• il y a 4 heures

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:0013h14, Europe 1 13h31, c'est l'heure Europe 1, la suite d'Europe 1 13h avec vous, Céline Giraud et aujourd'hui Jules Taurès et Nathan Dennerre.
00:08Et on va parler de cette fin de vie, c'est un sujet qui évidemment fait beaucoup parler.
00:13Le Premier ministre veut scinder le projet de loi en deux, développer d'un côté les soins palliatifs et de l'autre l'aide active à mourir.
00:21Une décision qui divise et qui fait beaucoup réagir mais avant c'est une bonne nouvelle pour Claire Fourcade.
00:27Elle est médecin et présidente de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs et auteure du journal de la fin de vie publié chez Fayard aujourd'hui.
00:36Et elle était l'invitée de Sonia Mabrouk ce matin sur Europe 1 et CNews.
00:40Ça fait depuis deux ans maintenant qu'un très grand nombre de soignants concernés par la question de la fin de vie demandent la division de ce projet de loi.
00:47Parce qu'il y a une partie soins, les soins palliatifs, depuis 25 ans la loi française promet à tous un accès aux soins palliatifs.
00:54Et aujourd'hui c'est seulement la moitié des patients qui en auraient besoin qui ont accès.
00:57Ça veut dire que tous les jours en France il y a 500 personnes qui meurent sans avoir eu accès aux soins dont elles auraient besoin.
01:03C'est un scandale.
01:04C'est un scandale et ça peut changer.
01:05Et donc ce point-là fait l'unanimité.
01:07Et puis on a besoin d'avancer.
01:09La question de l'euthanasie et du suicide assisté qui est un sujet beaucoup plus clivant et beaucoup plus difficile,
01:14on voit qu'actuellement elle freine la question des soins palliatifs puisqu'on n'avance pas là-dessus.
01:18Ça fait deux ans que moi j'entends tous les hommes politiques dire c'est la priorité, c'est ça qu'on va faire et rien ne change.
01:23Donc maintenant faisons changer les choses.
01:25Voilà, le projet de fin de vie scindé en deux c'est une bonne idée selon vous Jules Torres ?
01:30En tout cas c'est une belle avancée puisque comme Claire Fourcade l'a très bien dit,
01:34ça fait deux ans qu'on en entend parler de ce projet de loi ou de cette proposition de loi fin de vie
01:39qui est le souhait non seulement d'Emmanuel Macron mais qui est aussi le souhait, on le sait,
01:43d'Yael Brown-Pivet la présidente de l'Assemblée Nationale.
01:46Et le problème c'est que c'est un sujet...
01:48Qui s'est opposé d'ailleurs à cette scission.
01:49Absolument et c'est un sujet éminemment complexe.
01:52Malheureusement je pense qu'il n'y a pas de logique partisane dans cette loi fin de vie.
01:58Il faut regarder les réactions par exemple du député communiste Pierre Darréville
02:02qui est fermement opposé à ce texte-là.
02:05On voit bien dans la majorité présidentielle que c'est quasiment 50-50,
02:08qu'au Rassemblement National aussi par exemple il y a des points de crispation
02:12parce qu'en fait ce n'est pas quelque chose qui... ça n'appartient pas à une doctrine politique.
02:17Le fait de le scinder en deux en dissociant les soins palliatifs, les soins d'accompagnement,
02:20de l'aide active à mourir, est-ce que ce n'est pas finalement la solution pour servir ces deux camps ?
02:25C'est un peu dû en même temps.
02:26Vous avez raison mais ce n'est pas dû en même temps partisan.
02:29C'est-à-dire qu'il y a des gens qui sont très attachés sans doute parce qu'ils ont eu une vie
02:34qui les a amenés à cette question-là et du coup ça leur a permis de trancher.
02:37Moi à titre personnel je n'ai jamais été confronté à cela.
02:40Donc c'est plus sur des convictions philosophico-religieuses.
