Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE
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00:00Bonjour à tous et bienvenue dans Enquête d'Esprit sur CNews et Europe 1.
00:04La beauté sauvera le monde, paraît-il, c'est en tout cas la phrase très célèbre de l'écrivain russe Dostoevsky.
00:10Alors pourquoi le débat public est-il régulièrement agité par des querelles homériques sur la beauté ou non de l'art contemporain notamment ?
00:18Pourquoi aussi nos villes, nos banlieues, nos églises parfois sont-elles envahies par la laideur ?
00:23Est-ce une simple question d'esthétique et de goût ou y a-t-il un secret de la beauté qui est universel ?
00:29Et Dieu dans tout ça, pourrait-on dire, est-ce qu'il est beau ? Est-ce qu'il est la source même de la beauté ?
00:34On en parle aujourd'hui avec nos invités pour cette émission qui est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
00:41...
00:52Et nos invités qui ont tous l'amour du beau à leur niveau dans leur domaine, l'abbé Philippe de Mestre, bonjour mon père.
00:59Bonjour Umeric.
01:00Vous êtes prêtre donc, curé de Saint-André de l'Europe à Paris et auteur également d'un livre qui s'appelle La Voix des Hommes.
01:05C'est votre dernier livre publié chez Artej.
01:07Pierre-Henri Rousseau, bonjour.
01:09Vous êtes artiste peintre spécialisé dans l'art sacré ou religieux, on verra la différence.
01:14Organisateur aussi de la première journée, Fra Angelico qui a réuni hier une centaine d'artistes à l'église Saint-Roch à Paris.
01:21Vous nous en parlerez bien sûr.
01:23Frédéric Guillot, bonjour.
01:24Bonjour.
01:25Philosophe, vous êtes aussi chroniqueur à l'hebdomadaire France Catholique, auteur de Et si c'était vrai, la foi chrétienne à la loupe,
01:31publié aux éditions Marie de Nazareth.
01:33Et bien sûr Véronique Jacquet est avec nous, bonjour Véronique.
01:36Bonjour Umeric, bonjour à tous.
01:38Vous nous parlerez notamment justement de la figure de Fra Angelico.
01:41Que représente-t-il dans l'art et pour l'église plus globalement ?
01:45Alors la question qui se pose Pierre-Henri Rousseau, c'est d'abord est-ce qu'il y a une sorte de désamour entre l'église et les artistes ?
01:52Je t'aime, moi non plus.
01:53Vous avez organisé hier donc la première journée Fra Angelico, 150 inscrits, je le disais.
01:59C'est un succès donc pour une première, bravo.
02:01Mais est-ce que l'intention justement c'est de réconcilier l'église et les artistes ?
02:05Oui, je crois que c'était l'intention en tout cas des papes, notamment Jean-Paul II,
02:10qui a béatifié Fra Angelico, l'a proclamé pas trop universel des artistes.
02:15Dans la pratique, est-ce qu'il y a des personnes qui déjà tentent cette réconciliation ?
02:19Je pense que oui.
02:20En tout cas, moi pour ma part et je pense la plupart des artistes qui sont venus à cette journée,
02:26et bien c'est la conscience que l'église offre une source illimitée d'inspiration.
02:33Donc une confiance dans non pas les contraintes qu'elle peut imposer mais un champ d'exploration infini.
02:39Qu'est-ce que vous attendiez de ces rencontres, de cette rencontre, de cette journée ?
02:43Alors, premier objectif c'est faire connaître la figure de Fra Angelico.
02:47Il a été béatifié, Véronique en parlera, mais il a été béatifié mutu proprio par Jean-Paul II,
02:53c'est-à-dire en passant outre les démarches normales.
02:56La procédure habituelle.
02:57Voilà exactement, donc il y a vraiment une volonté forte.
02:59Et dans la foulée, deux ans plus tard, il a proclamé patron universel des artistes.
03:03Or, j'ai découvert assez tardivement que Fra Angelico était béatifié,
03:08assez tardivement aussi qu'il était le patron des artistes.
03:12Et je ne suis pas le seul.
03:13J'ai découvert qu'il était peu connu.
03:15Donc faire connaître ce sans patron.
03:17Le deuxième objectif c'est créer une sorte de communion des saints.
03:22La communion des saints c'est quoi ?
03:24C'est le fait d'être unis autour du Christ, unis entre nous autour du Christ.
03:30Et bien, Fra Angelico est là pour ça.
03:32Il va nous fédérer, donc on va se rencontrer, les artistes se connaissent
03:36et se fédèrent autour de la personne du Christ.
03:38Voilà.
03:39Et puis le dernier objectif c'est offrir les richesses de l'Église justement à ces artistes.
03:43Alors Père Demestre, justement, est-ce qu'il y a un froid, un désamour ?
03:48Vous, vous êtes plutôt du côté de l'Église, on va dire, en tout cas de l'institution.
03:51J'espère.
03:53Entre l'Église de manière générale et les artistes, quel est votre regard là-dessus ?
03:58Ce qu'on peut observer quand même c'est qu'historiquement l'Église a été très moteur.
04:02Elle a été le premier mécène pour tous les artistes.
04:05Le Moyen-Âge, la Renaissance et jusqu'à l'âge baroque et qu'après ça peine un peu.
04:11C'est la tendance qu'on voit peut-être au XXe siècle.
04:14C'est plutôt l'Église qui court après les artistes.
04:17Et l'Église qui essaie d'intéresser des artistes qui peut-être n'ont plus tellement besoin d'elle.
04:22Et ça c'est une question qu'on peut se poser.
04:24Pourquoi les artistes n'ont plus besoin de l'Église ?
04:27On peut en discuter, mais en tout cas l'Église s'est toujours sentie très responsable de la dimension artistique.
04:35Si vous allez à Rome, vous êtes surpris de voir quand même qu'à la Renaissance,
04:40les papes se sont sentis responsables de conserver tout ce qu'on redécouvrait.
04:45Tous les restes d'une antiquité païenne qui n'avait rien de chrétienne.
04:50Mais la beauté en soi, l'Apollon du Belvédère,
04:53enfin toutes ces choses qui ont fasciné ces statues qu'on sortait de nulle part
04:58et qui ont fasciné Raphaël, Michel-Ange et qu'ils ont repris dans leur fresque.
05:04L'Église se sentait dépositaire et responsable d'un patrimoine qui est celui de l'humanité,
05:10qui est celui de la beauté.
05:12Et tout ce qui est beau, même la beauté païenne, est un doigt dirigé vers le ciel.
05:18Alors ça c'est une conscience peut-être qu'on a à réveiller aujourd'hui.
05:23Frédéric Guillaume, c'est aussi votre avis ?
05:25Il me semble que l'Église n'a jamais abandonné les arts.
05:28On se tromperait en disant ça.
05:30Même au XXe siècle, simplement c'est les arts qui ont un peu abandonné la beauté.
05:34Ce qui fait que par transitivité, l'Église a un petit peu abandonné la beauté aussi.
05:39Mais parce qu'elle suivait les artistes.
05:41Il y a eu une révolution vraiment au XXe siècle
05:44qui fait que la plupart des grands courants dominants dans l'art ont abandonné la beauté.
05:49Et ils l'ont dit.
05:51Consciemment ? Volontairement ?
05:53C'est plutôt un avis subjectif sur le sujet.
05:56Ils ont voulu radicaliser l'innovation
06:02au point de rejeter toute la tradition, tous les canons possibles,
06:07en allant très très loin.
06:09Ce qui fait que la beauté a cessé d'être une préoccupation d'artistes en un certain sens.
06:15Si vous les interrogez, vous diront qu'ils cherchent plutôt l'originalité,
06:19le concept, le dérangement, le malaise même.
06:24Le but n'est pas de révéler l'être tel qu'il est pour en voir la beauté,
06:29ni même de produire du beau par une recherche formelle pure,
06:34ni même de produire le plaisir du spectateur.
06:40Non, c'est plutôt de provoquer le malaise.
