• l’année dernière
Que doit-on retenir de ce procès hors-norme, historique ? Va-t-il faire bouger des lignes judiciaires, politiques, sociétales ? Le verdict laisse-t-il un goût d'inachevé ? Nous discutons de tout cela avec nos journalistes Marlène Thomas, Juliette Delage et Stéphanie Harounyan, qui ont toutes les trois couvert, pour Libé, les plus de trois mois de procès de Mazan.

Nous remercions très chaleureusement nos confrères et consœurs de La Provence pour leur accueil dans leurs locaux d'Avignon, ce qui nous a permis d'organiser cette discussion, en direct.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Hier nous étions tous les quatre au verdict du procès du dit procès des viols de Mazan avec donc
00:06Stéphanie qui est à ma droite et donc chez aussi avec moi Marlène et Juliette que vous voyez maintenant. Salut Marlène, salut Juliette. Je voudrais déjà
00:13savoir comment est-ce que toutes les trois vous avez
00:16accueilli aussi hier le ce verdict parce que donc on le disait vous avez eu les trois pendant ces
00:20mois de procès des rôles un peu différents sur vos thématiques de prédilection.
00:24Hier c'était le cas aussi pour expliquer un peu à ceux qui nous suivent vous aviez chacune un rôle
00:28assez défini avec chacune un endroit en particulier
00:32lors de ce verdict parce que ça se jouait autant à l'extérieur devant le palais de justice qu'à l'intérieur lors de l'audience.
00:36Est-ce que vous pouvez du coup pour commencer
00:38nous expliquer toutes les trois où vous étiez hier précisément et comment à l'endroit où vous étiez a été accueilli aussi le
00:44verdict.
00:45Peut-être Juliette pour commencer comme ça tu peux aussi nous expliquer un petit peu ce qu'il en était de ce verdict.
00:50Emmanuel me donne la parole en premier, non pas parce qu'il me préfère mais parce que j'étais
00:55dans la salle de retransmission. Alors le verdict,
01:00pour commencer, le palais de justice d'Avignon
01:03était sous-dimensionné par rapport à l'ampleur de ce procès parce que
01:08personne n'était préparé à ce qu'il se déroule à huis clos. C'est une décision qu'a prise Gisèle Pellicot
01:14avant l'ouverture du procès. En tant que partie civile elle était en mesure de refuser que les débats
01:20soient publics ou au contraire de demander à ce qu'il le soit. Donc elle a pris la décision
01:26de permettre au public et à la presse d'assister au débat, ce qui était inédit mais qui a en même temps
01:33provoqué effectivement un intérêt majeur et attiré des journalistes du monde entier dans un palais de justice qui était sous-dimensionné.
01:40Conséquence directe,
01:42seulement quatre journalistes et trois dessinateurs de presse ont pu hier être dans la salle
01:48principale où les accusés ont
01:51su s'ils étaient condamnés ou pas, où la cour a prononcé son verdict.
01:55Et les plus de 300 journalistes qui étaient présents sur les 500 accrédités étaient répartis dans des salles de retransmission du palais de justice.
02:03Donc moi j'étais là, je faisais partie et seulement un journaliste par médias était autorisé à être dans une salle de retransmission.
02:09J'étais dans une de ces salles où
02:11j'ai pu entendre le président de la cour Roger Arrata
02:15énoncer dans un premier temps
02:18si la cour avait déclaré coupable ou non les accusés. Les 51 accusés ont été déclarés coupables et c'est ça
02:25ce qui était extrêmement marquant, bien que
02:29attendu devant l'évidence des preuves matérielles.
02:32Et ensuite il a énoncé
02:35pareil,
02:36en prenant chaque accusé l'un après l'autre, les peines qui s'étalent entre trois ans et quinze ans de trois ans
02:44dont deux avec sursuit et quinze ans de réclusion criminelle
02:48pour les
02:4950 co-accusés de Dominique Pellicot. Et Dominique Pellicot, lui, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté de deux tiers.
02:58Or lui, toutes les peines étaient largement inférieures aux réquisitions du ministère public et c'est ça dont on va beaucoup parler ensemble je pense.
