• il y a 2 mois
C’est un doux rêve de vouloir tirer profit des bienfaits de l’IA ou de sortir du transformisme maquillé en transformation en s’appuyant sur des recettes, des dites bonnes pratiques c’est à dire un « savoir plat et aseptisé pour des exécutants dociles » pour reprendre l’expression du sociologue Michel Chauvière. En effet, transformer avec ou sans IA, c’est faire émerger un environnement capacitant dont la mise en œuvre nécessite une connaissance in situ des situations de travail pour comprendre les données des problèmes et penser les conditions de possibilité des réponses instrumentales et surtout organiques. [...]

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00:00C'est un doux rêve de vouloir tirer profit des bienfaits de l'intelligence artificielle
00:13ou de sortir du transformisme maquillé en transformation en s'appuyant sur des recettes,
00:18des dites bonnes pratiques, c'est-à-dire un savoir plat et aseptisé pour des exécutants
00:23dociles pour reprendre l'expression du sociologue Michel Chauvière.
00:28En effet, transformer avec ou sans IA, c'est faire émerger un environnement capacitant
00:34dont la mise en œuvre nécessite une connaissance in situ des situations de travail pour comprendre
00:41les données des problèmes et penser les conditions de possibilité des réponses instrumentales
00:46et surtout organiques.
00:48C'est pour cette raison que nous n'avons jamais eu autant besoin de théories dans
00:52les organisations.
00:54Mais il y a un préalable.
00:56Dissiper une confusion courante qui entrave chez les managers et les dirigeants, tout
01:01commerce avec le réel et donc la compréhension des situations de travail.
01:05La confusion entre le platonique et le théorie.
01:09Disons-le clairement, il n'y a pas de connaissance sans théorie, il est impossible de transformer
01:14un bon escient sans connaissance.
01:15La théorie est toujours liée à la pratique et n'est rien d'autre que ce qui permet
01:20de lever le voile des apparences quand le platonique n'a qu'un caractère purement
01:26idéal, sans rien de matériel ou de charnel, nous dit le Robert.
01:31La théorie n'est donc pas platonique, contrairement aux idées reçues et bien ancrées dans les
01:35organisations.
01:36Sans théorie, impossible de distinguer l'effet des fables, comme le dit Hume, les causes
01:41des effets, mais aussi de faire la part des choses entre les effets.
01:46La théorie, nous dit ainsi Althusser, est une pratique spécifique qui s'exerce sur
01:52un objet propre et aboutit à son produit une connaissance.
01:56Considérant lui-même, tout travail théorique suppose donc une matière première donnée
02:02et des moyens de production, les concepts de la théorie et leur mode d'emploi, la
02:05méthode.
02:06En ce sens, un manager se doit d'être un praticien de la théorie, car plongé dans
02:12une rivière d'apparence au sein des organisations avec la juxtaposition des dispositifs de
02:17gestion, il a besoin de théorie pour comprendre la pensée derrière et d'avoir le discernement
02:23nécessaire afin d'agir avec justice et justesse, et surtout ne pas confondre les
02:28deux.
02:29L'importance de la théorie pour la pensée et l'action soutenable soulève d'ailleurs
02:34un autre angle mort, le statut de la vérité dans les organisations.
02:40Dans une entreprise biberonnée au pragmatisme et à l'utilitarisme, je parle ici des courants
02:44philosophiques, nous finissons par oublier que ce n'est pas parce que quelque chose
02:49est efficace qu'elle est vraie et ou juste, et que la sincérité n'est pas la vérité.
02:55Comme le note d'ailleurs à juste titre Jacques Lemuel, si l'efficacité est la
03:00valeur clé du management, et donc si nous faisons comme si ce qui est efficace est vrai,
03:07nous sommes mal partis pour mobiliser l'intelligence de l'entreprise à méditer.
03:12Dans cette optique, miser plus sur la théorie et moins sur les recettes est une des conditions
03:19essentielles pour transformer à bon escient, et ainsi rempre notamment avec le mythe d'une
03:24conduite du changement capable de réparer les hérésies d'un management hémiplégique
03:28nourri par une pensée rivée sur les apparences et biberonnée au mythe de la solution.
03:33C'est pourquoi le meilleur moyen de former des bons praticiens, c'est aussi de leur
03:38enseigner des théories.
03:39Je suis d'accord avec Jacques Lemuel pour qui, je cite, « viser la modification de
03:46comportement précis n'implique pas du tout une conception étroitement utilitaire de
03:51la formation.
03:52Il est possible que le meilleur moyen de former un bon praticien soit en fait de lui
03:56enseigner des théories, et même de lui donner ce qu'on appelle parfois une culture générale.
04:02Dans ce siècle de transformation, il est encore temps d'écouter l'appel de Michel
04:07Crozier.
04:08Le temps des technocrates était le temps des solutions.
04:10Il nous faut maintenant passer au temps des problèmes.
04:14L'homme des solutions est en fait de plus en plus anachronique.

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