• il y a 14 heures
La robe, elle l'a quittée depuis longtemps et d'ailleurs, par provocation, elle en avait fait le titre d'un de ses premiers spectacles. Passée du métier d'avocate à celui d'humoriste depuis plus de 15 ans maintenant, celle qui avait plaidé, joue désormais avec les mots sur scène pour défendre la cause des femmes, critiquer les fausses pudeurs, et les vrais travers et lâchetés de l'époque. Une humoriste drôle même quand elle évoque ses douleurs, la perte de son père et le business de la mort, le vieillissement, ou le viol dont elle a été victime. Le rire comme force, cette semaine Caroline Vigneaux est l'invité de Rebecca Fitoussi dans l'émission « un monde, un regard ». Année de Production :

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Transcription
00:00Générique
00:22Dans cette émission, nous aimons découvrir des parcours atypiques,
00:26des personnalités inspirantes, des routes sinueuses.
00:30C'est précisément ce qui caractérise notre invitée.
00:32Passée d'avocate à humoriste,
00:34des prétoires aux salles de spectacle,
00:36des plaidoiries au sketch, sans transition ou presque.
00:41Juste parce qu'un jour, après un décès douloureux,
00:43elle a compris que le temps pressait,
00:45qu'il y avait une urgence de vivre,
00:47de vivre ses rêves, ses ambitions, ses fantasmes,
00:50avec audace et détermination.
00:53Tout recommencer, repartir à zéro, à partir de rien.
00:56Ni aucun contact dans le milieu, ni aucune formation.
00:59D'abord dans les petites salles, quelques rires, quelques bides aussi.
01:03Les copains qui encouragent sans trop y croire,
01:05la famille qui n'y croit pas du tout.
01:07Puis des salles plus grandes, des théâtres parisiens,
01:10des zéniths complets, l'Olympia, le Grand Rex.
01:14Comment a-t-elle réussi à se faire une place
01:15dans ce monde si concurrentiel de l'humour ?
01:18Qu'est-ce qui est le plus difficile pour elle ?
01:20Plaider ou provoquer le rire ?
01:22Posons-lui toutes ces questions.
01:23Bienvenue dans Un monde, un regard.
01:24Bienvenue, Caroline Vignot.
01:25Merci d'avoir accepté notre invitation, ici, au Sénat.
01:29Alors, vous avez plus le trac avant de monter sur scène
01:31ou avant de plaider ?
01:33Ça, c'est une bonne question.
01:35Je pense quand même que, ça dépend de quel plaidoirier on parle,
01:38mais ayant plaidé aux assises pour des gens qui risquaient 20 ans de prison,
01:41je crois que la pression était plus forte.
01:43Parce que quand vous plantez,
01:45même comme je l'ai déjà vécu aux zéniths devant 4000 personnes,
01:48c'est très violent, ça fait très mal au cœur.
01:50Mais on s'en remet, je pense, plus facilement
01:52que lorsque vous plaidez pour quelqu'un qui part en prison.
01:54Et encore, moi, j'ai rencontré Badinter,
01:56qui disait que grâce à son combat,
01:58nous, les avocats, n'allons pas vivre ce que lui avait vécu,
02:00donc rater sa plaidoirie et voir son client se faire couper la tête.
02:04Le point commun entre les deux activités, c'est quoi ?
02:06Est-ce que c'est l'utilisation de la langue française,
02:09que vous aimez beaucoup, le bon choix de mots,
02:11le mot percutant, le mot incisif ?
02:14C'est comme ça qu'on pourrait comparer les deux activités ?
02:16Oui, je dirais jusqu'à l'art oratoire.
02:18En fait, je crois que c'est ça qui m'a attirée dans le métier d'avocate.
02:21C'est l'utilisation des mots,
02:23qui est un art pour convaincre, pour faire rire.
02:26Vous faites ce que vous voulez avec les mots,
02:27vous arrivez à faire des choses.
02:29Et quand c'est bien utilisé, et ça s'apprend,
02:31c'est pas quelque chose qui est inné.
02:33Il y a plein de bouquins pour ça,
02:34il y a plein de grands maîtres de l'art oratoire,
02:36et c'est vraiment magnifique.
02:38Et quand vous aimez ça, vous écoutez un beau discours,
02:41c'est comme du miel qui coule dans les oreilles.
02:43Vos débuts d'humoristes n'ont pas toujours été faciles.
02:45Vous avez vécu des moments parfois humiliants.
02:47Je rappelle en 2011, parce que vous en parlez assez souvent,
02:50dans une émission animée par Laurent Ruquier,
02:52le metteur en scène Jean-Luc Moreau tient des propos infâmes.
02:55Il vous dit que vous ne réussirez jamais,
02:56que le seul truc bien chez vous, ce sont vos chaussures,
02:58et que vous êtes trop joli pour être drôle.
03:01Est-ce que c'est un comportement révélateur
03:03d'une époque qui révolue aujourd'hui ?
03:05Ça ne pourrait plus se produire un truc pareil ?
03:07En tout cas, sur le service public, à l'époque,
03:09puisque c'est France 2, je pense que, clairement, c'est pas possible.
03:12Et c'est une bonne nouvelle.
03:14Mais la bonne nouvelle, c'est que les choses changent.
03:16Elles changent pas encore assez vite, mais ça change.
03:18Et une humiliation pareille, je pense qu'il n'aurait pas osé.
03:20À l'époque, ça vous a terrassé.
03:22Vous dites que vous êtes restée trois semaines au lit.
03:24C'était ma première confrontation avec un professionnel.
03:28Je sortais d'un milieu où j'avais un diplôme d'avocate
03:30qui disait que j'étais avocate, donc personne ne pouvait me dire
03:32que non, tu n'es pas avocate.
