Atteinte de troubles autistiques, Marie Rabatel a été victime de violences sexuelles lors de son enfance. Elle témoigne pour alerter : “Les enfants en situation de handicap sont cinq fois plus vulnérables aux violences sexuelles”.
La vie et le travail de Marie Rabatel sont racontés dans le documentaire “Cassée debout” de Yann Rineau et Franck Seuret disponible sur France.tv.
La vie et le travail de Marie Rabatel sont racontés dans le documentaire “Cassée debout” de Yann Rineau et Franck Seuret disponible sur France.tv.
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00:00Les enfants en situation de handicap sont 5 fois plus vulnérables aux violences sexuelles.
00:04En tant que personne en situation de handicap et survivante de viol,
00:08c'est mon devoir d'alerter la société.
00:11Quand on sait qu'un enfant sans handicap dans une classe,
00:15il y a à peu près 2 à 3 enfants qui sont victimes de violences sexuelles,
00:18je vous laisse imaginer quand vous êtes dans un IME
00:21qui regroupe que des enfants en situation de handicap dans la société.
00:24Personne ne peut imaginer qu'un enfant en situation de handicap
00:27puisse être victime de viol par son éducateur, par le veilleur de nuit, par ses parents.
00:32Plus on cumule de vulnérabilité, plus on a de risques de subir des violences.
00:36Quand vous êtes née fille autiste,
00:39vous avez 9 risques sur 10 d'être victime d'agressions sexuelles, voire de viol.
00:45Quand on est autiste, on a cette difficulté de comprendre l'implicite.
00:50Et c'est vrai que dans les relations humaines,
00:52on se rend compte que beaucoup de choses se passent dans les sous-entendus et l'implicite,
00:58ce qui amène très souvent à des problèmes de compréhension d'une situation.
01:03Quand vous êtes un enfant en situation de handicap,
01:05on vous apprend quand même pas mal la soumission.
01:07Parce que quand vous êtes un enfant handicapé,
01:11que vous avez des difficultés à faire les gestes du quotidien,
01:14malheureusement, aussi bien les parents que les éducateurs vont faire à votre place.
01:21Et du coup, on vous apprend à être ce petit objet de soumission de l'autre,
01:25qui est à la disposition de l'autre.
01:26Votre corps ne vous appartient pas, puisqu'il est toujours un objet de soin.
01:31Par exemple, si je vais à un rendez-vous médical avec un accompagnant,
01:39le professionnel va parler à mon accompagnant comme si j'étais dans l'incapacité de comprendre.
01:44Les parents mettent leurs enfants dans un établissement médico-social
01:48en pensant qu'ils se trouvent en sécurité.
01:50Eh bien, en fait, c'est un lieu qui n'est pas si sécure que ça.
01:54C'est des enfants qui se retrouvent dans un fonctionnement institutionnel
01:57qui fait que leur parole est toujours mise en doute ou n'a pas spécialement de valeur.
02:02Et puis aussi, on se retrouve avec des professionnels
02:06qui sont là à veiller la nuit sur eux.
02:09Bien souvent, ils sont tout seuls.
02:10On entend très souvent des directeurs d'établissements qui nous disent
02:13« Ah mais non, chez nous, il ne se passe rien, tout va bien, on fait ce qu'il faut. »
02:16Toutes les institutions, quelle que soit l'institution,
02:19est un lieu propice aux agressions sexuelles, aux violences sexuelles,
02:23que ce soit entre résidents, entre personnes en situation de handicap
02:28ou des professionnels sur les personnes en situation de handicap,
02:32et notamment les enfants dans les établissements médico-socials.
02:35On parle beaucoup de contrôle d'honorabilité, contrôle du FIJAS.
02:40Eh bien, il se trouve que dans les établissements médico-socials,
02:43à l'ordre du jour, le contrôle n'est pas obligatoire,
02:46malgré le fait que ce soit des enfants.
02:49Pourquoi ? Puisque, à l'ordre d'aujourd'hui,
02:52le médico-social ne fait pas partie de l'éducation nationale.
02:57Et du coup, il y a un gros trou dans la raquette.
02:59Et puis surtout, dans le monde du médico-social,
03:03il y a une pénurie de professionnels,
03:04qui fait que le directeur va embaucher le premier arrivé, en fait.
03:10On rencontre beaucoup de difficultés,
03:12notamment quand les enfants révèlent.
03:15Alors déjà, pour pouvoir révéler, il faut déjà avoir conscience
03:18qu'on a été victime d'agressions sexuelles ou de viols.
03:21Il faut savoir que tous les enfants n'ont pas accès à l'oralité,
03:24c'est-à-dire qu'ils communiquent d'une manière autrement que par la voix.
03:28Le problème, c'est que tous ces enfants n'ont pas accès à des outils de communication
03:32qui fait que leur parole est baïonnée.
03:34Quand moi, j'ai exprimé ce que j'ai subi,
03:39j'avais dessiné, sûrement d'une manière très maladroite,
03:45j'avais dessiné plein de petites scènes en bâton de ce que j'avais subi.
03:52Et la personne qui a vu ces dessins,
03:58je pense que ça devait peut-être être insupportable de voir des images pareilles.
04:04Et donc, m'a pris mon dessin, me l'a froissé, me l'a déchiré.
04:09Et en fait, depuis ce jour-là, j'ai enfermé, on va dire, dans ma tête
04:17jusqu'à oublier finalement ce que j'avais subi
04:21pour me permettre d'avancer dans la vie et de ne pas mourir sur place.
04:28Les interventions qu'on peut faire auprès des jeunes ou des adultes
04:35en situation de handicap, ce qu'on essaye de leur apprendre,
04:41de leur faire prendre conscience, c'est qu'ils ont des droits,
04:44qu'il y a des choses que les éducateurs ou les professionnels de santé
04:50ont le droit de leur faire, mais aussi n'ont pas le droit de leur faire,
04:54qu'eux-mêmes, ils ont le droit de faire des choses,
04:58mais ils ont aussi l'interdiction de faire des choses.
05:00Ils ont le droit de dire non, puisque quand on est une personne handicapée,
05:04on nous apprend malheureusement depuis notre enfance
05:08que c'est toujours l'éducateur qui a raison,
05:11c'est toujours l'éducateur qui sait.
05:14Nous, on ne sait pas.
05:16On parle beaucoup de choix, de son corps, de l'IVG,
05:21l'interruption volontaire de grossesse.
05:22On se rend compte que sur les femmes handicapées,
05:25le mot volontaire n'est pas toujours de fait,
05:31puisqu'il y a souvent, malheureusement trop souvent,
05:36des femmes qui se retrouvent avec la ligature des trompes
05:40sans avoir fait le choix de leur demande.
05:43Ce n'est pas elles qui auront demandé, c'est le tuteur ou le curateur.
05:45Mais ce n'est pas parce qu'on dit oui qu'on a envie de dire oui.
05:48C'est juste parce qu'on a appris que quand l'éducateur a dit,
05:50il faut dire oui.
05:51Alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
05:53On reste dans notre déni et dans notre merta
05:57et on continue à se cacher les yeux et à se boucher les oreilles.
06:02Ou alors, on écoute ces enfants,
06:04on prend en compte la parole de ces enfants,
06:06qu'ils soient en situation de handicap ou non,
06:08pour éradiquer au maximum la pédocriminalité dans notre société.