Prisca Thevenot, députée Ensemble pour la République (EPR) des Hauts-de-Seine était l'invitée de franceinfo soir, le 29 janvier 2025.
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00:00Bonsoir Priska Tevno, vous êtes députée ensemble pour la République des Hauts-de-Seine,
00:07ancienne porte-parole du gouvernement Attal.
00:09Est-ce qu'en parlant de submersion migratoire, François Bayrou a commis une faute ?
00:13François Bayrou a pu s'exprimer hier en séance de questions au gouvernement sur ce
00:19terme qu'il avait employé.
00:20Il a rappelé qu'il décrivait un « sentiment » qui a été exprimé par un certain nombre
00:25de Françaises et de Français.
00:27Un sentiment n'est pas là pour être nié, il est là pour être regardé et pour pouvoir
00:31y apporter des réponses.
00:32Une des premières réponses, c'est déjà, je pense, en termes de chiffres, en termes
00:37de faits, de points de vue factuels.
00:40Je ne suis pas sûre que le terme soit propice.
00:43C'est un terme que vous n'auriez pas employé par exemple ?
00:45C'est un terme qui est contredit par les faits, qui est contredit par les chiffres.
00:50Maintenant, ce que je vois, c'est que ça fait 48 heures qu'un certain nombre de commentateurs
00:56politiques, de responsables politiques sont en boucle sur ce terme.
01:00Mais ça aussi gênait des gens dans votre propre camp.
01:02Oui, mais attendez, je veux dire que là, ça prend des proportions qui sont quand même
01:06assez ahurissantes.
01:07Est-ce qu'on peut, juste deux secondes, peut-être lever le nez de notre feuille et se rendre
01:12compte dans quel contexte nous sommes ?
01:13Nous avons d'un côté les Etats-Unis qui investissent 500 milliards de dollars dans
01:19l'IA.
01:20Nous avons la guerre d'agression qui continue en Ukraine, nous avons la Chine qui continue
01:25à se renforcer économiquement.
01:27Et nous, certains, veulent nous enfermer dans des débats qui amènent quoi ?
01:31Pas des solutions pour les Français, mais des polémiques pour leurs aidants.
01:36Parce que le Premier ministre a utilisé une expression qui est connotée à l'extrême-droite.
01:37Le Premier ministre a répondu et il s'en est expliqué.
01:41Maintenant, je pense qu'en tant que responsable politique et notamment en tant que député
01:46à l'Assemblée Nationale, notre rôle n'est pas d'alimenter, de suralimenter des polémiques,
01:51mais bien d'agir pour les Françaises et les pro-français.
01:53Et c'est d'ailleurs ce que nous avons fait hier avec différentes propositions de loi.
01:56Vous voulez pas admettre que c'était malheureux cette...
01:57Je vous l'ai dit, je ne l'aurais pas emprunté cette expression.
01:59Je vous l'ai dit.
02:00Une fois qu'on a dit ça, on peut passer.
02:01En tout cas, ces déclarations du Premier ministre ont eu une conséquence que vous
02:05commenciez à évoquer.
02:06Le Parti Socialiste a claqué la porte des négociations sur le budget.
02:09Que doit faire François Bayrou pour ramener les socialistes à la table des discussions ?
02:13Non, que doivent faire plutôt les socialistes pour se remettre dans le chemin des responsabilités
02:18sur lesquelles ils s'étaient engagés au cours des dernières semaines et que j'ai
02:21même eu l'occasion à votre antenne de saluer.
02:24Je dois le dire de façon assez simple, nous avions une famille politique, la social-démocratie
02:30et pas une petite...
02:31C'est pas François Bayrou qui a tout gâché ?
02:32Non mais attendez, vous rigolez.
02:33Quand le Parti Socialiste nous explique aujourd'hui la main sur le cœur que, oh là là, ils
02:39sont en train de saigner violemment sur l'autel de leurs convictions et qu'en parallèle,
02:46en catimini, même pas, micro-ouverts, ils sont en train de soutenir officiellement Louis
02:49Boyard sur ses municipales.
