Imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineur : "Il faut protéger les victimes, il faut aller chercher ces enfants", appelle un membre de la Ciivise

  • l’année dernière
Arnaud Gallais, activiste des droits de l’enfant et membre de la Ciivise, était vendredi 17 novembre le Grand témoin de la matinale de franceinfo. Il répondait aux questions de Jean-Rémi Baudot.

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00:00 - Bonjour Arnaud Gallet, vous êtes activiste des droits de l'enfant, membre de la commission indépendante sur l'inceste
00:04 dont on a parlé à la CIVIS, auteur de "J'étais un enfant" publié aux éditions Flammarion.
00:09 Dans votre livre, vous racontez l'inceste dont vous avez été victime, un grand-oncle, des cousins.
00:13 Ces recommandations peuvent-elles répondre au traumatisme dont vous parlez ?
00:17 - Bien sûr puisque ces recommandations, alors déjà je vous remercie infiniment de m'inviter,
00:21 ces recommandations elles répondent à toute la souffrance que vivent les victimes
00:25 et à ce que le président de la République avait nommé lui-même en 2021,
00:29 c'est-à-dire qu'Emmanuel Macron, suite au mouvement #MeTooInceste, avait dit quelque chose de fort,
00:32 "Vous ne serez plus jamais seul".
00:34 Et bien je pense qu'aujourd'hui, c'est ce soutien social nécessaire, indispensable pour les victimes
00:40 que la CIVIS est venue exprimer et d'ailleurs, je tiens à le dire, c'est important,
00:44 on a quand même eu près de 30 000 témoignages en deux ans, donc 27 000 exactement,
00:49 ce qui montre bien qu'on a fait fait social d'une certaine manière et ça c'est essentiel.
00:53 - Un soutien social mais parmi les clés de ce rapport,
00:56 il y a "rendre imprescriptibles les violences sexuelles sur mineurs".
00:59 Très concrètement, ça veut dire que jusqu'à la fin de sa vie,
01:02 une personne pourra dire "Quand j'ai été enfant, j'ai été victime de telle personne".
01:05 Est-ce que c'est en pratique jouable ? Est-ce que c'est possible ?
01:13 - Bien sûr que c'est possible, vous regardez même différents pays en Europe,
01:16 vous avez l'Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, etc. qui l'ont fait.
01:18 Vous savez, ce qu'il faut bien comprendre, c'est de prendre en considération par exemple
01:21 le mécanisme d'amnésie traumatique que vivent 40% des victimes,
01:25 c'est prendre en compte également toutes les conséquences psychotraumatiques,
01:29 c'est prendre en compte l'emprise qu'il y a sur les schémas d'inceste, etc.
01:34 et c'est de se dire au bout d'un moment que plus jamais,
01:36 je dirais d'une certaine manière, les agresseurs pourront bénéficier
01:39 d'une forme d'impunité qu'on connaît aujourd'hui.
01:41 - Parce qu'aujourd'hui il y a une impunité ?
01:43 - Les chiffres de la justice sont assez élevés.
01:46 - Il y a beaucoup d'affaires classées en réalité.
01:47 - 73% des plaintes pour viol sur mineurs sont classées sans suite.
01:51 Donc ça veut bien dire qu'on est dans un régime d'impunité totale
01:54 et vous avez seulement moins de 1% qui aboutissent aux assises,
01:56 donc qui sont considérés comme des crimes.
01:58 Dans un pays qui a encore peu de temps à se demander
02:00 si Gisèle Halimi devait finir au Panthéon,
02:03 Gisèle Halimi qui disait quand même "le viol est un crime",
02:05 on peut se poser la question quand même légitimement,
02:08 à mon sens on regarde ces chiffres, si réellement le viol est un crime.
02:10 Donc il faut maintenant agir tel que le président l'avait demandé.
02:12 - On vous écoute, on vous croit, vous ne serez plus jamais seul.
02:15 Voilà effectivement les mots qu'avait prononcé Emmanuel Macron
02:17 en 2021 lors du lancement de cette commission.
02:19 Il y a désormais des spots à la télévision pour inciter les enfants à parler.
02:23 Vous vous dites que ça ne résout pas le problème,
02:25 qu'en fait ensuite on ne protège pas suffisamment les enfants.
02:28 - C'est-à-dire que là aussi les témoignages, les 27 000 témoignages
02:31 sont éloquents au niveau de la civilisation.
02:32 Seuls 8% des personnes disent avoir bénéficié d'un soutien social positif,
02:36 le fameux "je te crois, je te protège".
02:38 92% des autres, c'est un soutien social négatif.
02:41 Ça veut dire quoi ?
02:42 Ça veut dire qu'on a dit dans la grande majorité des cas aux enfants
02:45 "je te crois mais je ne te protège pas"
02:46 au risque comme moi, vous l'avez dit dans mon livre,
02:48 de faire exploser la famille, etc.
02:50 Ou sinon pour les filles, de très nombreux témoignages disent
02:52 "parce qu'elle était peut-être consentante, etc."
02:55 Et on se dit effectivement que le problème en réalité,
02:58 c'est la libération de l'écoute, ce sont les actions derrière.
03:00 C'est-à-dire que les enfants parlent en réalité,