06:43On dit ça interroge, ça vous met mal à l'aise, c'est très bien.
06:47Le beau en est venu à être perçu comme d'une certaine manière immoral aussi.
06:53Quand les révolutions esthétiques du début du XXe siècle ont eu lieu,
06:59on a critiqué les arts classiques parce qu'ils étaient des arts bourgeois.
07:03Et puis parce que le beau c'est hiérarchique, c'est élitiste.
07:07Si vous allez dans cette direction, vous arrivez à dire que le beau et le moral,
07:12le bien, vont presque en raison inverse l'un de l'autre.
07:16Plus vous vous éloignez, plus vous êtes prosaïque, voire laid,
07:20plus vous êtes du bon côté d'un point de vue moral.
07:23Dans l'église, ça s'est un peu instillé.
07:25Ce n'est pas entièrement faux, à mon avis, à une époque.
07:28Plus votre église ressemblait à un hangar ou à un transformateur électrique,
07:32plus vous étiez quand même bien.
07:34Si en plus la vertèle liturgique ressemblait à des tuperoirs,
07:38et que les chants c'était du sous-guibéard, c'était parfait.
07:45Est-ce qu'on n'est plus capable de faire du beau
07:49parce que la religion moderne, c'est celle de l'égalité absolue
07:53et de l'égalitarisme, et donc on a chassé Dieu ?
07:56Je ne veux pas monopoliser la parole, mais il me semble que oui.
07:59C'est aussi un élément.
08:01La passion de l'égalité s'est instillée aussi là-dedans.
08:05Et dire ça c'est beau, mais ça c'est laid,
08:09ce n'est pas très gentil pour le gars qui a fait le truc laid.
08:13Donc il faudrait mieux dire que c'est différent ou que c'est subjectif le beau.
08:17C'est dans l'œil du spectateur, donc tout est pareil.
08:21Et puis après à l'école c'est pareil, si vous apprenez le dessin,
08:24il va y avoir des bons en dessin et des moins bons.
08:27Donc il vaut mieux leur apprendre à jeter au hasard des trucs sur un bout de papier,
08:31et comme ça tout le monde est un artiste.
08:33Tout est beau, tout est laid.
08:35Je pense que la passion de l'égalité est pour beaucoup aussi
08:38dans cet abandon de la beauté.
08:40Vous êtes artiste, est-ce que ce phénomène que décrit le philosophe,
08:44Frédéric Guillot avec nous, vous le constatez dans les rencontres
08:49ou relations que vous pouvez avoir avec d'autres artistes aujourd'hui,
08:52ou dans le monde des artistes de manière générale ?
08:54Oui, en tout cas je me sens plutôt en décalage habituellement
08:57avec la démarche artistique de beaucoup d'artistes.
09:01Maintenant pour être un artiste il faut s'exprimer,
09:06chercher une expression de soi.
09:08Et ce n'est pas ce qui est la source de mon inspiration.
09:11Je me sens touché par quelque chose qui va m'illuminer,
09:15en qui je reconnais Dieu, mais même si je n'avais pas la foi,
09:18je ne reconnais pas Dieu, je serais touché par quelque chose d'extérieur à moi
09:21qui viendrait me toucher au fond de moi et que j'essaierais de refaire sortir.
09:26Mais ce n'est pas moi directement, sinon c'est ma pauvreté,
09:30et à vrai dire j'en souffrirais, donc je ne cherche pas trop à exprimer ça.
09:33Donc ça je sens un peu un décalage effectivement.
09:35Et ce que je découvre aussi, maintenant que ça fait quelques années
09:39que je suis artiste peintre et que j'ai une production,
09:41c'est que lorsque je confronte ce que je fais à la production d'autres artistes,
09:45ils sont un petit peu étonnés de voir ce à quoi je me consacre,
09:53et ils se disent « mais tu n'as pas de liberté, tu es contraint ».
09:59Ce n'est pas du tout mon expérience, et j'en déduis que les artistes
10:02craignent que l'Église contraigne leur liberté.
10:05– Leur mettre un carcan contraigne.
10:07Est-ce que finalement Père Demestre, donc je rappelle, vous êtes prêtre,
10:10mais est-ce que l'enjeu justement pour les artistes,
10:13c'est ce narcissisme finalement qui ressort de ce que dit Pierre-Henri Rousseau ?
10:18– Oui, vous évoquiez l'impératif de l'originalité.
10:21Moi je me fiche un peu d'avoir accès à l'artiste, je veux qu'il se dépasse
10:27et qu'il nous donne accès à quelque chose qui nous fait communier
10:31dans ce qui nous dépasse et ce qui dépasse notre individualité, notre petit égo.
10:36Et on a l'impression que certaines œuvres d'art consistent à dire,
10:39à rendre visible l'espèce d'irréductibilité de ma personne indépassable, de mon égo.
10:46Alors que précisément l'art c'est de s'effacer devant ce qui s'impose à nous.
10:52Il me vient en mémoire deux choses à cet égard-là.
10:56On dit que le premier artiste qui a signé son œuvre, est-ce que c'est vrai ?
10:59Ce serait Michel-Ange, vous savez avec la Pietà.
11:02Mais avant l'artiste ne se préoccupe pas de signer son œuvre.
11:05Tous les artistes anonymes de Notre-Dame qui ont d'une part pas du tout la préoccupation
11:11de mettre leur nom au bas de l'œuvre et même pas d'être vus.
11:15Puisque la majorité des œuvres ne sont vues que de Dieu, du ciel.
11:19Donc il y a cette gratuité absolue et ce refus d'attirer les projecteurs sur soi.
11:26Vous savez la petite histoire pour Michel-Ange, je ne sais pas si elle est vraie.
11:29Il a fait cette Pietà à 24 ans, donc Samadone.
11:33Et quand il travaillait sur le Dôme et sur l'architecture, 50 ans après.
11:39La Basilique, Saint-Pierre.
11:41La Basilique, excusez-moi.
11:42Et il allait se recueillir tous les soirs devant Samadone.
11:45Et puis il a été un peu chauffé, si j'ose dire, parce qu'il entendait des gens
11:49qui à côté s'extasiaient devant cette œuvre et l'attribuait à un de ses concurrents.
11:54Je ne sais plus lequel.
11:55Donc le soir, il s'est enfermé dans la Basilique.
11:57Et sur la ceinture, il dit Michel-Ange a sculpté cette œuvre.
12:01Mais d'une certaine manière, c'est une défaite.
12:04Parce que d'attirer les projecteurs sur lui.
12:09Vous n'avez pas totalement renoncé à l'orgueil ?
12:12Peut-être, peut-être.
12:13Et peut-être que tout le mouvement par la suite a été d'exalter la signature pour elle-même.
12:18Jusqu'à des œuvres où on voit carré blanc sur fond blanc.
12:21Donc il n'y a plus rien à voir.
12:22Mais c'est la signature qui est mise en valeur.
12:24Et qui vaut très cher.
12:25Oui.
12:26Vous connaissez le film « Amadeus » de Milos Forman.
12:29Et il y a ce passage fabuleux où il est présenté à l'empereur à la cour de Vienne.
12:37Et déception de Salieri et de l'empereur devant ce gamin obscène qui pourtant est le canal d'une musique divine.
12:47Donc tout le monde est déçu justement par l'égo de l'artiste.
12:50Et lui voit ça sur le visage de tous ceux qui l'entourent.
12:53Et il s'en exclue.
12:54Il est complètement confus.
12:56Et il a cette répartie magnifique.
12:59« Majesté, pardonnez-moi.
13:01Certes, je suis vulgaire.
13:03Mais ma musique, elle ne l'est jamais. »
13:05Voilà.
13:06On peut être vulgaire.
13:07L'artiste peut être ce qu'il est.
13:09Peu importe.
13:10Est-ce qu'il nous donne accès à quelque chose qui est plus grand que nous.
13:12Et qu'il ne l'est jamais.
13:13C'est peut-être ça l'enjeu du beau.
