De l'aveu de la Préfecture de Lozère, "le loup est bel et bien installé" dans le département, suscitant, plus que jamais, la colère des éleveurs qui voient des centaines de brebis prédatées chaque année. Sur place, l'Etat tente de mieux indemniser les préjudices subis et consent à des tirs pour défendre les troupeaux et prélèvements sur dérogation. Bien trop peu pour les éleveurs, mais bien assez pour les associations pro faune sauvage qui jugent ces tirs inutiles, sur une espèce toujours "protégée". Le sujet du loup en Lozère s'inscrit dans un contexte international tendu puisque la Convention de Berne, dont l'Union européenne est membre, vient de rétrograder le statut de l'espèce, de "strictement protégée" à seulement "protégée", sans véritable base scientifique. En Lozère, nous suivons Guylène Pantel, sénatrice RDSE de Lozère, sur l'un des sujets prégnants de son territoire. Un reportage de Jonathan Dupriez et Marie Bail. Année de Production :
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00:00Musique de générique
00:10Musique douce
00:15A l'entrée des gorges du Tarn, une mer de nuages a coupé le souffle.
00:20Bienvenue en Lauser, département montagneux enclavé, le moins peuplé de France.
00:26Cet écrin de nature est aussi la terre d'élection de Guylaine Pantel, l'unique sénatrice de ce territoire.
00:34Je suis Guylaine Pantel, j'ai 61 ans et je suis sénatrice de Lauser depuis le mois de mars 2020.
00:40C'est avec plaisir et passion que j'adhère à ce mandat dans ce beau département de Lauser.
00:44C'est mon département de cœur, mon département où je suis depuis toujours.
00:48Un territoire où l'élevage est omniprésent.
00:50Ici, 95% des agriculteurs sont des éleveurs.
00:54Depuis des années, Guylaine Pantel les soutient face au retour d'un super prédateur, le loup.
01:00Le loup, effectivement, c'est un sujet prégnant à Lauser.
01:05Ça empoisonne vraiment la vie des agriculteurs parce que c'est une entrave à leur métier.
01:11Le sujet du loup, évidemment, me touche personnellement.
01:14J'ai la famille, ils sont éleveurs, ils sont agriculteurs sur la commune de Quézac.
01:20La sénatrice se rend justement chez son neveu, à quelques kilomètres de là.
01:25Alors David, ça va ?
01:27Ça va.
01:28Et toi ?
01:29Ouais.
01:30Bon, alors.
01:31Tenez-vous de tes bêtes saules de dames, laissez-moi remplir.
01:35Allez.
01:36David Gineste Canson est à la tête d'un cheptel de 250 brebis.
01:41Un métier passion de plus en plus difficile avec le retour du loup.
01:46Depuis 2019, le troupeau de David a subi 8 attaques.
01:50La dernière en date, en octobre, a été très violente.
01:53Il y avait les 250 brebis qui étaient en tas dans 15 mètres carrés.
01:59Elles étaient toutes serrées dans un angle gris.
02:01Et quand j'ai vu les vautours dessus et tout, j'ai compris, j'étais sûr et certain que c'est le loup qui attaquait.
02:05Ce jour-là, David s'absente à peine plus d'une heure.
02:08Lorsqu'il revient, une scène de carnage sous ses yeux.
02:11J'ai trouvé nos brebis déjà complètement mouffées.
02:14Et après, on est montés dans le champ, là où c'est qu'elles étaient.
02:18Il en avait tué une là-haut, tué une 200 mètres après.
02:21Il en avait attaqué une autre aussi à la gorge, qui est morte une semaine après ici.
02:25Quand tu es arrivé, que tu as vu les vautours, c'est le choc.
02:28C'est le choc de laisser les brebis à 13h et à 14h15 les retrouver déjà complètement bouffées par les vautours.
02:37Et en plus, on sait que c'est attaqué par le loup.
02:40À la suite de l'attaque, l'éleveur et sa compagne se relaient nuit et jour
02:44pour ne pas laisser le troupeau sans surveillance.
02:46Une situation devenue invivable.
02:48On n'a plus jamais laissé les brebis seules.
02:51Mais en plus, nous, on ne peut pas vivre...
02:54Il faut tout le temps une personne avec des brebis, c'est très compliqué.
