• la semaine dernière
La laïcité ne se résume pas à la loi française de Séparation des Églises et de l'État de 1905, par ailleurs mal connue et souvent instrumentalisée. Trouver une juste place pour les religions dans la société préoccupe l'autorité politique depuis l'Antiquité. Avec Eric Anceau, professeur d'histoire contemporaine, nous revenons aux sources de ce questionnement en France, mais aussi dans le monde. Auteur de "Laïcité, un principe - De l'Antiquité au temps présent", il décrit le rôle de la construction de l'Etat en confrontation parfois avec les pouvoirs religieux dont la papauté, l'influence des guerres de religion, l'intense réflexion des Lumières et de la Révolution. Il examine l'élaboration et le contenu des lois laïques des débuts de la 3ème République, en particulier de la loi de 1905, l'apaisement relatif qui s'en est suivi, les nouveaux questionnements posés par l'islam depuis 30 ans.

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00Générique
00:10Générique
00:21Bonjour à tous.
00:23Est-ce un principe, est-ce une valeur, voire est-ce une nouvelle religion,
00:28cette laïcité dont on nous rebat les oreilles à longueur de temps,
00:32qu'il s'agisse d'une crèche dans une mairie,
00:34d'un calendrier de l'avant en classe primaire,
00:36d'un voile dans un lycée,
00:38ou plus dramatiquement, de l'assassinat d'un professeur.
00:41Mais que sait-on vraiment de la laïcité ?
00:43Car trouver une place pour les religions dans la société
00:46préoccupe l'autorité politique depuis l'Antiquité
00:49et comme toujours, pour bien comprendre un phénomène de société,
00:52il faut remonter aux sources de l'histoire longue,
00:55ce que nous allons faire avec notre invité Éric Enceau.
00:58Éric Enceau, bonjour.
01:00Bonjour Guillaume Fiquet, merci de me recevoir.
01:02Je vous en prie.
01:03Vous êtes professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Lorraine,
01:07spécialiste de l'histoire politique et sociale de la France contemporaine,
01:11et vous avez publié une trentaine d'ouvrages.
01:14Je vous avais déjà reçu, pour nous parler de Napoléon III,
01:17mais aussi de votre remarquable histoire mondiale des impôts,
01:21et aujourd'hui pour un livre paru en 2022,
01:25qui vient d'être édité par Passé Composé dans sa collection de poches.
01:31Il s'agit de « La laïcité, un principe de l'Antiquité au temps présent ».
01:37Ce qui est original et exceptionnel dans votre ouvrage,
01:40c'est qu'au milieu d'une biographie pléthorique,
01:43vous êtes le seul à en faire une approche historique.
01:47Est-ce que ça vous paraissait vraiment nécessaire de faire ça aujourd'hui ?
01:55À tout à faire.
01:56Je pense que l'historien a beaucoup à apprendre au public sur la laïcité.
02:00Qu'est-ce qui m'a motivé à écrire ce livre ?
02:02Trois choses.
02:03D'abord, vous l'avez dit, je suis un historien du politique,
02:05un historien de l'État,
02:07et inévitablement aujourd'hui la laïcité occupe une place tout à fait centrale dans l'État.
02:13La deuxième chose, c'est qu'il y a énormément de contresens sur la laïcité.
02:17Il suffit d'écouter les journalistes, la presse, les politiques,
02:21et il y a une forme d'instrumentalisation.
02:23Et puis le troisième élément, c'est que la laïcité,
02:26moi quand j'étais jeune, vous aussi sans doute,
02:28on n'avait pas l'expérience parce qu'on n'en parlait plus.
02:31Il n'y avait plus de problème.
02:33Et depuis une trentaine d'années, elle a ressurgi sur l'avant-scène,
02:36et vous l'avez rappelé dans votre avant-propos,
02:38on en parle constamment.
02:40On a véritablement besoin de revenir aux sources
02:42pour expliquer en profondeur historique le phénomène
02:45et comprendre pourquoi il est tant instrumentalisé,
02:49tant d'erreurs autour de ce principe.
02:52Oui parce qu'on a tendance à en faire aujourd'hui une valeur,
02:54alors que vous vous affirmez, c'est important,
02:56vous le mettez dans votre titre, un principe.
02:58C'est beaucoup plus qu'une valeur.
02:59Alors les valeurs de notre République,
03:01c'est la liberté, l'égalité et la fraternité.
03:03Voilà trois exemples de valeurs.
03:05Ce sont les trois valeurs fondamentales.
03:08Mais pour que ces valeurs puissent être mises en musique,
03:10au sommet, vous avez de grands principes,
03:13des principes fondamentaux, des principes fondateurs.
03:17Et en République, nous en avons quatre qui sont tout à fait clés.
03:21Il y a bien évidemment la souveraineté nationale.
03:24C'est la mère, si j'ose dire, de tous les principes.
03:28Dès 1789, ça remplace la souveraineté royale,
03:32la monarchie absolue, le droit divin.
03:34Vous avez le principe démocratique, deuxième grand principe.
03:38Troisième grand principe, l'indivisibilité de la République.
03:42Pendant très longtemps, la République était une et indivisible.
03:46On voit qu'il y a encore beaucoup de politiques qui utilisent cette formule.
03:49Mais en fait, il n'y a plus d'unité de la République,
03:51je le précise, dans la Constitution de 1958.
03:54Je ne vais pas expliquer pourquoi ça nous entraînerait trop loin.
03:57En revanche, l'indivisibilité demeure.
03:59Et puis, quatrième grand principe, la laïcité.
04:02Notre République est laïque depuis la Quatrième République en 1946.
04:06Mais même si le mot n'était pas utilisé,
04:09on va sans doute y revenir depuis les années 1880,
04:12donc depuis la Troisième République.
04:14D'ailleurs, dans votre introduction, vous soulignez la difficulté
04:17à en donner une vraie définition de cette laïcité.
04:20Oui, parce que ce que ne savent peut-être pas
04:23ceux qui nous suivent aujourd'hui, les téléspectateurs,
04:26c'est qu'en fait, il y a à peu près 210 pays sur Terre,
04:30à l'ONU ou un tout petit peu moins,
04:32et sur les 210, les deux tiers des pays pratiquent une forme de laïcité.
04:37Je dis bien les deux tiers.
04:39Les États-Unis, ça surprend toujours lorsque je le dis,
04:42sont un pays laïc.
04:44Alors, exemple inverse, le Royaume-Uni n'est pas un pays laïc.
04:47Mais vous voyez, la plupart des pays musulmans,
04:49on y reviendra peut-être, ne sont pas, vous vous en doutez,
04:52des pays laïcs.
04:53Donc vous avez 140 pays sur Terre à peu près qui sont laïcs.
04:56Mais loin s'en faut que tous pratiquent la même laïcité.
05:00Si vous voulez, la laïcité, en vision large, c'est quatre choses.
05:04Première chose, c'est la liberté de conscience et la liberté de culte.
05:10Ça, c'est tout à fait fondamental.
05:12Deuxième élément, et en profondeur historique, je dirais même,
05:15c'est le premier, c'est le refus de l'assujettissement
05:18du pouvoir civil et du pouvoir politique
05:21à toute forme de pouvoir religieux.
05:23Les deux peuvent coexister, mais le pouvoir religieux
05:26ne peut pas asservir ou dominer le pouvoir civil.
05:28C'est fondamental.
05:29Sinon, vous n'avez pas de laïcité dans un État.
05:32Et le troisième principe, c'est la possibilité pour toutes et tous
05:36de croire au ciel ou de ne pas y croire,
05:39sans subir de persécutions, de brimades, etc.
05:42Donc à partir du moment où ces trois principes,
05:45ces trois idées sont respectées, il y a la laïcité.
05:49Donc vous voyez, ça donne quand même un très large panel de possibilités.
05:52– D'ailleurs, d'où vient ce terme, le mot laïcité, mondiale étymologie ?
05:56Ce qui m'a frappé, c'est qu'effectivement, on écrit laïc,
05:59on peut l'écrire de plusieurs façons, avec un C ou une Q.
06:01Est-ce qu'il y a vraiment des différences ?
06:03– Oui, il y a deux choses dans votre question, c'est très intéressant.
