Le président élu des États-Unis Donald Trump a profité de ses vœux de Noël pour à nouveau tenir des propos laissant entendre qu'il souhaitait intégrer le canal de Panama ou le Canada au territoire de son pays.
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00:00Avec nous, pour en parler, le général Jérôme Pellistre, rendu consultant défense BFM TV, et puis Malcolm Biga, bonjour, consultant et chroniqueur politique aux Nouvelles Économistes.
00:12On va d'abord écouter Donald Trump pour comprendre un peu à la fois la forme et le fond de ce qu'il dit.
00:18Notre marine et notre commerce ont été traités de manière très injuste et malveillante.
00:24Les frais facturés par le Panama sont ridicules, très injustes, surtout quand on connaît l'extraordinaire générosité dont a bénéficié ce pays.
00:32Et il dit qu'il est prêt à reprendre le contrôle du Panama, qui a été construit le canal par les États-Unis, et rétrocéder ensuite au Panama à la fin du XXe siècle.
00:41Regardez ce qu'il dit sur le Canada. C'est tout aussi provocateur. Il parle de Canada comme un éventuel 51e État.
00:47Il saurait protéger les Canadiens militairement comme aucun autre pays au monde. Et si on va vers le Groenland, les habitants du Groenland,
00:55dont les États-Unis ont besoin pour leur sécurité nationale, veulent que les États-Unis soient présents, et nous le saurons.
01:01Évidemment, c'est des messages qui ne sont pas forcément très élégants. Malcolm, ça donne le ton de son futur mandat ?
01:08C'est un cadeau de Nouvelle qu'on n'attendait pas. C'est vrai que Donald Trump, en ayant cette communication, déjà, il préempte son rôle de président.
01:17Il éclipse même Joe Biden, qui, dans le même temps, avait fait aussi des vœux de Noël.
01:21Plutôt classique, pour le coup, et très pacifiste, et rempli d'amour.
01:25Et rempli d'amour, c'est ça. Donc, vraiment, on a vraiment deux styles et deux présidents différents.
01:30Donald Trump veut vraiment montrer qu'il est déjà le président avant d'être, avant d'avoir été inauguré.
01:34Il était à Notre-Dame à Paris. Il continue de faire des annonces sur sa politique étrangère.
01:39Et donc, quand il parle du Groenland et du Canada, il donne vraiment la couleur de ce que va être son administration.
01:45Général Pélistrandi, sur ce genre de propos, on se pose toujours la même question avec Donald Trump.
01:48On ne sait pas si ça lui est passé par la tête à ce moment-là, si c'est de la provocation, ou si c'est très sensé.
01:56En fait, c'est peut-être un peu des deux. Je pense qu'il est sincère quand il en parle.
02:01C'est-à-dire qu'il est dans une logique, en quelque sorte, en employant le terme américain, de « deal permanent ».
02:09C'est-à-dire qu'on va voir ce qui est bon pour l'un, pour l'autre. On va faire du business.
02:15Et c'est un petit peu comme ça qu'il voit les relations internationales, ce qui est extrêmement inquiétant.
02:21Parce qu'avec de tels propos, il, en quelque sorte, ouvre la boîte de Pandore et justifie par ailleurs l'invasion de l'Ukraine par la Russie,
02:31qui dit « ça, ça a été à moi autrefois ». Il justifie le fait que Pékin veuille récupérer Taïwan et ainsi de suite.
02:38Donc, ses propos sont extrêmement déstabilisateurs et peuvent inquiéter les diplomates à quelques semaines de son arrivée à la Maison-Blanche.
02:46Alors, on va prendre les exemples les uns après les autres. On va commencer par le Panama.
02:50En fait, Donald Trump, il est en colère contre le prix des péages. C'est pour ça qu'il a menacé de reprendre le contrôle du Panama.
02:56C'est un pays qui nous arnaque, dit-il. Ce sont des mots très très forts.
03:02En fait, Général Paulistrandi, ce n'est pas un message seulement au Panama, c'est la Chine aussi qui est dans le viseur.
03:08Alors, oui et non, parce qu'effectivement, il y a des entreprises chinoises qui sont installées de part et d'autre du canal de Panama,
03:17vous savez, qui relie l'Atlantique au Pacifique. Et donc, ce sont des entreprises chinoises qui font du business.
03:23Là, je dirais qu'à la fois, Trump n'a pas tort, mais en même temps, c'est la responsabilité des entreprises américaines
03:32qui n'ont pas forcément fait les investissements nécessaires. Il n'en demeure pas moins que le Panama est un État souverain
03:40et que penser qu'il puisse revenir en arrière, c'est-à-dire à l'époque où effectivement la zone du canal était contrôlée par les États-Unis,
03:49serait une remise en cause d'un traité international. Ça me semble très compliqué, mais effectivement, il y a une guerre commerciale
03:56autour du canal de Panama qui fournit l'essentiel, en quelque sorte, des ressources du pays Panama.