03:33Là, je décide de tout planter pour me lancer dans un nouveau métier.
03:36J'ai pas de diplôme d'une école de théâtre, j'ai rien.
03:39Le producteur que j'ai à l'époque m'oblige à faire cette émission.
03:42Moi, j'avais pas envie.
03:43Et je me retrouve humiliée en direct sur la télévision,
03:47première télé, pratiquement,
03:49et je me suis retrouvée dans mon lit en me disant
03:52que j'ai foutu ma vie en l'air.
03:53Et pendant trois semaines, je vais pleurer en position fétale
03:57dans mon lit en me disant que j'ai tout planté pour rien.
03:59Et au bout de trois semaines, heureusement,
04:01je suis quelqu'un qui a ce courage-là, il m'a pas anéanti,
04:04même s'il a essayé, et j'ai transformé l'énergie.
04:08En me disant, pourquoi je donne autant de pouvoir
04:10à la parole de ce type que je ne connais pas ?
04:12Et c'est là où je vais me dire, je vais même faire mieux,
04:15je vais lui prouver qu'il a tort.
04:16Et ce qui fait que les soirs où c'était difficile,
04:17où j'étais seule dans ma loge, où il y avait eu deux personnes
04:20ou zéro personne qui étaient venues me voir et que je pleurais,
04:22je pleurais en me disant, j'y arriverai jamais.
04:24J'avais une voix qui faisait, pense à Jean-Luc Morand !
04:27Il n'est jamais revenu vous voir, il ne vous a jamais...
04:30C'est bizarre ce que je vais vous demander,
04:31mais est-ce que finalement, c'est pas grâce à lui
04:33que vous avez aujourd'hui une détermination incroyable ?
04:35Est-ce que finalement, cette très mauvaise expérience,
04:38très douloureuse expérience, et évidemment pas souhaitable,
04:40n'a pas déclenché quelque chose de très fort en vous ?
04:42Je ne lui donnerai pas ce plaisir de penser que c'est grâce à lui,
04:45mais ce qui est sûr, c'est que cette force-là,
04:47je l'épuisais chez lui, mais comme je l'épuisais chez mon père
04:49avant, dans la confrontation que j'avais avec mon père,
04:52donc ça a forgé mon caractère, qui est souvent
04:54de prendre une énergie négative, et une fois qu'elle est digérée,
04:56parce qu'il y a un moment, les quelques semaines dans mon lit,
04:59où il faut la digérer, et après, c'est de trouver la force
05:02de la transformer en énergie positive.
05:04Et là, vous savez, c'est comme la peur.
05:07Ce que je dis souvent, la peur, c'est comme un cheval sauvage.
05:10Quand vous avez peur de changer d'idée, vous avez peur de vous lancer.
05:12Si vous la laissez vous terrasser, vous tombez par terre,
05:14le cheval se barre, etc.
05:15Par contre, si vous arrivez à la monter,
05:17laissez-vous aller sur la vitesse.
05:18En fait, la peur, ça peut être un super moteur.
05:20Je le disais en introduction, est-ce que c'est difficile
05:23de trouver sa place dans un monde très concurrentiel
05:25qu'est l'humour aujourd'hui ?
05:26Parce qu'il y a beaucoup d'humoristes, de stand-up,
05:29c'est vraiment la mode, des comédies classe, de tout ça.
05:31Et puis, quand on est une femme, quand on est une femme, pardon,
05:33mais jolie, blonde, est-ce que c'est plus handicapant ?
05:37Et est-ce que c'est plus difficile pour vous de trouver votre place ?
05:39Ou ça l'a été, en tout cas ?
05:40De toute façon, pour être une femme, c'était plus difficile partout.
05:42Donc, l'humilité et l'humour, c'est la même chose.
05:45Je pense que c'était à l'époque où moi, je l'ai fait,
05:48j'adore dire ça, j'ai l'impression que je suis hyper vieille,
05:50de mon temps !
05:51Non, parce que c'est pas si vieux que ça,
05:52la carrière est récente.
05:53Mais de mon temps, il n'y avait pas autant de Comedy Club,
05:55il y avait Jamel qui avait monté le sien,
05:56mais c'était à peu près tout,
05:57donc il n'y avait pas cette capacité qu'ont aujourd'hui
06:00les jeunes qui se lancent de monter sur scène.
06:03Nous, il y avait une grande difficulté,
06:04c'était de... Il fallait louer un théâtre.
06:07Moi, il se trouve que j'avais eu la chance,
06:08j'avais travaillé avant en tant qu'avocate,
06:09donc j'avais de l'argent de côté, donc j'ai monté une boîte,
06:11j'ai mis l'argent dedans et j'ai pu me louer un théâtre et jouer.
06:13Et j'ai perdu beaucoup, beaucoup d'argent,
06:15mais comme un entrepreneur qui se lance.
06:17Aujourd'hui, les scènes ouvertes vous permettent quand même
06:19de monter et de vous lancer et de tester
06:20et de voir si ça marche, si ça marche pas.
06:22Donc il y a des facilités qu'on n'avait pas,
06:24et puis surtout, les réseaux.
06:26Les réseaux sociaux qui peuvent lancer quelqu'un ou pas,
06:29moi, j'avais pas du tout ça.
06:30D'où ça vient, cette gourmandise pour l'humour ?
06:32Je crois que je l'ai toujours eue, mais à l'époque,
06:34quand j'étais enfant, on me disait que je faisais mon intéressante.
06:37J'étais une enfant chiante.
06:40J'ai passé ma vie à entendre...
06:42Chut, arrête, calme-toi, Caroline.
06:44Je me faisais virer de cours, parce que je parlais trop.
06:46En fait, j'étais pas à ma place.