06:05Le premier élément, ça vient de l'Antiquité grecque,
06:08donc ça remonte très très loin.
06:10Les Grecs ont trois termes dans l'Antiquité pour appeler le peuple.
06:13C'est tout d'abord le laïkos, c'est le démos,
06:17c'est le terme le plus connu, et c'est l'ethnos.
06:19Alors je vais commencer par le démos.
06:21Le démos, il est très restrictif, c'est le peuple politique.
06:24Donc ça exclut, dans la Grèce antique, dans la Rome antique,
06:27ce qu'on appelle les métèques, c'est-à-dire les étrangers,
06:30ça exclut les esclaves, ça exclut les femmes.
06:33Vous avez l'ethnos.
06:34Alors l'ethnos, on le comprend bien,
06:36d'ailleurs c'est toujours le terme qui, dans le grec contemporain,
06:39qualifie le peuple, c'est le caractère ethnique, culturel,
06:43on va dire, du peuple.
06:46Et le troisième élément, c'est la société,
06:49englobant absolument tout le monde,
06:51et c'est ça en fait le laïkos,
06:54et l'idée avec la laïcité, c'est de pouvoir,
06:58malgré nos différences, faire société, vivre en commun.
07:02C'est pour ça que c'est très très important.
07:04Alors, vous dites qu'il y a deux orthographes laïques,
07:08à l'adjectif laïque, effectivement.
07:10Alors l'orthographe laïque...
07:11Ça n'a pas la même signification.
07:13Non, tout à fait.
07:14Même si aujourd'hui, l'usage fait que l'orthographe
07:19QE au masculin est très peu utilisé,
07:21mais c'est important de revenir sur ce point,
07:23donc merci d'avoir posé cette question,
07:25parce que quand vous utilisez laïc avec un C,
07:27c'est pour l'opposer à religieux, à clair.
07:30Alors que le laïc QE, en fait,
07:33c'est attaché fondamentalement à la laïcité.
07:37C'est indépendant, je dirais, consubstantiel de la laïcité.
07:42Je vous donne un exemple.
07:43On parlera d'un établissement laïc,
07:46un établissement scolaire laïque,
07:48et en bon orthographe, on devrait écrire QE,
07:52puisqu'on l'oppose aux établissements confessionnels.
07:56Alors, puisque vous parlez d'étymologie,
07:59on va aller à l'Antiquité,
08:00et déjà, dès l'Antiquité,
08:02la place de la religion dans la société est discutée.
08:05Oui, alors elle est très peu discutée,
08:07pour être honnête,
08:08parce que je dirais qu'effectivement,
08:10dans la cité grecque...
08:11Pas discutée, je ne veux pas dire qu'elle est combattue,
08:14mais elle est discutée.
08:15Oui, mais très peu en fin de compte,
08:16parce que, si vous voulez,
08:17dans les états anciens,
08:19on pensera à l'Égypte pharaonique,
08:21on pensera à la Grèce ancienne et aux cités,
08:24on pensera bien évidemment à la Rome antique,
08:27et bien le Panthéon, les dieux,
08:30occupent une place tout à fait centrale.
08:32Mais il n'en demeure pas moins,
08:33tout le monde les connaît,
08:34qu'il y a des philosophes dans l'Antiquité,
08:36on pensera par exemple à Socrate,
08:38qui va dire, ben voilà,
08:40on doit faire preuve de raison,
08:42les dieux ne sont pas omniscients,
08:44donc tout ça est une critique,
08:46en quelque sorte, de la cité antique,
08:48et pour avoir remis en cause ces principes,
08:50Socrate, vous le savez sans doute,
08:52va devoir s'empoisonner,
08:53va devoir boire la ciguë,
08:55il acceptera bien sûr de le faire.
08:57Épicure dit exactement la même chose,
09:01son disciple latin qui s'appelle Lucrèce aussi,
09:04donc vous avez des philosophes
09:06qui remettent en cause la toute-puissance des dieux,
09:09en disant, voilà,
09:10l'humain a quand même son libre-arbitre,
09:12a une marge de manœuvre,
09:13il peut user de la raison.
09:15Et bien évidemment,
09:16ces philosophes seront ensuite redécouverts
09:18à l'époque médiévale, à l'époque moderne,
09:20et à l'époque contemporaine.
09:22Et concernant la religion chrétienne,
09:24est-ce qu'on peut dire qu'elle contient la laïcité ?
09:27Est-ce que la laïcité fait partie de sa nature ?
09:29Tout le monde connaît la phrase de Jules,
09:32qui demandait à César.
09:33Bien évidemment,
09:34je dirais que les choses sont un petit peu ambiguës,
09:36ce qui est certain,
09:37c'est que comparativement à une religion comme l'Islam,
09:40où la religion est la loi,
09:42il peut y avoir en pays chrétien
09:45une forme de séparation.
09:47Vous avez rappelé la formule du Christ,
09:49« Rendez à César ce qui est à César,
09:51et à Dieu ce qui est à Dieu ».
09:53Il y a aussi Saint-Augustin,
09:55avec les deux cités,
09:56la cité de Dieu et la cité terrestre.
09:58Donc il peut y avoir dans le christianisme
10:00une forme de séparation.
10:02D'autres postuleront qu'au contraire...
10:04On peut dire qu'elle est en germe.
10:05Elle est en germe.
10:06Bien évidemment,
10:07mon ami Marcel Gaucher parle de catholaïcité,
10:11et il dit que la laïcité est née en pays chrétien
10:14parce que cette religion permettait de la faire émerger,
10:17ce que d'autres religions permettaient
10:19beaucoup plus difficilement de faire.
10:22Et d'ailleurs, par exemple,
10:24les premières grandes réformes,
10:26on pense à la réforme grégorienne,
10:27on voit déjà les prémices d'une séparation,
10:31ou du moins...
10:33Alors là aussi, là c'est ambigu,
10:36parce que le pape Grégoire,
10:38il est très gêné aux entournures
10:40du fait que l'empereur du Saint-Empire romain germanique
10:43veut imposer sa loi à l'église,
10:45et il prend le contre-pied,
10:47mais lui souhaiterait l'imposer,
10:49en fait, au pouvoir temporel.
10:52Donc si vous voulez,
10:53on voit qu'il y a quand même une forme d'ambiguïté
10:55que recèle le pouvoir religieux,
10:58en l'occurrence la papauté.
10:59Je dirais que pour faire retour sur la France,
11:01si vous voulez,
11:02les rois capétiens, eux, vont s'affirmer,
11:04vont profiter de ce conflit
11:06entre le Saint-Empire romain germanique d'une part
11:08et la papauté de l'autre,
11:09pour affirmer leur autorité,
11:11créer en fait l'État,
11:13et essayer, non pas de contrebattre la religion,
11:16mais de la mettre sous les fourches codines de l'État.
11:19On peut citer quand même le roi Philippe Auguste,
11:21à la jointure du XIIIème et du XIVème siècle,
11:23c'est un roi qui règne longtemps,
11:251285-1316,
11:28et qui va imposer sa loi,
11:30il sera excommunié d'ailleurs deux fois par le pape,
11:32il faut le savoir,
11:34parce que, je ne dirais pas qu'il veut mettre en place une laïcité,
11:37là encore ça serait anachronique,
11:39mais il veut que le pouvoir politique
11:41ne soit pas assujetti au pouvoir religieux.
11:43C'est l'un des éléments que je donnais tout à l'heure
11:45dans la définition de la laïcité.
11:47– Alors autre grande étape avant la Révolution française,
11:49ce sont les guerres de religion,
11:51que vous appelez d'ailleurs les guerres politico-religieuses.
11:54– Oui, tout à fait fondamentale,
11:56c'est la naissance du protestantisme,
11:58on est au début du XVIème siècle,
12:00et là il y a la menace
12:02d'un éclatement de l'État royal.