02:51Vous parlez des municipales à Villeneuve-Saint-Georges ?
02:53Tout à fait, excusez-moi.
02:54Ce qui nous éloigne un petit peu du sujet ?
02:56Ben non, c'est un peu les convictions à juridimitrie variable.
02:59Là, ils nous expliquent qu'ils sont parfaitement meurtris et blessés quand on touche à leurs
03:02convictions.
03:03Mais je croyais que leur conviction aussi, c'était d'être une gauche digne de ce nom.
03:06Si vous parlez de Villeneuve-Saint-Georges, le Parti Socialiste n'a pas fusionné avec
03:09la liste LFI ?
03:10Je suis d'accord, mais j'ai entendu un député, notamment Philippe Brun, nous expliquer qu'il
03:13voterait largement, s'il en avait l'occasion, pour la liste de Louis Boyard.
03:18Donc je le dis assez simplement.
03:20Maintenant, moi, ce que je veux dire, et pour avoir un horizon de perspective meilleur,
03:25c'est que notre pays a besoin d'un budget.
03:26Ça, je pense que tout le monde l'a compris.
03:27Et alors, qu'est-ce que vous devez faire pour que les socialistes ne sortent sur pas ?
03:31Je pense que les socialistes ne sont pas obligés de singer les méthodes de la LFI pour peser
03:37dans le débat politique.
03:38On n'est pas là en tant que responsable politique.
03:40Ils ont le droit d'avoir des convictions.
03:41On n'est pas là à porter l'écharpe tricolore pour avoir la responsabilité de menacer l'action
03:47politique.
03:48On est là pour l'influencer, pour la faire évoluer et pour faire voir des convictions.
03:53Mais venir menacer, et j'insiste, le gouvernement de censure et donc de priver le pays de budget,
04:01je pense que franchement, à un moment, il faut aussi remettre un peu les choses dans
04:04leur contexte.
04:05Alors, les socialistes avaient déjà obtenu des concessions de la part du gouvernement
04:09quand les discussions étaient en cours, le parti socialiste souhaiterait aussi une
04:13augmentation immédiate du SMIC.
04:15Est-ce que vous dites « Ok, on y va, la non-censure du PS, quoi qu'il en coûte ? »
04:19Quoi qu'il en coûte, vous avez en fait la réponse à votre question.
04:22Je pense qu'il faut aussi se rappeler des choses.
04:25On a déjà eu cette conversation avec ce débat parlementaire à l'Assemblée nationale
04:31dès que nous avons franchi les portes de l'hémicycle en 2022, sur le pacte pouvoir
04:36d'achat en pleine période d'inflation extrêmement forte.
04:39Et une partie de la gauche, toute la NFL à l'époque, nous disait « Augmentez les salaires,
04:43augmentez les salaires ».
04:44Mais attendez, si c'était aussi simple que ça, tout le monde le ferait.
04:47Donc vous dites « On ne touche pas au SMIC, on ne donne pas un nouveau coup de pouce ».
04:50Il y en avait un qui avait été donné par Michel Barnier.
04:52Mais si augmenter le SMIC, et à quelle hauteur, c'est du coup limiter le nombre d'emplois
04:58dans notre pays, et voire menacer des emplois qu'on aurait pu créer, pardon, mais c'est
05:01un peu poche gauche, poche droite.
05:03Je pense qu'à un moment, il faut être aussi un peu responsable.
05:05Et donc là, l'enjeu que nous avons, c'est la capacité de responsabilité face à une
05:12nécessité du pays qui a d'avoir un budget, ne doit pas se monnayer comme ça, simplement
05:19pour crier une victoire.
05:20Le parti socialiste estime aussi que l'aide médicale d'État pour soigner les clandestins
05:26ne doit pas être rabotée.
05:28Le Sénat, rappelons-le, la semaine dernière, a raboté 200 millions sur ce budget.