06:48J'étais trop, pas assez, ça ne convenait pas,
06:51les gens ne m'aimaient pas et j'avais beaucoup de mal à comprendre pourquoi.
06:54Et en fait, je le dis souvent aux enfants qui peuvent vivre ça,
06:57ça veut pas dire que t'es pas bien,
06:59c'est juste dire que t'es pas à la bonne place.
07:00Et tout ce qui était un défaut quand j'étais enfant,
07:03aujourd'hui, sur scène, avec les spots braqués sur vous,
07:06c'est un avantage.
07:08C'est ce que vous dites à vos enfants, aujourd'hui ?
07:09Oui, moi, je suis une mère folle.
07:11Quand ils me disent qu'ils veulent faire des études,
07:12je dis, t'es sûre, tu peux pas plutôt faire de la guitare,
07:15faire des chansons ?
07:16Des trucs un peu fous.
07:17Oui, bah oui.
07:18À force de travail, d'écriture, de prise de risque,
07:20y compris financière,
07:21vous vous êtes donc fait une vraie place de choix
07:23dans ce monde de l'humour.
07:24Quatre spectacles à votre actif.
07:26Il était une fée, Caroline.
07:27C'est bien, parce que c'est rare qu'on me dise quatre.
07:29Souvent, le premier, comme personne ne l'a vu.
07:30C'est vrai ?
07:31Tout le monde l'a oublié.
07:32Ah non. Alors là, moi, je l'ai bien vu.
07:33Il était une fée, Caroline Vigneault quitte la robe,
07:35Caroline Vigneault croque la pomme,
07:37In Vigno Veritas, ce dernier spectacle qui fait un carton
07:40et que vous allez rejouer les 20-21 et 22 mars
07:42au Grand Rex à Paris.
07:44Est-ce que vous diriez que vous êtes de plus en plus libre
07:47dans vos spectacles ?
07:48Est-ce qu'il y a une espèce de progression
07:50dans la prise de liberté à chaque étape de ces spectacles ?
07:54Mais totalement.
07:54La liberté, je l'ai prise, je vais la conquérir,
07:57je vais l'attraper.
07:58Mon premier spectacle, dont on parlait,
07:59qui s'appelle Il était une fée,
08:01j'avais créé un personnage de fée.
08:03Je commençais sur scène en disant, c'est pas moi.
08:05Une fée qui est rentrée dans le corps de cette meuf,
08:08je suis plutôt bien tombée, elle est plutôt pas mal physiquement.
08:10Et donc, ça me permettait de dire des choses sans être moi.
08:14Et ça, c'était une espèce de... Une armure.
08:16Carapace.
08:17Voilà. Et ça m'a aidée à appréhender la scène
08:19parce que passer d'un truc sérieux d'avocat à la scène,
08:22à lire des imbécilités ou des choses marrantes, voilà.
08:26Après, cette carapace est devenue un carcan.
08:27À un moment donné, je me disais, je vais parler de moi.
08:30Et donc, première affiche de Quitte la robe,
08:32je suis toute nue sur l'affiche,
08:33avec des lettres qui cachent ce que je veux cacher.
08:35C'était compliqué pour moi, les gens ne savent pas,
08:37mais je suis hyper pudique.
08:38Donc, la séance de photos, c'était un cauchemar.
08:40Mais je voulais dire, voilà, c'est la mise à nu.
08:42Maintenant, j'assume d'être une humoriste,
08:44d'être sur scène et de dire des choses.
08:46Et je vais peut-être creuser un peu,
08:47avoir des choses que j'ai envie de dire,
08:48mais il y en avait...
08:49J'avais déjà commencé sur les femmes battues, etc.,
08:51mais c'était encore en prémisse.
08:53Croque la pomme.
08:54Je vais y aller à fond, expliquer pourquoi je suis féministe.
08:5615 minutes de sketch sur l'évolution du droit de la femme en France.
09:00Même moi, en disant ça, je trouve ça chiant.
09:02Sauf qu'avec des blagues, c'était drôle.
09:05Et puis là, la dernière étape, avec Infinio Veritas,
09:07je dis la vérité et je me produis.
09:09Donc là, il n'y a plus personne pour me dire non.
09:12Et puis, on va dire que la liberté que j'acquiers sur scène,
09:14elle va aussi avec l'âge.
09:16Et plus on avance dans l'âge,
09:18moins on écoute ce que les gens vous disent
09:20et plus on sait qui on est
09:22et on a confiance en soi et on assume ses propos.
09:26Dans Infinio Veritas, vous faites sauter un énorme verrou
09:29qui devait sacrément vous peser.
09:30Vous dévoilez les agressions sexuelles et le viol que vous avez subi.
09:34Est-ce que Me Too a beaucoup joué ?
09:36Sans Me Too, ce spectacle, vous auriez pu l'écrire ou pas ?
09:39Non, jamais.
09:40Non, mais Me Too, il faut s'en rendre compte.
09:42C'est parce que moi, quand ça m'est arrivé,
09:45j'avais honte de ce qui m'est arrivé.
09:47Et gérer la honte, le plus simple, c'est d'en parler à personne.
09:49Si personne n'est au courant, il n'y a pas de honte.
09:50Il n'y a que vous avec votre honte.
09:52Et quand ça arrive, moi, j'ai grandi dans une époque
09:55où on apprend aux filles à pas se faire agresser.
09:58Ne rentre pas seule, ne t'habille pas comme ça,
10:00ne va pas seule dans une chambre, ne fais pas ça, ne fais pas ça.
10:04Et si ça vous arrive, oui, mais...
10:06Donc, t'as une part de responsabilité.
10:07T'as pas respecté les règles, t'as une part de responsabilité.
10:10Et donc, j'étais là-dedans.
10:12Ça m'est arrivé chez moi par quelqu'un que je connaissais
10:14pendant que je dormais.