02:45Mais on ne peut pas ne pas aller sur cette question des soins palliatifs qui est très importante
02:51et comme Claire Fourcade l'a rappelé, qui est trop peu développée.
02:55Il y a eu plusieurs plans sur les soins palliatifs mais aujourd'hui elle disait
02:58que la moitié des personnes qui décédaient et qui auraient besoin des soins palliatifs n'y ont pas accès.
03:07Et il y a un rapport parlementaire qui disait que c'était même un tiers.
03:10Donc on voit très bien que ce n'est pas assez important, ce n'est pas assez développé.
03:14Et surtout vraiment la question c'est est-ce qu'aujourd'hui vu la majorité que nous avons à l'Assemblée nationale,
03:19les débats très crispés, est-ce que le sujet de la fin de vie, l'euthanasie et le suicide assisté
03:25est important et à mettre au-dessus du panier, sur le haut de la pile du travail législatif que nous avons ?
03:33Personnellement je n'en suis pas sûr.
03:35Claire Fourcade qui dit, Nathan Devers, dans une société fracassée c'est quand même incroyable
03:38que la seule chose sur laquelle on pourrait se mettre d'accord ce serait d'organiser la mort.
03:43Je pense que c'est une question quand même centrale.
03:47Et qu'en effet, comme vous l'avez dit, on ne peut pas la réduire à des appartenances partisanes,
03:52à des chapelles, à des dogmatismes.
03:54Et que là en fait on va demander aux politiques de penser, de questionner chacun avec sa conscience.
03:59Ce débat il peut être entre guillemets mis en péril par deux choses.
04:04La première chose c'est que personne ou presque personne ne s'exprime de façon neutre sur ce sujet
04:09dans la mesure où quand même la plupart des gens ont été confrontés à ces questions
04:16de manière incarnée, de manière charnelle et de manière naturellement toujours tragique
04:20puisqu'il s'agit de proches, plus ou moins proches, mais qu'on a pu voir confronter à cette perspective-là.
04:26La deuxième chose c'est qu'en effet il y a derrière une question philosophique, en effet civilisationnelle, extrêmement profonde.
04:34Certains, Michel Houellebecq notamment sur l'aide active à mourir, parlait selon lui d'une sorte de suicide civilisationnel.
04:41Une civilisation disait-il, je le cite quasiment littéralement, qui ne mérite plus d'exister à partir du moment où elle dispense la mort.
04:48Et d'autres estiment, je fais plutôt partie de cette vision-là, que la mort ne doit pas seulement être un événement qui doit être subi.
04:58Et qu'il y avait précisément toute une sorte de sagesse romaine dans plusieurs courants philosophiques,
05:02chez les stoïciens par exemple, qui estimait que la mort, dès lors que c'est un événement qu'on conçoit comme faisant partie de la vie,
05:08comme représentant aussi en un certain sens la vie, et bien qu'on pouvait estimer que ça devait être un événement qui devait être vécu avec,
05:18alors je vais dire un mot qui peut un peu crisper le débat, mais entre guillemets, certains parlent de dignité, vous voyez ce que je veux dire ?
05:24Mais en tout cas qui doit être vécu et pas seulement qui doit être subi.
05:28Et donc je crois que cette logique-là n'est pas du tout une sorte d'infraction au serment d'Hippocrate,
05:33et qu'il ne s'agit absolument pas de demander aux médecins d'assassiner, entre guillemets, leur patient.
05:38On va écouter Claire Fourcaz qui est publique, je le rappelle aujourd'hui, le journal de la fin de vie aux éditions Fayard.
05:44Elle nous explique finalement que la loi Léonetti n'était pas si mal faite, et que nous n'avons pas besoin forcément d'une autre loi,
05:51mais qu'il faut des moyens et rapidement pour les soins palliatifs. Écoutez.
05:55On n'a absolument pas besoin d'une loi supplémentaire, par contre on a besoin de moyens pour que tous les patients aient accès.
06:07Parce qu'on ne soigne pas avec des lois. On soigne avec de l'argent, un peu, mais surtout avec des gens.