05:32Est-ce qu'il faut accéder à cette demande du parti socialiste en guise de bonne foi ?
05:36Je pense que sur l'AME, effectivement, l'aide médicale d'État, ce qu'il faut pouvoir
05:40regarder, c'est avoir une vision claire sur le panier de soins.
05:43Et sur cette base-là, le regarder.
05:45C'était quelque chose qui avait d'ailleurs été à l'époque porté par Elisabeth
05:48Born, en dehors du texte et de la loi immigration, et ça, on peut le regarder.
05:52Mais là, venir dire 200 millions, pas 200 millions, etc.
05:55Les sénateurs ont retiré 200 millions sur ce budget la semaine dernière.
05:58Mais en fait, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça réduit le panier de soins ? C'est
06:01ça qu'il faut regarder concrètement.
06:02Je pense que faire de la politique, ce n'est pas simplement un exercice comptable.
06:07C'est important, bien évidemment, en période budgétaire, mais il faut regarder derrière
06:10quelle est la politique que nous voulons mener directement vis-à-vis de celles et ceux
06:14qui bénéficient de ces politiques-là.
06:15Vous n'avez pas l'air d'être ouverte à l'idée de faire davantage de concessions,
06:19en tout cas, pour amadouer les socialistes.
06:22Je n'ai pas besoin.
06:23Déjà, je respecte le travail des parlementaires et je ne suis pas là pour amadouer ou pas
06:27amadouer.
06:28Je suis là pour rappeler qu'en fait, en tant que responsable politique, on a le devoir
06:32de donner un budget à notre pays.
06:34Est-ce que la censure du gouvernement vous paraît inéluctable ou vous comptez peut-être
06:39sur le Rassemblement National pour sauver la mise à François Bayrou la semaine prochaine ?
06:43Si je ne votais pas la censure, le PS peut faire ce qu'il veut.
06:46Je vais vous le dire très clairement, moi je compte sur le Parti Socialiste pour faire
06:51en sorte que le duel et le poids du Rassemblement National ne soient pas ce qu'il a pu être
06:57par le passé.
06:58Et ça, je pense que le Parti Socialiste a une responsabilité importante.
07:02Qu'ils ont mesuré.
07:03Et d'ailleurs, au cours des dernières semaines, pardon, mais le débat ne tournait plus autour
07:07des demandes et volontés du Rassemblement National.
07:10Pas du tout, c'était autour des demandes du Parti Socialiste qui était à la table
07:13des discussions avec le gouvernement.
07:14Et qui en plus, on ne peut pas dire que ça élimine ou invisibilise les électeurs du
07:20Rassemblement National.
07:21Puisque sur un certain nombre de sujets, c'est question du pouvoir d'achat.
07:25Donc moi je le redis.
07:26Et puis un autre sujet dont on ne parle plus, mais pourtant qui est important, c'est les retraites.
07:30Le dossier a été réouvert, c'était une énorme demande.
07:32Il y aura un conclave avec les partenaires sociaux qui commencera dans quelques semaines.
07:37Ce n'était pas une des énormes demandes ?
07:39Du Parti Socialiste, si, même s'ils auraient préféré une suspension pure et dure.
07:44Priska Tevno, puisqu'on est sur le budget, il y a une autre personne qui critique ce
07:49budget, c'est Bernard Arnault, le patron de LVMH, critique la surtaxation des très
07:54grandes entreprises qui va pousser à la délocalisation, dit-il.
07:57Est-ce que Bernard Arnault a raison ou vous lui dites que les grandes entreprises, dans
08:01la période, doivent aussi faire un effort ?
08:03Moi je le dis de façon assez simple et vous savez que je viens d'une famille politique
08:07qui défend la politique de l'offre.
08:09C'est un des marqueurs du macronisme depuis 2017.
08:12Et c'est ce que nous menons comme politique depuis 2017 derrière Emmanuel Macron et c'est
08:16ce que nous portons avec Gabriel Attal à l'Assemblée Nationale.