03:00David pourrait obtenir des aides de l'État pour des clôtures, des chiens ou du gardiennage.
03:05Mais ses parcelles, très vastes, sont entourées de chemins de randonnée
03:09et paraissent difficilement protégeables.
03:12Avec les états nucléaires chez nous, pour les troupeaux, c'est très difficile de clôturer.
03:17La sénatrice et son neveu sont du même avis.
03:20La cohabitation entre élevage et loup semble antinomique.
03:23On ne dorme pas des nuits entières.
03:25L'État, pour moi, il défend que le loup.
03:28C'est 7 jours sur 7, 24h sur 24, où ils pensent à ça tout le temps, parce qu'ils sont près de leur bête.
03:33Il faut vraiment qu'on ait travaillé, qu'il n'y ait pas ce sentiment d'abandon.
03:36Et ce sentiment que l'État n'est pas à leur côté, on ne peut pas entendre ça.
03:45Les agents de l'État sont pourtant en première ligne.
03:48Lorsqu'un éleveur subit une attaque, il avertit aussitôt les services de la préfecture.
03:53Il dépêche ensuite sur les lieux des agents de l'OFB, comme Cédric Giral.
03:58Bonjour madame la sénatrice.
04:00Ravie de votre présence.
04:02Normalement, Cédric et ses collègues arrivent moins de 12h après un signalement.
04:06Une fois sur place, ils auscultent les bêtes prédatées et remplissent ce constat de dommage.
04:11Alors là, il y a des critères très précis à remplir, mais qui est-ce qui a mis ça au point
04:15pour pouvoir justifier que ce soit un loup qui fait l'attaque ?
04:18Il y a des critères de perforation, de longueur de perforation, de nombre de perforations,
04:21des critères de consommation, si l'animal qui a été attaqué s'est débattu.
04:26Parfois, les situations sont limpides, mais dans d'autres cas,
04:29des prédateurs secondaires compliquent l'analyse des agents.
04:32Et en plus, nous avons maintenant les vautours.
04:34Les vautours interviennent très rapidement sur des animaux morts,
04:36et du coup, ils enlèvent les preuves, entre guillemets, c'est-à-dire qu'ils consomment la totalité de la carcasse.
04:40Mais le plus souvent, le loup laisse des traces qui ne trompent pas.
04:44Il met à mort l'animal à la gorge.
04:46Après, il peut prendre sur une autre partie du corps pour le déstabiliser,
04:49mais après, c'est au niveau de la gorge que ça se passe.
04:51Il va serrer avec sa mâchoire, qui est très puissante, et tuer l'animal.
04:56Premier arrivé sur les lieux, les agents de l'OFB ont une lourde responsabilité.
05:00Ce sont eux qui recueillent la détresse des éleveurs.
05:03Ce qui est important, c'est qu'ils arrivent tout de suite sur l'exploitation,
05:06parce que l'éleveur est en détresse, la famille est en détresse.
05:09C'est des moments très difficiles, avec une tension terrible,
05:12et il faut qu'ils soient là pour, évidemment, essayer de trouver des preuves,
05:16pour constater que c'est bien le loup qui a fait les dégâts.
05:20Et ça, c'est important, ils arrivent dans cet esprit-là.
05:26Direction Mande, chef-lieu de la Lauzère.
05:29C'est ici, à la direction départementale des territoires,
05:33que les constats dressés par l'OFB sont analysés, au cas par cas.
05:37Ces photos, elles illustrent vraiment la prise au cou,
05:40où là, on voit nettement qu'il y a eu des morsures au cou.
05:44Le service de Xavier Canelas traite une centaine de dossiers par an.
05:48Le sujet est sensible, et donc prioritaire.
05:51D'accord, donc c'est assez rapide, quand même.
05:54On essaye de faire ça le plus rapidement possible,
05:57parce qu'on sait que l'éleveur attend une réponse aussi.
06:00Parce que c'est vrai que pour lui, c'est rassurant de savoir
06:03si c'est du loup ou si c'est pas du loup, parce que souvent, il s'interroge.
06:07Et puis on sait qu'après, parfois, il a besoin de l'indemnisation aussi.
06:11De l'expertise du dossier dépendra le montant de l'indemnisation
06:14accordée par l'État aux éleveurs.
