
31:37Mais à chaque fois, c'est la réalité
31:39qui nous rattrape.
31:51Emine,
31:53c'est ça que tu aimes faire.
31:55Si tu as envie de faire de la politique, fais de la politique.
31:57Si tu veux faire de la politique, fais-la en faveur
31:59des idées que tu défendais.
32:01La politique, j'en ferai
32:03quoi qu'il arrive.
32:05Qu'on me dise non, qu'on me dise oui.
32:07Je suis né dans ça, j'ai grandi dans ça.
32:09Moi, je n'hésiterai pas au moment venu.
32:11Il ne faut pas hésiter, parce que nous, on se bat.
32:17Donc,
32:19Sabrina Fana,
32:21Fana Malik,
32:23Sabrina, pareil,
32:25on va rencontrer un peu plus de
32:27sœurs de douleur, comme tu dis.
32:29Ils sont ensemble sur Nîmes pour
32:31représenter l'assaut et là,
32:33on va entamer de belles choses, de belles actions.
32:41Ils sont venus, ils ont tiré
32:43aveuglément,
32:45comme de partout, malheureusement.
32:47Et donc, le petit sortait.
32:49Il était avec son oncle, il revenait du restaurant
32:51et il a été tué
32:53par une balle.
32:55Et ils se sont trompés de voiture.
32:57Les impacts de balles.
32:59Et la balle qui n'est pas ressortie sur le côté.
33:01Celle-là ? Oui.
33:03Ils ne l'ont pas analysée, la police ?
33:05Si, ils ont pris juste des photos et ils sont partis.
33:07Ok.
33:11Ça, c'est la Pompe-Chenèbres.
33:17Par exemple, dans cette zone,
33:19on n'a pas vu un élu depuis plus d'un an.
33:21Un élu municipal, un conseiller général,
33:23un député. Quand il y a des élections,
33:25ils viennent, mais après, on ne les voit plus.
33:27Darmanin, il est à Nîmes, actuellement.
33:29Il ne peut pas monter ici,
33:31à Pissevin, aller voir la famille,
33:33les réconforter.
33:35Il a porté une parole d'un ministre de la République.
33:37Là, on a ôté la vie à un enfant
33:39de 10 ans.
33:51Vous n'êtes pas des obéissants à ce que j'obéisse.
33:55Je n'obéis pas à ce que vous obéissez.
34:01Vous n'êtes pas des obéissants à ce que j'obéisse.
34:13Le monsieur, Barcafic,
34:15il est très bien.
34:17Il est très bien.
34:19Barca, il pleure pour ton fils,
34:21pour ton frère, pour ton neveu.
34:23Que le bon Dieu lui donne,
34:25le courage.
34:27Merci.
34:37Je voudrais à 10 à peine,
34:43quand c'est que ça va s'arrêter ?
34:45Quand c'est que ça va s'arrêter ?
34:47Quand c'est que ça va s'arrêter ?
34:49Comme enfant de 10 ans, maintenant ?
35:01Emine,
35:03tu rêves de ton frère ?
35:05J'ai rêvé de lui juste une fois.
35:07Juste une fois,
35:09et à chaque fois avant de dormir,
35:11quand je fais ma prière,
35:13je le revois un peu.
35:17Moi aussi, je l'ai rêvé qu'une fois, mon fils,
35:19et à chaque fois.
35:21Quand je fais ma prière la nuit,
35:23je lui demande de le voir.
35:25Je lui parle aussi.
35:27Je lui dis, Pichou, viens mon fils, viens voir maman.
35:29Viens s'il te plaît, viens me voir.
35:33Je commence à oublier,
35:35mais ce qui commence à s'effacer un peu de ma mémoire,
35:37c'est le son de sa voix.
35:39C'est vrai que le son des voix s'efface.
36:13C'est à qui l'association ?
36:15C'est à Luna.
36:17Oui, c'est à Luna.
36:18C'est à Luna, oui.
36:19Ils rient.
36:23N'aie pas peur. Aie confiance en mamie.
