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Emmanuel Macron doit proposer ce lundi 10 février le nom d'un successeur à Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel. Richard Ferrand, un des plus fidèles compagnons d'Emmanuel Macron, est pressenti. Un choix non sans risque, selon Matthieu Croissandeau.

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Transcription
00:00Mathieu Croissandeau, le Président de la République doit annoncer aujourd'hui le nom du candidat qu'il a choisi pour succéder à Laurent Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel.
00:08Et il s'agit de ?
00:10Richard Ferrand.
00:10Voilà, il devrait s'agir de Richard Ferrand.
00:12C'est pas une mauvaise idée ?
00:13Ah bah non, c'est pas une bonne idée, c'est même plutôt une très mauvaise idée pour le symbole notamment.
00:18Alors on rappelle que le Conseil constitutionnel, c'est le garant de l'État de droit.
00:21C'est lui qui vérifie que nos lois sont bien conformes à la Constitution.
00:25C'est lui qui valide les résultats des élections.
00:28C'est lui aussi qui donne son aval à la tenue d'un référendum.
00:31C'est donc un rouage essentiel de notre République.
00:34Ses neuf membres, ils doivent faire preuve, selon l'actuel Président Laurent Fabius, de compétence, d'exigence, d'indépendance.
00:41Trois cases que ne coche que très moyennement Richard Ferrand.
00:44Merci à le Président de l'Assemblée.
00:45Alors entendons-nous, je ne remets pas en cause les qualités propres de Richard Ferrand.
00:49Il en a plein.
00:49Mais sont-elles celles qu'on attend d'un Président de Conseil constitutionnel ?
00:53On est en droit de se poser la question.
00:55D'abord, Richard Ferrand n'est pas juriste.
00:57Mais ce n'est pas obligatoire d'être un juriste ?
00:59Non, ce n'est pas obligatoire.
01:00C'est le cas en Allemagne, c'est obligatoire.
01:01Mais en France, ce n'est pas le cas.
01:03Il ne faut peut-être pas que des juristes au Conseil constitutionnel.
01:05Mais il en faut un peu quand même.
01:07Vous vous rendez compte qu'après le renouvellement qui va avoir lieu,
01:09il ne risque d'y avoir plus que deux juristes au Conseil constitutionnel.
01:13Alors Richard Ferrand, il a fait plein de choses avant d'être Président de l'Assemblée nationale.
01:16Il a été journaliste pour Automoto, par exemple.
01:18Il a été directeur d'une agence graphique et de communication.
01:22Il a été directeur d'une mutuelle, une étape qui lui a valu une mise en examen
01:25pour prise illégale d'intérêt et une exfiltration du gouvernement
01:29où il venait d'être nommé.
01:30Bon, l'affaire a été classée sans suite.
01:32La Cour de cassation a confirmé ensuite la prescription des faits en 2022.
01:36Bon, c'est un très proche du Président de la République.
01:37Mais voilà, c'est un des marcheurs de la première heure.
01:40Alors, ce ne serait pas la première fois qu'un Président de la République
01:42nomme quelqu'un de son bord politique.
01:44Mais là, il s'agit quand même d'un très, très proche, d'un intime.
01:47Il regrettait, Richard Ferrand, dans la presse il y a quelques années,
01:52qu'Emmanuel Macron ne puisse pas briguer un troisième mandat.
01:56Est-ce qu'il sera à même, Richard Ferrand, de faire valoir
01:58son devoir d'ingratitude vis-à-vis de celui qu'il a nommé ?
02:01Devoir d'ingratitude, c'était une expression de Robert Badinter,
02:04qui fut président du Conseil constitutionnel.
02:06Quel avis il donnera, par exemple, si le Président de la République,
02:08son ami Emmanuel Macron, propose un référendum ?
02:10Alors, vous me direz, tout ça, ce ne sont que des procès d'intention.
02:13Mais vous voyez bien un problème.
02:14Quand vous nommez quelqu'un d'aussi proche à la tête d'une institution
02:17censée garantir l'équilibre et l'indépendance,
02:19vous entachez cette nomination.
02:20Ce week-end dans le monde, deux juristes, pour le coup,
02:23deux inconstitutionnalistes, Dominique Chagnelot
02:25et un professeur de droit public, Jules Le Poultre,
02:27ont tiré la sonnette d'alarme dans le journal Le Monde.
02:30La proposition de nomination de Richard Ferrand
02:31ne s'intègre ni dans une exigence de compétence technique,
02:34ni dans une impartialité objective comme subjective,
02:36le plaçant au-dessus des contingences politiques.
02:38Alors, tout ça, c'est un langage très constitutionnaliste,
02:42j'allais dire, mais c'est tiré à bout les roues.
02:44Et je vais vous dire juste une chose, ça tombe mal,
02:45parce que le Conseil constitutionnel, il est régulièrement
02:47et de plus en plus pris à partie.
02:49Vous vous souvenez, on l'a vu par la droite et l'extrême droite
02:51lors de la censure partielle de la loi Immigration il y a un an,
02:55mais aussi par la gauche pour sa non-censure
02:57de la réforme des retraites.
02:58Ça doit être un organe au-dessus de tout soupçon.
03:01Bon, n'importe comment, ce n'est pas Emmanuel Macron
03:03qui a le final cut, comme on dit,
03:04ce n'est pas lui la décision finale, c'est le Parlement.
03:06Oui, sa nomination doit être validée
03:08par les deux commissions des lois,
03:09celle de l'Assemblée et du Sénat.
03:11Si les trois cinquièmes refusent,
03:13eh bien, Richard Ferrand ne serait pas nommé.
03:15Ça serait une première de voir cette nomination
03:17d'un président du Conseil constitutionnel retoqué.
03:20On n'y est pas, mais ça fait quand même beaucoup,
03:21beaucoup tousser chez les députés
03:23et un peu moins chez les sénateurs.
03:24On verra quand même.
03:25Merci Mathieu.

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