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Ce samedi auront lieu les obsèques du petit Emile, mais le mystère de sa disparition demeure. François Daoust, ancien directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, est l'invité de Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 07 février 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Amandine Bégaud et Olivier Bois
00:05Et à 8h16 sur RTL, votre invité Amandine, c'est l'une des affaires les plus mystérieuses de ces dernières années,
00:11la disparition du petit Émile, c'était le 8 juillet 2023,
00:1519 mois plus tard et alors que les obsèques du petit garçon auront lieu demain,
00:19on ne sait toujours pas ce qui a bien pu se passer.
00:21Amandine, vous avez choisi ce matin de recevoir l'ancien directeur de recherche criminelle de la gendarmerie,
00:26le général François Daoust.
00:28Bonjour Général Daoust.
00:29Bonjour.
00:30Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, on va faire bien sûr un point avec vous sur ce que l'on sait,
00:34est-ce qu'on ne sait pas dans cette enquête, il y a beaucoup de choses qu'on ne sait pas encore,
00:37mais d'abord je voulais avoir votre sentiment quand plus d'un an et demi après la disparition d'Émile,
00:4219 mois après, vous entendez aujourd'hui que les gendarmes, que vous connaissez bien,
00:46vous avez fait ce métier, vraiment au cœur de cette enquête, n'ont aucune hypothèse privilégiée,
00:53accident, meurtre ou autre, est-ce que ça vous étonne sincèrement ?
00:57Alors au regard de l'ensemble des éléments qu'il y a, non, pas vraiment.
01:02Pour qu'une hypothèse prenne réellement le pas sur une autre, il faut qu'il y ait des éléments,
01:07des éléments matériels, des témoignages, des éléments indiciels particulièrement probants
01:12qui vont faire qu'on écarte au fur et à mesure les unes ou les autres.
01:16Sauf que là on a quand même des éléments, un crâne, des vêtements appartenant aux petits garçons
01:20qui ont été retrouvés en mars dernier, on y a trouvé deux traces ADN,
01:24c'est Artel d'ailleurs qui l'avait révélé, c'est pas rien !
01:28Alors, c'est pas rien, mais ce n'est pas suffisant. Pourquoi ? Parce que d'abord nous n'avons pas eu,
01:33il n'y a pas eu le corps, hélas, en entier de l'enfant, ce qui fait que les médecins légistes
01:39derrière ou les anthropologues n'ont pas pu voir s'il y avait d'autres blessures,
01:43des blessures particulières ou blessures d'une agression ou d'un accident,
01:47ou au contraire aucune blessure qui pourrait montrer que l'enfant s'est déshydraté,
01:52a perdu conscience et est décédé. Donc ça c'est la première chose.
01:55On reste toujours entre deux. Le fait d'avoir trouvé deux traces ADN,
02:00d'abord il est quand même étonnant que derrière ces traces ADN qui sont apparemment,
02:06d'après les échos que nous avons tous, partielles et dégradées,
02:10ça veut dire que l'exploitation est particulièrement difficile.
02:13Ça veut dire quoi une trace d'ADN partielle ?
02:15Une trace d'ADN partielle, disons que si votre profil ADN
02:21est sur 15 régions, c'est-à-dire 15 morceaux bien choisis un par un.
02:27C'est comme une corde ?
02:28Voilà, comme une corde. Et sur cette corde, elle est constituée d'un certain nombre
02:33de petits nœuds qui les distinguent. Et bien là, quand l'ADN partiel,
02:38on ne peut avoir qu'une partie de la corde. Un ADN dégradé, en fait,
02:42on a des morceaux de la corde mais qui ne sont pas forcément réunis entre eux.
02:46Donc c'est beaucoup plus difficile à interpréter.
02:49Est-ce que visiblement on est capable de dire que ça n'est pas un membre de la famille ?
02:52Oui.
02:53Ça, cette piste-là, elle est écartée, en tout cas à partir de l'ADN.
02:57Ça pourrait être l'ADN d'enquêteur ?
03:00Tout à fait. On pourrait avoir une contamination par enquêteur.
03:04Les personnes qui étaient sur le terrain, bien qu'ils aient pris des précautions,
03:08l'ADN est quelque chose de très volatil.
03:10Et les techniques sont tellement pointues maintenant...
03:13Ça c'est facile à vérifier, on sait tous les enquêteurs.
03:16Là-dessus, je pense que les juges d'instruction ont fait prélever l'ensemble des enquêteurs
03:21et des experts qui ont eu à travailler à la fois sur les ossements et sur les vêtements.
03:26Le fait qu'on puisse exclure que ce n'est pas un ADN familial,
03:30c'est que dans un des petits morceaux de corde,
03:33on peut avoir ce qu'on appelle l'ADN mitochondrial qui donne la lignée maternelle
03:37ou un STRY, je ne vais pas aller au-delà,
03:41mais qui peut donner aussi l'équivalent paternel.
03:45Donc si on a ce petit morceau, il peut déjà indiquer quelque chose.
03:49Quant à le comparer, si c'est vraiment trop dégradé,
03:53ça ouvre un champ des possibles et en fonction du nombre de morceaux,
03:57on peut avoir des centaines, voire des milliers de gens qui pourraient correspondre aussi.
04:00Donc on a une trace ADN, on la rentre dans un fichier.
04:03Les différents fichiers qu'on a, visiblement, pour l'instant, ça ne matche pas avec rien.
04:08J'imagine que 19 mois après la disparition du petit garçon,
04:11les enquêteurs savent très bien tous ceux qui se trouvaient dans la région à ce moment-là.