13:17Il en est un d'artiste qui réconcilie en quelque sorte ces deux aspects.
13:22La sainteté et la sublimité de son art.
13:25C'est Frangélico Véronique qui est le saint patron des artistes.
13:29Comment a-t-il marqué son temps ?
13:31D'ailleurs, on peut signaler aussi que son tombeau est visible à Rome dans l'église de la Minerve.
13:36À Ralsol d'ailleurs.
13:37C'est une preuve sans doute d'humilité.
13:39En tout cas, voilà.
13:40Comment a-t-il marqué son temps la frontière du XIVe et du XVe siècle ?
13:44Tout d'abord, c'est un religieux dominicain, Frangélico.
13:47Il entre au couvent sur les hauteurs de Florence à l'âge de 21 ans, en 1408.
13:51Son vrai patronyme, c'est Guido di Pietro.
13:54Mais très vite, ses contemporains vont l'appeler Frangélico.
13:56Pourquoi ?
13:57C'est-à-dire le frère angélique, Frangélico.
13:59En raison de la haute spiritualité de sa peinture et de la profusion d'anges que l'on peut voir dans ses œuvres.
14:06Les règles strictes de l'ordre dominicain et la vie de pénitence de l'ordre religieux
14:11font que le renoncement au monde et à soi-même, c'est ce qu'on était en train d'évoquer,
14:15se retrouve dans l'expression de son travail.
14:18Il trouve son inspiration dans la prière qu'il pratique assidûment avant de se mettre à peindre.
14:24Ça, c'est intéressant.
14:25Encouragé par ses supérieurs, il abrège ses études théologiques pour se consacrer exclusivement à la peinture.
14:32En fait, les Dominicains considèrent l'art comme un moyen efficace de transmettre la foi et la vérité.
14:37On a aussi, évidemment, commencé à aborder cet aspect des choses.
14:40Alors, il va avoir une longue carrière d'artiste frangélico, car il meurt à 68 ans.
14:45Il est connu pour avoir peint les chefs-d'œuvre du couvent dominicain San Marco de Florence,
14:50dont vous voyez certaines œuvres, et il va être appelé par le pape Eugène V à Rome pour travailler au Vatican.
14:55Donc là, on voit bien, évidemment, l'Église qui a à cœur de faire travailler des artistes
14:58et de les promouvoir pour le beau, mais aussi pour montrer l'étendue du sacré.
15:03Alors, son œuvre est caractérisée par l'utilisation de couleurs éclatantes,
15:07les bleus, les rouges qui se détachent sur fond or, les visages des personnages et ceux des anges,
15:12et c'est pour ça qu'il est très connu, qui exprime la joie ainsi qu'un sentiment de paix.
15:16Alors, pourquoi a-t-il marqué son temps ?
15:18Parce qu'il a su créer un langage moderne, mais qui s'insère parfaitement dans l'esprit nouveau de la Renaissance.
15:24Par exemple, dans ses travaux au Vatican, il utilise le style cher à la Renaissance,
15:28c'est-à-dire l'imitation de l'architecture de l'Antiquité.
15:31Vous le voyez, on voit des espèces de temples avec des piliers.
15:34Cela indique que le peintre, en fait, il participe à la mouvance générale de son époque.
15:38Il est complètement inscrit dans son époque, avec une recherche consciente de la modernité.
15:43Il y a vraiment de ça chez Fra Angelico, et c'est quand même absolument admirable.
15:47Et en même temps, cela n'entre absolument pas en conflit avec son idéal chrétien,
15:51c'est en cela qu'il est remarquable, qu'il va influencer par la suite de nombreux artistes,
15:56le tout, bien sûr, avec sa touche personnelle, c'est-à-dire qu'avec lui, vraiment, l'art devient une prière.
16:01Merci beaucoup, Véronique. Alors, Pierre-Henri Rousseau, vous êtes inspiré par la figure de Fra Angelico,
16:06pour la journée que vous avez organisée hier, qui réunissait une centaine d'artistes, je le rappelle.
16:10Mais même pour votre œuvre propre, effectivement, on sent bien sûr l'inspiration.
16:15Pour autant, est-ce qu'il est vraiment imitable ? Est-ce qu'il n'est pas trop angélique ?
16:19Pardonnez-moi le jeu de mots, mais enfin, c'est vrai que, voilà,
16:22est-ce que vraiment, Fra Angelico, aujourd'hui, peut être un modèle en 2025 ?
16:26Ce qui est sûr, c'est qu'il a beau être sain et avoir fait de grands chefs d'œuvres,
16:30il n'est pas parfaitement universel. Seule la beauté absolue est parfaitement universelle.
16:34Donc, il faut avoir conscience de ça. C'est un modèle de sainteté et modèle d'art,
16:39mais il ne faut pas faire comme lui, en estimant que ça va être parfait.
16:42Seulement, ce qui est imité, je crois, et c'est ce que voulait indiquer Jean-Paul II,
16:47c'est ce nova être vétéran dont parlait Véronique, c'est-à-dire qu'il s'enracine dans une tradition,
16:52dans l'esprit médiéval de la contemplation traduite en images,
16:58et en même temps, il l'actualise. Il est réellement de son époque.
17:01Il a un véritable équilibre entre tradition et actualisation.
17:06Alors ça, c'est un premier point d'imitation.
17:10Un autre aspect, c'est effectivement la nouveauté technique qu'il assume
17:20et qu'il met au service de cette prière.
17:24Ce que voulait aussi indiquer Jean-Paul II, c'est, malgré le mystère parfois qu'il y a
17:29entre la vie personnelle de l'artiste et son œuvre, c'est qu'il y a un lien entre les deux.
17:34Lui, il a créé des œuvres d'art belles, mais il a cherché aussi à faire de sa vie une vie belle,
17:40une vie de beauté. Il y a un lien entre les deux.
17:42Ce que l'on contemple, c'est ce que l'on va traduire.
17:45Il y a le mystère du péché qui fait qu'on peut faire des œuvres belles parce qu'il y a le rachat,
17:50le rachat de ses propres faiblesses, mais il y a un lien entre les deux.
17:55Il a cherché la sainteté dans sa vie, il a cherché la beauté dans ses œuvres d'art.
18:00Ça, c'est à imiter.
18:02Frédéric Guillot, ça veut dire aussi qu'il était moderne, au sens le plus noble du terme.
18:08Ça veut dire aussi que rechercher la beauté, ça ne veut pas dire être figé dans le passé,
18:12parce que c'est l'impression qu'on peut avoir aussi parfois en écoutant certains artistes.
18:16Oui, je comprends bien.
18:18En fait, il y a peut-être une erreur sur ce que c'est que la tradition.
18:21Il y a une phrase de Gustave Mahler, je ne sais pas si elle est de lui, mais on pourrait le corriger.
18:26On va dire que oui.
18:27Il dit que la tradition, ce n'est pas la transmission des cendres, c'est la conservation du feu.
18:31Et il faut la comprendre comme ça.
18:33C'est-à-dire que, bien sûr, les formes peuvent changer.
18:37Il y a des potentialités infinies, même dans un canon donné, on peut faire énormément de choses
18:42et on peut modifier un peu le canon, etc.
18:44C'est-à-dire les règles fondamentales d'une école, on peut les transformer progressivement.
18:50Et par ailleurs, il faut aussi penser une chose, et ça c'est la limite de l'idée de progrès,
18:56c'est qu'il y a des choses qui ne font pas changer, enfin qui n'ont pas de raison de changer.
19:00Regardez la grammaire, par exemple.
19:02Vous ne dites pas aux professeurs, parce qu'ils font tous les ans le même cours de grammaire,
19:06il faudrait peut-être changer un peu.
19:08Non, parce que c'est avec ça, qui ne change pas, qu'on fait toutes les nouveautés.
19:14Mais ça se vérifiait également dans le domaine artistique ?
19:16Je pense que, par exemple, en musique, on a un moment tenté de mettre la grammaire à la poubelle, tout simplement.