10:15Donc, évidemment, j'ai une part de responsabilité,
10:17donc c'est un peu de ma faute.
10:18Grâce à Me Too, cette vague qui vient du monde entier,
10:21des femmes qui disent « moi aussi, moi aussi »,
10:23je fais partie de celles qui se rendent compte
10:25que c'est pas moi le problème, en fait,
10:27et qu'il y a un truc beaucoup plus grand au sociétal.
10:29Et je me dis, si moi, j'ai pas porté plainte,
10:31peut-être que je suis pas la seule, en fait.
10:32Parce que vous l'avez pas porté plainte.
10:34Le immense paradoxe, c'est que vous êtes avocate.
10:35Jamais.
10:36Est-ce que ça veut dire que même l'avocate
10:38n'a pas confiance dans sa justice ?
10:40C'est pire que ça, je crois.
10:41C'est que l'avocate, elle voit ce qui se passe...
10:44D'abord, elle sait ce qui va se passer,
10:46ce que les gens ne savent pas.
10:47C'est quoi ?
10:48C'est déjà aller à la police.
10:49Aujourd'hui, je crois qu'il y a des cellules
10:51qui sont spécifiques, mais à l'époque, ça existait pas.
10:53Donc, vous vous retrouvez face à des hommes
10:55qui vous disent « alors ? » et qui rentrent dans les détails.
10:56« Il vous a mis les doigts où ? Il a fait ça comment ?
10:58Il faut que ce soit plus précis. »
10:59« Vous avez dit ça tout à l'heure, c'est pas exactement ça. »
11:01Vous allez faire ensuite à l'hôpital,
11:03faire des choses qui vont faire des prélèvements médicaux,
11:06des examens qui vont dans votre intimité,
11:08alors que vous avez aucune envie qu'on vous touche.
11:10La seule chose dont vous avez envie après ça,
11:12je vous le dis, en tout cas, je parle pour moi,
11:13mais je pense que c'est pareil pour beaucoup de femmes,
11:15c'est de prendre une douche.
11:17Il y a un espèce de truc que vous avez envie de mettre dans votre lit
11:19et qu'on vous touche pas, qu'on vous parle pas,
11:21et il faut digérer le truc.
11:23Et donc, il y avait tout ce truc que je voulais pas vivre,
11:25et puis surtout, après, il y a la suite.
11:27Si vous acceptez de faire ça,
11:29il y a un avocat en face qui va dire que vous mentez.
11:31S'il n'y a pas cette preuve...
11:33Qui va entager votre réputation.
11:34Bien sûr, qui va vous traiter de menteuse,
11:36des gens qui vont prendre parti pour dire que c'est pas vrai,
11:38je connais mon mari, il ferait jamais ça, la la, vous mentez.
11:41Donc, pire encore, ça veut dire qu'en étant avocate,
11:44vous avez encore moins eu envie de porter plainte
11:46qu'une personne qui ne connaît pas le monde de la justice.
11:48Je sais pas si c'est lié, mais en tout cas,
11:50moi, je vais vous dire, c'est pas le fait d'être avocate,
11:53c'est le fait que j'étais lâche.
11:54J'étais assez lâche pour pas avoir le courage d'affronter tout ça.
11:57J'admire le courage des femmes qui y vont quand même.
12:00Surtout qu'après, au palais de justice,
12:02il y a un avocat qui va dire que vous mentez,
12:04alors que vous, vous savez que vous mentez pas,
12:06dans votre chair, et elle va trouver des arguments, des choses,
12:09et s'il n'y a pas assez d'arguments pour prouver
12:10s'il n'y a pas la preuve, il est innocenté.
12:13Et donc, vous, vous êtes une menteuse, c'est officiel.
12:16Donc, c'est hyper violent d'affronter tout ça.
12:19Quand je vois les chiffres et les résultats,
12:20le peu de condamnations, on se dit,
12:23à quoi bon m'infliger tout ça,
12:26alors qu'au final, ce qui va se passer ?
12:28Ce qui est fou, c'est qu'en préparant cette émission,
12:31j'ai entendu d'autres interviews où vous disiez
12:33que reparler de ça sur scène,
12:35au lieu de peut-être vous faire du bien,
12:37d'avoir un effet cathartique ou quelque chose de cet ordre,
12:40en fait, ça vous fait du mal,
12:41ça vous abîme à chaque fois d'en parler ?
12:43C'est l'enfer.
12:44C'est quoi ? C'est un sacrifice pour les autres femmes que vous faites ?
12:47C'est... Je sais pas si on peut parler de sacrifice,
12:49ça serait trop... Je peux pas dire ça,
12:52il y a des femmes qui ont vraiment fait de sacrifices,
12:53c'est pas mon cas, mais en tout cas,
12:55ce que je veux faire, c'est mettre ma petite pierre à l'édifice.
12:58Ça, c'est vrai.
12:59Je veux qu'on sache qu'il y a des femmes,
13:01même avocates, même brillantes, même qui font marrer,
13:03même qui ont l'air sympathiques et qui ont se dit,
13:05elle, elle a eu trop de chance dans sa vie,
13:07à qui c'est arrivé et qui n'ont pas porté plainte.
13:09Moi, mon message, il était multiple, c'est, un,
13:12je vais dire aux femmes qui n'ont pas porté plainte,
13:15je vous comprends.
13:16Si vous n'y arrivez pas, je vous comprends.
13:18Essayez, si vous pouvez, de le faire, parce qu'après,
13:21moi, je vis avec le regret de ne pas l'avoir fait.
13:23Donc ça, c'est quelque chose.
13:25Et puis surtout, je voulais faire rire avec ça,
13:27parce que je voulais pas qu'on me colle l'étiquette.