03:05Sur ces réquisitions, quand j'y étais et quand le
03:09le ministère public
03:11n'a pas du coup prononcé sa volonté d'une peine de sûreté des deux tiers pour Dominique Pellicot, Béatrice Zavarro, son avocate,
03:18avait réagi ensuite en
03:20s'étonnant et en se disant que c'était peut-être une fenêtre, une forme d'espoir que laissaient quand même les avocats généraux
03:26à son client qui en avait peu et pour qui en fait le verdict était quasiment écrit avant même la première journée d'audience.
03:34Alors hier, il y avait du monde dès très tôt le matin. Alors déjà nous, quand on arrivait à 7h30, il y avait une foule importante
03:41déjà, surtout de journalistes dans un premier temps, avec déjà quelques militantes
03:46d'Avignon, d'ailleurs en France et qui venaient aussi d'autres pays. Donc la foule a grandi au fur et à mesure de la matinée.
03:53C'était quand même un moment de grande tension.
03:57Il y a eu plusieurs phases. Alors quand tout le monde est rentré du coup dans le palais de justice et que les
04:03journalistes ont, on va dire, fait un petit peu de place aux militantes sur le trottoir, il y avait une forme d'attente plutôt
04:11teintée d'espoir que j'avais relevé chez les féministes,
04:15avec aussi des moments de tension lors de l'arrivée en particulier du coup des accusés qui sont passés par
04:22l'entrée habituelle, donc l'entrée du public, du tribunal. Donc ils se faufilaient à travers la foule. Certains étaient plutôt
04:30têtes baissées,
04:31d'autres au contraire étaient dans la provocation, ont pu faire des doigts d'honneur à la foule.
04:36Il y a eu des moments aussi très forts quand Gisèle Pellicot et ses enfants sont apparus au loin
04:43dans la rue. Vraiment, ils étaient déjà à des dizaines de mètres que des personnes les guettaient, les scrutaient, commençaient à applaudir,
04:51à lancer des merci, bravo,
04:54obrigado, parce qu'il y avait des personnes qui venaient du Portugal, d'Allemagne
04:59et d'autres pays d'Europe. Donc c'était des moments assez forts et quand le verdict a commencé à tomber,
05:05tout le monde était plus ou moins un peu sur son téléphone à le suivre avec des féministes qui relayaient certaines informations,
05:11un peu comme des crieuses à l'époque. Et là c'était un peu
05:17une chape qui est tombée sur la foule et une déception
05:21qui était relevée face à des peines, comme le disait Juliette à l'instant, qui étaient bien en deçà des réquisitions.
05:28Stéphanie, toi tu étais aussi au procès, au verre du procès hier, mais il me semble que toi tu scrutais un peu plus les réactions des familles des co-accusés, etc.
05:38Oui, voilà, on s'était un peu répartie la tâche comme ça. C'est vrai que
05:44ces familles-là, toutes les familles des accusés, se sont retrouvées elles aussi dans cette tourmente sans avoir rien demandé.
05:51Les énièmes dommages causés par
05:54cette affaire, les touchent aussi, puisque
05:58certaines compagnes, certains enfants sont venus témoigner à la barre et on fait part notamment de leur sidération.
06:04C'est quand même extrêmement violent pour elles. Et hier, ça l'était d'autant plus parce que
06:09dans cette foule de soutiens dont parlait
06:14Marlène, finalement ces familles, elles étaient un petit peu...
06:19On ne savait pas trop quoi en faire en fait. C'est-à-dire que ce n'était pas les accusés évidemment, mais les accompagnés. C'était assez dur de les voir arriver
06:26d'ailleurs avec leur sac, puisque
06:28les accusés ne savaient pas s'ils allaient partir en prison, donc
06:31certains avaient prévu les affaires. Et les familles étaient un peu dans la salle des pas perdus,
06:37un petit peu à garde, ne savaient pas trop où aller. Une salle de retransmission avait été prévue pour les accueillir.
06:42Et pour vous dire, ce que j'ai trouvé assez violent aussi, c'est qu'elles étaient dans cette salle à moitié
06:48avec des journalistes. C'est-à-dire qu'il faut savoir que pour ces familles-là, on n'était pas forcément
06:54les alliés dans cette histoire. C'est vrai qu'on s'est assez peu penché sur leur cas en fait, puisque
06:59légitimement, on se concentrait quand même
07:01sur les victimes de ce procès. C'était un procès qu'on couvrait. Et comment ?