36:25...
36:29La porte est ouverte.
36:32Bonjour.
36:34Bienvenue.
36:35Merci d'être venu.
36:36Avec plaisir. Ca va ?
36:37Ca va, merci.
36:38Super.
36:39Ton fils, c'est quoi, actuellement, sa situation ?
36:43Mon fils, il est entre 4 murs.
36:45Il est incarcéré.
36:46C'est fou de dire que ça me soulage quand il est en prison.
36:50Ca devrait pas être normal.
36:52Ca devrait pas être normal.
36:54Mais quand il va sortir, je vais vraiment avoir peur.
36:57Eh oui.
36:58C'est tout le dossier, ça ?
36:59Ah ouais, tout.
37:00Tu peux regarder.
37:02Tu peux regarder parce que...
37:03Y a quoi comme structure qui t'a tendu la main ?
37:06Moi, ça a commencé par les ITEP.
37:08Après...
37:09Là, y a une demande de placement.
37:11Non, non, non.
37:12J'ai demandé des placements pour le sortir de Marseille.
37:15J'ai écrit au juge un nombre incalculable de démarches.
37:19Pour en arriver où, aujourd'hui ?
37:22Incarcération, plus incarcération, plus incarcération.
37:26Mais après, il faut se dire une chose, aussi,
37:29c'est que la prison,
37:30ben...
37:31C'est un peu un centre de formation de la délinquance.
37:34Ils prennent en grade, en fait.
37:36C'est comme si c'était à l'armée.
37:38Quand ton fils est sorti de prison, t'as constaté un changement ?
37:41Il a pris de la graine.
37:44Ah oui, oui, oui. Il a bien...
37:46En fait, il a eu son diplôme de délinquant supérieur.
37:49C'est ça.
37:51Et moi, comme je dis toujours,
37:52c'est quatre murs et après, quatre planches.
37:56J'ai peur qu'on tue mon fils, mais j'ai peur qu'il tue quelqu'un.
37:59Il faut que ça s'arrête.
38:01Toutes les mamans, tous les parents sont responsables de leurs enfants.
38:05Par contre, quand ils sortent dehors, ils sont plus à nous.
38:08Ils sont à la rue.
38:09Ils appartiennent à la rue.
38:10Comment t'as essayé de le sortir ?
38:12Moi, des fois, à 1h du matin, j'étais en voiture,
38:16à tourner dans les réseaux.
38:17Et le chercher.
38:19Je le trouvais pas.
38:21J'ai porté plainte contre mon fils plusieurs fois.
38:25Justement, pas parce que j'aime pas mon fils, pas parce que je veux pas,
38:28mais parce que je me disais, peut-être que ça va lui faire un électrochoc
38:32et se dire, quand même, ma mère, elle se retourne contre moi.
38:35Mais ça y fait rien du tout.
38:38Ça y fait rien.
38:39Il faut revenir à la source,
38:41c'est-à-dire la fin de la scolarité primaire,
38:44début des collèges,
38:45parce que les recrutements se font aux sorties des collèges.
38:48Donc, voilà.
38:50Et aux sorties des prisons.
38:52Donc, moi, je les ai vus.
38:54Ils viennent, ils se gardent.
38:56On dirait des gourous. Ils sont là.
38:59Et les jeunes, ils partent. On dirait qu'ils ont vu le Messie.
39:07Les organisations de trafic de drogue,
39:10elles relèvent d'organisations néolibérales
39:14du point de vue économique, du point de vue de la gestion,
39:18exactement, finalement, comme la grande distribution.
39:22C'est mondialisé
39:24pour quelques actionnaires qui gagnent énormément d'argent,
39:29quelques gérants qui gagnent très, très bien de leur argent,
39:32et qui ont des emplois,
39:34quelques gérants qui gagnent très, très bien de leur vie.
39:37Il y a des dizaines de milliers de personnes
39:40qui triment du matin au soir, pour moins que le SMIC.
39:43Économiquement, on peut le comparer.
39:45Il me semble que c'est...