19:23C'est-à-dire qu'on a tenté l'atonalisme.
19:26C'était une tentative, pourquoi pas.
19:29Mais ça n'a pas donné de résultats très probants auprès du public, si vous voulez.
19:34Ça a été voulu comme une révolution, c'est-à-dire une révolution radicale,
19:39qui consistait à rendre toutes les notes égales, si je puis dire,
19:43supprimer là aussi la hiérarchie qu'il y a dans toute tonalité.
19:48Bon, ça a produit une musique extraordinairement cérébrale, conceptuelle,
19:53accessible à ceux qui comprennent les règles mathématiques qui sont à l'œuvre,
19:58c'est-à-dire à très peu de gens.
20:01Mais ça a un côté inhumain, si vous voulez,
20:03sans sensibilité, sans rapport avec nos attentes naturelles en matière de tension.
20:09Donc, je pense qu'il y a ce jeu très subtil entre ce qui ne doit pas changer,
20:16qui est généralement le moteur de tous les changements.
20:21Père Demestre ?
20:23Oui, on peut observer quand même qu'il n'y a peut-être pas d'autre tradition que la tradition chrétienne
20:28qui a donné autant de place à des renouvellements de style.
20:33En tout cas, il y a une créativité au sein de la contrainte,
20:37et que c'est précisément peut-être la contrainte qui est imposée par le canon, par le dogme.
20:43Quand on voit les contraintes que Michel-Ange, lorsqu'il peint la Sixtine,
20:47ah, c'est un cahier des charges, ça va jusque dans le détail des couleurs,
20:51et je crois que Farangico, c'était du même ordre.
20:53Et justement, tout l'enjeu, c'est à l'intérieur d'un cadre très, très contraint
20:57de déployer une originalité.
20:59Mais le but de Farangico, de Michel-Ange, de Van Eyck, là on voyait passer l'agneau mystique,
21:05n'était pas d'être original.
21:07C'était de se mettre au service d'un projet qui était très précis,
21:11et de se mettre au service de la vérité.
21:14C'est-à-dire que le beau est la splendeur de la vérité,
21:18et non pas de se mettre au service de sa prétention à affirmer une originalité.
21:23Ce qui est intéressant, c'est quand on arrête de chercher l'originalité pour elle-même,
21:27on devient vraiment original.
21:29Mais pour ça, peut-être faut-il, c'est ce que disait Véronique à propos de Farangelico,
21:33faire pénitence, d'une certaine manière, pour l'artiste.
21:35Il y a une assaise.
21:37Alors je voudrais citer le pape Pie XII, qui s'adressait aux artistes,
21:40et c'est très intéressant comme réflexion, ça va à l'appui de ce que vous venez de dire, Père Demestre.
21:44Voici ce qu'il disait, l'artiste qui ne professe pas les vérités de la foi,
21:48ou qui vit éloigné de Dieu, dans sa mentalité, dans sa conduite,
21:51ne doit en aucune manière toucher à l'art religieux.
21:54Et il ajoutait, il lui manque en effet cette sorte d'œil intérieur,
21:57capable de lui montrer ce qui est requis par la majesté de Dieu et du culte.
22:02Qu'est-ce que vous en pensez, Pierre-Henri Rousseau ? Vous êtes d'accord avec ça ?
22:04Oui, tout à fait. En fait, je crois que ce sont ça, les contraintes.
22:07Les contraintes à donner par l'Église ne sont pas d'ordre très technique,
22:12genre telle couleur et tout. Je ne crois pas, d'ailleurs, au XVe siècle,
22:15en fait, ils étaient quand même très libres.
22:17Parfois, les contraintes, c'était plutôt l'argent qui était investi pour une œuvre.
22:19Par exemple, Francilco doit utiliser tant d'onces d'or,
22:22et il fait ce qu'il veut avec ça, tant de pigments lapis lazuli.
22:25Donc c'est une contrainte plutôt dans le sens où il avait de l'argent, quoi,
22:29pour telle commande. La contrainte, en fait, la véritable contrainte,
22:33dont parle Pie XII, c'est que l'artiste ait intégré les contraintes du dogme
22:40dans son cœur, dans son propre cœur, et qu'il les vive comme des inspirations.
22:45À ce moment-là, ce sont plutôt des libertés.
22:48– Ça réduit quand même le nombre d'artistes à Véronique.
22:52– Oui, c'est ça, si je comprends bien le papy doux, ça veut dire quand même
22:55que de nos jours, il y a peu d'artistes éligibles à produire,
22:59le mot n'est pas joli, mais de l'art sacré, si profondément,
23:02on n'a pas une foi chrétienne. C'est ça que ça veut dire ?
23:04– Alors ça veut dire ça, et c'est pour ça qu'il faut être pragmatique.
23:08Effectivement, il y en a peu, et à mon sens, dans ce cas-là,
23:11si un artiste qui est bon, qui a de l'inspiration,
23:14mais qui n'a pas la foi, est appelé à faire une commande d'art sacré,
23:18il faut au minimum qu'il ait une admiration de la foi chrétienne,
23:22qu'il ait admiration de la personne du Christ.
23:25Il peut ne pas croire que le Christ est Dieu et sauveur,
23:28mais il faut au moins qu'il ait une admiration de l'histoire du salut chrétien.
23:31– Mais alors, père de maître, est-ce que l'Église donne assez de contraintes
23:33aujourd'hui en matière d'art religieux ?
23:35Je voudrais juste décrire pour nos auditeurs d'Europe 1,
23:38et puis on va le montrer à l'écran, la différence dans l'architecture
23:42entre l'église de Notre-Dame d'Amiens, la cathédrale Notre-Dame à Amiens,
23:48donc gothique, et puis de l'autre, une église en forme de cube en région parisienne.
23:52Il y a quand même là un poil d'interrogation qu'il faut mettre.
23:57– Mais toute la question, si on caricature, on prend un artiste
24:02et on lui dit fais ce que tu veux, et ce que tu as l'habitude de faire.
24:06Donc si tu fais des colonnes, tu fais une grande colonne,
24:08et puis on s'arrangera pour mettre le tabernacle et pour mettre les choses à l'intérieur.
24:12C'est-à-dire qu'on le laisse libre, et en fait, je pourrais donner des exemples,
24:16mais en fait ils font toujours la même chose, ils font ce qu'ils ont toujours fait.
24:19S'ils font une gare ou une église, et puis après nous on s'adapte,
24:22on met des trains ou on met le tabernacle.
24:25En fait la démarche que l'église a toujours faite, c'est, il y a un canon,
24:29il y a un dogme qui est une porte ouverte, qui n'est pas une contrainte,
24:32qui est une porte ouverte sur ce qui nous dépasse.
24:34Qui va nous libérer de ce qu'on a l'habitude de faire.
24:37Donc on lance un défi à l'artiste.
24:39Alors il faut qu'il adhère, il faut qu'il l'admire,
24:41je ne suis pas sûr qu'il faut qu'il soit confié en dévotion forcément,
24:44parce que dans ces cas-là Caravage ou François Villon...
24:47Il n'y a pas des moeurs, ce n'est pas irréprochable.
24:49Droit de citer.
24:50Pourtant c'est des peintres de la grâce et du péché et de la réalité de l'humanité.
24:54Même Verlaine dans ses derniers sonnaient.
24:58Mais de fait, il doit se soumettre à cette exigence
25:02et se mettre au service d'un projet qui le dépasse, je crois qu'il y a.
25:05Et est-ce que l'Église ose le faire aujourd'hui ?
25:07Est-ce qu'elle fait acte d'autorité ?
25:10Ou est-ce qu'elle se dit, on est tellement heureux que vous acceptiez
25:14de faire quelque chose pour nous que faites ce que vous voulez ?
25:17Oui, on a l'impression que c'est ça.
25:19Brève réflexion avant la pub.
25:21Vous avez vu le mobilier Notre-Dame de Paris.
25:24Il n'est pas du tout laid, ce n'est pas ce que je dirais.