04:15Alors, après ce temps, ils ont fait tous les bournages,
04:19ils ont relevé tous les véhicules aussi,
04:23qui eux aussi bournaient parce qu'ils ont des cartes SIM à l'intérieur pour la plupart.
04:27Ce qui reste encore long, c'est, certes, on a l'ensemble,
04:32mais ça fait plusieurs milliers et il faut les entendre.
04:36Donc là-dessus, c'est un travail de fourmi, une enquête à l'ancienne,
04:40du temps où il n'y avait pas toutes ces données et ces traces matérielles.
04:45Il n'empêche que, quand ça sera fini,
04:48est-ce qu'il y a quelqu'un qui ait d'intérêt ou pas ?
04:52S'il n'y a personne d'un côté,
04:54si de l'autre côté, les éléments et les traces ne sont pas déterminantes,
04:58eh bien, on sera toujours sur les deux hypothèses privilégiées,
05:02l'enfance est vraiment perdue.
05:04Et il y a peut-être eu un accident et le corps a été déposé.
05:08Si il s'est perdu, ça on ne le saura jamais.
05:10Rien ne pourra jamais le prouver.
05:12Rien ne pourra jamais le prouver et c'est toute la difficulté.
05:16D'après vous, il est possible, Général Daous, qu'on ne sache jamais ce qui s'est passé ?
05:20Tout à fait. Et grâce, malgré les techniques, malgré les témoignages,
05:24malgré les éléments qui sont remontés,
05:26mais comme il manque beaucoup d'éléments indiciels,
05:29et les plus importants qui sont le corps entier,
05:33ou en tout cas au moins le squelette entier de cet enfant,
05:36eh bien, n'ayant pas ça,
05:39il y aura toujours un grand point d'interrogation.
05:41Alors je ne veux pas poser une question morbide,
05:43mais pour qu'on comprenne bien, on a retrouvé effectivement
05:46quelques ossements, un crâne.
05:48Est-ce que ça vous étonne qu'on n'ait pas retrouvé l'ensemble du corps ?
05:52Imaginons effectivement qu'Emile se soit tout simplement perdu,
05:55et qu'il soit mort de froid,
05:57ou parce qu'il est tombé.
05:59Le corps aurait dû être là ?
06:01Alors, le corps, au regard de la topographie des lieux,
06:05une des hypothèses, s'il s'est perdu,
06:08donc coup de chaleur, déshydratation,
06:11il est certainement sur la crête.
06:14À partir de ce moment-là, il y a le temps qui fait son œuvre,
06:19c'est l'automne, l'hiver, ça passe.
06:21Il y a plusieurs épisodes méditerranéens qui feront que
06:25ça ravine complètement de la crête jusqu'au ruisseau qui est en dessous.
06:31Si le corps était en haut, à ce moment-là,
06:33avec la dégradation et la décomposition naturelle,
06:36le corps et les morceaux, au fur et à mesure du squelette,
06:40dévalent la pente.
06:41Donc une fouille très poussée de toute cette zone, c'est impossible ?
06:45Alors, il y a eu une fouille poussée de la zone.
06:48Ils sont remontés en amont, parce que la prédation animale
06:51fait qu'ils viennent, hélas, c'est un peu triste et morbide ce que je veux dire,
06:56mais ils vont se nourrir des restes de l'enfant,
06:59ils vont amener des morceaux en amont.
07:02Inversement, le cours d'eau en cru
07:07va amener le reste des éléments beaucoup plus en aval.
07:11Les recherches ont permis de retrouver un certain nombre d'éléments osseux,
07:15mais pas la totalité.
07:17En tant qu'ancien patron de l'IRCGN, l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie,
07:20vous avez travaillé, Général Daouz, sur des dizaines et des dizaines d'enquêtes,
07:23en l'espèce.
07:24Je le rappelle pour nos auditeurs, vous n'avez pas accès directement à ce dossier.
07:28Est-ce que, malgré tout, vous avez, vous, une intime conviction ?
07:32Alors, l'intime conviction, en droit, elle est...
07:36Oui, mais comme vous n'êtes plus en poste, je me permets de vous la poser la question.
07:40Oui, tout à fait, elle est pour le juge et les jurés.
07:42Alors, j'ai l'impression que, malgré l'ensemble des hasards que l'on pourrait dire,
07:47comme le crâne retrouvé le jour de Pâques,
07:49l'endemain ou le surlendemain d'une mise en situation, etc., etc.,
07:55l'hypothèse que je privilégierais à ce stade, à défaut d'autres éléments,
08:02c'est vraiment l'enfant qui s'est perdu.
08:05Et je rappelle que le procureur de la République, dans une de ses dernières déclarations,
08:09avait dit que cette zone, autant le chemin avait été vu, contrôlé, etc.,
08:16autant cette ravine, de la ligne de crête jusqu'au bas, n'avait pas bien été fouillée,
08:21parce qu'elle ne paraissait pas être peut-être d'importance ou autre, ou elle a été loupée.
08:28Même les chiens n'avaient pas été amenés sur place.
08:30Donc, tout s'est peut-être joué dans les toutes premières heures.
08:34Oui, je vous rappelle, il faisait 40 degrés.
08:36Un enfant de deux ans se déshydrate très, très vite.
08:40Deux, trois heures après, comme le disait le médecin légiste,
08:43il tombe inconscient parce qu'il a besoin de boire.
08:47Et après, hélas, le drame arrive.
08:50Merci beaucoup, Général Daoust, d'être venu ce matin nous aider.

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