13:29Une des peurs que j'avais, c'était qu'on me dise,
13:31ah, c'est l'humoriste qui s'est fait violer.
13:33Ça, c'était pas possible. Ça me détermine pas.
13:35Je vais pas me faire déterminer par deux agressions sexuelles,
13:38un viol, non.
13:39Et ce que je dis, ça nous détermine pas,
13:42et je vais en faire rire pour lancer un message aux agresseurs,
13:44vous ne nous anéantirez pas.
13:47On va continuer à vivre, comme après un décès, en fait.
13:50Dans une vie, quand vous vivez un décès, comme j'en ai vécu,
13:53on est anéanti, mais on remonte.
13:54Là, c'est pareil.
13:55Et il faut trouver la force de rire, parce que la vie, elle continue.
13:58Oui, parce que faire rire sur des drames personnels,
14:01ça fait partie de votre humour,
14:03peut-être même de votre marque de fabrique,
14:04le deuil de votre père est aussi un passage très fort de ce spectacle.
14:08Vous racontez votre douleur,
14:10votre peur de ne plus jamais pouvoir rire après ça.
14:13Et puis, vous finissez par nous faire rire autour de l'hommage du prêtre,
14:15qui écorche trois fois le nom de votre père,
14:18mais aussi, et ça me semble extrêmement intéressant,
14:21sur le business des pompes funèbres.
14:24Cet argent qu'on essaie de vous faire dépenser
14:26dans l'un des pires moments de votre vie,
14:28est-ce que là aussi, il y avait quelque chose à dénoncer ?
14:29Il y a un business de la mort ?
14:30Non, mais c'est affreux.
14:32Je me vois encore, j'étais avec ma sœur,
14:33donc, quand je vous dis que j'étais anéantie,
14:35c'est-à-dire que mon corps a tellement mal réagi,
14:37pourtant, c'est que des mots.
14:38Maman m'appelle, m'annonce que papa est mort,
14:40c'est passé comme ça.
14:41Mon corps s'effondre, part en lambeaux,
14:44je dois être hospitalisée, tout part en cacahuètes.
14:46Ma sœur a vraiment cru qu'elle allait perdre aussi sa sœur.
14:48Et puis, voilà, c'est la puissance du cerveau.
14:51Et dans ces moments-là,
14:53où vraiment vous êtes d'une faiblesse absolue,
14:57vous vous retrouvez face à une femme
14:59qui vous sort des catalogues avec des cercueils,
15:01vous choisir des poignets,
15:02et à chaque fois qu'on vous dit le mot cercle,
15:04le truc, vous vous fendez en larmes
15:06parce que c'est votre papa qu'on va mettre dedans,
15:08et vous êtes une enfant, vous êtes sa fille,
15:10et vous n'avez pas envie.
15:11Et puis, vous voyez bien ce qu'elle fait.
15:13Vous voyez bien qu'elle vous dit,
15:14ça, bon, c'est pas très cher, c'est pas très joli,
15:16peut-être pour votre papa, ça serait quand même mieux,
15:18se lui enchaîner massif.
15:19Elle joue sur la corde sensible.
15:20Complètement !
15:21Et le plus dingue, c'est que vous le voyez en temps normal.
15:24Vous auriez pu répondre,
15:26mais là, vous êtes tellement faibles, tellement tristes,
15:28et puis, c'est impossible de dire...
15:29Vous savez quoi ? J'aime mon père,
15:30mais on va lui mettre un modèle pas cher.
15:32Et ça, le sec, vous pouvez pas dire ça.
15:34Sachant que la blague,
15:35c'est que quand même, mon père était incinéré.
15:37Donc, le cercueil à 8 000 euros,
15:39l'intérieur coton, machin, etc., ce qui était vrai,
15:42c'était pour le temps de quelques milles heures, quoi.
15:46C'est fou parce que ces passages-là
15:48sont très forts dans votre spectacle,
15:50mais effectivement, vous arrivez à faire rire.
15:51Là, on parle des drames personnels,
15:52mais vraiment, votre spectacle est très drôle.
15:55Parce que le rire, c'est un wagon
15:56qui permet de dénoncer des choses
15:58et surtout de les rendre moins graves,
15:59et peut-être que si quelqu'un a vu mon sketch,
16:01et après, surtout dans cette situation,
16:03il pourra dire, arrêtez, je la connais, la blague,
16:05et non, on va pas prendre...
16:06Moi, je me ferais pas avoir.
16:07Surtout que je parle de mon père,
16:08j'ai imaginé que mon père, là-haut, était fou de rage
16:10de nous voir dépenser autant d'argent pour ça.
16:13Quand j'ai quitté le métier d'avocate,
16:15j'ai eu peur de ne plus être utile, dites-vous.
16:16Vous êtes rassurée ? Vous vous sentez plus utile que jamais ?
16:19Oui, c'est vrai que j'étais utile en tant qu'avocate.
16:21Vous défendez quelqu'un, vous faites rire les gens,
16:23je vous dis, est-ce que je vais être utile ?
16:24Et grâce aux réseaux sociaux,
16:26grâce aux gens qui m'envoient des messages pour me dire merci,
16:28j'ai eu un deuil, merci, j'ai eu une agression,
16:30vous m'avez aidée, vous m'avez fait rire,
16:32ça fait longtemps que j'ai pas autant ri,
16:33ou même des gens qui n'ont pas vécu ça
16:35et qui viennent juste dans la salle et qui passent une heure et demie
16:37à me dire, ça m'a fait du bien de rire,
16:38parce qu'on vit dans un moment
16:41où il y a quand même beaucoup de choses dramatiques.
16:42C'est ce que j'allais vous dire, le rire est particulièrement utile.
16:45En ce moment, indispensable.
16:47Moi, je suis oppressée par ce qui se passe dans le monde.