25:28Vous voyez l'hôtel, le baptistère.
25:31Mais ils sont vides de tout symbole.
25:34Ils sont d'une nudité absolue.
25:36On a l'impression qu'on ne leur a vraiment rien demandé.
25:38Ça aurait pu être presque autre chose, honnêtement.
25:42Une table pour faire un pique-nique sur une aire de autoroute, peut-être.
25:46Et c'est tout de même très surprenant
25:50qu'au milieu d'une telle forêt de symboles qu'est la cathédrale,
25:54où vraiment on a mis à cœur de donner du sens à tout ce qu'on voit,
26:00de voir des objets aussi pauvres, aussi standards, d'une certaine façon.
26:06Une dernière réflexion ou question de Véronique Jacquier.
26:09J'avais lu que si c'était aussi pauvre,
26:12c'est parce qu'il y avait une volonté d'effacement
26:15devant la profusion du beau et du sacré par ailleurs,
26:18dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.
26:20Comment retrouver le sens de la beauté ?
26:24Est-ce qu'on a besoin de Dieu pour cela ?
26:26On en reparle juste après la pub.
26:28Vous restez avec nous, bien sûr.
26:31De retour dans Enquête d'Esprit sur CNews et Europe 1,
26:35en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
26:38Nous parlons de la beauté dans l'art.
26:40Est-ce qu'il y a une objectivité de la beauté ?
26:42Pourquoi tant de laideur autour de nous ?
26:45Et comment retrouver le sens du beau, aussi, de la beauté ?
26:48Est-ce que c'est en Dieu, justement, que l'on peut...
26:50Est-ce que Dieu est beau, par exemple ?
26:52On se posera la question tout à l'heure avec nos invités.
26:54L'abbé Philippe de Mestres, il est curé de Sainte-Andrée de l'Europe,
26:56de la paroisse Sainte-Andrée de l'Europe, à Paris.
26:58Pierre-Henri Rousseau, artiste peintre,
27:00qui vient d'organiser la journée Fra Angelico,
27:02qui réunissait hier les artistes chrétiens à l'église Saint-Roch, à Paris.
27:06Et puis Frédéric Guillot, qui est philosophe,
27:08et qui s'intéresse beaucoup à toutes ces questions,
27:10notamment à travers votre livre.
27:11Et si c'était vrai, la foi chrétienne à la loupe,
27:13aux éditions Marie de Nazareth, bien sûr.
27:15Véronique Jacquier est avec nous.
27:17Alors, pourquoi tant de laideur ?
27:19On dit parfois cette phrase, pourquoi tant de haine ?
27:21Pourquoi tant de laideur, Frédéric Guillot ?
27:22Ça, ça vous fascine ?
27:24Pourquoi est-ce que dans nos rues,
27:26dans nos villes, dans nos églises,
27:28malheureusement, parfois,
27:30on s'est laissé entraîner vers cette laideur ?
27:34Alors, d'abord, est-ce qu'elle est objective, cette laideur ?
27:36D'abord, ce qui est vrai,
27:38ce qui est le plus prégnant en matière de laideur,
27:40c'est l'architecture.
27:41Il est évident que personne n'est obligé
27:43d'écouter de la musique affreuse.
27:45Enfin, on n'est pas absolument contraints.
27:48Et on n'est pas obligés non plus
27:49d'aller voir des expositions d'art contemporain.
27:51En revanche, l'architecture,
27:52elle nous est imposée partout,
27:53absolument partout,
27:54dans le 15e, par exemple, ici.
27:57Et ça, ça finit par nuire, je pense,
28:01spirituellement aux gens.
28:03C'est ça, la question, quel est le risque ?
28:05Vous avez de plus en plus de gens
28:06qui n'ont plus, quasiment plus,
28:08aucun accès à la beauté plastique,
28:11en dehors de celle qu'on génère, bien sûr,
28:15quand c'est le cas.
28:16Mais sinon, tout est artificiel
28:18et pensé d'une certaine façon
28:21sans le moindre souci de la beauté,
28:23voire avec un souci contraire.
28:25Et l'architecture est le plus marquant.
28:27Et tout ça vient des années 20, 30,
28:31où on a révolutionné complètement l'architecture
28:34en abandonnant totalement et délibérément
28:37tous les canons
28:38qui avaient pu être utilisés jusqu'alors,
28:41en prenant le contre-pied systématique, même.
28:43Donc, il y a vraiment, ce que vous dites,
28:45c'est qu'il y a un esprit révolutionnaire dans l'art.
28:47Tout à fait.
28:48Vous avez le Bauhaus de Gropius, allemand,
28:50et puis le Corbusier français,
28:52pour citer deux noms vraiment marquants,
28:54qui ont eu une influence gigantesque,
28:56même si certains n'ont pas construit grand-chose.
28:58Le Corbusier a beaucoup épaécri
29:00et n'a pas construit beaucoup,
29:02mais il a inspiré énormément.
29:03Et c'est pour ça que vous vous retrouvez
29:05avec des maisons en forme de cubes,
29:07de containers, disons,
29:09un peu partout et de plus en plus,
29:11et des immeubles
29:12qui ne sont que des empilements de containers.
29:16Et cela, ça a des effets.
29:17Et c'est étudié par des scientifiques,
29:19et ça a des effets sur l'âme.
29:21Les scientifiques ne parlent pas d'âme,
29:23ils vous parleront de psychisme, etc.,
29:25mais de toute façon, c'est le même mot.
29:27Et ça a des effets terribles sur l'âme.
29:29Alors justement, à l'appui de ce que vous dites,
29:31il y a une citation d'un autre pape,
29:33tout à l'heure c'était Pidouze,
29:34maintenant c'est Paul VI,
29:35aux artistes, en 1965.
29:36Voici ce qu'il disait.
29:37« Le monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté
29:39pour ne pas sombrer dans le désespoir. »
29:41C'est quand même la beauté de la vérité,
29:43c'est ce qui apporte la joie au cœur des hommes, ajoutait-il.
29:45On est au cœur du sujet, père Demestre ?
29:47Oui, en fait, je ne sais pas si c'est révolutionnaire,
29:50c'est déjà bourgeois, au sens où la mentalité bourgeoise,
29:53elle est fonctionnelle.
29:55Donc un bâtiment doit être d'abord fonctionnel.
29:58Alors on l'a théorisé, on l'a poussé,
30:00par exemple à Beaubourg,
30:02on met en valeur ce qu'on cache normalement,
30:04c'est-à-dire les canalisations, etc.
30:06Les tuyaux.
30:07Mais en fait, il y a cette idée,
30:09alors que précisément l'art, c'est ce qui est gratuit,
30:11c'est ce qui ne sert à rien,
30:13comme disait un religieux,
30:15à des jeunes qui me l'interrogeaient,
30:17« Vous servez à quoi ? »
30:18« Je ne sers à rien, mais je sers quelqu'un. »
30:20Donc l'art, c'est la gratuité.
30:22Vous savez, « Le festin de Babette »,
30:24ce roman,
30:26cette femme qui a gagné au loto
30:29et qui bouleverse les gens,
30:31parce qu'elle dépense tout pour un repas.
30:33Et là, il y a peut-être l'épiphanie de la beauté,
30:35c'est gratuit.
30:37Pourquoi est-ce qu'on prend trois repas par jour ?
30:41Peut-être pas simplement pour alimenter
30:43notre système digestif,
30:45mais pour se rencontrer, pour parler,
30:47pour s'aimer, pour fêter.
30:49Et donc l'art, c'est ce plus.
30:51Je suis plus que ce qui fonctionne.
30:53C'est la gratuité.
30:54Voilà, c'est cette gratuité.
30:55Est-ce qu'on ne l'a pas abandonné ?
30:57Et après, est-ce qu'on n'en a pas fait un système ?
30:59Un peu une idéologie.
31:01Mais le beau est inutile, finalement.
