Agnès Ricard-Hibon, médecin urgentiste à l’hôpital de Pontoise et porte-parole du syndicat SAMU-Urgences de France, est le grand témoin de franceinfo, le 3 janvier 2025.
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00:00Bonjour Agnès Ricaribon, merci d'être sur France Info, médecin urgentiste à l'hôpital de Pontoise, vous êtes porte-parole du syndicat Samu Urgence de France.
00:10Merci d'accepter notre invitation pour faire un état des lieux au sortir de ces vacances de fin d'année dans cet hiver qui commence, on l'entendait d'ailleurs ce matin sur France Info,
00:19des soignants se mettent en grève aux urgences de Villeneuve-Saint-Georges en région parisienne pour dénoncer le manque de moyens.
00:26Le manque de moyens c'est vraiment ce que vous constatez dans cet établissement et dans tous les autres ?
00:31Le problème majeur c'est le manque de lits, d'hospitalisation, est-ce que 30 patients qui passent la nuit sur un brancard dans un couloir c'est digne d'un pays comme la France ?
00:39Est-ce que le sujet de l'hôpital est vraiment pris en compte ? 10 ministres en moins de 6 ans, c'est 10 ministres de la santé, ça ne favorise pas les actions.
00:50Pourtant, les solutions existent, elles ont été travaillées avec le ministère, avec Agnès Buzyn, dans le pacte de refondation des urgences, les solutions sont sur la table,
01:00il faut les mettre en place, mais pour ça il faut un ministre qui tienne et qui favorise la continuité des actions.
01:07On va y revenir sur cette situation politique incertaine pour la France et pour le monde de la santé, vous nous parliez de trentaines de patients dans un couloir,
01:15concrètement ça ressemble à quoi quand on parle d'urgence saturée, de services saturés, c'est des gens dans des couloirs, ça ressemble à quoi ?
01:21En fait la mission des urgences c'est de pouvoir accueillir les patients, les diagnostiquer, initier le traitement et les orienter dans le service adapté à leur état.
01:29Le travail il est fait, le problème c'est un défaut d'organisation pour l'hospitalisation et on n'arrive plus à faire sortir les patients.
01:36Quand toutes les salles d'examen sont embolisées par des patients qui devraient être hospitalisés dans les étages mais qui restent dans les urgences,
01:43on ne peut plus assumer notre mission qui est d'accueillir les nouveaux patients parce qu'on n'a plus de boxe disponible.
01:48Donc on les entasse dans les couloirs et on a démontré en fait que ça entraînait une surmortalité de 40%.
01:55Des données scientifiques françaises ont confirmé les données de la littérature internationale et on sait que les personnes qui restent comme ça sur un brancard ont une mortalité aggravée.
02:06Et c'est une des raisons pour lesquelles les soignants démissionnent.
02:09Là ils se sont mis en grève mais dans beaucoup d'endroits ils démissionnent aboutissant à la fermeture des structures d'urgence
02:15parce que nous ne sommes plus en capacité d'assurer la sécurité, la qualité des soins que ce sont les valeurs profondes de notre métier.
02:23Le serment d'Hippocrate c'est qu'on y est très attaché, on est là pour améliorer les patients
02:28et quand on voit qu'on est impuissant face à ce défaut d'organisation de l'hospitalisation, on n'a pas d'autre choix.
02:36Alors il suffit de faire des recherches, ça sort très vite.
02:39Quand on cherche hôpitaux on trouve tout de suite qu'à Saint-Nazaire c'est saturé, qu'à l'hôpital de Hyères près de Toulon c'est saturé aussi.
02:45Est-ce que ce système en ce début d'année il est à bout partout en France ?
02:49Ou est-ce qu'il y a des disparités malgré tout ?
02:51Alors il y a des endroits où les solutions qui ont été prévues dans le pacte de refondation des urgences sont appliquées et ça marche.
02:57Donc c'est pas une fatalité.
02:59C'est pas un scoop de savoir que tous les hivers on a les crises hivernales et qu'on a besoin de plus de lits d'hospitalisation.
03:07Et on sait en fait comment faire.
03:09Il suffit de déplacer le curseur entre les lits réservés aux programmés et les lits dédiés aux non programmés à l'aval des urgences.
03:18Donc c'est pas une fatalité encore une fois.
03:21Il y a des solutions, il faut les mettre en place et pour ça...
03:23Mais pourquoi on ne le fait pas partout alors ? Si ça marche ?
03:26Il faut une autorité aussi bien régionale que nationale qui donne les directives.
03:34Les soignants font ce qu'ils peuvent. Vraiment. Ils se mobilisent.
03:39Mais l'organisation de l'hospitalisation ça ne dépend pas des soignants.
03:43Ça dépend des directions, ça dépend de l'autorité ARS régionale et du ministère.