12:05Et il y a un certain nombre d'hommes d'État,
12:07on peut utiliser le terme pour les qualifier,
12:09on pense à Michel de l'Hospital,
12:11qui est quand même le chancelier de France,
12:13donc le numéro 2 du régime royal,
12:16qui en sont très préoccupés,
12:18alors il est profondément catholique,
12:20il voudrait bien évidemment faire rentrer les protestants
12:23dans le giron de l'Église catholique,
12:26mais il juge que c'est prématuré,
12:28qu'on va vers une guerre civile,
12:30que pourraient gagner les protestants,
12:32donc une division, un éclatement du royaume,
12:34et donc il est pour mettre en place
12:36ce qu'on appelle des édits de tolérance,
12:38ce qui veut bien dire ce que ça veut dire,
12:40tolérer en latin ça veut dire supporter ce qu'on ne peut supprimer,
12:42donc ça ne peut être qu'une étape,
12:44mais malgré tout on va transiger avec les protestants,
12:46donc ça c'est une notion très très moderne,
12:48Jean Baudin, quelques décennies plus tard,
12:50l'un des pères de notre État contemporain,
12:52va dire la même chose,
12:54et ce sont en fait ces politiques,
12:56on les appelle les politiques,
12:58et ce qu'on fait avec l'avènement du roi Henri IV,
13:00qui vient lui-même d'ailleurs du protestantisme,
13:02qui se convertit pour monter sur le trône,
13:04Henri de Navarre,
13:06qui fera passer l'édit de Nantes,
13:08qui est un édit de tolérance,
13:10accordant des places de sûreté aux protestants,
13:14leur liberté de culte dans les endroits
13:16où ce culte est déjà établi,
13:18et ça va permettre de coexister,
13:20de cohabiter,
13:22de nouveau de faire nation,
13:24donc c'est très très important.
13:26– Vous insistez quand même à la séparation politique
13:30du sujet et du croyant ?
13:32– Oui et non,
13:34parce que là encore, les choses sont complexes,
13:36tous nos rois, bien évidemment,
13:38il y a le principe de catholicité,
13:40on ne peut pas monter sur le trône
13:42sans être un roi catholique,
13:44et on rappellera quand même que le petit-fils d'Henri IV
13:46révoquera cet édit de Nantes,
13:48donc vous voyez, c'est une histoire très très complexe,
13:50mais malgré tout, par état, progressivement,
13:52on voit monter ce principe
13:54que le politique doit dominer le religieux
13:56dans tout état qui se respecte,
13:58et que surtout le religieux
14:00ne doit pas dicter sa loi aux politiques.
14:02– Aux politiques, oui.
14:04Alors le grand bouleversement, le premier grand bouleversement,
14:06c'est la révolution française
14:08et la période napoléonienne qui s'ensuit.
14:10– Exactement, dans la continuité des Lumières.
14:12– Dans la continuité des Lumières, tout à fait.
14:14– Qu'est-ce qu'il se passe-t-il à ce moment-là ?
14:16– Alors déjà, les philosophes des Lumières,
14:18donc on est au 18ème siècle,
14:20explorent plusieurs voies de laïcité,
14:22– Oui, on ne l'emploie pas à cette époque.
14:24– On ne l'emploie absolument pas,
14:26on emploie l'adjectif laïc,
14:28mais on n'emploie pas laïcité.
14:30Je rappelle dans mon livre que la première occurrence
14:32date de la Deuxième République,
14:34donc de 1849, 48-49,
14:36donc vous voyez, c'est très tardif,
14:38mais l'idée est déjà là, est déjà en germe.
14:40Des philosophes comme Voltaire,
14:42Rousseau, Diderot, Dolbach,
14:44explorent des voies qu'on peut appeler laïques,
14:46qui sont différentes.
14:48Alors peut-être que Voltaire est celui
14:50qui va le moins loin,
14:52il est très anticlérical,
14:54il est pour, effectivement, un politique
14:56qui domine le religieux,
14:58mais il veut le maintien du religieux.
15:00Rousseau est peut-être celui
15:02qui va le plus loin, puisqu'il explore
15:04déjà l'idée de religion civile,
15:06donc ça, ça va très loin.
15:08Et puis vous avez Dolbach et Diderot
15:10qui oscillent entre le déisme et l'athéisme,
15:12donc c'est encore autre chose.
15:14Mais toutes ces voies sont explorées
15:16et tout le laboratoire des Lumières
15:18va germer, en fait,
15:20à partir de 1789 et la Révolution.
15:22Et là, vous avez un texte
15:24tout à fait fondamental,
15:26c'est la Déclaration des droits de l'homme
15:28et du citoyen, qui remplace
15:30la souveraineté absolue de droit divin,
15:32du roi donc, par la souveraineté nationale.
15:34Donc ça, c'est le premier élément.
15:36Et qui met en place
15:38la liberté de conscience,
15:40un élément qui donnera lieu
15:42à la laïcité, mais qui ne va pas
15:44jusqu'à la liberté de culte.
15:46Elle se mettra en place un petit peu plus tard
15:48dans la Révolution.
15:50Rapidement, les protestants
15:52vont obtenir un État civil.
15:54Les juifs, dans la foulée également,
15:56vont obtenir l'État civil.
15:58Et dans ce laboratoire que va être la Révolution,
16:00on va explorer, je dirais,
16:02tout ce qu'ont initié les philosophes des Lumières
16:04tour à tour. Vous aurez
16:06la religion civile de Rousseau,
16:08et vous aurez pour la première fois en France,
16:10en 1795,
16:12une expérimentation de la séparation
16:14de l'Église et de l'État,
16:16qu'on retrouvera en 1905,
16:18en oubliant que la première
16:20a eu lieu pendant quelques mois,
16:22en 1795.
16:24Vous avez enchaîné en évoquant
16:26Napoléon Bonaparte. Alors, Napoléon Bonaparte,
16:28ce sera un autre seuil de laïcité,
16:30une autre approche
16:32de la laïcité. C'est la
16:34religion sous contrôle,
16:36avec l'établissement du Concordat
16:38avec le pape Isette. Mais,
16:40là, c'est l'État qui domine,
16:42parce que les religieux sont salariés
16:44par l'État, et il n'y a quasiment
16:46plus de secret de confession.
16:48Quand il y a une menace de complot contre la sûreté
16:50de l'État, ils doivent l'indiquer
16:52à l'État. L'État contrôle tout
16:54sous Napoléon Bonaparte,
16:56mais c'est quand même un seuil de laïcité,
16:58indéniablement. – Donc, on va rester sous le régime
17:00du Concordat jusqu'à la fin
17:02du siècle. – Oui.
17:04– On ne va pas en parler, mais
17:06aujourd'hui encore, l'Alsace
17:08et la Moselle sont toujours
17:10sous le régime du Concordat. – Oui, parce qu'un mot
17:12quand même, quand on a mis en place la loi de séparation
17:14d'Église et de l'État en 1905,
17:16l'Alsace et la Moselle avaient été
17:18annexées par l'Allemagne, et quand elles
17:20ont fait retour à la mère patrie
17:22en 1918-19,
17:24vous avez eu des manifestations,
17:26ils n'ont pas voulu rompre avec ce régime
17:28concordataire. On n'a pas voulu créer des meutes,
17:30ils venaient d'être attachés,
17:32on leur a laissé le régime concordataire.
17:34– Donc, on va arriver au cœur de notre sujet,
17:36enfin, le cœur du sujet n'est pas terminé,
17:38mais la période 1880-1905,
17:42c'est votre période préférée.
17:46On voit vraiment l'apparition
17:48d'une laïcité de combat,
17:50et j'ai l'impression
17:52que la première grosse question,
17:54c'est la question scolaire. – Oui, alors vous avez
17:56entièrement raison, pendant
17:58quasi tout le XIXe siècle, entre
18:001815 et 1880,
18:02c'est l'affrontement des deux
18:04Frances, très clairement, la France
18:06qui veut la laïcité et celle qui n'en veut pas.
18:08Je donne un exemple à nos
18:10auditeurs et spectateurs,
18:12ils comprendront bien, c'est la destination du Panthéon.
18:14Quand vous avez des régimes
18:16comme la Monarchie de Juillet ou
18:18la Deuxième République, qui sont attachés
18:20à une forme de laïcité, c'est pas encore
18:22la laïcité telle qu'on la connaîtra ensuite,
18:24et bien le Panthéon est rendu
18:26à sa destination de temple
18:28de la gloire et des héros
18:30de la patrie, comme il l'avait
18:32été sous la Révolution française,
18:34et quand vous avez un régime comme la Restauration
18:36ou le Second Empire
18:38qui sont liés à l'Église,
18:40et bien ça redevient l'Église Sainte Geneviève
18:42et ça n'est plus le Panthéon. Alors on ne va pas jusqu'à
18:44retirer les corps qui s'y trouvent,
18:46mais on ne panthéonise plus personne.