31:04Alors, il y a des élus qui ont quand même
31:06essayé de contrecarrer cette tendance
31:08que vous stigmatisez,
31:10qui ont cultivé la beauté
31:12en mettant des tableaux de grands maîtres,
31:14des Botticelli, des Degas, des Rembrandt.
31:16C'est notamment depuis 2021,
31:18le maire de Saint-Dizier
31:20qui a décidé d'afficher des Botticelli dans ses rues
31:22parce qu'il voulait lutter,
31:24disait-il, contre la France moche.
31:26Pardonnez-moi la familiarité de l'expression.
31:28Six villes ont rejoint le mouvement
31:30pour remédier à cette dépression collective
31:32peut-être liée à la laideur qui nous environne.
31:34Je trouve que c'est intéressant.
31:36Pierre-Henri Rousseau,
31:38votre objectif, entre guillemets,
31:40quand vous produisez des œuvres d'art,
31:42c'est de lutter contre le pessimisme,
31:44contre le désespoir ?
31:46Oui, en tout cas, c'est révéler
31:48la beauté qui est présente
31:50dans le monde, mais d'une manière cachée.
31:52Parce qu'il faut un regard
31:54aiguisé, un regard
31:56qu'on a travaillé, habitué
31:58à chercher cette beauté. C'est vraiment un vrai travail.
32:00Je crois que c'est d'ailleurs le premier travail de l'artiste.
32:02Ça séduit. C'est ça la bonne nouvelle.
32:04Moi, je travaille tout le temps, même en vacances.
32:06Et à vrai dire, c'est un bonheur quand je me promène,
32:08en vacances, que je vois des gens,
32:10je recherche la beauté.
32:12C'est vraiment ça le travail.
32:14Le contempler, moi, de mon côté,
32:16et ensuite le révéler aux autres
32:18à travers mon art. Je vois vraiment ça.
32:20C'est ma mission d'artiste.
32:22Il y a une hymne
32:24qui dit, en latin,
32:26lumen lumine,
32:28ça veut dire vers la lumière, avec un grand L,
32:30lumière incrée, par la lumière
32:32visible. C'est l'hymne de l'épiphanie, c'est l'étoile.
32:34Et donc, en fait, c'est un peu ça.
32:36À travers, par le biais de la lumière
32:38visible, menée
32:40vers la lumière invisible,
32:42qu'on ne voit pas facilement.
32:44On va aller voir du côté de nos frères
32:46et amis orthodoxes,
32:48qui ont une spécialité
32:50dans l'art de l'icône.
32:52Est-ce que, finalement, leur art, cet art
32:54sacré, cet art religieux, est une prière ?
32:56Regardez ce reportage de Yaël Benhamou
32:58et Thibaut Marchoteau.
33:00C'est un savoir-faire ancestral,
33:02un héritage chrétien
33:04très répandu en Orient, qui se transmet
33:06à Paris dans une école d'iconographie orthodoxe
33:08Saint-André Roubleff,
33:10dirigée par le père Mathieu.
33:12Nika se forme à ses côtés depuis deux ans.
33:14Elle apprend la technique avec un objectif
33:16plus spirituel, celui
33:18de reproduire le plus fidèlement les icônes.
33:20C'est le visage
33:22du Christ. C'est très important
33:24de créer
33:26le bon visage
33:28qui peut parler à l'âme
33:30d'autres gens.
33:32Oui, c'est moi
33:34qui choisis les couleurs,
33:36qui donne les formes, mais c'est lui qui donne l'esprit.
33:38Pour le père Mathieu,
33:40l'iconographe a une grande responsabilité
33:42dans l'église.
33:44Il peut aider la personne à trouver
33:46la bonne voix et le bon
33:48état d'esprit pour prier
33:50et diriger
33:52sa prière.
33:54Sinon, si l'icône
33:56ou l'image sera mal réalisée,
33:58ça peut même perturber
34:00cette prière et cet état.
34:02Les élèves sont accompagnés pour copier les anciens modèles,
34:04mais aussi en créer des plus contemporains,
34:06témoins de notre époque.
34:08Chaque année, une vingtaine de personnes
34:10souhaitent s'inscrire dans cette école
34:12pour approfondir leur connaissance sur les icônes
34:14ou bien enrichir leur foi.
34:16Alors, réaction
34:18de nos invités ici sur le plateau.
34:20Père Demestre, on a entendu
34:22le prêtre orthodoxe dire
34:24que si l'icône est mal faite,
34:26ça peut perturber la prière.
34:28Ça vous semble juste comme formule ?
34:30Oui, en tout cas, il y a une grande responsabilité
34:32de l'artiste.
34:34Il a une responsabilité.
34:36C'est celui qui est un éclaireur.
34:38Mais sans aller jusqu'à l'icône religieuse,
34:40beaucoup de gens ont redécouvert
34:42la lumière grâce aux impressionnistes.
34:44Tout d'un coup, quelque chose qui nous entoure,
34:46la beauté. On est entouré de beauté,
34:48mais on ne la voit plus.
34:50L'artiste met le focus
34:52sur quelque chose qu'on ne voit plus.
34:54Il est notre éclaireur,
34:56il est le voyant.
34:58Frangelico, je ne sais pas si c'est parce qu'il a représenté
35:00beaucoup d'anges, mais la vocation de l'ange
35:02est d'être un reflet du ciel
35:04et donc d'aider les hommes à voir
35:06ce qu'ils ne voient pas.
35:08Et c'est peut-être ce qu'il a su faire.
35:10Et ça, c'est la grande responsabilité de l'artiste.
35:12Et il peut mettre aussi,
35:14parce qu'il peut devenir,
35:16il peut être soit médiateur,
35:18soit être dans la séduction.
35:20Seducere, conduire à lui-même
35:22et détourner le regard parce qu'il a un talent.
35:24Donc ça, c'est le tort de l'esthétisme.
35:28Et c'est peut-être une certaine beauté du mal.
35:30On évoquait
35:32la beauté du diable.
35:34Il y a une beauté du diable ?
35:36Il était très beau.
35:38D'abord, il est beau.
35:40Lucifer, l'ange de lumière.
35:42Lucifer a préféré sa propre lumière
35:44plutôt que d'être le rayonnement de la lumière
35:46qu'il dépasse.
35:48Il a préféré capter la lumière
35:50et du coup, il nous a emmené dans un trou noir.
35:52Mais ce qui lui a été donné
35:54est très séduisant.
35:56Et ce thème de la beauté du diable,
35:58c'est-à-dire d'une beauté qui se détache.
36:00En termes philosophiques, elle est transcendantaux.
36:02Donc le beau, le bien et le vrai.
36:04Si le beau se détache du vrai,
36:06c'est toute la question du canon,
36:08eh bien en fait, il devient dangereux.
36:10Vous avez ça chez Dostoevsky.
36:12Vous savez, la rencontre...
36:14Baudelaire.
36:16Mais vous savez, chez Dostoevsky,
36:18il y a l'idiote Dostoevsky
36:20qui tombe en arrêt devant le visage
36:22de Nastasia Filipovna.
36:24Elle est belle pourvu que ce soit vrai.
36:26Vous voyez que ça,
36:28ça correspond à une vérité.
36:30Frédéric Guillot.
36:32Les transcendantaux, c'est-à-dire
36:34les propriétés générales de l'être
36:36qui sont le vrai, l'un, le bien et le beau
36:38et qui sont réunis en Dieu
36:40se diffractent complètement.
36:42Et donc, c'est à nous quand même
36:44de les faire coïncider.
36:46L'un ne peut pas fonctionner,
36:48si je peux me permettre, sans l'autre.
36:50Non.
36:52Mais on peut...
36:54Il y a des voies d'égarement
36:56dans l'auto-contemplation du beau
36:58qui se prend pour objet
37:00sans se ramener à sa propre source.
37:02Ça peut être une voie de perdition.
37:04Véronique Jacquet.
37:06Mais ça veut dire que la vraie beauté
37:08doit mener au bien.
