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00:00Heureux Pinsoir, 19h21, Stéphanie Demuru.
00:05Et toujours avec mes débatteurs de la deuxième heure, Jean-Michel Salvatore et Alexandre Malafaille.
00:10Messieurs, je voulais vous faire réagir sur certainement l'un des dossiers chauds qui attend le ministère de l'économie
00:17et d'ailleurs même le gouvernement dans son ensemble en cette nouvelle année, la Fonderie de Bretagne,
00:21qui emploie 350 personnes à Codan dans le Morbihan et menacée de fermeture.
00:27Alors c'est Renault qui est, on le rappelle, dont l'état est actionnaire à 15% me semble-t-il.
00:32L'ancien propriétaire est accusé d'avoir fait capoter la possible reprise par un groupe allemand.
00:37Alors c'est vrai que cette affaire prend une tournure politique parce que les syndicats maintenant en appellent à Emmanuel Macron.
00:42Pourquoi c'est intéressant ? Et bien parce que c'est l'illustration de cette désindustrialisation, de la fermeture des usines.
00:50Je voulais d'ailleurs vous faire écouter avant de vous faire réagir ce qu'en disait le ministre de l'Industrie.
00:55C'était le 9 novembre dernier chez nos confrères de France Inter. Écoutez Marc Ferracci.
01:01Il est vrai qu'il y a un certain nombre de filières qui sont dans des situations préoccupantes.
01:04Vous avez passé un reportage sur la chimie, la filière automobile et en particulier les équipementiers, la métallurgie.
01:10Ces filières qui sont soumises à une très forte concurrence internationale.
01:13Ça a été dit dans votre reportage aussi, une concurrence qui n'est pas toujours très équitable
01:16parce qu'elle est très subventionnée en Chine et aux Etats-Unis.
01:19Et face à cela, et bien évidemment, il y a des dossiers d'entreprise en difficulté, des annonces de fermeture de sites.
01:25Il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent.
01:28Des dizaines, des dizaines, des milliers d'emplois ? Des dizaines de milliers d'emplois ?
01:31100 000 emplois, c'est ce qu'on entend ? C'est important de le savoir.
01:35Ici, je ne vais pas donner des chiffres, mais évidemment que ça va se compter en milliers d'emplois.
01:40Alors c'est sûr qu'il n'est pas très rassurant le ministre de l'Industrie Marc Ferracci.
01:45Est-ce qu'on doit s'attendre clairement en 2025 à une forte casse sociale Alexandre Malafaille ?
01:51Non, mais on va continuer à payer très cher des choix stratégiques aberrants.
01:57Si vous voulez créer un espace favorable au développement de l'industrie sur un territoire, qu'il soit national ou européen,
02:03il faut créer les conditions.
02:04Les conditions du développement de l'industrie, c'est d'abord une énergie pas chère.
02:09Ça, c'est quand même une condition absolument essentielle.
02:12C'est des choix politiques qui sont cohérents par rapport aux besoins du continent sur lequel vous vous développez
02:18et aussi des pays dans lesquels vous voulez exporter.
02:20Et on a fait n'importe quoi.
02:22Mais qui date de plusieurs mandats de François Mitterrand.
02:26Mais ça fait 30 ans, 40 ans qu'on fait n'importe quoi sur le plan de la stratégie industrielle sur ce cher vieux pays
02:31et sur ce cher vieux continent.
02:33Ça fait n'importe quoi. Personne n'a réussi à s'entendre pour faire une politique énergétique européenne commune.
02:37Donc aujourd'hui, on a une énergie qui n'est pas assez compétitive par rapport au reste du monde
02:41si on voulait vraiment relancer la filière énergétique.
02:44Après, on fait des choix industriels majeurs en disant à horizon 2035,
02:47vous allez par exemple arrêter le moteur thermique,
02:50on va faire autre chose.
02:52Sauf que le time to market n'est pas aussi bon que ça
02:54et la compétitivité du modèle électrique, voiture, n'est pas non plus au rendez-vous.
02:59Donc vous n'avez pas la pétance et la demande.
03:01On parle d'économie subventionnée, mais qu'est-ce qu'on a injecté comme pognon de dingue dans cette filière-là ?
03:06On veut continuer à investir sur ces sujets.
03:08Il ne faut pas s'étonner que ce soit compliqué
03:10et pour les industriels de premier plan et pour les sous-traitants en cascade.
03:13Forcément, on va continuer à avoir de la casse.
03:16Si vous avez des moteurs thermiques qui sont fabriqués sur le continent,
03:18il faut des fonderies.
03:19Si vous n'avez plus de moteurs thermiques, il faut des batteries.
03:21Vous avez d'ailleurs une usine de batterie qui appartient à Stellantis,
03:25me semble-t-il, dans le Pas-de-Calais, qui a du mal à démarrer.
03:29Et il y en a eu, on est revenu en Suède il n'y a pas longtemps, qui vient de fermer.
03:32Tout ce qui se passe dans les Hauts-de-France n'est pas très rassurant non plus.
03:34Parce que tout ça sont des choix qui ont été faits sans faire de simulation,
03:38sans se poser la question de savoir s'il y avait un marché.
03:40C'est l'État européen qui a décidé que le marché allait fonctionner comme ça.