08:19Ce n'est pas simplement comme ça pour faire beau et en slogan.
08:22C'est qu'en réalité, nos entreprises sont derrière la voie de Bernard Arnault,
08:26qui en plus s'exprime quand même très rarement.
08:28C'est assez exceptionnel pour le souligner.
08:31C'est la voie de nombreuses TPE et PME.
08:34Là on parle de la surtaxation sur les très très grosses entreprises.
08:38Oui, mais en fait on parle aussi de la surtaxation en général.
08:40Il y a trop de taxes sur les entreprises dans ce budget.
08:43Vous savez, on va arrêter de faire semblant.
08:44La France n'est pas un paradis fiscal.
08:46Arrêtons de faire croire que la France est un paradis fiscal.
08:49A l'heure où, je vous le redis encore une fois, nous avons les grandes puissances économiques
08:53qui se réaffirment et qui le font extrêmement férocement, et que nous avons un enjeu de
08:58souveraineté et d'indépendance, qu'est-ce qu'on va faire ? On va laisser nos entreprises
09:03et nos fleurons, notre fameux « made in France » partir ?
09:05Vous craignez cette possibilité de délocalisation comme le dit Bernard Arnault ?
09:10Mais je pense que ça peut arriver.
09:12Parce que si finalement c'est plus facile de garder des activités économiques ailleurs,
09:18certains vont le faire.
09:19Et avec ça, on va avoir bien évidemment les fleurons et notre joyau national, quel
09:25qu'il soit, peu importe la taille qu'ils ont, mais aussi on va avoir des emplois.
09:28C'est pour ça que dès 2017, je réinsiste, aujourd'hui, on mesure pleinement la politique
09:33que nous menons avec Emmanuel Macron depuis 2017.
09:36Cette volonté de soutenir notre économie, cette volonté de permettre les relocalisations,
09:41de réindustrialiser le pays, on voit que ce n'était pas quand même des chimères
09:45et des choses qui ne servaient à rien.
09:46Ça a été tangible, nous avons recréé de l'emploi.
09:49Et le chômage remonte ces derniers mois.
09:52Et bien justement, ne mettons pas à mal ce que nous avons pris tant de temps à mettre
09:56en place avec Emmanuel Macron au cours de ces dernières années.
09:58Bernard Arnault doute d'ailleurs que cette surtaxation ne dure qu'un an, puisque c'est
10:03ce qui est prévu par le gouvernement.
10:04Est-ce qu'il a raison de douter de cet effort temporaire ?
10:07Là ça sera au gouvernement effectivement de rappeler et de donner des gages sur cela.
10:11Maintenant le budget est fait pour un an.
10:13Moi ce que j'avais fait, parce que c'était déjà le cas sous Michel Barnier, sous le
10:16même budget, c'était pour un an.
10:18Maintenant il faut voir, est-ce que la durée est vraiment maintenue ?
10:21Est-ce que le taux est celui qui a été annoncé ?
10:24Et en réalité les débats ont été en cours au Sénat, ils ne sont pas repassés par l'Assemblée
10:29nationale puisqu'on est reparti d'un process de l'ancien budget.
10:32Mais on sent bien que pour vous il ne faut pas trop charger la barque sur les entreprises.
10:35Qu'elles soient petites ou grandes.
10:37Je veux dire, il faut en finir avec le fantasme du méchant patron.
10:42Ça suffit en fait, ça suffit, je vous dis, sans personnes qui prennent des risques pour
10:47créer des entreprises, il n'y a pas d'emploi.
10:50Sans emploi, pardon, la discussion du SMIC, du pas du SMIC, elle n'existe même pas.
10:55Parce qu'il n'y a pas de salaire en fait.
10:57Donc à un moment je pense qu'il faut aussi tous se dire que les temps sont compliqués
11:01et qu'on est tous une même équipe, on est une équipe d'un même pays et nous avons
11:05intérêt à faire en sorte que tout le monde reste embarqué sur le navire.
11:10Nicole Demorand – Merci Priska Thévenot