39:47que réfléchir à la manière d'endiguer le trafic
39:53n'est pas une bonne entrée de réflexion.
39:56Parce que le trafic n'est qu'un bout de la chaîne.
40:00C'est une conséquence.
40:01Puis, il y a un autre non-sens.
40:02C'est pas moi qui le dis, ce sont des chercheurs américains,
40:05et notamment David Simon.
40:07Son avis, il dit,
40:09endiguer le trafic de drogue,
40:11ce serait vouloir faire respecter des lois
40:16dans un environnement économique qui repose sur leur violation.
40:20Nous vivons dans un monde économique
40:22qui repose sur la violation des lois,
40:25planquer son argent, faire beaucoup d'argent,
40:27au détriment de gens qui sont maltraités au travail,
40:32d'un inaccès au travail, d'une inégalité,
40:35d'accès aux ressources, etc.
40:37On voudrait que quelques-uns respectent des lois
40:39quand nos sociétés sont fondées sur des violations morales
40:44de ce que devrait être la vie sociale.
40:47Justice pour la paix !
40:49Justice pour la paix !
40:51Justice pour la paix !
40:53Justice pour la paix !
40:55Justice pour la paix !
40:56Bien sûr que je la connais, Jeanna.
40:58Je me suis fait le sassi, je vous remercie pas du tout.
41:01C'est pas le bienvenu.
41:03Il aurait fallu que tu défendes la cause de ton frère et tous les morts.
41:06Tu ne parles pas de... Tu veux être politicienne, ça te regarde.
41:10Franchement, c'est une offrande d'être comme ça.
41:12Moi, je pleure mon fils et tous les morts.
41:15Contrairement à vous, monsieur Kessassi, vous voulez être politicien.
41:19Ah, Amine ? Oui ?
41:23Je te croyais...
41:24Ça fait 15 jours que je m'en prends plein la gueule.
41:27En fait, ils disent, tu veux faire de la politique, tu veux faire de la politique.
41:30Un, ça ne vous regarde pas. Si je veux en faire, j'en fais.
41:32A chacun, ça...
41:34Et puis, même, je ne sais pas, moi, je ne vous ai jamais attaqué,
41:37je ne vous ai rien fait. Qu'est-ce que...
41:39Je n'ai rien compris.
41:41Justice pour la paix !
41:42Justice pour la paix !
41:45Et puis, on compte sur vous, messieurs les députés qui sont ici présents,
41:49pour porter haut et fort notre projet de loi.
41:51On ne va plus vous lâcher, on va vous harceler.
41:53Ça fait un an que tu es avec moi.
41:55De l'au-delà.
41:57Le problème, c'est qu'il y a eu deux collectifs différents.
42:00Les différents, c'est qu'il y a des familles qui n'ont pas les mêmes revendications.
42:04Il y a certaines qui, en fait, eux, ne veulent uniquement
42:08qu'une réponse judiciaire à leur affaire,
42:10c'est-à-dire, en gros, l'assassin de leur enfant.
42:13Il y a d'autres qui sont un peu plus, on va dire,
42:17qui ont un aspect un peu derrière, un peu plus politique.
42:19Amine, est-ce qu'il veut faire de la politique ?
42:21Ou est-ce qu'il veut aider les familles des victimes ?
42:23Il faudrait arriver à unir ces deux pensées-là.
42:26Je pense qu'il pourrait éventuellement avoir les épaules pour le faire,
42:29mais quelle est son intention ? C'est ça, la question.
42:56Des privilèges pour quelques-uns,
42:58et pour d'autres, je pense qu'il n'y aura pas de privilèges.
43:28...
43:38Merci, M. le Président.
43:40M. le Président de la République, pardon, désolé,
43:43je me permets de prendre la parole.
43:46Il y a effectivement un plan global à apporter pour Marseille
43:49au niveau sécuritaire, au niveau du logement,
43:52au niveau de l'éducation, il y a tout un tas de choses à faire.