06:12Et on a besoin de soutenir les soignants, de les accompagner, et les soins palliatifs, plus que partout ailleurs dans le soin,
06:19c'est une médecine qui a besoin d'avoir du sens.
06:21Voilà, une médecine qui ait du sens, éthiquement c'est vrai que ça interpelle.
06:25Il y a quand même 800 000 soignants qui, sous l'égide notamment de Claire Fourcaz, ont interpellé le Président de la République sur cette question-là.
06:34Moi je ne parle pas là de 3-4 soignants, on parle de 800 000 soignants qui les ont alertés, notamment après...
06:41Qui ne veulent pas prendre la décision de donner la mort, qui sont forcément concernés.
06:44Il y a déjà ça, et puis surtout, on a vu la dangerosité des dérives qui pourraient possiblement être celles d'une telle loi.
06:52Quand on a vu la commission à l'Assemblée Nationale, qui a enlevé tous les garde-fous sur le fait que...
06:58Avant la dissolution.
07:00Exactement, avant la dissolution, est-ce qu'on était dans un cas grave ou non ?
07:03Est-ce qu'on peut décider avant ? Est-ce qu'un proche, plus ou moins proche, peut décider de votre mort ?
07:12C'est des questions qui sont quand même très importantes, et moi je vous parle de ça en tant que quelqu'un justement très neutre.
07:18Je n'ai jamais été confronté à cela, mais je vois quand même beaucoup de points rouges qui m'alertent sur la question de la dignité humaine,
07:28sur le fait que, possiblement, moi je vois très bien des personnes âgées qui ne veulent pas devenir le fardeau de leur famille,
07:34et on aurait une situation très simple, je ne veux pas devenir le fardeau de ma famille, et donc j'active ce suicide assisté.
07:42Moi, pardon, je ne veux pas du tout vivre dans cette société-là.
07:46Sur la vie, il y a aussi un rapport, je sais que les gens sont de moins en moins croyants, mais il y a un droit de vie, c'est Dieu qui a décidé de la vie,
07:54il y a la volonté libre, donc il y a vraiment beaucoup de sujets qui englobent ce sujet de la fin de vie et du suicide assisté,
08:00qu'on devrait mettre sur la table si on veut vraiment avoir un débat insolide.
08:04Mais je veux vraiment dire que, attention, les gardes-fous, c'est très important.
08:08Justement, les gardes-fous, il y avait l'aide à mourir pour des patients majeurs, capables de discernement plein et entier,
08:12atteints d'une maladie incurable et avec un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme.
08:17Et ça, ils l'ont supprimé !
08:18Oui, c'est ça, ça risque de revenir, ça paraît impensable autrement.
08:23Exactement, sur ces gardes-fous, sur ces cadres, il me semble très important.
08:27Ça veut dire qu'il ne s'agit absolument pas, et vous avez totalement raison, de proches qui pourraient décider à la place d'un malade,
08:32ou de quelqu'un qui pourrait le faire sans discernement,
08:35ou, pour prendre un exemple un peu caricatural, vous savez de ce chapitre dans La Carte et le Territoire,
08:41où Michel Holbeck décrit le narrateur à son père qui va en Suisse dans une clinique pour se faire, entre guillemets,
08:48suicider dans une logique un peu glaciale.
08:51Non, il ne s'agit pas de ça. Il s'agit, encore une fois, de dire que quand un individu, avec son discernement, a une maladie incurable,
08:59que de toutes les manières, il sait que c'est cette échéance qui l'attend,
09:02qu'il puisse avoir le choix de savoir la manière dont il a envie.
09:06En l'occurrence, ce n'est pas le bon mot, le mot d'envie, et le vocabulaire est très complexe.
09:10C'est-à-dire sauter les souffrances qui sont abominables.
09:13Voilà, de vouloir vivre cet événement qu'est sa mort.
09:15Alors ensuite, qu'il y ait certaines personnes qui estiment, par exemple pour des raisons religieuses,
09:19que je ne suis pas dépositaire de mon corps, que Dieu ne m'autorise pas à pouvoir décider de cela.