18:48Alors 1880,
18:50vous avez très judicieusement souligné cette date,
18:52la République, elle est en place
18:54depuis 10 ans, 1870,
18:56mais les Républicains ne sont pas encore au pouvoir.
18:58Ils arrivent véritablement au pouvoir
19:00en ayant tous les pouvoirs,
19:02présidence de la République, Sénat,
19:04chambre des députés, conseils généraux et mairies,
19:06à partir de 1880,
19:08et ayant tous les règnes du pouvoir,
19:10ils mettent en place
19:12la laïcité républicaine, et ils commencent par l'école,
19:14parce que pour ces pères fondateurs
19:16de la République, on pensera à Léon Gambetta,
19:18on pensera à Jules Ferry,
19:20on pensera à Jules Grévy, l'école
19:22est la mère des combats, on va former des citoyens,
19:24et donc ça doit passer par là.
19:26Alors première grande loi,
19:28au pluriel, républicaine,
19:30la loi Ferry de 1881,
19:32juin 1881, et mars 1882,
19:34qui mettent en place
19:36l'école, tous vos
19:38téléspectateurs le savent,
19:40laïque, gratuite et obligatoire,
19:42entre 6 et 13 ans
19:44pour l'obligation, et la laïcité,
19:46alors 86-1886,
19:48la loi Gobelet
19:50fait que, Gobelet étant
19:52un successeur de Jules Ferry,
19:54désormais les maîtres d'école
19:56seront laïcs, parce que dans un premier temps
19:58on n'avait pas assez de maîtres d'école laïcs,
20:00donc on recourait, y compris
20:02dans des établissements publics,
20:04aux religieux. Et puis dans cette période
20:06tout à fait fondamentale des années 1880,
20:08vous avez d'autres éléments,
20:10on supprime par exemple, ça aussi ça va
20:12beaucoup étonner je pense, les prières publiques
20:14qui démarrent toutes les sessions parlementaires,
20:16et oui on démarrait une session parlementaire
20:18jusqu'aux années 1880
20:20par de grandes prières publiques, désormais
20:22non, il y a eu une laïcisation des débats
20:24parlementaires, les cimetières
20:26sont également laïcisées, le divorce
20:28qui avait été supprimé à la restauration
20:30mise en place par la révolution
20:32et consolidé par le code civil
20:34est rétabli en 1884,
20:36le mariage bien évidemment
20:38civil faisant prime sur le mariage
20:40religieux, et beaucoup d'autres lois
20:42sont mises en place
20:44à tel point que Jules Ferry
20:46au terme des années 1880
20:48considère qu'il n'y a pas besoin
20:50d'aller plus loin, il va mourir en 1893,
20:52il aurait peut-être été
20:54Jules Ferry un adversaire
20:56de la séparation des Églises et de l'État
20:58il considérait qu'il ne fallait pas la mettre en place
21:00parce qu'on risquait
21:02de donner une indépendance à l'Église
21:04dont elle pourrait profiter
21:06et subvertir l'État
21:08devenir un ennemi de l'État, il valait mieux
21:10avoir, il se satisfaisait du
21:12Concordat, un peu comme Napoléon
21:14il valait mieux avoir l'Église
21:16sous contrôle, ça c'est très
21:18intéressant de le dire parce qu'aujourd'hui
21:20on nous rabat les oreilles en disant
21:22qu'il n'y a pas de 1905 et l'alpha et l'oméga
21:24de la laïcité française, elle ne l'a pas
21:26toujours été, y compris pour des
21:28républicains bon temps.
21:30Est-ce qu'on insiste vraiment à une apparition
21:32de l'anti-claricarisme ?
21:34Il est très très prononcé
21:36effectivement, il y a un affrontement, des affrontements
21:38assez violents
21:40en particulier autour des lois Ferry
21:42qui pourtant était un républicain modéré
21:44a été caricaturé, savoir que
21:46Ferry accorde un jour de la
21:48semaine, le jeudi en l'occurrence pour que les petits
21:50puissent aller au catéchisme
21:52hors de l'école publique
21:54mais il y avait des républicains
21:56on va dire là pour le coup
21:58laïcars, on peut utiliser cet
22:00objectif, très anti-claricaux
22:02comme Paul Baird par exemple
22:04et d'autres encore, Georges Clemenceau que tout le monde
22:06connaît, qui ne voulait pas accorder
22:08ce jour de repos pour que
22:10il y ait ce catéchisme
22:12donc il était un peu contraint
22:14par sa gauche, Jules
22:16Ferry, effectivement
22:18il y a des affrontements violents
22:20qui vont avec la loi de séparation de 1905
22:22se multiplier
22:24mais parallèlement on assiste
22:26à l'apparition d'un catholicisme social
22:28évidemment, tout à fait
22:30il y a des catholiques très modérés
22:32il y a des catholiques sociaux également
22:34qui séduisent aussi
22:36une partie de la gauche, bien évidemment
22:38tous les hommes de gauche ne sont pas anti-claricaux
22:40il faut savoir que
22:42bon, Ferry, je l'évoquais, il est déiste personnellement
22:44mais sa femme par exemple
22:46est très protestante
22:48donc ce n'est pas une famille anti-religieuse du tout
22:50la famille Ferry
22:52et vous avez des républicains
22:54très catholiques même
22:56on arrive à la fin du siècle
22:58début XXème
23:00première loi sur les associations
23:02c'est un pas supplémentaire
23:04oui parce que
23:06dans le cadre de cette lutte
23:08contre la religion
23:10que veulent mener certains républicains anti-claricaux
23:12on va interdire aux
23:14congrégations religieuses d'enseigner
23:16alors après on reviendra sur cette mesure
23:18elle ne sera pas définitive
23:20mais à partir de
23:221902-1903
23:24on fait passer un certain nombre de mesures
23:26ce qui va obliger
23:28ceux qui veulent à tout prix recevoir
23:30l'enseignement pour leurs enfants
23:32de ces religieux, de ces congrégalistes
23:34de partir à l'étranger
23:36alors un exemple qui est bien connu
23:38c'est le père de Charles de Gaulle qui va envoyer son fils
23:40dans un collège religieux
23:42en Belgique
23:44et le petit Charles de Gaulle
23:46va passer ses années de scolarité
23:4814-15 ans en Belgique
23:50alors l'artisan
23:52de cette loi de 1905
23:54c'est Aristide Brillant
23:56oui exactement
23:58ce sont deux hommes, Aristide Brillant et Ferdinand Buisson
24:00qui est un peu le père de la laïcité française
24:02qui présidera en fait la commission parlementaire
24:04mais en fait la loi de 1905
24:06on l'appelle la loi Brillant
24:08parce que Brillant
24:10c'est lui qui l'a rédigée
24:12avec un certain nombre de conseillers
24:14c'est très amusant, parmi ces conseillers
24:16il y avait un catholique, un protestant et un juif
24:18donc vous voyez, Brillant lui-même
24:20était athée
24:22mais il n'en faisait pas profession forcément
24:24il est plutôt d'ailleurs, on va le voir avec cette loi
24:26plutôt libéral, il ne veut pas se mettre
24:28complètement l'église catholique à dos
24:30c'est l'idée de pacifier les choses
24:32et comme il est le rapporteur de la loi
24:34on l'appelle cette loi, la loi Brillant
24:36deux principes dans cette loi, très rapidement
24:38il y a beaucoup d'articles
24:40mais les deux premiers articles sont les articles principiels
24:42séparation des églises
24:44alors on utilise le pluriel parce qu'il y a
24:46les protestants, il y a aussi
24:48le culte israélite
24:50et bien évidemment le catholicisme
24:52et l'État, ils sont séparés
24:54et le deuxième élément
24:56c'est le principe de neutralité
24:58on dit l'État ne reconnaît
25:00aucun culte, alors ça ne veut pas dire
25:02ni qu'il les persécute
25:04ni qu'il n'a pas de relation avec eux
25:06simplement ils ne s'immiscent pas
25:08dans leurs affaires financières
25:10et c'est là où le bas va blesser pendant quelques années
25:12c'est que bien évidemment
25:14comme l'État et l'église catholique étaient intriqués