43:54Nous, on a besoin d'avoir une perspective,
43:56on a besoin qu'on nous dise qu'il y aura un métro
43:58dans les quartiers nord.
43:59Ce métro, il va permettre à des jeunes de nos quartiers
44:01d'aller au lycée tiers, par exemple.
44:03Il va falloir mener un tas d'actions globales
44:05pour relancer des perspectives dans nos quartiers,
44:07mais surtout, ce qu'il va falloir faire...
44:10M. le Président, ce qu'il va falloir faire surtout aujourd'hui,
44:13c'est de comprendre que face à la guerre de la drogue,
44:16face au trafic de stupéfiants, on a perdu.
44:18Mais nous, on a besoin d'avoir une police de proximité,
44:20on a besoin d'avoir une police qui est quotidiennement dans nos cités.
44:24Je vais la laisser finir.
44:25On a besoin d'avoir une police qui est quotidiennement dans nos cités
44:28et une police qui connaît les gens et qui travaille avec les gens.
44:31Et puis surtout, on a besoin de se poser une vraie question,
44:33et ça, c'est le trou dans Marseille en grand,
44:35c'est de se poser la question autour du cannabis,
44:37de savoir qu'est-ce qu'on fait, est-ce qu'on légalise ou pas ?
44:39Vous avez le maire de Bègles, Clément Rossignol,
44:40qui a proposé de faire un laboratoire dans sa commune.
44:44...face à la drogue, on a perdu.
44:46Donc aujourd'hui, il faut vraiment se poser la véritable question.
44:49Mère, laissez-moi.
44:50Voilà, je vois.
44:52Et il a bien parlé ?
44:53Ils lui ont pas donné le micro, c'est lui qui a pris la parole.
44:56Il a demandé, excusez-moi, j'ai pris la parole.
44:59J'ai vu la tête de Macron, il était gêné, je te voyais.
45:02Non, Emine, il gêne dans les élus marseillais.
45:07Il est jeune, il est intelligent, il a du charisme, donc il gêne.
45:13Pourquoi nous, les mamans de victimes, on n'a pas été invitées ?
45:17Qu'on nous donne des réponses pour ce qu'il se passe.
45:20Parce qu'ils sont partis, nos enfants,
45:22mais il y a encore l'autre génération.
45:24On a encore des petits-enfants, on a des neveux, on a de la famille.
45:27On a peur, maintenant, on a toujours peur.
45:29Demain, ça va faire deux ans que mon fils est décédé.
45:32Et lui, il est parti, ça va...
45:34Et demain, j'ai la journée, je passe au cimetière.
45:39Un peu cher, là, mais il faut être courageux, quand même, Nourjine.
45:43Comme tu as dit, on est...
45:45Hamdoulilah, on a la foi et le courage.
45:49C'est pour ça, c'est à nous de...
45:52Et j'ai peur pour mon dernier, qui a 18 ans.
45:55Lui aussi, c'est un colosse.
45:57On peut mobiliser, mais il y a des manières de mobiliser.
46:01Donc, à un moment, je pense que les actions,
46:03il va falloir les mener sur les quartiers.
46:06Et en partenariat avec les centres sociaux
46:09et les associations, bien sûr.
46:11Pourquoi on arrive à rassembler quand les gens sont morts
46:14et on n'arrive pas à rassembler avant que ça arrive ?
46:19...
46:35J'ai un attachement à ce quartier
46:37parce que, justement, j'ai que des bons souvenirs.
46:40Et puis, après le décès de mon fils,
46:42l'amour que j'ai reçu des habitants de ce quartier
46:46m'a prouvé, en fait, que rien n'avait changé.
46:49Et ils m'ont soutenue psychologiquement.
46:51Ils m'ont donné beaucoup d'amour.
46:53Le jour du décès, cette petite fille est venue,
46:55elle est rentrée, elle m'a vu pleurer et tout.
46:57Elle m'a dit, tata, c'est pas grave, il ne faut pas pleurer.
46:59Parce que Pichou, il est au paradis.
47:01Et moi, je l'aimais, Pichou, je voulais me marier avec lui.
