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00:0011 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien secrétaire d'Etat Hervé Novelli.
00:05Bonjour Hervé Novelli, bienvenue sur Europe 1.
00:07Vous êtes l'inventeur du statut d'auto-entrepreneur qui va bientôt fêter ses 20 ans ?
00:11Oui, j'ai fêté du reste les 15 ans l'année dernière.
00:14Quel succès, quel succès, c'est incroyable.
00:16Combien il y en a-t-il des auto-entrepreneurs aujourd'hui en France ?
00:18Il y en a 2,7 millions et 1,5 millions qui déclarent vraiment du chiffre d'affaires.
00:22Qui vivent vraiment d'auto-entreprise.
00:24C'est vraiment une révolution dont je suis très fier.
00:28C'est dire que j'ai donc été surpris.
00:30Alors vous êtes aussi chef d'entreprise aujourd'hui.
00:32Oui, je suis entrepreneur.
00:33Vous êtes passé de l'autre côté de la barrière.
00:35J'étais entrepreneur avant la politique et je suis entrepreneur après la politique.
00:39Je suis un être hybride, comment m'a-t-on qualifié ?
00:41Il y a une vie après la politique, c'est ça aussi que dit votre parcours.
00:44Oui, c'est très important.
00:45Alors vous êtes donc chef d'entreprise.
00:46On les entend beaucoup en ce moment, les patrons, petits et grands.
00:49Ils montent au créneau, que ce soit contre la pression fiscale, la pression réglementaire.
00:53Ils répondent aussi beaucoup aux attaques qui viennent en ce moment de la gauche.
00:57On évoquera ensemble la passe d'armes il y a deux jours entre un député de la France Insoumise
01:00et le patron de Renault, Luca Demeo.
01:02C'est tellement symptomatique finalement de l'incompréhension entre ces deux univers.
01:07Un mot d'abord des auto-entrepreneurs, c'est l'actualité du jour.
01:10Le budget 2025 prévoyait d'abaisser le seuil d'exemption de la TVA pour les auto-entrepreneurs.
01:16Alors pour ceux qui ne connaissent pas du tout comment ça marche,
01:18quand on est auto-entrepreneur, jusqu'à 37 700 euros de chiffre d'affaires, vous ne payez pas la TVA.
01:23Ce seuil, Bercy voulait l'abaisser à 25 000 euros.
01:26Ça a déclenché une immense colère de la profession.
01:28Mais enfin, la colère est claire, elle n'est pas si massive que ça.
01:31Et on assiste à une reculade de Bercy qui dit
01:33on va suspendre cet abaissement, on va concerter, comme on dit maintenant.
01:38Lorsque j'ai appris cela, j'ai tout de suite pensé que la création d'entreprises,
01:44qui est une des séries statistiques qui marche bien en France,
01:48il y a eu un million de créations d'entreprises l'année dernière,
01:50allaient être affectées.
01:51Puisque sur ce million d'entreprises créées en 2024,
01:55on a 700 000 qui l'ont été sous la forme d'auto-entrepreneurs.
01:57Trois entreprises sur quatre, quasiment, ce sont des auto-entreprises.
02:00Donc ça veut dire que quand vous agressez,
02:02parce que ça a été une véritable agression qui a été faite,
02:05lorsque vous agressez 7 entrepreneurs sur 10 en création,
02:11vous avez forcément une baisse de la création d'entreprises.
02:16Et je l'ai prédit, j'ai dit en 2025 qu'il y aura une baisse de la création d'entreprises.
02:20Vous pensez qu'abaisser le seuil de déclenchement des taxes, c'est dissuasif ?
02:247 auto-entrepreneurs sur 10 dans la création d'entreprises,
02:29et bien vous aurez, et c'était déjà l'émotion,
02:32il suffit de voir l'émotion des auto-entrepreneurs pour le comprendre,
02:35c'était déjà le cas, certains voulaient s'arrêter,
02:37d'autres répugnaient à choisir ce statut.
02:39Donc il y a eu une véritable émotion que je comprends,
02:43et cette mesure elle est très mauvaise.
02:45Le gouvernement a bien fait d'annoncer une concertation, une suspension,
02:49mais il fera encore mieux, c'est en tout cas ma conviction,
02:54d'annuler cette mesure qui est une mauvaise mesure, pour trois raisons rapidement.
02:57Un, ça va affecter la création d'entreprises,
03:00c'est la seule courbe qui résiste encore dans ce pays.
03:04Deux, on s'attaque à des travailleurs pauvres, aux travailleurs précaires,
03:07et ça c'est insupportable, il n'y a pas que les grands patrons,
03:10il y a aussi tous ceux qui se retroussent les manches pour travailler fort.
03:15Et puis on va assister à une explosion du travail au noir,
03:18et ça on ne le voit pas.