25:16avec le concordat
25:18entre autres, l'État finançait les choses
25:20et on va devoir inventorier
25:22les biens de l'église catholique
25:24et c'est là où ça va commencer
25:26ça va entraîner une querelle des inventaires
25:28il va y avoir mort d'hommes
25:30et Clémenceau, c'est là où il va se révéler
25:32tout anticlérical qu'il est, il était ministre de l'intérieur
25:34à l'époque, il va dire nous nous arrêtons là
25:36la loi de séparation des églises
25:38et de l'État ne vaut pas la mort
25:40d'un homme, donc top
25:42on verra plus tard
25:44ce qui envenime aussi un petit peu les choses, c'est que dans un
25:46premier temps, le pape de l'époque
25:48le pape Pidis, ne va pas reconnaître
25:50la loi et en fait les choses
25:52vont se pacifier véritablement avec la
25:54grande guerre, la fameuse union sacrée
25:56comme le dira Maurice Barrès
25:58et bien les tranchées vont
26:00réconcilier
26:02toutes les familles spirituelles de la France
26:04les catholiques, les protestants, les juifs, les athées
26:06qui vont se retrouver pour défendre la patrie
26:08Je veux revenir à cette loi de 1905
26:10vous dites qu'elle paraît assez libérale
26:12de premier abord, mais surtout qu'elle est incomplète
26:14ou du moins qu'elle ouvre la porte
26:16à plein de jurisprudence
26:18à plusieurs interprétations
26:20on va le voir entre autres avec les
26:22processions religieuses sur la voie
26:24publique, c'est à dire que
26:26l'idée de
26:28Briand, il le dit à un moment donné dans le
26:30débat parlementaire, c'est que
26:32tout ce qui prêtera à confusion
26:34devra être interprété dans un sens
26:36libéral et
26:38c'est au conseil d'état
26:40le conseil d'état existe depuis Napoléon
26:42il n'a pas été remis en cause par les différents régimes
26:44de trancher
26:46pour voir quand il y a un problème
26:48un litige et dans plusieurs communes
26:50des maires anticléricaux
26:52voudront interpréter
26:54la loi de 1905 dans un sens
26:56très dur et interdiront les
26:58processions religieuses sur la voie publique
27:00et le conseil d'état tranchera
27:02en disant mais non pas du tout
27:04du moment qu'il n'y a pas de trouble
27:06c'est très important, à l'ordre public
27:08les curés ont le droit
27:10par exemple pour la fête de Dieu etc
27:12de faire une procession dans l'espace public
27:14et concernant l'entretien
27:16des monuments, l'entretien des églises
27:18ça apparaît plus tard
27:20ça apparaît à ce moment là
27:22parce qu'on cite toujours la loi de 1905
27:24mais vous avez trois lois complémentaires entre
27:261905 et 1907
27:28et si vous voulez, les républicains
27:30étaient déjà très attachés à la notion
27:32de patrimoine historique
27:34et les cathédrales, on le voit
27:36avec la restauration de Notre-Dame et la manière
27:38dont elle a été restaurée, alors ça c'est pareil
27:40il faut en dire un mot parce que les téléspectateurs
27:42ne sont pas tous forcément au fait de cela
27:44relèvent de l'état
27:46l'entretien des cathédrales
27:48en France, c'est l'état qui l'assume
27:50les églises sont les municipalités
27:52alors les églises c'est les municipalités
27:54sauf les bâtiments à caractère
27:56historique qui sont classés
27:58bien évidemment par l'état
28:00où l'état met la main à la patte
28:02et donc ça peut entraîner pour les églises
28:04un certain nombre de difficultés parce que nous avons
28:06un patrimoine religieux extrêmement important en France
28:08plus de 60 000 églises
28:10et donc ça coûte très très cher à entretenir
28:12et on voit qu'il peut y avoir des problèmes
28:14mais les cathédrales, elles sont sauvegardées
28:16par le fait que l'état
28:18est derrière quand même
28:20– Alors il y a un homme dont nous n'avons pas parlé
28:22et dont le nom est très attaché à cette loi
28:24c'est Émile Combes
28:26– Oui, Émile Combes qui lui-même est un ancien
28:28séminariste donc il connaît très très bien
28:30l'église
28:32qui, ça on ne le sait peut-être pas
28:34mais un peu comme Jules Ferry
28:36se méfiait beaucoup de l'église, ce qu'il connaissait bien
28:38ne voulait pas de la loi de séparation
28:40des églises et de l'état
28:42à l'origine il voulait un concordat avec un strict
28:44contrôle de l'église, une mainmise
28:46de l'état et puis il y a un certain
28:48nombre de faits qui vont en 1903
28:50à 1904 le convaincre
28:52et le faire basculer
28:54c'est entre autres l'affaire
28:56Dreyfus, les suites
28:58qu'on évoquait de la loi sur les associations
29:00et lui-même va se rallier
29:02un peu comme un Clémenceau
29:04Jaurès également d'ailleurs
29:06– Mais pourquoi est-ce qu'il est attaché à la loi ?
29:08– Ah non, le nom de Combes
29:10– Mais pourquoi était-il attaché à cette période ?
29:12– Parce qu'il a été au pouvoir avant
29:14et il a laissé un funeste
29:16souvenir à l'église catholique
29:18parce qu'entre autres il a fait faire des fiches
29:20sur les officiers supérieurs
29:22pour identifier ceux qui étaient catholiques
29:24et les surveiller très près
29:26donc si vous voulez, pour les catholiques
29:28le nom d'Émile Combes, président du conseil
29:30avant la loi en 1905, c'est plus lui
29:32qui est président du conseil, des ministres
29:34et était présenté
29:36comme un farouche anticlérical
29:38– Alors vous avez parlé de la Grande Guerre
29:40en disant que ça apaisait des choses
29:42donc je vous propose de passer assez rapidement
29:44et d'arriver
29:46parce qu'il n'y a pas eu grand changement finalement
29:48entre 1918
29:50et les années 80-90
29:52– Un petit arrêt simplement
29:54mais vous avez entièrement raison
29:56globalement la laïcité n'est plus
29:58fondamentalement remise en cause
30:00j'en veux pour preuve que
30:02sous le maréchal Pétain, sous le régime de Vichy
30:04il n'y aura pas de remise en cause
30:06de la loi de 1905, c'est important à le dire
30:08alors il y a quand même la querelle scolaire
30:10qui ressurgit périodiquement
30:12elle ressurgit dans les années 50
30:14et au tout début des années 1960
30:16parce que
30:18il y a l'enseignement libre qui est favorisé
30:20par un certain nombre de ministres
30:22y compris d'ailleurs, on n'aura pas le temps
30:24de le développer, par le général de Gaulle
30:26et son premier ministre
30:28qui est Michel Debré, la fameuse loi Debré
30:30de 1959
30:32et là vous avez toute la gauche laïque
30:34qui se retrouve dans la rue pour manifester
30:36contre ces lois
30:38et De Gaulle ne reculera pas
30:40et puis vous avez au début des années 80
30:42ça rejoue en sens inverse
30:44c'est le grand service public de l'enseignement
30:46voulu par le président Mitterrand
30:48et sa majorité de gauche
30:50le projet de loi Savary
30:52de grandes manifestations
30:54organisées par la droite, Mgr Lustiger
30:56l'archevêque de Paris, etc
30:58et là par contre Mitterrand sera contraint de reculer
31:00en 1984, mais je dirais
31:02vous avez deux épiphénomènes
31:04et globalement on ne parle plus de laïcité
31:06jusqu'à la première affaire
31:10du foulard, l'affaire de Creil
31:12et c'est concomitant effectivement
31:14avec, on peut parler
31:16d'un choc exogène
31:18l'apparition de l'islam
31:20puis de l'islamisme
31:22dans la société qui va
31:24peut-être remettre en cause
31:26certaines lois
31:28alors déjà première question, est-ce que vous vous développez
31:30dans un chapitre entier, est-ce que l'islam est compatible
31:32avec la laïcité ?