03:44Le marché ne fonctionne pas parce que l'État le décide.
03:46Jean-Michel Savard.
03:47Ecoutez, moi franchement, je m'étonne qu'on s'étonne.
03:50Parce que finalement, il n'y a rien d'illogique là-dedans.
03:54Ça fait des années qu'on nous explique qu'il y a trop de voitures en France.
03:58Ça fait des années qu'on nous explique qu'il ne faut plus rouler avec des moteurs thermiques.
04:02Ça fait des années qu'on nous explique qu'il faut rouler désormais avec des voitures électriques.
04:07Et donc, on s'avise aujourd'hui que toutes ces décisions assez dogmatiques,
04:12elles ont des conséquences sur l'emploi.
04:15La France est l'un des rares pays au monde à avoir une telle richesse en matière automobile.
04:21Nous avons trois marques.
04:23Trois marques françaises.
04:24Renault, Peugeot et Citroën.
04:27Peugeot et Citroën étant dans Stellantis.
04:29C'était véritablement une puissance extraordinaire.
04:32Un petit peu équivalente à celle des Allemands qui ont BMW et qui ont le groupe Volkswagen.
04:38Et ça fait plusieurs années que d'une façon méthodique,
04:41on est en train d'affaiblir ces groupes
04:44en leur mettant une pression incroyable pour qu'elles changent totalement de modèle,
04:49pour que ces marques changent totalement de modèle vers la voiture électrique.
04:52Alors, c'est peut-être souhaitable.
04:55Mais est-ce qu'il est souhaitable d'aller aussi vite ?
04:57Et est-ce qu'il est souhaitable, dans le même temps,
04:59on accueille quasiment à bras ouverts l'industrie chinoise
05:03qui va inonder le marché français, le marché européen.
05:07Ils auront quand même mis quelques taxes là, effectivement.
05:10Mais qui va payer ? C'est le consommateur qui va payer.
05:12Mais il n'empêche quand même que les voitures chinoises.
05:14Et puis, si on ne peut pas empêcher le consommateur d'acheter moins cher, malheureusement.
05:17Oui, mais dans ce cas-là, il faut qu'il y ait une certaine réciprocité.
05:22Sinon, on est véritablement les idiots utiles de la transition énergétique.
05:26On fait la transition énergétique pour notre industrie
05:28et on accueille de l'industrie étrangère subventionnée sans limite.
05:34C'est vrai que Macron l'a un peu dit en disant
05:36qu'il faut peut-être arrêter d'être un petit peu angélique.
05:38Mais c'est un petit peu tard.
05:39Et c'est pour ça que je vous dis que je m'étonne qu'on s'étonne.
05:42Parce que ces décisions-là découlent logiquement
05:45de ce qui a été décidé depuis plusieurs années d'une façon totalement...
05:49Après, il n'y a pas que l'automobile.
05:51L'industrie, comme je le disais, c'est une politique vieille.
05:55L'automobile, ça pèse lourd.
05:56L'automobile, surtout en France, ça pèse lourd.
05:58Avec les trois constructeurs dont je vous parlais, les sous-traitants.
06:01C'est tout un écosystème qu'on a fragilisé.
06:04Et c'est évident qu'on va le payer.
06:09Mais personne n'avait de vision stratégique.
06:10Quand Emmanuel Macron est arrivé, s'il avait une vision stratégique sur ces questions-là,
06:13il n'aurait pas mis, si je puis dire, en friche la filière industrielle.
06:16On a perdu dans le nucléaire.
06:18On a perdu énormément de temps.
06:20Deuxièmement, tous les gens qui nous gouvernent, que ce soit en France ou en Europe,
06:23s'ils voulaient vraiment créer les conditions d'un continent européen dynamique
06:27sur un plan de la création d'industrie et de gérer d'entreprises d'avenir et de demain,
06:35auraient créé des conditions législatives, d'organisation, de droits qui auraient permis cela.
06:41Or, on a fait un choix qui est celui d'empêcher la fabrication de grands groupes.
06:45Ça, c'est très clair. On a beaucoup de mal parce qu'il y a toutes les lois antitrust.
06:47Et ensuite, on a décidé que le contrôle était l'arme absolue pour tout réguler.
06:52Et donc, quand je vous ai donné un chiffre qui est quand même fascinant,
06:54aujourd'hui, à l'échelle du PIB européen,
06:56on conserve 4% de la richesse européenne à faire du contrôle dans les entreprises.
07:00C'est-à-dire que le poids du contrôle, c'est 4%.
07:03C'est très bien de faire du contrôle, mais ça ne crée pas des conditions qui permettent aux entreprises
07:07de consacrer leurs moyens sur ce qui est essentiel,
07:09c'est-à-dire la recherche et le développement,
07:11l'investissement sur ce qui rend plus compétitif.
07:13Et donc, vous avez moins en Europe, sur le territoire européen,
07:17moins d'investissements par comparaison dans la R&D
07:19que vous n'avez d'argent investi pour faire du contrôle en interne.
07:22C'est absurde.
07:23Il ne faut pas s'étonner d'en arriver là, malheureusement.
07:26Et on mettra du temps à s'en remettre parce que les conditions ne sont toujours pas réunies.