Nicolas Sarkozy et 12 autres personnes, dont les anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux et Eric Woerth, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris dans l'affaire dite du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007.
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00:00– Bonsoir Maître Ingrin, merci beaucoup d'être avec nous ce soir.
00:05Je reviens sur ce que disait Elsa Vidal à l'instant.
00:11En 2005, le 6 octobre 2005, il y a cette rencontre
00:15entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi sous une tente en Libye.
00:18Nicolas Sarkozy est ministre de l'Intérieur.
00:20Dans l'acte d'accusation, on explique que c'est à ce moment-là que tout se joue,
00:24que le pacte de corruption se joue.
00:25Ce jour-là, qu'est-ce qu'ils se disent tous les deux ?
00:28– Alors, quelques précisions.
00:31C'est grotesque de prétendre que c'est grâce à la France
00:34que Mouammar Kadhafi est revenu sur la scène internationale
00:37et que la Libye est revenue sur la scène internationale.
00:40Le retour de la Libye sur la scène internationale,
00:42c'est bien avant cette visite, c'est dès 2004 et ça n'est pas lié à la France.
00:46C'est la levée des sanctions par l'OTAN.
00:49Lorsque Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur,
00:52se rend le 6 octobre 2005 à Tripoli,
00:55il est le 39e dirigeant politique occidental
00:58à rendre visite à Mouammar Kadhafi à Tripoli depuis 2004.
01:02Le 39e dirigeant politique.
01:04– Mais qu'est-ce qu'ils se disent sous l'attente ?
01:05– Alors, le sujet de la visite, c'est la lutte contre l'immigration
01:09puisque déjà à l'époque, il y avait un sujet avec la Libye
01:12qui était le passage de tous les immigrés,
01:14en tout cas d'une grande partie des immigrés qui venaient en Europe,
01:17et un sujet de lutte contre le terrorisme.
01:20Puisque là aussi, la Libye apportait son soutien
01:24à la lutte contre le terrorisme en France.
01:27Donc c'est ça le sujet.
01:29Vous regardez les images de cette rencontre
01:31sous cette fameuse tente dont vous parlez.
01:33Il y a à peu près, entre le ministre de Sarkozy et le guide Kadhafi,
01:40la même distance qu'entre moi et madame.
01:42– Oui.
01:43– Est-ce que vous imaginez une seconde, regardez les images,
01:47est-ce que vous imaginez une seconde qu'à cette distance,
01:50avec un entourage, et de toute façon des interprètes,
01:53Nicolas Sarkozy ne parle pas arabe et moi Marc Kadhafi ne parlait qu'arabe,
01:58qu'au cours de cette réunion, on demande le soutien financier
02:02pour une campagne qui va avoir lieu dans deux ans ?
02:05C'est grotesque.
02:06– Vous vous dites que c'est grotesque.
02:07Pour l'accusation, pour le parquet national financier,
02:10le pacte de corruption est là.
02:11Je voudrais qu'on écoute le procureur Bonner,
02:13qui était l'invité ce matin d'Apolline de Malherbe.
02:16Voilà ce qu'il dit, vous lui répondrez dans un instant.
02:19– Tout ce que j'avance est documenté par le dossier.
02:23Nous avons 70 tomes de matériel, de déclarations,
02:27d'éléments, de flux financiers qui ont pu être retracés.
02:32Nous avons interrogé les autorités judiciaires de 21 pays
02:36qui nous ont répondu à des niveaux parfois très différents,
02:40mais avec des éléments qui sont rentrés dans le dossier
02:42que les juges d'instruction ont recueillis.
02:44– Le procureur Bonner dit, nous on a des éléments,
02:46il n'y a rien de politique là-dedans, notre boussole c'est uniquement la loi.
02:51Bon, d'abord une observation, un procureur, et quel procureur ?
02:54Le procureur de la République financière qui prend la parole
02:57le matin d'une première audience qui va durer quatre mois
03:00pour délivrer son réquisitoire contre le président Sarkozy,
03:03c'est une première, contre le président Sarkozy,
03:09ou n'importe quel autre justiciable,
03:11et pas dans n'importe quelle émission, à la télé, à la radio en même temps,
03:15et un réquisitoire sévère.