04:03– Malcom, dans son message, Donald Trump, il parlait des soldats chinois. C'est qui ça ?
04:08– Alors, pour le Panama, évidemment, Donald Trump veut montrer qu'il y a un aspect sécuritaire, un aspect de danger,
04:15et même militaire, pour cacher un peu l'aspect commercial. On voit évidemment que quand il parle du Panama,
04:21quand il parle du Canada et qu'il parle de « on pourra vous protéger de n'importe quel pays »,
04:24il vise par exemple ses soldats chinois qui seraient peut-être sur le canal du Panama.
04:28Donc, à la fois, il y a un aspect commercial et il y a un aspect un peu peut-être militaire, un peu peut-être exagéré
04:34du côté de Donald Trump qui va viser un peu cet ennemi invisible et pour lequel il voudrait défendre le continent américain
04:41du nord jusqu'au sud.
04:43– Et l'enjeu stratégique dont vous parlez, il est aussi du côté du Groenland ?
04:47– En effet. Alors, pour le Groenland, déjà en 2019, Donald Trump avait déjà lancé cette proposition
04:52de vouloir racheter le Groenland du Danemark.
04:55– Mais à l'époque, ça avait suscité des moqueries, en fait, quand il avait dit ça.
04:58– En effet, ça avait suscité des moqueries et d'ailleurs, on peut peut-être voir qu'il y a quelque chose de censé
05:04dans cette nouvelle demande de racheter le Groenland. C'est quand même une terre pleine de ressources
05:09qui fait 4 fois la France. Donc, quand Donald Trump s'adresse au Danemark et souhaite racheter le Groenland,
05:15on peut y voir une volonté de conquête, mais également une volonté d'acquérir des ressources naturelles
05:24qui sont aujourd'hui de plus en plus rares.
05:26– Un troisième exemple, il est effarant, le Canada qui pourrait être la 51ème étoile sur le drapeau américain.
05:31Il dit que ce serait une excellente idée, ça ressemble à une espèce de blague,
05:34mais on sait qu'avec Donald Trump, il faut prendre au sérieux les déclarations
05:37de celui qui sera le président américain.
05:40Jérôme Pélistrandi, c'est quoi cette histoire de rapprochement entre les États-Unis et le Canada ?
05:46– En fait, c'est une espèce de lubie de Donald Trump.
05:50Bien entendu, le Canada fait l'essentiel de son commerce international avec les États-Unis,
05:55ils en partagent la langue. N'oublions pas néanmoins qu'il y a une partie du Canada qui est francophone,
06:00en particulier le Québec. Justin Trudeau, le Premier ministre, s'exprime très régulièrement en français,
06:06mais là, c'est vraiment aussi de la part de Donald Trump d'ignorer l'histoire.
06:11D'autant plus que le Canada, il ne faut pas oublier que c'est une monarchie constitutionnelle
06:18dont le souverain est le roi Charles III d'Angleterre.
06:21En toute état de cause, ses propos démontrent le peu d'intérêt ou en tout cas le mépris
06:29qu'il a en particulier envers Justin Trudeau, le Premier ministre,
06:33qu'il appelle le gouverneur, comme si c'était effectivement un des 50 États des États-Unis.
06:39Donc c'est là où c'est inquiétant, parce qu'il veut établir des taxes de l'ordre de 25%
06:44et il dit, en fait, rejoignez les États-Unis, il n'y aura pas de taxes,
06:47en quelque sorte il est dans cette logique de monopolie géante,
06:51mais il est clair que l'opinion publique canadienne l'a très mal pris,
06:56et je vois mal comment ce processus pourrait ne serait-ce que démarrer.
07:01Très court, Malcolm, est-ce que ce genre de propos ont un impact pour les Américains,
07:05parce que c'est peut-être loin d'eux ?
07:07Alors, je pense que c'est assez loin d'eux, mais ça ravive en tout cas les supporters de Donald Trump,
07:12qui veulent voir un homme fort dans leur président, un homme qui va s'attaquer à des pays
07:17considérés peut-être comme beaucoup plus faibles, et quand Donald Trump fait ça,
07:21je pense qu'il y a un élément qu'il ne faut pas oublier, dans deux ans,
07:24on aura la Coupe du monde de football, organisée entre trois pays, Canada, Mexique, Etats-Unis,
07:29et du côté de Mexique, on a le problème de la frontière mexicaine,
07:32du côté du Canada, on a les 25% de droits de douane que Trump souhaite imposer,
07:37et je pense qu'avant cette Coupe du monde, Donald Trump veut montrer qu'il sera
07:42le premier pays de ce trio qui va organiser cet événement mondial,
07:45donc il y a quand même un aspect assez international au cours des deux prochaines années
07:49qui montre que Donald Trump veut être l'homme fort du continent américain.
07:53Avec cette volonté de parler à la fois à l'extérieur et à l'intérieur aussi,
07:57des considérations de politique intérieure et des grands enjeux internationaux.
08:00Merci à tous les deux.