16:50Dès que j'allume les infos, je suis oppressée.
16:53Donc le rire, c'est une façon de se recentrer sur,
16:56c'est maintenant, c'est moi, ma famille, mes amis, les copains,
16:59on rigole, on vit, on est vivants, et c'est important.
17:01Oppressée par quoi ?
17:03Tout. Les guerres, ce qui se passe sur le droit des femmes
17:07dans le monde entier, la folie des hommes
17:10sur l'envie de conquérir des espaces,
17:13de mettre en esclavage sa propre espèce.
17:17Ce qui se passe en Iran, en Afghanistan,
17:20les femmes, c'est affreux.
17:23C'est affreux, la chance qu'on a, nous, femmes françaises,
17:25même si on a encore beaucoup de travail
17:27et qu'on doit aussi faire de l'an, c'est un pays comme le nôtre
17:30qui était quand même leader en matière des droits humains.
17:32Il faut continuer à être leader,
17:34il faut être un phare dans la nuit, il faut aider, il faut accueillir.
17:37Je l'ai pas dit, mais votre féminisme, il n'est pas du tout anti-homme.
17:40C'est ça qui est aussi intéressant.
17:41Vous vous définissez comme une humoriste féministe
17:43et vous l'assumez pleinement, pour tout ce que vous venez de dire.
17:45En revanche, ce n'est jamais contre les hommes.
17:47Vous continuez d'intégrer les hommes au combat.
17:49Moi, j'aime les hommes.
17:50J'adore les hommes et j'ai des fils que j'éduque,
17:54ils sont des fils féministes, j'ai des amis,
17:57et j'adore les hommes, ils font la moitié de l'humanité.
18:02Le féministe, je ne pense pas que ce soit une histoire de femmes,
18:04c'est une histoire d'humanité.
18:05Je me bats pour l'égalité des droits des homosexuels
18:08ou des LGBTQI2SA+,
18:11parce que je considère qu'on a les mêmes devoirs,
18:14on doit avoir les mêmes droits,
18:15et ça ne peut pas être en fonction de la couleur de votre peau,
18:17ça ne peut pas être en fonction de votre sexe,
18:19de votre genre, ni de votre sexualité.
18:21Non, ça, c'est pas possible.
18:23Donc je me bats parce que je suis un être humain
18:25et je me dis que c'est quand même fou,
18:27une espèce qui s'auto-détruit comme ça.
18:29J'ai un document à vous proposer, Caroline Vigneault.
18:32Je vais le mettre entre vos mains et je vais le décrire
18:33pour les gens qui nous écoutent.
18:34C'est un document qui nous est transmis par nos partenaires,
18:36les archives...
18:38Là, c'est une archive issue du journal de Saône-et-Loire,
18:40datant du 13 mai 1992,
18:43le lendemain de la mort de Jacqueline Maillan,
18:44très grande actrice française, grande figure de l'humour.
18:47La Maillan.
18:47La Maillan, évidemment, elle était la seule à faire hurler de rire
18:52votre grand-père, qui pouvait, parfois, lui,
18:54être plutôt stricte dans la vraie vie,
18:56mais quand il voyait Jacqueline Maillan,
18:57il était mort de rire.
18:59C'est elle qui vous a donné envie de faire rire ?
19:01Alors, je sais pas si elle m'a donné envie,
19:02mais ce dont je me souviens, elle a marqué ma vie
19:05parce que dans les Vosges, mon grand-père met une VHS,
19:09et c'est Croque-Monsieur avec cette femme qui fait des caisses.
19:13Et elle, on lui dit pas qu'elle est trop...
19:15On lui dit pas, chute, on lui dit pas, calme-toi.
19:17Et d'un seul coup, Jacqueline Maillan fait...
19:19Sur scène, qui fait rire tout le monde.
19:21Je me dis, elle m'a donné l'autorisation d'être comme j'étais.
19:25Elle le sait pas, mais elle m'a fait un bien fou, cette femme.
19:27Parce que je me disais, en fait, on peut être comme ça,
19:29et apparemment, ça passe.
19:31C'est incroyable, parce qu'en fait, elle a décomplexé...
19:33Vous avez vu votre grand-père changer de comportement
19:36vis-à-vis d'une femme, lui, qui l'autorisait.
19:37Je me suis dit, c'est possible d'être comme ça.
19:39Dans ce monde, en fait, ce que je ressentais
19:40comme quelque chose de difficile, je suis pas bien.
19:43Je suis le vilain petit canard, et j'essayais, désespérément...
19:46Vous savez, j'ai essayé de devenir timide.
19:48C'est pas une blague. Pendant des semaines, je me suis dit,
19:50OK, il faut que je sois timide, c'est timide, la clé.
19:52Donc je me dis, il faut pas parler.
19:53J'essayais d'arrêter de parler, et j'y arrivais pas.
19:56C'était tellement irrésistible que vous aviez...
19:58Je garde. Gardez-le, gardez-la, si vous voulez.
20:01Votre envie de prendre la parole devant un public
20:03arrive très tôt, dès l'âge de 5-6 ans,
20:04vous demandez à lire des textes à l'église.
20:07Envie de prendre la parole en public ?
20:10Je comprenais rien à ce que je lisais.
20:12Je me souviens notamment de lettres Saint-Paul-Apotre aux Corinthiens.
20:15Vraiment, je... Mais je lisais hyper bien.
20:17Et j'étais tellement fière, je baissais les micros,
20:19je regardais l'église comme ça.
20:21Et après, on venait me féliciter, parce que j'avais bien lu.
20:23Comme j'étais toute petite, avec mes couettes, toutes mignonnes.
20:26C'était... Voilà, c'était magnifique.