03:19Pour une misérable rentrée de 400 millions d'euros,
03:23ça ne vaut pas le coup, et surtout,
03:26il n'auront pas lieu ces 400 millions d'euros,
03:28parce que comme il y aura moins de création,
03:30il y aura moins de rentrée fiscale et sociale,
03:32et donc au final, ça va s'annuler.
03:34Donc c'était une mauvaise mesure, il faut y renoncer,
03:37c'est vraiment l'appel que je porte au gouvernement.
03:41Ça rapporte combien à l'État, les auto-entrepreneurs ?
03:44L'année dernière, ça a rapporté 6 milliards d'euros
03:47de charges sociales et fiscales.
03:50C'est dire que les 400 millions,
03:53par rapport à ces 6 milliards,
03:55c'est quelque chose de faible,
03:57et donc il faut revenir sur cette mesure.
04:00On se souvient des grands mouvements patronaux,
04:02petits patronaux, si je peux dire,
04:03les pigeons, etc., il y a quelques années,
04:05mais ça avait duré extrêmement longtemps,
04:06ça avait même parfois été violent.
04:08Là, il a suffi, j'étais un peu surpris,
04:10je vous avoue, de la reculade d'Éric Lombard,
04:1124 heures, petite tempête médiatique,
04:14pour qu'il annonce le recul.
04:15Est-ce qu'il y a une peur, vous croyez,
04:16aujourd'hui, des chefs au gouvernement,
04:19des réactions patronales ?
04:20D'abord, lorsqu'il y a eu ces révoltes,
04:22les auto-entrepreneurs étaient beaucoup moins nombreux.
04:25Aujourd'hui, chacun connaît un auto-entrepreneur
04:28dans sa famille.
04:29Mais est-ce qu'il n'y a pas, précisément,
04:30en ce moment, Hervé Novelli,
04:32de voir, d'entendre des grands patrons,
04:33comme Bernard Arnault, comme Lucas Demeo,
04:35et tant d'autres, aujourd'hui, s'exprimer,
04:37du côté du gouvernement, on se dit
04:38« Ah, il se passe quelque chose,
04:39il faut être très prudent avec les chefs d'entreprise. »
04:41Mais, il est naturel,
04:44et il n'y a qu'en France qu'on le constate,
04:46d'être prudent avec les chefs d'entreprise.
04:48Les chefs d'entreprise contribuent
04:50à la création de la richesse et de l'emploi.
04:52Et l'entreprise, sans entreprise,
04:54sans entrepreneur, il n'y a pas de croissance.
04:56Donc, il est temps de le reconnaître.
04:58Et la France, elle est spécialisée
05:00dans la championne du monde
05:03de l'imposition et de la fiscalité.
05:05Donc, il était temps de le reconnaître.
05:08Mais, s'attaquer aux petits,
05:12eh bien, ça ne passe plus.
05:13Ça ne passe pas, non plus,
05:14quand on s'attaque aux gros.
05:16En tout cas, ils protestent.
05:17C'est bienvenu que les entrepreneurs
05:19investissent le champ public.
05:22Il est temps que l'on entende
05:24d'autres voix que celles de Jean-Luc Mélenchon
05:27ou des Insoumis pour taper sur les patrons.
05:29Alors, j'ai entendu beaucoup
05:31de grands chefs d'entreprise.
05:32On sent que, de leur côté,
05:33il y a une déception à propos d'Emmanuel Macron.
05:35L'agenda Pro-Business de 2017,
05:37il semble un petit peu passer de mode,
05:39si je puis dire, à Vannoveli.
05:41C'est surtout Emmanuel Macron
05:43qui s'est muté.
05:45Il s'est muté d'émancipateur en distributeur.
05:48En distributeur ?
05:50Oui, en Père Noël.
05:51Donc, il y a un problème.
05:52Je sors le carnet de chèques.
05:53Le problème, c'est qu'il n'y a plus
05:55vraiment de provision sur le carnet de chèques
05:58et qu'on fait des chèques en bois.
06:00Et là, évidemment, ça montre les limites
06:03de cette méthode.
06:04Donc, la déception,
06:05elle vient d'un changement d'attitude
06:08qu'on peut expliquer.
06:09Il y a eu des crises et tout ça,
06:11mais qui a entraîné une véritable déception.
06:13Il y a eu ce moment étonnant aussi
06:14la semaine dernière à Hervé Noveli,
06:16la tirade du patron de Michelin
06:18en commission à l'Assemblée nationale
06:20contre la lourdeur du coût du travail en France.
06:22Quand on s'intéresse aux entreprises,
06:24franchement, il n'a rien dit d'exceptionnel,
06:26le patron de Michelin.