07:07Et sur les accusés évidemment. Mais donc
07:11se dire en fait qu'elles allaient assister au verdict concernant leurs proches entourés de journalistes qui
07:18étaient là aussi pour scruter leur moindre réaction, c'était vraiment pas facile. Et le tribunal, pour elles aussi,
07:23n'avait octroyé qu'une seule place par famille dans la salle de retransmission.
07:27Donc d'autres attendaient dans le hall, au milieu des caméras, des journalistes. Tout en vous dire que l'ambiance était assez tendue dans le
07:33hall. Et ce, jusqu'à ce qu'en fait
07:36que tout le monde s'en aille. Mais ça, on en parlera peut-être après. Mais ça a été assez tendu aussi au moment de leur
07:41sortie du tribunal à ces familles.
07:43C'est vrai qu'on a vu des moments avec
07:45des familles de co-accusés qui sortaient, qui se faisaient directement un peu
07:50barraquer dessus des caméras. Et c'est vrai que les réactions, il y a eu des petits moments de tension.
07:54Après, c'est vrai que c'est aussi une précision importante médiatiquement. C'était aussi une journée hyper importante. Il y avait énormément de médias
08:00étrangers, mais aussi français. Il y avait plus de 180 médias. Je pense que c'est ça le chiffre, plus de 180 médias.
08:05350 a priori sur site. 350 journalistes hier au tribunal. Et 500 à accréditation en fait
08:13qui avaient été délivrés pour le procès. C'est énorme.
08:16C'est vrai que c'était aussi impressionnant hier, même en sortie de salle d'audience, toutes les caméras, tous les journalistes qui étaient là, prêts à recueillir
08:22la petite réaction. C'est vrai qu'il y avait aussi un moment
08:24des petites tensions. Il y a une question de Mademoiselle Missy dans le chat qui demande est-ce qu'on sait si le ministère public va faire
08:29appel pour certains accusés ?
08:31Alors, ils peuvent faire appel.
08:33C'est une possibilité. Ils ont dix jours pour le faire, de la même manière que les avocats de la Défense ont dix jours pour faire
08:38appel pour leurs clients. Deux
08:40avocats de la Défense ont déjà fait appel à notre connaissance.
08:46Le parquet, il faudra attendre.
08:50C'est assez courant que les réquisitions soient
08:56inférieures ou supérieures à ce que la Cour décide.
09:00Denis Salas, qui est un magistrat et essayiste, nous l'a très bien expliqué hier et vous pourrez lire ses explications
09:06dans le numéro du jour.
09:09Le ministère public, il représente la société. Dans ses réquisitions, il traduit
09:16le fait que la société a massivement rejeté
09:19tous ces viols, enfin massivement dénoncé tous ces viols commis par ces hommes. Et donc les réquisitions ont été extrêmement sévères.
09:26La Cour, elle a un rôle différent, les magistrats ont un rôle différent. Quand ils sont face à des accusés,
09:32ils doivent à la fois écouter l'accusation et
09:36juger un homme
09:38en écoutant son parcours de vie.
09:42Écouter les experts qui ont mené les expertises psychologiques
09:46et parfois psychiatriques aussi de ces hommes et décider d'une peine qui correspond et au fait qu'ils lui sont reprochés
09:54et à l'homme qui les... ça s'appelle l'individualisation des peines et c'est ce qui est assez parlant dans ce verdict.
10:00Je laisse Marlène qui voulait compléter sur un accusé.
10:04Oui, alors sur les réquisitions, on peut avoir des lectures assez différentes.
10:11Tous les observateurs n'ont pas trouvé qu'elles étaient disproportionnées.
10:16Si on met en regard, en fait, avec la moyenne des peines
10:20pour viol, on est à 11,1 ans. Les réquisitions, on était sur 12,9 ans pour les seuls accusés
10:27qui étaient poursuivis pour viol aggravé. Sachant qu'en fait cette moyenne, elle ne distingue pas les
10:33viols sans circonstance aggravante des viols avec circonstance aggravante. Dans un cas, les accusés
10:39risquent 15 ans de réclusion criminelle contre 20 ans dans le second cas. Donc ce n'était pas à mon sens
10:46disproportionné, mais ça se débat, ça se discute.
10:49Et au niveau des peines, comme je le disais tout à l'heure, notamment des militantes féministes et parfois aussi certains avocats,
10:56juristes, il peut y avoir quand même une forme de déception. Là, on n'est plus sur 12,9 ans de moyenne, on est sur
11:02autour de plus de 8 ans de mémoire de moyenne sur les peines pour les accusés qui sont poursuivis pour viol.