20:28Vous l'avez dit, vous êtes issue d'un milieu un peu strict,
20:30un peu conservateur.
20:32Effectivement, vous étiez un peu le vilain petit canard.
20:33La logique pour votre père ingénieur et votre mère orthophoniste,
20:37c'était que votre sœur et vous fassiez des études,
20:39des études sérieuses, de droit, de médecine ou d'ingénieur, c'est ça ?
20:44Et il a très mal pris votre reconversion, je crois.
20:46D'abord, je savais qu'ils allaient mal l'apprendre,
20:49donc je leur ai rien dit.
20:50Donc j'ai fait ma reconversion.
20:52Et une fois que j'avais démissionné, une fois que j'étais plus avocate,
20:54que j'avais raccroché la robe, je leur ai annoncé.
20:56Donc pour eux, ils sont tombés.
20:58Il n'y a pas eu de... Je réfléchis à un changement de vie,
21:00on en parle, parce que je savais que ce n'était pas possible.
21:02Donc là, grosse mauvaise réaction.
21:05C'est quoi le message, alors, aux jeunes qui, peut-être, nous écoutent
21:07et qui n'oseraient pas en parler à leurs parents,
21:10qui voudraient se reconvertir, changer de voie,
21:11ou juste choisir leur voie ?
21:13Eh bien, quand vos parents vous donnent des conseils,
21:16c'est leur propre peur.
21:17Ils n'ont pas la vision, ils ne savent pas ce que vous avez, vous,
21:19dans votre tête.
21:21Et souvent, les gens qui vous disent qu'on n'y va pas,
21:23c'est parce qu'ils font plutôt ce métier-là plutôt que celui-là,
21:25c'est parce qu'ils ne savent pas quel est votre projet, votre vision.
21:28Et eux, ils vivent avec leur propre peur de leur vision,
21:31de leur ressenti, de leurs amis, de leur éducation.
21:33Donc il faut prendre ce qui vous écoute et écouter les, je veux dire.
21:36Mais ne prenez pas tout à bras-le-corps.
21:40Ayez confiance en vous, misez sur vous.
21:43Et à l'allure de celle que vous êtes aujourd'hui,
21:45quel conseil donneriez-vous à la petite fille que vous étiez ?
21:47Qu'est-ce que vous lui diriez avant qu'elle ne se lance dans la vie ?
21:49Je lui dirais, t'as bien fait de ne pas avoir abandonné
21:53et je regrette que t'aies autant souffert.
21:55Voilà. Et j'aurais aimé que tu...
21:58J'aurais aimé que tu naisses dans un autre milieu,
22:00peut-être plus artistique, peut-être plus ouvert.
22:02J'aurais été beaucoup plus heureuse.
22:03Mais j'en veux à personne parce que dans le milieu dans lequel je suis née, déjà,
22:06les gens qui m'entouraient étaient incapables de gérer
22:10cette boule d'énergie.
22:11Ils ne savaient pas ce que c'était, ils ne savaient pas pourquoi.
22:13Mes parents ne m'ont jamais emmenée au théâtre.
22:15Mais ce que mes parents ont vécu, ce que mes grands-parents ont vécu,
22:20c'est une dédication encore plus stricte.
22:22Mon père a été élevé chez Jésus-Huit.
22:24La punition, c'était d'être âge mou sur une règle en fer.
22:28Enfin, il faut voir ce que ça peut créer comme difficulté.
22:33Et vous, vous en avez hérité.
22:34Oui.
22:37J'ai des photos à vous proposer, Caroline Vigneault.
22:40Ça fait partie des rituels de cette émission.
22:42La première photo, la voici.
22:44Il s'agit d'un homme qui s'appelle Andrew Tate.
22:47Il est influenceur américano-britannique
22:49qui a plus de 10 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux,
22:52accusé de viol et de trafic d'êtres humains,
22:54mais gourou des masculinistes.
22:56Il se lance en politique et voici ce qu'il dit.
22:59Les chances que je sois Premier ministre dans les dix prochaines années
23:01sont de 100 %.
23:03Je suis l'homme le plus connu au monde.
23:04Je vais sauver le pays dans lequel j'ai grandi,
23:06la Grande-Bretagne, comme Donald Trump et Elon Musk
23:08sont en train de sauver les États-Unis.
23:10Ce retour du discours masculiniste, qui est réel,
23:12qui est promu dans pas mal d'études, vous le voyez comment ?
23:15Je trouve ça affreux.
23:18C'est fou parce qu'on le savait,
23:20beaucoup de féministes l'avaient dit,
23:22en cas de crise, les droits des femmes sont les premiers à sauter.
23:26C'est un peu ce qui est en train de se passer dans le monde entier,
23:29même aux États-Unis, qui est une démocratie.
23:31Je parlais de l'Afghanistan ou de l'Iran,
23:32mais les États-Unis, c'est une démocratie.
23:34Les droits des femmes reculent,
23:36avec le droit à l'avortement qui recule,
23:38avec la montée des petits partis,
23:39des femmes qui elles-mêmes disent
23:41que c'est, nous, notre rôle d'être à la maison, etc.
23:45C'est fou qu'elles n'aiment pas la capacité
23:48de regarder ce qui est arrivé à nos grands-mères,
23:49qui se retrouvent dans des situations
23:51où, n'ayant pas fait d'études,
23:52n'ayant pas de liberté et d'indépendance,
23:54se retrouvaient liées à un mec qui les maltraitait,
23:56qui se changeait de femme, qui se retrouvaient à la rue
23:58sans pouvoir survivre, à la merci des hommes.
24:00Parce que quand vous êtes avec un homme que vous aimez
24:02et qui va travailler et qui vous aime et que vous rentrez,
24:04que vous avez éduqué vos enfants,
24:05les images d'Épinal, c'est magnifique
24:07et c'est un bel équilibre et c'est super.