06:27Il a dit ce que tous les patrons disent
06:28depuis 20 ans dans ce pays,
06:29et encore 20 ans,
06:30ça a commencé bien avant.
06:31Mais là, c'est comme s'il savait percer
06:33le mur du son.
06:34Hervé Noveli, comme si d'un coup,
06:35ce que disaient les chefs d'entreprise
06:37employés en France,
06:38ça coûte une fortune comparé
06:39à ce qu'on peut faire dans d'autres pays.
06:41Là, d'un coup, tout le monde l'a entendu.
06:42Hervé Noveli, c'était quand même assez frappant.
06:44Oui, il a dit des choses
06:45que l'on n'entend pas d'habitude,
06:47ou en tout cas que l'on ne veut pas entendre.
06:49Il y a une sorte de...
06:51Le poids des impôts de production,
06:52ça fait des années qu'on en parle, par exemple.
06:53Et là, d'un coup, ça devient grand public.
06:55Ça restait dans un cercle,
06:56le cercle des entrepreneurs,
06:57d'une certaine manière.
06:59Il a dit de manière très simple
07:01des vérités
07:02que je m'échine à rappeler
07:04depuis des années dans le débat public,
07:06avec plus ou moins de succès.
07:08Mais aujourd'hui,
07:09on commence à comprendre
07:10qu'il y a un lien.
07:11Entre des impôts trop élevés,
07:13entre des charges trop lourdes,
07:15et l'économie, la croissance,
07:17la création de richesses.
07:18Lorsqu'on voit la différence, par exemple,
07:20entre la Suisse et la France
07:22en 20 ans,
07:23ou en 30 ans,
07:25lorsqu'on voit que les Suisses
07:27étaient beaucoup plus pauvres
07:28que les Français
07:29en matière de PIB par habitant,
07:31et qu'aujourd'hui, c'est l'inverse,
07:32on se dit, c'est passé des choses.
07:34Eh bien, nous ne créons pas assez
07:36de richesses,
07:37tout simplement parce que
07:39nous avons des handicaps
07:41qui sont très lourds,
07:42trop lourds aujourd'hui.
07:44On a eu aussi cette passe d'armes
07:46à l'Assemblée Nationale
07:47entre le député Eléphi Benjamin Lucas
07:49et Luca De Meo,
07:50donc le patron de Renault,
07:51le premier reprochant au second
07:53sa rémunération qu'il jugeait
07:55trop élevée.
07:56Vous avez entendu ce qu'a répondu Luca De Meo ?
07:57Il a fait, attendez,
07:58mais vous croyez que je ne travaille pas ?
07:59Moi, j'ai la pression permanente
08:00de mon entreprise
08:01et la responsabilité
08:02de 100 000 employés dans le monde.
08:04Bien sûr, j'ai trouvé
08:05cette passe d'armes
08:06pour tout dire,
08:07la position de notre insoumis
08:12assez inquisitoriale
08:14et assez insupportable.
08:15Je ne lui souhaite pas
08:17d'avoir un jour à assumer
08:18des responsabilités
08:19de 100 000 ou de 150 000 personnes
08:22parce que je pense
08:24qu'il ne serait pas à sa place.
08:25Dernier élément,
08:26il y a ce sondage Toluna-Aris Interactive
08:28qui vient de tomber.
08:29Deux Français sur trois,
08:3065% estiment
08:32que ce serait une bonne chose
08:33qu'un entrepreneur soit élu
08:35président de la République.
08:36Qu'est-ce que vous en pensez,
08:37Hervé Novelli ?
08:38Ce que je pense,
08:39c'est que les entrepreneurs
08:40doivent aller dans le champ public.
08:42Je l'ai moi-même fait
08:43au détriment parfois
08:44de ma propre entreprise
08:45lorsque je me suis présenté aux élections.
08:47Il y a un monde
08:48entre l'entrepreneur
08:50et l'homme public
08:51et c'est ça qui rend
08:52la chose difficile.
08:53L'entrepreneur,
08:54il faut qu'il réussisse
08:56sinon son entreprise meurt.
08:57Donc, il doit agir,
08:59il doit faire
09:00et le champ public
09:01est souvent le champ de la parole,
09:02le champ du discours
09:03plutôt que le champ de l'action.
09:05C'est par contre
09:06ce que j'ai essayé de faire
09:07lorsque j'étais au gouvernement,
09:09agir plutôt que parler.
09:11Merci beaucoup,
09:12Hervé Novelli,
09:13l'ancien secrétaire d'État,
09:14donc créateur du statut
09:15des auto-entrepreneurs
09:16qui viennent fêter.
09:17C'est un peu plus de 15 ans,
09:18bientôt 20.
09:19Merci d'être venu
09:20sur l'antenne d'Europe 1 ce matin.
09:21Bonne journée.