06:18Guylaine Pantel se rend à la préfecture.
06:21Monsieur le préfet et madame la sénatrice, vous avez souhaité
06:24que je vous fasse un point de la situation du loup en Lauserre.
06:27En 2024, sur 10 000 attaques sur des troupeaux,
06:30imputables aux loups sur le territoire,
06:33l'État a recensé 327 victimes en Lauserre.
06:36Ces prédations ont donné lieu à 127 constats,
06:39dont plus de 80 % ont été indemnisées aux éleveurs.
06:43Pour 2024, on a indemnisé à hauteur de 111 230 euros aux agriculteurs.
06:51S'il fixe l'indemnisation, l'État peut aussi accorder aux éleveurs
06:55des tirs pour protéger leurs troupeaux.
06:58Pour en bénéficier, l'éleveur doit avoir mis en place les mesures de protection.
07:02Malgré cela, si les prédations persistent,
07:05la préfecture décide d'une réponse graduée,
07:08tir de défense simple ou tir de défense renforcée.
07:11Si il est chasseur, l'éleveur peut effectuer le tir lui-même.
07:15Après la mise en place du tir de défense simple,
07:18les troupeaux continuent d'être prédatés.
07:21Dans ces cas-là, le préfet peut autoriser un tir de défense renforcé
07:25et ça peut aller jusqu'à 10 chasseurs.
07:27L'objectif est de défendre son troupeau, pas de tuer le loup.
07:31En dernier ressort, si les prédations perdurent,
07:34le préfet peut décider de fixer un arrêté de prélèvement.
07:38A la nuit tombée, Guylaine Pantel se rend sur les hauteurs demandes
07:42à la rencontre d'un loup-veutier.
07:44L'année dernière, on était 15.
07:46Là, on va être 20 loups-veutiers puisqu'on a fait une campagne de recrutement.
07:50Corps créés sous Charlemagne, les loups-veutiers agissent comme auxiliaires de l'État.
07:55En cas de prédation répétée,
07:57la préfecture fait appel à ces chasseurs assermentés
08:00pour réguler le loup, sauf qu'ils sont bénévoles.
08:03Votre statut est très particulier.
08:05On est bénévoles de l'État.
08:07En Lauserre, les loups-veutiers sont très sollicités,
08:10surtout en période estivale, parfois des semaines durant.
08:13Guylaine Pantel compte bien se pencher sur l'évolution de leur statut au Sénat.
08:17Ils travaillent à côté, ils ont une famille,
08:20et ils sortent 30 ou 40 fois par an.
08:23C'est quand même compliqué, tout ça sans avoir un bénévolat.
08:27Je pense qu'il faut vraiment que l'on travaille le statut.
08:31Mais je crois que des collègues ont déjà commencé.
08:34C'est mon travail parlementaire d'essayer d'avancer là-dessus, bien sûr.
08:38Les loups-veutiers ont toutefois obtenu des financements publics
08:41pour ces carabines à visée thermique, lampes ou encore jumelles.
08:45Formés et bien équipés,
08:47les loups-veutiers n'interviennent que sur ordre de la préfecture.
08:50Ils ne sont en aucun cas des chasseurs de loups.
08:53C'est très clair, on est là pour protéger un troupeau qui se fait prédater.
08:57On n'est pas là pour chasser.
09:00En 2025, sur la base d'un recensement de l'OFB,
09:04l'État prévoit d'abattre 192 loups en France pour réguler les prédations.
09:09Mais pour les éleveurs, dont Guylaine Pantel se fait le porte-voix,
09:12ce n'est pas assez.
09:14La solution, je pense que c'est plus de dérogation.
09:16Plus de dérogation dans les endroits où on sait qu'il y a eu des attaques.
09:21Il faut plus de dérogation.
09:23Sauf que les loups-veutiers,
09:26C'est toujours une question d'équilibre.
09:28L'équilibre entre la prédation du loup qui crée des troubles à l'ordre public,
09:33parce qu'on a évidemment des éleveurs qui souffrent,
09:36et les impacts psychologiques sont vraiment très importants.
09:39Et puis en même temps, on respecte l'aspect réglementaire,
09:42puisque le loup ne peut pas s'abattre à l'ordre public.
