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Pourquoi allons-nous nous enfermer, depuis plus d’un siècle, dans des salles obscures pour découvrir des films ? Telle est la question, presque philosophique, à laquelle tente de répondre Arnaud Desplechin, dans son dernier long-métrage "Spectateurs !" diffusé depuis mercredi 15 janvier.
A l’occasion de l’avant-première du « Nouvel Obs » organisé au cinéma Le Saint-Germain-des-Prés, lundi 13 janvier, le cinéaste français est revenu sur sa passion pour le septième art, lorsque enfant, devant « Fantômas », il était plus obsédé par le projecteur que par le héros incarné par Jean Marais.

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Transcription
00:00Ce que j'adore au cinéma, ce que je trouve tellement beau, magique, féerique,
00:03c'est le fait que c'est un art forain et que ça restera toujours un art forain.
00:10Pour quelles raisons avez-vous aujourd'hui, avec la filmographie qu'est la vôtre,
00:14à votre âge, choisi de raconter comment et pourquoi vous êtes venu au cinéma
00:18et pourquoi et comment le cinéma est venu à vous ?
00:20C'est venu déjà d'un dialogue avec le producteur, Charles Gilbert,
00:24que je ne connaissais pas et qui est venu vers moi et qui m'a proposé un film
00:27et qui m'a dit « Est-ce que vous ne voulez pas faire un documentaire
00:29sur un obscur philosophe américain, Stanley Cavell, et les salles de cinéma ? »
00:32Alors ma réponse était immédiate, c'était un vendredi,
00:33j'ai dit « Les documentaires, je ne sais pas faire. »
00:35Donc j'ai dit non.
00:36Et puis j'ai eu des repentirs, des repentirs, pendant tout le week-end j'ai pris des notes.
00:39On s'est vu le mardi, elle a dit banco et c'était comme ça que c'était parti.
00:42Avec évidemment le personnage de Paul Dédalus que tout le monde connaît,
00:46récurrent, qui va grandir dans le film.
00:49Vous me disiez que c'était bien de faire un roman d'apprentissage
00:52de Paul Dédalus qui n'arrête pas de devenir un spectateur.
00:54Il n'est pas un mauvais spectateur quand il est petit,
00:56mais il devient différent à chaque fois, à chaque âge.
00:59Et donc il est joué par des tas d'acteurs différents.
01:01Et si j'ai choisi ce héros,
01:02j'avais fait un film il y a tellement longtemps qui s'appelait « Comment je me suis discuté »
01:05et ce que j'aimais bien avec Paul Dédalus, c'est que c'est quelqu'un qui s'est admiré.
01:08Il n'a pas de qualité spécifique, mais il s'est admiré.
01:10Et du coup, j'ai pensé que c'était un bon véhicule pour faire un spectateur.
01:13Et justement, le petit Dédalus qui découvre le cinéma,
01:16c'est avec sa grand-mère qui est jouée par la merveilleuse Françoise Lebrun,
01:20qui découvre à travers Fantomas, qui va être presque le film fondateur de Paul Dédalus.
01:24C'est une scène qui est importante parce que celle-là est autobiographique.
01:27Il y a des bouts d'autobiographie, puisque comme dans tous mes films,
01:30je me sers de moi pour raconter des histoires, les vies que je n'ai pas eues.
01:33Je les invente à partir des vies que j'ai vécues.
01:35Et c'est vrai que la première fois que j'ai été au cinéma,
01:38je trouvais que les films, c'était pas mal, mais j'en avais vu à la télé.
01:41Donc ça ne m'épatait pas.
01:43Par contre, je n'avais jamais vu de projecteur de ma vie.
01:46Et du coup, je regardais le projecteur fasciné.
01:48Et puis, en écoutant le petit clic-clic du défilement des 24 images par seconde,
01:52puis je regardais la poussière qui dansait dans le faisceau de lumière,
01:54je me disais ça, c'est pour moi.
01:56Et ma grand-mère me tapait sur les plombs et me disait non, ça, c'est pour toi.
01:59Et vous voyez, j'étais entre ces deux regards.
02:00Et donc, ça, c'est la scène qui vient ouvrir le film.
02:02Il y a une cinquantaine de citations de films.
02:04Vous auriez fait un très mauvais critique du cinéma parce que pas de hiérarchie.
02:08La grande ouverture, le spectre le plus large possible.
02:11Pour moi, c'est vraiment un engagement.
02:13Ce que j'adore au cinéma, ce que je trouve tellement beau, magique, féerique,
02:17c'est le fait que c'est un art forain et que ça restera toujours un art forain.
02:19Ce n'est pas un art, c'est un divertissement et il n'arrête pas de devenir de l'art.
02:23Et tout d'un coup, vous regardez Die Hard
02:25et il y a Bruce Willis qui est pendu à une lampe d'arrosage comme ça
02:30et il va s'écraser sur la façade d'un building.
02:32C'est John McTiernan qui réalise.
02:34Il se dit je vais en mourir.
02:35Il sort un pistolet, il défonce la vitre.
02:36Un coup de pistolet, il passe à travers.
02:38Et vous vous dites, au milieu d'un produit d'industrie, il y a de l'art.
02:41Il arrive qu'il y ait de l'art.
02:42Et si vous commencez à penser, il y a les films nobles et les films pas nobles,
02:45alors là, vous êtes mort, vous ne comprendrez jamais rien au cinéma.
02:47Et du coup, le film, il est militant pour les variantes.
02:51Comment le cinéma peut être varié, impur ?
02:53C'est Bazin qui disait le cinéma est un art impur.
02:55Alors j'essaye d'être impur.
02:56Chant d'amour au cinéma, mais aussi chant d'amour aux salles de cinéma.
03:00Vous dites que c'est une maison, la salle du cinéma.
03:03C'est important de s'y retrouver ?
03:05Pour moi, c'est très important.
03:06Mais j'avais dit à Charles avant de commencer le film,
03:09soyez sûr que je ferai des scènes pour dire du bien de la télévision.
03:12Parce que moi, enfant de province, la télévision m'a énormément apporté.
03:15Grâce aux passeurs, je pense, à Claude Jean-Philippe, à Patrick Brion, etc.
03:19Le cinéma du dimanche soir me plaisait beaucoup aussi.
03:21Et donc, la télé m'a beaucoup apporté.
03:23Mais il reste quand même une petite chose au cinéma,
03:25c'est le fait que même si on est tout seul, on est plusieurs à être tout seul.
03:29Alors du coup, ce n'est pas désagréable.
03:31Et le truc, c'est que les gens sont plus grands que nous.
03:33C'est que vous, vous voyez vous, mais en plus grand.
03:35C'est vous regarder, vous voyez vous dans la grande vie,
03:38alors que vous avez toujours l'illusion que vous vivez une petite vie.
03:41Et du coup, j'ai besoin d'aller dans les cinémas pour me souvenir que ma vie est grande.

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