31:34Il y a un chapitre entier dans le livre
31:36qui est consacré, je dirais
31:38c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup
31:40plus dur, je vais en rajouter 15
31:42par rapport au catholicisme
31:44et plus largement au christianisme
31:46parce que la loi
31:48est une loi religieuse en terre d'islam
31:50et donc si vous voulez
31:52les deux sont intriqués
31:54indéniablement, mais malgré tout
31:56ce qu'on nommait de dire c'est que
31:58vous avez des penseurs, y compris des penseurs
32:00musulmans et des théologiens
32:02et des pères de la foi qui ont considéré
32:04qu'il fallait faire comme on le faisait
32:06parallèlement en Occident
32:08c'est-à-dire une forme de domination
32:10de contrôle du politique sur le religieux
32:12et on ne va pas avoir
32:14le temps de développer mais je vais vous donner
32:16deux exemples pour que vous compreniez
32:18très très bien les choses
32:20le premier exemple c'est bien évidemment
32:22Mustafa Kemal Atatürk
32:24qui arrive au pouvoir au lendemain de la première
32:26guerre mondiale en Turquie
32:28alors la Turquie est l'héritière
32:30de l'empire ottoman qui est un état
32:32théologique, il faut le savoir
32:34il va mettre en place une forme de laïcité
32:36d'ailleurs dans beaucoup de langues il n'y a pas
32:38d'équivalent à notre terme français de laïcité
32:40mais il y en a un en turc
32:42laïclique, donc vous voyez c'est significatif
32:44et l'un des grands modèles
32:46de Mustafa Kemal Atatürk c'est
32:48Napoléon Bonaparte, donc vous voyez ça ressemble
32:50très fortement, c'est pour ça que tout à l'heure
32:52je vous parlais d'une forme de laïcité
32:54avec Napoléon Bonaparte, une religion
32:56sous contrôle, à ce que a voulu mettre
32:58en place Mustafa Kemal Atatürk
33:00notez que par exemple
33:02vous le savez, la grande mosquée
33:04de Constantinople et d'Istanbul
33:06a été transformée en musée
33:08par le dit Mustafa Kemal Atatürk
33:10avant que Erdogan
33:12ne refasse une mosquée
33:14donc premier exemple, puis deuxième
33:16exemple, ce qu'on voit en Tunisie aujourd'hui
33:18puisque dans la constitution
33:20tunisienne, le blasphème
33:22un certain nombre d'interdits
33:24la charia bien évidemment sont bannis
33:26de la constitution, donc vous voyez il y a des limites
33:28qu'on peut imposer, alors il n'en demeure pas moins
33:30comme je le disais, que c'est très très dur
33:32en pays musulman, mais normalement
33:34ce que dit l'islam c'est que
33:36le musulman doit s'adapter
33:38au pays où il se trouve
33:40et donc nous avons eu depuis très longtemps
33:42une très forte communauté musulmane en France
33:44on rappellera que l'Algérie
33:46a été française jusqu'en 1962
33:48et la république a été confrontée
33:50à ce problème
33:52et donc avait su le résoudre
33:54en adaptant un petit peu bien sûr
33:56la loi de séparation des églises et de l'état
33:58le problème c'est que depuis
34:00les années 1980
34:02vous avez le surgissement d'un
34:04islam politique en France
34:06instrumentalisé par
34:08un certain nombre de congrégations
34:10on pensera pour n'en citer qu'une aux frères musulmans
34:12je vous cite les frères musulmans
34:14puisqu'il a été prouvé, c'est très documenté
34:16qu'ils ont joué un rôle dans l'affaire du voile
34:18les trois jeunes filles voilées du collège
34:20de Creil pour aller à l'affrontement
34:22et pour tester la république
34:24on teste la république
34:26progressivement, on cherche à la faire
34:28reculer par étapes et si la république
34:30est faible elle recule
34:32et parfois elle estime que
34:34non elle ne peut plus reculer, elle prend des lois
34:36alors la première grande loi qui
34:38modifie notre laïcité depuis 1905
34:40c'est la loi du 15 mars
34:422004 qui interdit
34:44le port des signes ostensibles
34:46dans les établissements primaires
34:48et secondaires, donc les collèges
34:50et les lycées et qui donc
34:52va résoudre cette affaire
34:54du voile dans les établissements scolaires
34:56C'est une loi qui a été efficace ?
34:58Elle a été extrêmement efficace
35:00ça a été montré par des études de sociologie
35:02puisque en fait
35:04vous aviez, Lionel Jospin
35:06qui était le ministre de l'éducation nationale
35:08avait un peu botté en touche en disant
35:10on regardera au cas par cas
35:12il avait dit c'est les chefs des établissements qui
35:14décideront, dans quoi les chefs des établissements
35:16étaient très démunis, imaginez que dans la
35:18même commune, dans un établissement le voile
35:20était interdit et que dans l'autre il était
35:22intégré, donc ça posait d'énormes problèmes
35:24et le conseil d'état disait exactement la même chose
35:26que Lionel Jospin, donc Jacques Chirac
35:28quand il a été réélu
35:30en 2002 a dit
35:32bon là il faut véritablement
35:34mettre une commission en place
35:36la commission Stasi et ça aboutit
35:38à la loi du 15 mars 2004
35:40et là drastiquement et radicalement
35:42les affaires de voile se sont arrêtées
35:44mais bien évidemment
35:46les contestations, le fait de tester la République
35:48s'est porté sur d'autres
35:50terrains, les cantines
35:52scolaires déjà dans le secondaire
35:54on l'a vu avec les sorties scolaires
35:56également et puis on l'a vu
35:58récemment avec d'autres tenues
36:00la baïa par exemple dans
36:02les diches d'âge également pour les garçons
36:04dans un passé plus récent
36:06et puis vous avez raison, l'université
36:08etc etc
36:10Donc cette République testée
36:12elle répond au coup par coup, on a l'impression que
36:14c'est très désordonné, qu'il n'y a pas de...
36:16Alors c'est très désordonné sauf que...