03:02 et on ne les entend pas, on ne les écoute pas,
03:04 et surtout, on ne les protège pas.
03:06 - 160 000 enfants victimes chaque année,
03:08 selon la FISIVIS, parmi ces enfants.
03:10 Il y a donc eu vous, vous aviez 8 ans,
03:12 et dans votre livre vous racontez effectivement la difficulté de mettre des mots,
03:14 et puis l'impact sur votre famille.
03:16 Et pourtant c'est fondamental, au risque même de briser un tabou,
03:19 et parfois de briser des familles.
03:20 - Bien sûr, je raconte ça, et je raconte aussi, une fois de plus,
03:23 vous voyez par exemple, je faisais de l'énuérésie, moi,
03:25 je faisais pipi-au-liche qu'à l'âge de 12 ans.
03:27 La seule chose que m'a proposé le médecin de famille,
03:29 c'est la méthode pipi-stop, alors que c'était,
03:31 vous voyez ce que je veux dire, quelque chose qui,
03:33 aujourd'hui on sait bien, c'est un des symptômes d'enfants victimes de maltraitance.
03:35 Et ça, c'est un cri d'alarme,
03:37 c'est aussi pour ça que les victimes s'exposent
03:39 depuis de nombreuses années, etc.
03:41 Parce que c'est pas nouveau, on a dans la FISIVIS
03:43 une personne, Camille Vatoma, qui en 1986, prenait la parole.
03:45 Et donc il s'agit aujourd'hui d'agir,
03:47 et il faut que le pouvoir politique soit à la hauteur des enjeux.
03:50 - Et il y a cette question de savoir, est-ce que cette CIVIS,
03:52 elle va perdurer ? Va-t-elle se poursuivre après le 31 décembre,
03:54 qui était la date officiellement de fin ?
03:56 Vous, vous voulez qu'elle se poursuive ?
03:58 Le seul fait qu'on pose la question,
04:00 pourquoi est-ce qu'on se pose la question, en fait ?
04:02 Elle gêne cette commission, pourquoi on continuerait pas
04:05 à continuer d'enquêter comme ça, sur les crimes sexuels envers les enfants ?
04:09 - Et bien c'est une très bonne question, et effectivement,
04:11 quand on nous demande le maintien de la CIVIS,
04:13 c'est qu'on se rend compte, déjà, qu'on a répondu à un fait social,
04:15 c'est-à-dire que ça a créé beaucoup d'espoir,
04:17 et que maintenant, il faut accompagner les mesures.
04:19 Ça, c'est les choses principales. La CIVIS, vous savez, c'est une doctrine.
04:21 Une doctrine qui a été portée par deux coprésidents,
04:23 notamment Edouard Durand et Nathalie Mathieu.
04:25 - Qui sera sur notre plateau à 9h40.
04:28 - Oui, et je pense que ça, c'est important.
04:30 Et pour nous, il faut que ça aille vraiment dans le même sens.
04:32 Le fait de pouvoir continuer tel qu'on l'entend aujourd'hui,
04:34 sans le juge Durand notamment, sans Nathalie Mathieu, etc.,
04:37 c'est de se dire qu'il faudrait qu'on recommence à zéro,
04:39 avec d'autres personnes, même dans le cadre de l'évaluation.
04:41 C'est du temps perdu, du temps perdu une fois de plus pour les victimes.
04:43 C'est insupportable. Moi, je le dis en tant que victime,
04:45 parce que nous avons été sacrifiés, je le dis à Emmanuel Macron,
04:47 sur ce micro aujourd'hui de France Info.
04:49 Nous avons été sacrifiés par la société,
04:51 parce que la société a décidé de ne pas nous protéger.
04:53 Aujourd'hui, il faut protéger les victimes.
04:56 Il faut aller chercher ses enfants.
04:58 Et nous avons une doctrine qui permettrait, effectivement, de le faire.
05:00 Il faut maintenant que le nécessaire soit fait.
05:03 - Après le rapport sauvé dans l'église, il y a eu cet espoir
05:05 que les choses changent, que l'église change.
05:07 Est-ce que, justement, l'idée, c'est que la civise ne suive pas,
05:10 d'une certaine manière, le même chemin ?
05:12 - De toute façon, vous voyez bien, même le rapport sauvé,
05:14 finalement, il n'a pas été suivi de beaucoup d'effets.
05:16 - Mais justement ! - Exactement.
05:17 C'est exactement ça. Donc, ça signifie que derrière,
05:19 il faut de la volonté politique, il ne faut pas seulement du verbe.
05:22 Emmanuel Macron, je pense, a été à la hauteur des enjeux
05:24 en prenant la parole, qu'on le voie ou non, en 2021.
05:26 Maintenant, il faut passer de la parole aux actes.
05:28 Il faut maintenant, d'une manière assez forte,
05:30 qu'il puisse agir et qu'on arrête un peu ce truc-là.
05:32 Et mettre, je le redis, le juge Édouard Durand,
05:34 quand on connaît les problèmes de la justice,
05:36 d'une certaine manière, un peu au banc,
05:38 ou pas le poursuivre dans ses missions,
05:40 moi, je le dis tel que je le pense réellement,
05:42 je pense que c'est une erreur stratégique, politique grave.
05:45 - Arnaud Gallet, activiste des droits de l'enfant,
05:47 membre de la commission 7Civis,
05:49 auteur de "J'étais un enfant", publié aux éditions Flammarion.
05:52 Merci beaucoup d'être venu, d'être avoir été le grand témoin,
05:54 ce matin, de France Info. - Merci à vous.

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