47:04Tu te rappelles ? De toute façon, tu es vieille, tu vas mourir,
47:07tu vas aller le rejoindre.
47:08Il ne faut pas pleurer.
47:10Mais c'est un ange, maintenant.
47:11Elle m'a remonté le moral comme personne.
47:14Allez, ma chère.
47:15C'est pas grave, t'allez où ?
47:17C'est là, en bas.
47:19Merci.
47:34Viens, je te présente.
47:37Les jeunes, je vous présente Emine Kassassi.
47:41Je ne sais pas si vous le reconnaissez, vous l'avez peut-être vu à la télé.
47:45Il a donné la tréha à Macron.
47:48Tu l'as vu ?
47:57Vous allez voir mon deuxième fils qui arrive.
48:00Mon fils adoptif.
48:03Un gros souplard.
48:05Merci, merci beaucoup.
48:09Bonne journée à vous.
48:10Ça n'a peut-être pas commencé.
48:12Les enfants, est-ce que vous pouvez venir me rejoindre, s'il vous plaît ?
48:16Comment on dit, bien ?
48:17Onzo ?
48:19Raouf ! Onzo !
48:21Onzo, now !
48:26Les enfants, aujourd'hui, on est là pour jouer.
48:28On est là pour rendre hommage à mon fils,
48:31pour rendre hommage à Lucas, à Ibrahim,
48:34pour rendre hommage à toutes les victimes qui sont parties.
48:38Et je voudrais rendre hommage à toutes les mamans,
48:41car je sais ce qu'elles ressentent aujourd'hui.
48:45J'ai perdu un fils,
48:48et j'en ai eu 20.
48:50Rayane, Emine, Walid,
48:55Nassim, Zizou.
48:59Et tous les gens que j'oublie,
49:01vous êtes mes enfants.
49:03Dieu vous bénisse et vous protège, inshallah.
49:06Et je vous remercie du fond du coeur, vraiment du fond du coeur,
49:10pour tout ce que vous avez fait pour Pichou.
49:12Je voudrais vous présenter aussi Emine.
49:15Quand Pichou est décédé, il est venu me voir.
49:18Et c'est grâce à lui que j'ai remonté la pente,
49:20c'est grâce à sa maman.
49:22Dieu vous bénisse, les enfants.
49:23Profitez et faites-nous rêver, s'il vous plaît.
49:26Faites-moi rêver, parce que Pichou, c'était un bon footballeur.
49:30Je t'aime, l'Aziz.
49:34Allez, bonne soirée.
49:36Allez, Kikénio !
49:38Allez, Mopisse, allez !
49:40Allez, Rapti, cours !
49:42Allez, Raoult !
49:43Allez, Mopisse, allez !
49:45Allez, Raoult !
49:47Allez, Raoult !
49:52Allez, Kik !
49:53Oh !
49:55Je suis sûre qu'il y a quelqu'un qui peut m'aider.
49:59Kik !
50:00Allez, Kylian, allez !
50:02Allez, Kylian, frappe !
50:03Frappe, Kylian !
50:04Allez, là, frappe !
50:08Allez, Kylian, allez !
50:09Allez, Kylian, allez !
50:18Comme tout grand frère, tu m'as appris à me battre.
50:21Moi qui n'aimais pas ça, tu tenais à ce que je sage me défendre.
50:25Eh bien, aujourd'hui, je ne fais que ça, Brian.
50:27Je me bats contre l'oubli, l'injustice,
50:30la fatalité qui a condamné nos quartiers.
50:33la fatalité qui a condamné nos quartiers.
50:37Et même si le son de ta voix s'estompe peu à peu de ma mémoire,
50:40je t'entends encore me dire de ne pas avoir peur des coups.
50:45Aujourd'hui, je continue d'avancer avec la rage
50:48et l'espoir d'un changement pour nos quartiers.
50:50Car si on ne se sauve pas nous-mêmes,
50:53qui d'autre le fera ?
51:33La vérité, c'est qu'elle n'existe pas.

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