36:18Voilà, vous avez entièrement raison
36:20sauf parce que, pourquoi ? Parce que notre
36:22classe politique est extrêmement
36:24divisée, y compris par rapport
36:26à la laïcité, est apparue
36:28dans les années 1980 un concept
36:30qu'on appelle la laïcité
36:32ouverte, donc c'est l'idée
36:34c'est le concept d'inclusivité qu'on retrouve
36:36dans notre domaine, essayer de ne pas
36:38choquer les populations qu'on accueille
36:40et donc en les acceptant avec
36:42leur moeur, on est très très loin du principe
36:44d'assimilation républicaine
36:46que l'on retrouve, alors il va peut-être être supprimé
36:48Emmanuel Macron avait dit qu'il
36:50était dépassé, on constate que
36:52nous sommes au milieu de son deuxième quinquennat
36:54il ne l'a pas supprimé mais
36:56on retrouve ce principe quand même dans le code civil
36:58et toutes nos républiques ont
37:00maintenu ce principe d'assimilation
37:02mais aujourd'hui il est contrebattu effectivement
37:04par l'intégration et dans l'intégration
37:06c'est une laïcité ouverte
37:08donc tout le monde n'est pas d'accord, à droite
37:10alors ce qui est paradoxal au cours
37:12des 40 dernières années c'est que la droite
37:14est devenue très laïque
37:16pas toute mais on va dire majoritairement
37:18en particulier
37:20le rassemblement national sous l'influence
37:22de Marine Le Pen alors qu'à gauche
37:24vous avez une ligne de clivage
37:26qui passe d'ailleurs depuis l'affaire de Creil
37:28quand historiquement on regarde
37:30une partie de la gauche reste très laïque
37:32mais une très grande partie de la gauche
37:34n'est plus vraiment laïque, pratique
37:36une laïcité ouverte
37:38voire plus de laïcité du tout
37:40au nom de l'inclusivité, du respect des moeurs
37:42des étrangers
37:44arrivés en France. Alors
37:46La République arrive
37:48coup par coup à réagir, il y a la loi Copé
37:50sur l'interdiction du voilement
37:52intégral dans la rue qui est une loi
37:54alors que, et je le comprends, beaucoup de
37:56juristes et de mes collègues historiens
37:58ont du mal à classer au rang des
38:00lois de laïcité parce que c'est au nom du principe
38:02d'ordre public
38:04une femme entièrement voilée, bah derrière
38:06le voile ça peut être un homme, ça peut être quelqu'un
38:08qui va braquer une banque comme quelqu'un
38:10qui se balade dans l'espace public avec un casque
38:12de mouton intégral et donc c'est au nom
38:14de ce principe que cette loi a été prise
38:16mise à mal avec le Covid d'ailleurs parce que maintenant
38:18Exactement
38:20Sinon il y a une dernière loi en date
38:22c'est celle de
38:242021
38:26Oui, alors là il est fondamental
38:28Avant que vous ne développez ça, je vais passer à la conclusion
38:30de votre livre qui est assez étonnante pour un
38:32livre d'historien, vous faites un petit rappel
38:34sur hier, vous parlez
38:36d'aujourd'hui mais
38:38également de demain
38:40est-ce que c'est le rôle d'abord
38:42d'un historien de parler de demain
38:44et puis donc ce demain
38:46c'est la loi de 2021
38:48qui va commencer à être appliquée
38:50Alors c'est bien évidemment pas le rôle d'un historien
38:52d'être un confident de la Providence
38:54c'est-à-dire d'essayer de deviner
38:56ce qui va se passer
38:58et si l'historien veut être
39:00sérieux, c'est pas son rôle non plus
39:02d'être partisan et de donner une
39:04voie à suivre. Je constate que
39:06mon livre, ça m'a d'ailleurs beaucoup étonné
39:08est un livre qui a été accepté
39:10je vous le dis en le disant
39:12mais vous m'entendez la perche
39:14encensé par tout
39:16la classe politique, les spécialistes
39:18de la laïcité parce que justement
39:20il n'y a pas de parti pris dedans. Simplement
39:22je donne des pistes possibles d'évolution
39:24et je dis que nous pourrions arriver dans
39:26une société communautariste
39:28c'est tout à fait possible, pourquoi pas
39:30regarder par exemple ce qu'a écrit
39:32on le dit aujourd'hui avec une forme
39:34de préscience, disent certains
39:36Michel Houellebecq, son livre Soumission
39:38c'est une possibilité
39:40on peut rester tel quel
39:42et puis on peut être proactif
39:44c'est d'ailleurs faire évoluer la laïcité
39:46parce que c'est ce que je disais tout à l'heure
39:48la loi de 1905 c'est une étape
39:50mais on peut aller beaucoup plus loin
39:52ou régresser. Elle correspond à un moment donné
39:54elle correspond à un moment donné
39:56et pendant un siècle elle a complètement structuré
39:58notre laïcité mais elle a énormément
40:00évolué et personne ne le dit
40:02c'est ça qui me frappe, avec la loi d'août
40:042021, une loi
40:06que portait à la fois Gérald Darmanin
40:08le ministre de l'intérieur et Jean-Michel Blanquer
40:10le ministre de l'éducation nationale
40:12Blanquer étant un farouche
40:14partisan d'une laïcité ferme
40:16puisqu'en fait il n'a échappé
40:18à personne que nous avons eu des attaques
40:20multiples contre notre pays
40:22et en particulier des attaques terroristes
40:24alors il y avait eu des vagues terroristes avant
40:26mais en particulier depuis les années 2012
40:282014 et donc
40:30il s'agissait d'agir et donc c'est une loi
40:32qui défend et qui impose
40:34le respect des principes républicains
40:36et comme je le disais tout à l'heure
40:38parmi ces principes républicains vous avez
40:40la laïcité. Donc on est dans une laïcité
40:42proactive ? Ah oui, je vais
40:44vous le donner par quelques éléments
40:46on a eu des problèmes dans des conseils
40:48municipaux par exemple où il y avait
40:50des femmes voilées et qui faisaient
40:52on le voyait bien
40:54qui testaient le conseil municipal
40:56et à travers lui la république
40:58c'est plus possible aujourd'hui en vertu de cette loi
41:00vous aviez
41:02dans les aéroports de Paris
41:04des agents qui
41:06s'arrêtaient pour faire
41:08une prière par exemple ou des conducteurs
41:10de bus à la régie
41:12autonome des transports parisiens
41:14qui refusaient de prendre leur service quand une femme
41:16conductrice l'avait pris avant eux
41:18en disant voilà ma religion
41:20musulmane me l'interdit. Tout cela
41:22est impossible aujourd'hui grâce
41:24à cette loi ou à cause diront certains
41:26de cette loi. Deuxième
41:28élément et là on voit que la loi
41:30de séparation a beaucoup évolué
41:32et bien désormais
41:34l'état peut aller voir ce qui se passe dans
41:36les églises, dans les temples
41:38mais aussi vous me voyez venir dans les mosquées
41:40pour voir s'il n'y a pas des prêches de haine
41:42voire des appels au meurtre
41:44et à des attentats
41:46et Gérald Darmanin ne s'est pas
41:48privé de faire interdire
41:50certaines et fermées d'ailleurs
41:52par fermeture administrative certaines
41:54mosquées où il y avait des prêches de haine
41:56ça n'était pas possible avant la loi
41:58de 2021 et il en est
42:00de même dans l'éducation puisque vous avez
42:02vous le savez en France trois types
42:04d'enseignement scolaire, vous avez l'enseignement
42:06public, vous avez l'enseignement privé
42:08sous contrat donc là je dirais il n'y avait pas de
42:10problème dans ces deux types là mais vous avez
42:12l'enseignement privé pur qui n'est pas sous
42:14contrat et là on pouvait faire absolument
42:16tout et n'importe quoi avant la loi
42:18de 2021 et bien désormais ça n'est plus
42:20possible et on a vu un certain nombre d'enseignements
42:22d'établissements d'enseignement
42:24privés hors contrat être
42:26fermés, interdits parce que
42:28là aussi la haine de la
42:30République y était prêchée
42:32– Mais de faire une laïcité offensive
42:34et proactive comme nous le disions
42:36est-ce que finalement
42:38est-ce qu'elle deviendrait non plus un principe
42:40mais une valeur ? – Non parce que
42:42– Est-ce que c'est un modèle à proposer ?
42:44– Alors moi
42:46là on va dire
42:48il sort de son rôle
42:50de neutralité mais je dirais
42:52non, dans la mesure où on respecte
42:54les trois éléments fondamentaux de la
42:56définition que je disais tout à l'heure
42:58il ne s'agit pas encore une fois
43:00de persécuter des religions
43:02loin s'en faut mais de s'assurer
43:04que les religions ne menacent
43:06pas le pouvoir civil et la République
43:08donc c'est radicalement différent
43:10chacun reste dans sa sphère.
43:12– Merci Eric Anseau, je rappelle le livre
43:14Laïcité un principe
43:16je dois souligner que
43:18comme votre livre sur les impôts
43:20vous attaquez à des sujets qui sont ardus
43:22qui ne sont pas forcément, j'ai employé le terme
43:24forcément très sexy mais vous arrivez
43:26à les rendre très lisibles
43:28et très agréables à lire
43:30donc c'est Laïcité
43:32un principe de l'antiquité au temps présent
43:34c'est chez Alpha Histoire, c'est la collection
43:36poche, de passé composé
43:38merci beaucoup
43:40c'était Passé présent
43:42l'émission historique de TVL
43:44réalisée en partenariat avec
43:46la Revue d'Histoire Européenne
43:48vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne
43:50et La Petite Histoire mais avant
43:52n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
43:54et de vous abonner à notre chaîne
43:56YouTube, merci et à bientôt.