03:17Je crois qu'on n'a pas lu le même dossier,
03:18le procureur de la République financière et moi.
03:21Des virements en provenance de Libye pour financer la campagne, il n'y en a pas.
03:26Des paiements effectués avec de l'argent libyen pour payer la campagne,
03:30il n'y en a pas, il n'y a pas de traces de rien.
03:32Alors on a un dossier de financement illégal de la campagne électorale,
03:35de financement de la campagne électorale par la Libye,
03:37sans traces de financement, c'est ennuyeux.
03:40– Alors attendez, sur ce point-là, sur l'argent,
03:41le procureur dit, l'accusation dit, attendez,
03:43évidemment que ce n'est pas aussi simple qu'un compte en banque de Muammar Gaddafi
03:47duquel partirait de l'argent qui arriverait sur le compte en banque
03:49de la campagne de Nicolas Sarkozy, ce n'est pas aussi simple que ça.
03:52Eux disent, il y a des flux financiers qui sont suspects,
03:55qui ont pu transiter par le compte en banque de proches de Nicolas Sarkozy.
03:58Ils évoquent Claude Guéant, ils évoquent Thierry Gobert, etc.
04:01Eux disent, ce n'est pas aussi simple que ce que vous êtes en train de décrire.
04:03– Oui, alors si ce n'est pas simple, c'est peut-être parce qu'il n'y en a pas.
04:07Je veux dire, il ne faut pas…
04:08Moi je sais qu'il n'y a pas de financement illégal
04:10de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy,
04:12ce n'est pas parce que ce n'est pas facile à montrer
04:14que ça veut dire qu'il y a eu un financement et qu'il est caché.
04:17C'est quand même le monde à l'envers.
04:19S'agissant de l'exemple de Claude Guéant que vous prenez,
04:21on dit, la preuve qu'il y a eu un financement illégal de la campagne,
04:25c'est que Claude Guéant, pendant la campagne,
04:28loue une chambre forte dans une banque Place de l'Opéra,
04:32et s'il l'a fait, c'est probablement pour y mettre de l'argent
04:36qui avait été donné par Kadhafi.
04:38Non mais on rêve, vous imaginez.
04:40Alors, je ne sais pas quelles sommes,
04:41parce que le dossier n'est pas capable de nous dire
04:44quelles sommes auraient été données pour la campagne.
04:48On a 3, 5, 50, 400 millions,
04:50on va jusqu'à 400 millions de données par la Libye.
04:53On n'a trace de rien, de rien.
04:55Et vous imaginez que l'argent des espèces,
04:58j'imagine, dans l'esprit du procureur de la République financière,
05:02serait stocké dans une chambre forte Place de l'Opéra,
05:04et que de temps en temps, Claude Guéant irait retirer des billets
05:08au fur et à mesure des besoins.
05:10Ça n'a aucun sens.
05:11Christophe Barbier.
05:12Pour ce que je connais du dossier, maître,
05:15je partage assez votre avis,
05:16des témoins douteux, de l'argent volatilisé.
05:19Il n'y a rien qui me semble bien solide.
05:20On verra si le procès apporte plus.
05:22Néanmoins, il y a un élément qui me trouble.
05:23La campagne de Nicolas Sarkozy, en 2012,
05:26a coûté non pas 22 millions, le plafond autorisé,
05:29mais on le sait aujourd'hui, 40 millions.
05:32C'est la fameuse affaire Big Malion.
05:34J'ai vécu cette campagne de l'intérieur.
05:36Campagne magnifique en 2012, mais courte.
05:38J'ai vécu celle de 2007 de l'intérieur.
05:41Campagne magnifique et longue.
05:43Elle a démarré en janvier et non en mars.
05:45Il me semble donc assez crédible,
05:46si la deuxième a coûté 40 millions,
05:48que la première ait coûté 50 millions.
05:51Et là, je me dis, cet argent,
05:52il fallait bien le trouver quelque part.
