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00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le sénateur PS de Saône-et-Loire, Jérôme Durand.
00:06Bonjour Jérôme Durand, bienvenue sur Europe 1, vous êtes l'un des deux auteurs du rapport sénatorial qui l'an dernier décrivait une France submergée par le narcotrafic.
00:15Alors vous continuez à travailler sur ce sujet avec une proposition de loi, narcotrafic, qui doit être discutée à partir du 28 janvier au Sénat.
00:25C'est un combat national, le narcotrafic, disait hier Bruno Retailleau, qui s'est rendu au Havre.
00:30Le port du Havre, on sait, c'est la principale porte d'entrée de la drogue qui arrive en France par conteneur.
00:35Notamment la cocaïne, 47 tonnes saisies l'an dernier, c'est le double de 2023, c'est 10 fois plus qu'il y a 10 ans, et on ne parle là que de la cocaïne.
00:43Une France submergée, vous disiez Jérôme Durand.
00:46Oui, c'est la réalité. Le flux entrant de produits stupéfiants et continu s'aggrave.
00:54Et d'ailleurs, ce qu'on observe, c'est une saturation des envois, c'est-à-dire que les organisations criminelles savent qu'elles vont perdre du produit.
01:02Mais ça passe par perte et profit, parce qu'elles ont tellement produit, la production de cocaïne a été multipliée par 3 dans les 15 dernières années,
01:10qu'elles peuvent se permettre de saturer les flux. Donc on en saisit beaucoup, mais il en passe beaucoup aussi.
01:15C'est une spécificité française, Jérôme Durand. La France est-elle une cible privilégiée des narcotrafiquants,
01:21ou bien c'est toute l'Europe qui est concernée par cet afflux, ce tsunami blanc, comme vous l'appelez d'ailleurs, vous ainsi que les forces de l'ordre ?
01:30Non, c'est un problème planétaire. 40% de la cocaïne part du côté pacifique, quand on est en Amérique du Sud, 60% vers l'Atlantique,
01:40et nous on considère qu'il y a 1000 tonnes qui arrivent tous les ans par les ports européens principalement,
01:46mais il y a aussi des voies maritimes avec de la plaisance, il y a des voies aériennes, il y a des mules,
01:51tous les vecteurs aériens, terrestres, sont utilisés par les narcotrafiquants.
01:56On a l'impression quand même, Jérôme Durand, vous me direz ce que vous en pensez, mais d'un réveil douloureux et d'une prise de conscience tardive
02:03des autorités par rapport à cet afflux massif de drogue et toute l'économie que ça génère.
02:08C'est la grenouille dans la casserole, c'est-à-dire qu'on se réveille alors que la casserole est à ébullition et on y est rentré dans l'eau froide,
02:15et donc voilà, on est saisi, c'est un phénomène qui est arrivé depuis longtemps effectivement, il y a eu des signaux précurseurs.
02:22Il a fallu attendre qu'il y ait des règlements de comptes dans les rues pour qu'on saisisse du problème.
02:25On ne s'est pas intéressé aux stupéfiants sous l'angle sanitaire, sous l'angle prévention, sous l'angle consommation, c'est arrivé avec les narcomicides.
02:32Il faut qu'il y ait un problème d'ordre public pour qu'on s'en saisisse.
02:36Exactement, et c'est lié principalement à la cocaïne, on n'avait pas ce type de criminalité avec le cannabis.
02:41Donc le sujet principal de la cocaïne a amené cette forme de criminalité nouvelle.
02:46Pourquoi ça n'intéressait pas les responsables politiques, notamment Jérôme Durand jusque-là ?
02:51Pourquoi le terrorisme prenait tous les moyens ?
02:54Parce qu'il n'y avait pas de criminalité, et quand vous regardez ce que disent par exemple...
02:57Il n'y avait pas de criminalité visible.
02:58Peu, bien moins avec ces victimes collatérales, avec ces violences débridées, avec le rajeunissement des auteurs et des victimes.
03:06Et puis le coût social des drogues, j'allais dire, excusez-moi d'être un peu trash, c'est quasi rien à côté du tabac ou de l'alcool.
03:13Donc quand il n'y avait pas de problème sanitaire, quand il n'y avait pas de criminalité, c'était un sujet mineur.
03:17Avec la criminalité, c'est passé en haut de la pile.
03:19Qu'est-ce qu'il faut aujourd'hui pour lutter contre ce phénomène du narcotrafic ?
03:24Vous allez me dire, des moyens ? Les policiers en réclament depuis des années, on a tout donné au terrorisme.
03:29On est un peu en train de se réveiller, de rééquilibrer les choses, Jérôme Durand.