11:10On est loin, en fait, même de la moyenne des peines qui sont prononcées
11:16habituellement, du coup, quand il y a une condamnation pour viol. Par contre, là où ce
11:20procès est extrêmement marquant, c'est que tous ont été reconnus coupables.
11:24Donc ça, c'est vraiment quelque chose qu'il faut souligner, c'est un motif d'espoir quand on sait que
11:30selon les données de l'Institut des politiques publiques, il y a 1 à 2 % des violeurs qui sont condamnés aux assises,
11:37qu'il y a 94 % des plaintes pour viol qui sont classées sans suite et
11:4286 % dans le cas des plaintes pour violences sexuelles, plus globalement,
11:47donc qui peuvent intégrer, du coup, les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel.
11:50Donc on a quand même un pas qui a été franchi, là, qui est important. Il peut laisser
11:56espérer une évolution de la justice. Et il y a des choses qui sont un petit peu
12:01incompréhensibles. Pour l'instant, on n'a pas les motivations de la Cour Juliette pour en reparler, mais par exemple, on a le cas d'un accusé,
12:07le seul pour qui les faits ont été requalifiés. Il était poursuivi pour viol aggravé.
12:13Au moment des réquisitions, le ministère public avait, eux, décidé de requalifier en tentative de viol aggravé et la Cour a
12:21décidé, elle, de requalifier encore en agression sexuelle aggravée, ce qui est très étonnant puisque
12:27cet accusé en question, Saïf Eddin Gabi, a reconnu, à la barre, vraiment de façon claire,
12:34l'effet de tentative de viol aggravé.
12:36Et du coup, voilà, c'est quelque chose qui peut interroger et on verra, du coup, les motivations de la Cour.
12:42Est-ce que la Cour va rendre ses motivations de manière écrite pour expliquer cette individualisation des peines au cas par cas ?
12:47Alors, oui, elle va le faire, on ne sait pas combien de temps ça prendra, quelques jours, quelques semaines,
12:56et, bien sûr, on prendra le temps de les analyser dans l'I.B. parce que c'est nécessaire pour comprendre le sens des peines,
13:04de pouvoir lire et comprendre ce qui a motivé la Cour à prendre ses décisions.
13:10C'est vrai que ce qu'on peut regretter de la journée d'hier, en tout cas ce qui
13:15m'a un peu contrarié et a contrarié beaucoup de nos confrères et consœurs,
13:19c'est que le Président est assez libre de la manière dont il mène son verdict et
13:24du temps qu'il prend pour expliquer
13:26les condamnations, les peines, etc. Hier, il n'y a pas eu ni de propos liminaires
13:32succincts, ni de commentaires, même, généraux, sur la manière dont la Cour a
13:39pris ses décisions.
13:42Ce qui est, pour moi, une source de regrets et aussi un peu d'incompréhension, parce que dans un procès comme celui-ci,
13:48peut-être plus que dans beaucoup d'autres, qui était à ce point scruté en France et dans le monde,
13:54on avait besoin de comprendre ce qui a guidé la Cour. On avait besoin d'avoir une petite
14:00information sur
14:02ses motivations, même si c'était impossible de motiver au cas par cas.
14:08Et ça, c'est vrai qu'on est beaucoup à avoir été
14:14interloqués, si ce n'est
14:19par cette absence de propos liminaires et de commentaires sur les motivations, d'autant plus que le verdict est
14:26très différent de ce qui a été demandé par
14:29le parquet. Je vois parallèlement, en fait, à ce procès à Avignon,
14:34à Marseille, se tenait un procès aussi très attendu, alors à l'échelle, en tout cas, de
14:38Marseille, même si c'est un procès qui devrait parler à la France entière, mais bon.