24:09Mais si ça se passe mal, c'est une prison, en fait.
24:12C'est ce qu'ont vécu toutes les générations de femmes
24:14qui se sont battues pour que nous, on soit libres
24:16de choisir, si on le souhaite, d'être une mère au foyer.
24:20J'ai aucun problème avec ça.
24:21Si c'est un choix, faites-le.
24:23Mais si c'est imposé, c'est un drame
24:25et on est en train de repartir dans ce drame.
24:27Des mecs comme ça, qu'est-ce que je vous dis ?
24:29Je sais pas quelle faille il a eue dans son enfance.
24:32Il faudrait aller creuser.
24:34Une deuxième photo, il s'agit d'Ariane Nuschkin,
24:36metteuse en scène engagée, militante,
24:38qui depuis 1970 mène sa troupe de comédiens
24:41à la cartoucherie de Vincennes.
24:43La profession de metteur en scène se féminise beaucoup,
24:45metteuse en scène, au point qu'elles sont devenues majoritaires.
24:49Sur les 11 000 professionnels, 53,6 % sont des femmes.
24:53Ça, c'est une bonne nouvelle ?
24:54Très bonne nouvelle.
24:55Ça va dans le bon sens ?
24:55Ça va dans le bon sens.
24:56Après, vous savez, moi, je considère que l'égalité,
24:58ça veut pas dire qu'on est meilleure,
25:00qu'on doit prendre le pouvoir, qu'on doit être mieux qu'eux.
25:03Moi, je me suis toujours dit, quand on me dit
25:06qu'il n'y a pas de femmes présidentes,
25:07on me dit qu'il n'y a pas de femmes qui sont assez bonnes.
25:09On a eu plein de présidents mauvais,
25:10pourquoi on n'aurait pas l'air d'avoir une présidente mauvaise ?
25:12L'égalité, elle est partout, même dans l'annuité.
25:15Oui, c'est vrai.
25:17Mais des femmes comme elles sont brillantes,
25:18qui doivent servir de rôle-modèle, et c'est un bonheur, cette femme.
25:21Et vous, vous mettez en scène vos propres spectacles.
25:23Est-ce que vous avez déjà pensé à mettre en scène
25:25d'autres humoristes, par exemple ?
25:27J'en ai très envie.
25:28J'ai mis en scène, dans le film que j'ai réalisé,
25:31c'est une grosse mise en scène,
25:32parce que là, je dirigeais les acteurs et j'ai adoré,
25:35et j'ai mis en scène des spectacles
25:37dans lesquels je jouais, que ce soit à Liège ou à Montreux,
25:41donc là, c'est les spectacles d'humoristes,
25:43où il y a toute une histoire avec chaque humoriste
25:45qui vient faire son sketch.
25:46J'ai fait la mise en scène et j'ai adoré.
25:48Donc oui, j'ai très envie de creuser la mise en scène.
25:50Metteuse en scène.
25:51Allez, une dernière photo, un petit clin d'œil.
25:53Votre ministre de la Culture, Rachida Dati,
25:55magistrate et avocate, elle aussi.
25:58Elle vous fait rire ?
26:00Oui.
26:01Il y a plein de choses que j'aime chez cette femme.
26:02Déjà, c'est qu'elle ne se laisse pas marcher sur les pieds,
26:05qu'elle y va, qu'elle fonce, qu'elle n'a pas peur.
26:07Et ça, ça fait du bien dans un...
26:09Parfois, dans un...
26:11Voilà, on va dire un environnement
26:14où on n'ose plus rien dire et plus prendre de positions fortes.
26:17Donc ça, j'adore.
26:18En revanche, dans le milieu de la culture,
26:20en ce moment, ce qui est en train de se passer,
26:21Madame la ministre...
26:22Elle préserve le budget de la culture.
26:25Oui, il faut y aller, là.
26:27Le droit, mais net ou en tout cas ?
26:29C'est sûr que le droit mène à tout.
26:30Moi, je pense que le droit,
26:32ça vous amène surtout une bonne façon de penser,
26:34une construction mentale hyper intéressante
26:37qui m'a beaucoup aidée, moi, à construire ma vie,
26:39mes spectacles.
26:40Souvent, on dit que je plaide encore dans mes spectacles,
26:42donc c'est possible.
26:43J'ai une dernière question qui est en lien
26:44avec le lieu dans lequel nous sommes, Caroline Vigneault.
26:46Nous sommes entourés de quatre statues
26:48qui représentent chacune une vertu.
26:50Il y a la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence.
26:53Est-ce qu'il y a une de ces vertus à trouver ?
26:55Évidemment !
26:57On aurait pu penser à la justice, mais j'en suis sortie.
26:58Mais l'éloquence, l'éloquence est indispensable.
27:02L'éloquence, vous savez, quelqu'un qui parle bien
27:04peut convaincre des gens, même à des choses folles.
27:07Donc l'éloquence, il faut la mettre en les bonnes mains
27:10pour éviter le populisme.
27:12Et c'est une arme folle et absolue et magnifique.
27:17Je pensais que vous alliez choisir la justice.
27:19Eh bien, ce sera l'éloquence.
27:20Merci infiniment d'avoir été avec nous
27:22pendant ce rendez-vous d'Un monde, un regard.
27:23L'éloquence amène la justice aussi.
27:25Voilà. L'éloquence, la base de tout.
27:27Merci d'avoir été notre invitée dans Un monde, un regard.
27:29Et merci à vous de nous avoir suivis
27:31comme chaque semaine, Jacqueline Maillard.
27:32Vous gardez l'archi.
27:34Émission à retrouver en replay sur notre plateforme publicsena.fr
27:38mais aussi en podcast. À très vite. Merci.

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