03:32Qu'est-ce qu'il nous faut en priorité ?
03:33Il nous faut des moyens, vous l'avez dit, quand on travaille sur ce sujet.
03:36Donc c'est de l'argent, des voitures ?
03:37C'est de l'argent, c'est des voitures, c'est des moyens pour la marine nationale, qui intercepte en mer, que vous disiez tout à l'heure, 47 tonnes.
03:42Il y en a 28 qui sont interceptées par notre marine, par exemple dans la mer des Caraïbes.
03:47Donc c'est des moyens pour tout le monde, pour la justice, pour la prison.
03:51Donc il y a un sujet de services publics, il y a un sujet d'organisation.
03:54Nous nous disions avec la commission d'enquête, et c'est ce qu'on a mis dans la loi, qu'il faut être mieux organisé.
03:58Il faut un pilotage des forces de l'ordre du côté répressif.
04:00Il faut une meilleure organisation avec un parquet national du côté judiciaire.
04:03Il faut des éléments de procédures pénales nouveaux, avec par exemple un statut des repentis qui fonctionne.
04:09Nous on a un statut des repentis qui ne fonctionne pas, en Italie ça marche.
04:11On prend des gens qui sont des sales types, des dangereux, qui veulent se racheter, et on leur dit on passe un deal.
04:17Bon ben nous il faut qu'on sache le faire, notamment en étendant ce dispositif.
04:21Mais le problème c'est que ça c'est pas très populaire.
04:23Je vous donne un exemple, c'est en 2015, François Hollande va s'afficher au moment d'une saisie de drogue.
04:27Je crois que c'était 7 tonnes quand même, c'était assez conséquent.
04:29Ah ben on a découvert que le commissaire de police qui avait mené l'opération, il avait dû laisser entrer de la drogue pour le compte d'un de ses informateurs.
04:36Aïe aïe aïe, ça faisait pas beau dans le dossier.
04:38Du coup plus personne n'ose laisser faire ce genre de choses, alors qu'on sait que c'est nécessaire.
04:42Il faut se salir les mains malheureusement.
04:44Il faut que la société elle se mette au clair sur ce qu'elle veut.
04:47Soit on accepte d'avoir des repentis et on passe l'éponge, soit on continue de laisser le crime prospérer.
04:54Aujourd'hui nos enquêteurs, on a un vrai problème d'investigation.
04:57Les enquêteurs ils ont affaire à des gens qui sont plus équipés qu'eux au plan technologique, qui ont des moyens illimités.
05:03Donc comme on n'arrive pas à avoir de l'information par la voie numérique, il faut de la voie humaine et les repentis c'est essentiel.
05:08Alors il y a ce sujet, cette proposition de Gérald Darmanin de faire une prison centralisant tous les gros bonnets du trafic de drogue en France.
05:17Les 100 plus importants dit-il et puis on verra les 200 suivants etc.
05:20Avec cette idée, on fait fi de leur statut, est-ce qu'ils sont prévenus ou est-ce qu'ils sont condamnés ?
05:26Ils sont dangereux, on les met tous au même endroit.
05:28C'est une bonne idée vous pensez Jérôme Durin ?
05:30C'est un sujet très complexe, il faut quand même garantir les droits parce qu'on est dans un état de droit.
05:35Donc il ne faut pas oublier que ces détenus ont aussi des droits mais c'est vrai qu'on a besoin de se protéger de gens qui en prison continuent à organiser les trafics.
05:47La prison c'est soit une médaille pour ceux qui vont, soit un lieu de recrutement, soit une forme de télétravail et c'est insupportable pour la population.
05:55Donc il faut traiter ça mais le problème au fond, et c'est ce qu'il faut qu'on ait à l'esprit, le problème il n'est pas en prison.
06:00C'est pas l'individu qui est en prison qui pose problème, c'est le fait qu'il y ait des avoirs criminels à l'extérieur qui lui permettent de rémunérer ceux qui font les trafics, ceux qui tuent pour lui.
06:10Donc tant qu'on ne sera pas allé chercher les avoirs criminels, c'est le sujet central.
06:15Il faut que le crime ne paie plus, la prison n'est plus une entrave mais il faut qu'on aille chercher l'argent.
06:20Et quand on ira chercher l'argent, alors la question de la prison elle passera au second plan.
06:23Mais dans une étape intermédiaire, sans doute que c'est une solution qu'il faut que nous étudions très vite.
06:28Le sénateur PS de Saône-et-Loire, Jérôme Durin, était ce matin l'invité d'Europe 1 Matin.
06:33On va suivre votre proposition de loi arrivée au Sénat le 28 janvier.
06:36Merci d'être venu nous en parler ce matin sur Europe 1.