09:45Il ne peut pas s'abattre à l'ordre public.
09:47Il ne peut pas s'abattre à l'ordre public.
09:49Il ne peut pas s'abattre à l'ordre public.
09:51Mais pour les représentants du monde agricole,
09:54une brèche s'est ouverte en décembre dernier.
09:57Le loup a commencé ses attaques par ici.
10:00Oui, oui.
10:02La convention de Berne, dont l'UE est membre,
10:05a voté le déclassement de l'espèce.
10:07De strictement protégée, le loup n'est désormais plus que protégé.
10:11Ce virage pourrait ouvrir la voie à davantage de tirs.
10:14C'est en tout cas ce qu'espère la Chambre d'État.
10:17On a déjà des quotas de prélèvements du loup,
10:20puisque ça en fonctionne du nombre de loups en France,
10:23qu'on a 19% de prélèvements.
10:25Aujourd'hui, ce serait plutôt obtenir un droit de chasse.
10:28Je l'ai dit souvent, on a chassé le lièvre tout le temps
10:31et on a toujours du lièvre.
10:33On aura beau chasser du loup, je crains qu'on aura toujours du loup.
10:36Ce n'est plus une espèce en voie de disparition.
10:39Il faut le savoir.
10:41C'est une espèce en voie de disparition.
10:44Ces arguments font bondir les associations
10:47en faveur de la préservation de la faune sauvage.
10:50En plein cœur de l'Aubrac, au parc des loups du Gévaudan,
10:53Guylaine Pantel rencontre une représentante
10:56de l'association Férus.
10:58Myriam Kalméjane conteste l'efficacité des tirs
11:01pour stopper la prédation,
11:03en l'absence de données scientifiques suffisantes.
11:06On va tirer, on va tirer, on va tirer,
11:09on va tirer, on va tirer, on va tirer,
11:13On va tirer du loup pour dire, on est soulagé, on en a eu un.
11:16Mais au final, ça ne va pas du tout influencer
11:19sur les attaques de troupeaux.
11:22Parce que ça ne sera pas forcément le loup responsable de l'attaque.
11:25Et c'est là que de faire croire que les tirs
11:28sont la solution unique aux dégâts
11:31qui sont provoqués sur les élevages,
11:34pour nous, c'est de la pure démagogie.
11:37J'entends complètement ce que vous me dites,
11:40il n'y a pas de problème, mais si une bête est abattue,
11:43je suis désolée, ça fait une bête de moins sur le territoire.
11:46Je suis peut-être très terre à terre,
11:49mais c'est comme ça, et les éleveurs le ressentent comme ça.
11:52Pour Guylaine Pantel, le déclassement de l'espèce
11:55reste une avancée majeure pour les éleveurs,
11:58même s'il faudra du temps pour en définir les modalités.
12:01C'est un grand pas en avant, pour l'instant, rien n'est acté.
12:04Il y a une consultation générale qui a été lancée,
12:07il faut attendre le retour.
12:10On espère que ça engendrera des tirs supplémentaires,
12:13mais pour l'instant, rien n'est acté.
12:16Il faut attendre que ce soit précisé,
12:19mais c'est quand même un grand pas en avant en règle générale.
12:22Ferrus persiste et prône une autre voie,
12:25innover pour mieux protéger les troupeaux,
12:28former des bergers et ainsi tendre vers une cohabitation.
12:31Nous, Ferrus, c'est ce qu'on défend, c'est la cohabitation,
12:34comprendre à vivre ensemble parce que c'est possible,
12:37c'est compliqué certes, mais c'est possible.
12:40Ça nous remet un peu, nous, en tant qu'êtres humains,
12:43un peu à notre place aussi.
12:46On vit dans ce monde-là,
12:49mais avec des milliers d'autres espèces animales,
12:52et le loup y compris.
12:55On n'a pas le droit d'éradiquer une espèce
12:58pour nos activités humaines.
13:04Le loup, sujet hautement politique,
13:07promet encore de longs bras de fer entre les éleveurs,
13:10l'État et les associations.
13:13Apparu pour la première fois en 2012,
13:16le grand canidé semble s'être durablement installé en Lauserre.
13:19Selon les estimations,
13:22le département en compterait une douzaine aujourd'hui.