37:10Et qu'est-ce qu'on appelle le bien
37:12quand on parle de la valeur du bien,
37:14en tout cas, oui, elle ramène au bien.
37:16Et c'est pour ça que je relativiserais
37:18juste une chose.
37:20Il n'y a pas besoin d'être un saint.
37:24On peut être un hommage paradoxal au bien
37:26tout en manifestant
37:28qu'on n'est pas bon.
37:30Mais qu'on tend vers le bien.
37:32Toute l'œuvre de Caravage
37:34où il y a cette obscurité,
37:36on sent qu'il l'a connue,
37:38mais aussi des visages de grâce
37:40où on disait François Villon.
37:42C'est un hommage au bien.
37:44Pour que ce soit plus explicite,
37:46parce que c'est très beau
37:48quand on rentre dans une cathédrale,
37:50c'est pour cela qu'on se sent bien.
37:52Ça appelle aussi à un bienfait de l'âme.
37:54C'est ça qu'on doit aussi comprendre.
37:56Pierre-Henri Rousseau.
37:58Oui, on lit souvent le beau au vrai,
38:00je suis d'accord.
38:02Moi j'aime bien le lier au bien
38:04et au-delà, à l'amour.
38:06Plutôt à la manière de Platon.
38:08Les grecs qui disaient Kalos Gagatos
38:10dans la Septante,
38:12beau, bon,
38:14un même mot.
38:16Dans la traduction grecque des Septantes,
38:18Dieu vit que cela était beau.
38:20C'est lié.
38:22Je crois que
38:24le beau est comme
38:26le porte-étendard
38:28du bon,
38:30mais du bon au sens très fort,
38:32c'est-à-dire la charité divine.
38:34Son héros, à ULT,
38:36qui arrive au-devant de l'amour pour l'annoncer,
38:38c'est comme le voile de pudeur
38:40dont s'enveloppe l'amour,
38:42paradoxalement, pour se manifester.
38:44Parce que l'amour, c'est vraiment la chose
38:46qui nous échappe le plus.
38:48La chose vraiment parfaitement surnaturelle et spirituelle.
38:50Et quand il se manifeste, il se manifeste
38:52comme beau. Et je crois que c'est pour ça que ça fait du bien.
38:54Quand on voit du beau,
38:56on entend du beau, on perçoit du beau,
38:58en fait on touche l'amour, ou l'amour nous touche.
39:00Et en ce sens, effectivement, on peut
39:02soi-même être dans le péché
39:04et être
39:06touché par cette bonté, cet amour
39:08et arriver à le transmettre.
39:10Et on n'est pas forcément un saint, mais on a
39:12cherché à un moment cet amour.
39:14Père Demestre, une réaction, et puis après
39:16la question que je vous poserai,
39:18c'est est-ce que Dieu est beau ? Parce que vous avez dit que le diable est beau,
39:20mais on n'a pas parlé de Dieu encore.
39:22Le bon berger, c'est aussi le beau berger.
39:24Il y a cette double traduction. Et je pense
39:26qu'il y a une beauté dans
39:28la bonté. Je pense
39:30à un catéchumène de notre paroisse
39:32Donc quelqu'un qui demande le baptême à l'âge adulte.
39:34Et qui est venu
39:36le jeudi saint et il a dit
39:38je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi beau
39:40que le lavement des pieds.
39:42Le lavement des pieds qui est le témoignage ultime
39:44de la charité, mais aussi
39:46je crois
39:48que ce qui est le plus beau
39:50c'est l'Eucharistie.
39:52C'est de refaire le geste du Christ,
39:54de l'offrande. Et ce n'est pas simplement
39:56un geste qui est bon, ça exprime
39:58l'essence même de Dieu
40:00qui est offrande, qui est don de soi,
40:02qui est manifestation de la beauté.
40:04Et donc le geste est beau aussi.
40:06Mais est-ce que le Christ
40:08effectivement, on dit dans l'écriture
40:10c'est le plus beau des enfants des hommes
40:12et en même temps, quand il est sur la croix,
40:14quand il souffre sa passion, on peut dire
40:16d'une certaine manière qu'il est lait.
40:18Alors il y a une très très belle homélie
40:20de Raniro Cantalamessa
40:22qui parlait à des jeunes de la beauté.
40:24Raniro Cantalamessa c'est le prédicateur
40:26de la maison pontificale.
40:28Et qui est franciscain
40:30pas dominicain.
40:32Et justement il parlait
40:34de notre société de l'image
40:36où la laideur nous saisit,
40:38où on peut devenir addict.
40:40Alors évidemment il parlait de la pornographie, etc.
40:42Et il disait, il faut convertir
40:44notre regard
40:50de la recherche du beau.
40:54Excusez-moi.
40:56Sur la croix, Jésus n'est pas beau
40:58mais ce qu'il fait est beau.
41:00Et donc il y a une beauté cachée.
41:02Il y a une beauté dans cet homme défiguré
41:04qui se donne.
41:06Oui, il faut convertir de l'amour de la beauté
41:08à la beauté de l'amour.
41:10Et je trouve que c'est important.
41:12Parce que sinon l'amour de la beauté pour elle-même
41:14nous blesse et nous enferme.
41:16C'est l'esthétisme.
41:18Et de voir de la beauté dans l'amour,
41:20dans le geste que Mère Thérésa fait
41:22en ramassant une personne
41:24qui n'est pas belle.
41:26Eh bien, il y a une manifestation
41:28de la beauté de l'amour.
41:30Réaction, Pierre-Henri Rousseau, puis Frédéric Guillaume.
41:32Je trouve que la figure du Christ en croix
41:34est cruciale.
41:36Il est laid parce qu'il a assumé
41:38toute la laideur du monde
41:40qui vient du mal, qui vient du péché,
41:42qui est tombée sur lui.
41:44Et comme il l'aime,
41:46il redevient beau.
41:48Il transforme, il rachète cette laideur
41:50parce qu'il y a l'amour.
41:52D'où le lien, il me semble, entre beauté et amour.
41:54Je ne peux plus s'y faire, il me semble que c'est l'inverse.
41:56La beauté qui reste en lui, c'est le résidu
41:58de la bonté créatrice
42:00qu'il lui a donné dans sa nature angélique.
42:02Par contre, comme il a de la haine en lui,
42:04malgré ce résidu de beauté,
42:06il est laid, finalement.
42:08Est-ce que Dieu est beau pour vous ?
42:10Oui, je pense qu'en fait,
42:12l'expérience du beau
42:14est une anticipation
42:16de notre destination,
42:18au final, si tout se passe bien,
42:20qui est la vision béatifique.
42:22Qu'est-ce que c'est que le beau ?
42:24C'est ce qui plaît à être...
42:26La vision béatifique, c'est le fait de voir Dieu face à face
42:28après la mort.
42:30L'expérience du beau, qui est absolument saisissante,
42:32c'est la découverte
42:34qu'il y a quelque chose
42:36à contempler, d'abord, et non pas à consommer.
42:38Quand vous consommez, vous prenez la chose
42:40et elle devient vous.
42:42Vous avez la fringale de vous l'assimiler.
42:44C'est-à-dire la gourmandise.
42:46Et la contemplation, c'est tout à fait autre chose.
42:48C'est vous qui avez, d'une certaine façon,
42:50l'intention de venir, de vous fondre
42:52dans le paysage ou dans quelque chose
42:54de beau que vous voyez,
42:56un panorama absolument grandiose.
42:58Et donc, c'est ça, la contemplation.
43:00C'est s'arrêter devant
43:02ce qui vaut plus que vous
43:04et va vous donner votre bonheur.
43:06Vous allez reconnaître que vous n'êtes rien
43:08au milieu de tout ça.
43:10Et c'est formidable.
43:12Parce que vous avez enfin trouvé...
43:14Et c'est possible.
43:16Le port d'attache.
43:18Le beau, c'est ce qui plaît.
43:20Quod visum placet, dit saint Thomas d'Aquin.
43:22C'est-à-dire ce qui plaît à être vu.