43:58Musique
44:00Musique
44:02Musique
44:04Musique
44:06Musique
44:08Musique
44:10Musique
44:12Musique
44:14Musique
44:16Musique
44:18Musique
44:20Musique
44:22Musique
44:24Musique
44:26Musique
44:28Louis-Antoine de
44:30Bougainville, c'est le premier français
44:32à avoir fait le tour du monde
44:34il a participé à l'une des premières
44:36expéditions scientifiques de l'époque
44:38bon pour son époque c'était ce qu'on
44:40appelait un honnête homme, il était élève
44:42de l'encyclopédiste d'Alembert
44:44il était donc parfaitement dans son temps
44:46avant de parler de son aventure autour du globe
44:48on va parler de son parcours
44:50de son enfance car justement dans son enfance
44:52rien ne le prédestinait au métier
44:54de la mer. Son père était un notaire
44:56et Louis-Antoine alors qu'il était encore
44:58très jeune est devenu très vite avocat
45:00au parlement de Paris. Il a commencé sa
45:02carrière dans l'armée, il a entrepris une
45:04carrière militaire, il a servi dans les mousquetaires
45:06si vous voulez en savoir plus sur les mousquetaires
45:08je vous renvoie à l'épisode de La Petite Histoire
45:10consacrée à ce sujet
45:12donc il a servi dans les mousquetaires et aussitôt
45:14en 1754
45:16il a été nommé à l'ambassade de Londres
45:18l'année suivante on le retrouve en tant que
45:20lieutenant dans les Action Dragons de
45:22Londres et en 1756
45:24il est même reçu à la Royal Society
45:26de Londres mais à ce moment là
45:28la guerre entre la France et l'Angleterre
45:30est sur le point d'éclater. Il s'engage alors
45:32pleinement dans la guerre de ces temps
45:34et ça va être là son premier voyage maritime
45:36puisqu'à l'âge de 26 ans il va
45:38s'engager à partir pour le Canada
45:40promu au grade de colonel il
45:42repartira ensuite en 1759
45:44après la chute de
45:46Québec il est prisonnier sur parole
45:48et il reçoit de la part du roi
45:50d'Angleterre l'autorisation d'être
45:52libéré et même de resservir
45:54dans l'armée française mais uniquement
45:56en Europe. La guerre de ces temps comme vous le savez
45:58sera perdue par la France avec le
46:00désastreux traité de Paris
46:02et c'est alors que l'avenir s'obscurcit
46:04pour lui qui voulait s'engager
46:06pleinement sur les mers puisque
46:08la France a perdu des colonies
46:10la marine doit être
46:12reconstruite, rebâtie
46:14et donc l'avenir est assez sombre pour l'instant
46:16mais c'est là justement qu'il va être sa chance
46:18puisque si la marine
46:20militaire doit être entièrement refaite
46:22qu'il n'y a plus de colonies etc
46:24ça va donner un nouvel essor à ce qu'on
46:26appelle à l'époque les voyages de découverte
46:28la France se cherche alors
46:30de nouvelles colonies
46:48Bougaville
46:50Bougaville
46:52Bougaville
46:54Bougaville
46:56Bougaville
46:58Bougaville
47:00Bougaville
47:02Bougaville
47:04Bougaville
47:06Bougaville
47:08Bougaville
47:10Bougaville
47:12Bougaville
47:14Bougaville
47:16Bougaville
47:18Bougaville
47:20Bougaville
47:22Bougaville
47:24Bougaville
47:26Bougaville
47:28Bougaville
47:30Bougaville
47:32Bougaville
47:34Bougaville
47:36Bougaville
47:38Bougaville
47:40Bougaville
47:42Bougaville
47:44Bougaville
47:46Bougaville
47:48Bougaville
47:50Bougaville
47:52Bougaville
47:54Bougaville
47:56Bougaville
47:58Bougaville
48:00Bougaville
48:02Bougaville
48:04Bougaville
48:06Bougaville
48:08Bougaville
48:10Bougaville
48:12Bougaville
48:14Bougaville
48:16Bougaville
48:18Bougaville
48:20Bougaville
48:22Bougaville
48:24Bougaville
48:26Bougaville
48:28Bougaville
48:30Bougaville
48:32Bougaville
48:34Bougaville
48:36Bougaville
48:38Bougaville
48:40Bougaville
48:42Bougaville
48:44Bougaville
48:46Bougaville
48:48Bougaville
48:50Bougaville
48:52Bougaville
48:54Bougaville
48:56Bougaville
48:58Bougaville
49:00Bougaville
49:02Bougaville
49:04Bougaville
49:06Bougaville
49:08Bougaville
49:10Bougaville
49:12Bougaville
49:14Bougaville
49:16Bougaville
49:18Bougaville
49:20Bougaville
49:22Bougaville
49:24Bougaville
49:26Bougaville
49:28Bougaville
49:30Bougaville
49:32Bougaville
49:34Bougaville
49:36Bougaville
49:38Bougaville
49:40Bougaville
49:42Bougaville
49:44Bougaville
49:46Bougaville
49:48Bougaville
49:50Bougaville
49:52Bougaville
49:54Bougaville
49:56Bougaville
49:58Bougaville
50:00Bougaville
50:02Bougaville
50:04Bougaville
50:06Bougaville
50:08Bougaville
50:10Bougaville
50:12Bougaville
50:14Bougaville
50:16Bougaville
50:18Bougaville
50:20Bougaville
50:22Bougaville
50:24Bougaville
50:26Bougaville
50:28Bougaville
50:30Bougaville
50:32Bougaville
50:34Bougaville
50:36Bougaville
50:38Bougaville
50:40Bougaville
50:42Bougaville
50:44Bougaville
50:46Bougaville
50:48Bougaville
50:50Bougaville
50:52Bougaville
50:54Bougaville
50:56Le 16 avril, l'expédition française
50:58arrive à l'archipel des Samoa
51:00et continue à faire cap vers l'ouest
51:02Elle passe au large de Futuna
51:04des nouvelles Hébrides, du Vanuatu
51:06et toujours pas de continent inconnu
51:08en vue, et en plus les conditions
51:10sont de plus en plus difficiles
51:12l'eau manque, la faim les tiraille
51:14et l'équipage est atteint par le scorbut
51:16En juin, ils passent la grande barrière de Corail
51:18puis ils atteignent les côtes
51:20de la Nouvelle-Guinée, puis les
51:22îles Salomon et la Nouvelle-Irlande
51:24mais ils font face cette fois à l'hostilité
51:26des populations autochtones
51:28et doivent repartir vers l'ouest
51:30Ce n'est qu'en septembre qu'ils atteignent
51:32enfin les Indes néerlandaises
51:34et là, ils peuvent se ravitalier
51:36mais la mission est un échec, on n'a pas
51:38découvert ce fameux continent inconnu
51:40Mais c'est normal, il n'existe pas, ne sois pas étonné
51:42Eh oui, on n'est pas dans un roman de Jules Verne
51:44malheureusement, on aurait pu découvrir
51:46un continent inconnu avec, pourquoi pas
51:48des dinosaures, des hommes préhistoriques
51:50Pourquoi pas, pourquoi pas
51:52Faut rêver un peu, on a été devancé
51:54par les Anglais, une fois de plus, on commence
51:56à s'habituer à ça, donc il faut un peu
51:58travailler son imagination
52:00Bougainville rentre en France le 16 mars
52:02et il débarque à Saint-Malo
52:04Finalement, les Anglais sont arrivés avant nous
52:06à Tahiti, il n'a pas découvert
52:08de nouvelles routes vers la Chine
52:10il n'a pas découvert ce continent inconnu
52:12et il n'a pas pu conquérir
52:14de nouvelles îles et remplacer les colonies
52:16perdues. Néanmoins, il est le premier
52:18français à avoir fait un tour du monde
52:20il a fait partie de cette nouvelle vague
52:22d'expéditions scientifiques
52:24et en 1771
52:26il publiera le récit de ses aventures
52:28dans un livre. Qu'est-ce qu'il est advenu de
52:30Bougainville ensuite ? Eh bien, il a participé
52:32à la guerre d'indépendance américaine
52:34ensuite, à partir de 1790
52:36il s'est consacré à des travaux
52:38scientifiques, ce qui lui vaudra
52:40d'être reçu à l'Institut
52:42Eh oui, c'est pas très glorieux tout ça, je vous le conseille
52:44je m'en excuse, mais qu'est-ce que vous voulez ?
52:46C'est l'histoire, une fois de plus, on a été
52:48devancé par les Anglais
52:50on n'a pas découvert ce merveilleux continent
52:52mais bon, ça fait quand même rêver
52:54ça fait voyager, on fait avec ce qu'on a
52:56on a une histoire formidablement riche
52:58et là, je vous ai parlé du
53:00premier français à avoir fait le tour du monde
53:02c'est quand même pas rien !
53:04Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite Histoire
53:06et on se retrouve dès mardi prochain
53:08pour un nouveau numéro
53:10sur TV Liberté, à bientôt !

Recommandations