09:25Bon, rien ne les contraint, si vous voulez, à choisir l'aide active à mourir.
09:29Il s'agit là, encore une fois, de la liberté de le faire.
09:31Et je crois que c'est au contraire un progrès civilisationnel que d'inclure la possibilité que ça soit fait.
09:37Et je renvoie encore à l'exemple de Rome.
09:39La grandeur de Rome, c'était précisément d'avoir compris que la mort n'était pas seulement un événement subi, mais un événement qui avait un sens.
09:45Mais les Romains, souvent, se suicidaient, d'ailleurs.
09:47Oui, bien sûr, ce n'était pas les mêmes rites, ce n'était pas les mêmes pratiques.
09:51Mais la vision de la mort était aussi différente.
09:54C'était un événement qu'on vivait debout, qu'on vivait en face,
09:56et qu'on vivait en estimant que quelque part, il résumait, ou il ressemblait, ou il figurait toute la biographie qu'on avait pu avoir jusqu'alors.
10:04C'est aussi Montaigne.
10:05Là, on parle de l'intervention d'un tiers.
10:07Voilà.
10:08C'est comme les Asiatiques qui se font arrêter.
10:10C'est eux-mêmes qui le font.
10:11Tout seuls, quoi.
10:12Et c'est ça qui dérange foncièrement les soignants, les 800 000 soignants dont j'ai parlé.
10:18Le serment d'Hippocrate, c'est ne pas nuire.
10:21Et comment on pourrait ne pas nuire ?
10:23En décidant, quasiment unilatéralement, de déposséder quelqu'un de sa vie.
10:30Les garde-fous dont on parlait, vous avez raison, c'est la suppression du pronostic vital engagé ou pas.
10:36C'est-à-dire que là, on ne parle pas de personnes qui décideraient d'eux-mêmes.
10:40Ce serait un tiers.
10:42Il faut vraiment se rendre compte de la dérive que l'on va pouvoir connaître.
10:47Et moi, pour avoir discuté avec beaucoup de députés,
10:50il y a même des ministres qui, lors de l'examen de cette commission,
10:55j'en ai deux en tête, je ne vous donnerai pas leur nom évidemment,
10:57mais deux ministres qui ont changé d'avis sur cette question-là
11:00au cours des débats, après la commission,
11:03parce qu'ils se sont rendus compte des dérives immenses qui pouvaient avoir lieu avec ces lois-là.
11:08C'est vraiment quelque chose où il faut faire très attention.
11:11Bien sûr, mais si on se protégeait de ces dérives ?
11:15Oui, sur le législatif, c'est très dur.
11:18Dans le cadre de ce débat, on a vu quand même émerger un certain nombre de témoignages directs
11:23de gens qui ont été médiatisés, qui souffraient eux-mêmes de maladies incurables
11:26et qui expliquaient qu'eux-mêmes, en conscience, sans être dépendants de qui que ce soit,
11:31si c'était possible, si c'était légal,
11:34qu'ils appelaient à ce qu'ils puissent recevoir, en quelque sorte, une aide active à mourir.
11:39Dans ces cas-là, vous voyez, je vois mal au nom de quel argument philosophique
11:43on peut estimer qu'on va le leur refuser.
11:45Effectivement, deux théories, c'est des clivages qui sont très présents et très vifs,
11:49et on continuera évidemment à en parler sur Europe 1 ce soir avec Pierre De Villeneau.
11:52En attendant, on va tout changer de sujet, on va parler de ce budget,
11:55de taxer les retraités, cacophonie au gouvernement,
11:58puisqu'après les annonces hier de la ministre du Travail qui souhaitait taxer les retraités,
12:02eh bien aujourd'hui, la porte-parole du gouvernement dit que ce n'est pas à l'ordre du jour.
12:06On va en parler tout de suite.
12:07Il est 13h43, vous écoutez Céline Giraud sur Europe 1.

Recommandations