43:24Et Dieu, c'est suprêmement ce qui plaît à être vu.
43:26Et donc, l'expérience esthétique,
43:28elle a aussi quelque chose d'un peu douloureux.
43:30Il ne faut pas dire que c'est juste
43:32de voir des jolis trucs.
43:34Mais il y a une blessure du beau.
43:36Parce qu'au moment où vous voyez quelque chose
43:38de très beau...
43:40Enfin, je pense que c'est arrivé
43:42à tous nos téléspectateurs.
43:44Vous avez une sorte de chagrin positif
43:46que c'est pas assez.
43:48Vous voudriez plus.
43:50Il y a une maladie.
43:52Celui qui a frappé la pieta
43:54ne supportait pas la beauté.
43:56La beauté me blesse parce qu'elle m'oblige
43:58à céder devant
44:00quelque chose qui me dépasse.
44:02Et cette rage...
44:04Il y a peut-être un amour de la laideur,
44:06ou cette rage contre le beau,
44:08parce qu'il nous dérange.
44:10Comment retrouver
44:12le sens du beau ?
44:14Est-ce que la beauté peut être
44:16une porte d'entrée vers la foi ?
44:18On va écouter un autre prêtre,
44:20Don Christophe Granville,
44:22qui organise le deuxième concours
44:24national de photo chrétienne,
44:26Sacré Photo.
44:28Il nous explique l'esprit de ce concours.
44:44C'est un moyen très simple, ce concours photo.
44:46Il y a un site internet,
44:48sacré-photo.fr.
44:50Je reprends le mot qui a été cité
44:52par ce prêtre,
44:54le mot de guérison par la beauté.
44:56Ça vous semble juste ?
44:58Est-ce que c'est vrai ?
45:00Est-ce que c'est vrai ?
45:02Est-ce que c'est vrai ?
45:04Est-ce que c'est vrai ?
45:06Est-ce que c'est vrai ?
45:08Est-ce que c'est vrai ?
45:10Est-ce que c'est vrai ?
45:12Oui, on a retâché la beauté.
45:14Ça vous semble juste, Père Demestre ?
45:16Oh oui, c'est très touchant.
45:18On a besoin d'être réunifiés.
45:20On a besoin d'être saisis.
45:22Il y a une onction de la beauté,
45:24on pourrait dire une onction guérissante.
45:26Pierre Monorisso ?
45:28Je pense qu'on peut dire une guérison
45:30par la blessure qu'elle cause.
45:32C'est paradoxal.
45:34Mais elle cause une blessure
45:36et qui va nous guérir.
45:38On a tous cette expérience face à la beauté.
45:40très fortement. En fait, j'ai senti qu'il fallait que je fasse quelque chose.
45:44Quoi ? Alors, il y a soit consommer, on peut tenter de ça, soit répondre, et
45:49m'a semblé, c'était répondre par l'amour, agir avec amour. Et à ce moment-là, on entre dans une relation.
45:55Saint-Augustin dit ça quelque part, que les choses belles nous demandent notre voix.
45:59Elles ne peuvent pas parler et chanter réellement leur chance et leur beauté.
46:03Elles chantent les louanges de leurs créateurs, parce que le sentiment qu'on a
46:07dans l'expérience esthétique, qui est à la fois poignant, douloureux et joyeux,
46:11c'est qu'on ressent un sentiment de gratitude. Et on a envie de dire merci
46:16pour la beauté. Alors, on se dit, bah oui, mais merci à qui ? Aux arbres, à la petite Pauline, qui s'est mise devant, mais elle n'a rien fait pour.
46:23Et on a envie de demander pardon. On s'arrête sous Ime, dans Les Frères Karamazov,
46:29qui, en entendant le chant des oiseaux, font en larmes, parce qu'il a, d'une
46:35certaine manière, blessé cette harmonie céleste.
46:38Et cette gratitude, elle s'adresse à quelqu'un.
46:42Véronique Jacquet ? Oui, donc il y a la gratitude, mais si je vous suis bien, la
46:47beauté est éminemment spirituelle. Et ça veut dire qu'on est tous faits pour
46:52contempler, dès ce monde, le maximum de belles choses, le maximum de beauté. Et on
46:56devrait tous, finalement, manifester pour avoir des artistes qui nous offrent plus
46:59d'oeuvres très très belles. Alors, je me permets d'ajouter à cette
47:04question de Véronique, une recommandation d'un des documents du
47:08Concile Vatican II, Sacro Sanctum Concilium, pour la cité, qui demandait la
47:12création d'écoles ou d'académies d'art sacré, pour la formation des artistes
47:15dans les régions. Je trouve que c'est une idée intéressante, qui n'existe pas
47:18vraiment à ma connaissance, Pierre-Henri Rousseau. Non, c'est vrai, ça n'existe pas
47:23trop. Ça existe en Italie. L'Italie, effectivement, a toujours été forte pour ça.
47:27Un pays de la renaissance et de la beauté, peut-être. Père Demestre sera le mot de la fin.
47:32La beauté, ça s'éduque. On apprend à regarder, on apprend à aimer, on apprend à privilégier ce qui est beau.
47:39Educere, c'est conduire à l'extérieur, contrairement à seducere, qui est conduire à soi.
47:44Il y a toute une assaise, une école de la beauté, pour apprendre à goûter ce qui est bon.
47:50Donc, rien n'est perdu, Frédéric Guillot ?
47:52Non, rien n'est perdu. D'abord, il y a la nature, qui existe encore, et qui est très belle.
47:56Parce qu'au fond, tout le monde, sur l'objectivité du beau, je pense que les gens
48:00qui prêchent avec, enfin disent qu'ils pensent avec leurs pieds, qu'est-ce qu'ils font ?
48:03Ils aiment tous la nature, tout le monde trouve que la nature est belle, et tout le monde va en vacances à Florence.
48:08Les gens, on n'a pas installé de resort sur le front de scène, ou à la Défense, ou au Vervilliers.
48:13Comment ça se fait ? Et même les artistes un peu déconstruits, généralement, ils habitent dans des jolis endroits.
48:20Des beaux quartiers.
48:21Oui, ils ne vivent pas dans des blocos.
48:22Mais ils les rénovent, quand même.
48:23Donc, leurs pieds aimant leur discours, leur bouche, vous voyez.
48:27Merci beaucoup, c'est la fin de cette émission, bien sûr, on aurait aimé la poursuivre.
48:31Pierre-Henri Rousseau, je relance, je renvoie sur votre site internet, l'étoile du matin, au pluriel,
48:38pour découvrir vos œuvres, et puis la première journée fera Angélico, donc on espère qu'il y en aura d'autres, bien sûr.
48:43Un autre conseil aussi, d'exposition, c'est celle d'Augustin Frison-Roche, en ce moment, au Collège des Bernardins, jusqu'au 26 février,
48:50donc il faut se dépêcher, ça s'appelle Epiphanie.
48:52Et puis un livre, justement, pour éduquer au beau, Promenade au musée, 25 tableaux pour apprendre à regarder l'art,
48:57c'est publié chez MAM, par Sophie Rouberti.
49:00Et puis, bien sûr, tout cela est à retrouver sur le site internet de France Catholique.
49:05Véronique, qui fait sa couverture cette semaine ?
49:07Qui fait aussi sa couverture sur la beauté.
49:09Retrouver le beau, évidemment, l'émission ne suffit pas.
49:13Donc, il faut lire France Catholique, et c'est sur abonnement, ou sur france-catholique.fr.
49:18Merci à vous d'avoir suivi cette émission.
49:20Merci à Tara Souvé et aux équipes techniques de CNews.
49:25La semaine prochaine, nous parlerons, à l'occasion de la fête de Notre-Dame de Lourdes,
49:29de la présence de l'Église auprès des malades.
49:31Là aussi, retrouver peut-être la beauté de l'amour, si j'ai bien compris la conclusion de vos échanges.
49:37Merci encore une fois à tous, et à la semaine prochaine.