05:54Alors évidemment, tout ça ne fait pas une preuve.
05:55C'est de la déduction, c'est de la règle de trois.
05:57Mais avouez que c'est troublant quand même.
05:58Alors, cet aspect a été examiné dans le dossier.
06:03Vous imaginez bien.
06:04Il y a eu une débauche de moyens pour renvoyer
06:06Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel,
06:08qui est une débauche inédite.
06:10Et parmi tout ce qui a été fait,
06:11il y a l'étude de cette campagne de 2007.
06:15La grosse différence avec 2012,
06:16c'est précisément le nom que vous donniez,
06:18c'est Big Malion.
06:19En 2007, la campagne est gérée en direct par l'UMP.
06:22C'est-à-dire l'UMP a des contacts avec les prestataires,
06:25mandate les prestataires et elle gère elle-même la campagne.
06:29En 2012, c'est délégué à Big Malion.
06:32C'est un détail.
06:34Mais surtout, je vous le disais,
06:35cette campagne, elle a été examinée.
06:36Elle a été examinée d'abord dans le cadre
06:39de l'affaire Bétancourt.
06:41Puisqu'on avait reproché un moment,
06:44le juge Jean-Michel Gentil reprochait à Nicolas Sarkozy
06:46d'avoir bénéficié de dons en espèces
06:49pour financer sa campagne,
06:50de dons d'espèces procurés par Madame Bétancourt.
06:52Il a obtenu un non-lieu, le président Sarkozy, là-dessus.
06:55Parce qu'après l'examen des comptes
06:57et après avoir interrogé tous les prestataires,
07:00il est apparu que tout le monde avait été payé par virement
07:03et qu'il n'y avait pas de fausses factures.
07:05Alors, moi, je n'ai pas connu,
07:07j'ai connu les deux campagnes comme simples citoyens.
07:10Je ne les ai pas connues de l'intérieur.
07:12Mais si vous voulez, pour moi, c'est la seule chose qui compte.
07:14Ça a été examiné.
07:16Il y a un cas où, en effet, il y a cette affaire dont vous parlez.
07:20Et l'autre cas dans lequel le juge d'instruction Jean-Michel Gentil,
07:24qui n'est pas connu pour être d'une particulière souplesse,
07:27a délivré une ordonnance de non-lieu
07:29à l'encontre de Nicolas Sarkozy.
07:30Mettre un grain, je reprends votre mot, grotesque.
07:33Grotesque comme les accusations de Zia Takedine.
07:36C'est ce que vous aviez dit, Takedine,
07:37qui, ce matin encore, chez le confère d'RTL, disait
07:39« Si, si, il y a bien eu de l'argent qui a transité. »
07:40Voilà, une 17e version.
07:4117e version, c'est ce que vous dites de Zia Takedine.
07:43Une toute dernière question.
07:44Tout à l'heure, Amélie Rosi qui évoquait Nicolas Sarkozy
07:47et l'absence de bracelet électronique.
07:48On peut imaginer que Nicolas Sarkozy soit équipé d'un bracelet
07:51au cours de ce procès ?
07:52Alors, il y a une procédure en cours,
07:55puisqu'il y a eu cette condamnation définitive
07:57qui fait maintenant l'objet d'une contestation
07:59devant la Cour européenne de droit de l'homme.
08:00Parce qu'au passage, c'est la première fois en Europe
08:03qu'une personne est condamnée sur la base de conversation
08:06avec son avocat.
08:07C'est la première fois en Europe.
08:08Et quand je dis conversation, c'est des bribes de conversation.
08:11Donc, la procédure sur le bracelet, elle est en cours.
08:13Je n'ai pas d'informations.
08:14Mais le justiciable Nicolas Sarkozy,
08:18pour cette affaire de bracelet électronique,
08:20comme pour tous les autres sujets,
08:21il a les mêmes droits que tout le monde.
08:24Pas plus, mais pas moins.
08:25Merci beaucoup, Maître Ingrain, d'avoir été avec nous ce soir.
08:29Merci d'avoir été l'invité du 20h BFM.