14:41C'est le procès, en fait, des effondrements de la rue d'Aubagne du 5 novembre 2018 et
14:47justement, le procès, en fait, ce procès-là, en fait, s'est terminé mercredi,
14:52donc la veille de la fin du procès de Mazin. Et je vois, justement, ce qu'a fait le Président,
14:59à la fois au début des audiences, il y a un mois et demi, et là,
15:04le dernier jour, en fait, il a compris, parce que, justement, il y a une dimension médiatique, une attente très forte, en fait,
15:10des gens vis-à-vis de ces décisions-là, en fait, que ce soit le verdict de Mazin ou que ce soit la décision de la rue d'Aubagne qui,
15:16elle, comme c'était en correctionnelle, a été mise en délibéré au
15:18mois de juillet, mais il a eu un mot, justement, là-dessus pour expliquer, à la fois, le temps de... Pourtant, il n'y a pas eu de décision
15:24sur la rue d'Aubagne, puisque c'était en correctionnelle, et il a fait oeuvre de pédagogie et je pense que c'était assez nécessaire,
15:30ne serait-ce que tout en disant, en fait, que les motivations arriveraient plus tard, mais je comprends la frustration, en fait, en tout cas, de vous,
15:39des journalistes qui ont eu à traiter la partie judiciaire de ce procès, et
15:43parce que nous, publics, aussi, et je pense que les gens comme nous, attendaient, justement, une réponse un peu plus large, en fait,
15:51à l'adresse de tout le monde.
15:52Quel a été le moment, pour vous, le plus marquant, qui vous a le plus touché ou le plus ému pendant ce procès ?
16:00Stéphanie, peut-être pour commencer ?
16:02Alors, le moment, je vais peut-être parler du premier jour, en fait,
16:08parce qu'il se trouve que par le jeu des calendriers de chacune, donc c'était moi qui étais envoyée le premier jour
16:16pour l'ouverture du procès, et c'était assez impressionnant parce qu'il y avait déjà, en fait,
16:21ce très gros dispositif
16:23médiatique avec des gens partout, etc. Et puis, c'était la première fois, aussi, qu'on allait voir
16:30Gisèle Pellicot, qui ne s'était pas du tout exprimée, en fait, avant, dans les médias,
16:38et de la voir arriver avec ses lunettes, elle était assez impressionnée, aussi, par toute cette foule,
16:43et à la raison, parce que c'était très opportun, tout le monde, évidemment, voulait la photographier,
16:48elle était
16:49apeurée par tout ça, et même nous, aussi, on avait peut-être peur, aussi, de
16:53sa réaction, de sa détresse, moi, je n'ai pas honte de le dire, j'avais peur de ça, de me retrouver confrontée à une...
16:59Et en fait, très rapidement derrière, puisqu'elle a témoigné deux ou trois jours après
17:04ce premier jour-là,
17:06elle a été impressionnante, c'est-à-dire qu'elle a barre, au contraire, elle a regardé déjà chacun des hommes lors de l'appel de la cour
17:14du premier jour, elle a regardé chacun d'eux dans les yeux,
17:17et puis, ensuite, lorsqu'elle a pris la parole à la barre, elle était
17:21extrêmement droite, ferme, en fait, et je trouve qu'elle a donné, aussi,
17:26elle a donné le temps de ce qu'elle avait envie de... de ce qu'elle attendait de nous, de journalistes, médias,
17:30en donnant, enfin, en autorisant la publicité des débats,
17:34c'était que, voilà, on était là, aussi, pour essayer d'en faire autre chose que sa douleur, justement, qui est légitime et qui existe,
17:41mais c'était à nous, aussi, journalistes, de s'élever et de sortir, de faire divers
17:47sourdides, pour en faire, justement, un débat de société, et moi, ça m'a vachement impressionnée.
17:52Alors, oui, faire un à chacune... Non, mais je vais pas te dire ça, si, c'est ce qu'elle a dit sur l'Ibé.
17:58Je pense à l'anecdote que tu racontes, je trouve ça intéressant,
18:00c'est... enfin, si tu veux la raconter...
18:03Ben, c'est pas ce que tu allais raconter, là, sur l'anecdote...
18:07Ah, non...
18:11Moi, j'ai trouvé ça intéressant, c'est-à-dire, quand tu racontais que tu avais eu un moment à approcher, je disais, le Pélico, et que...
18:16Mais c'est ce qu'elle a dit, aussi, hier, après le verdict, qu'elle avait remercié les journalistes, aussi, pour leur couverture, et, notamment, Libération, quand même, elle a eu...
18:23Ben, moi, je trouve ça intéressant, parce que c'est quand même...
18:27En tout cas, Libération a mis beaucoup de moyens, aussi, pour couvrir ce procès-là, et votre présence, à tous les trois, en témoigne, aussi.
18:32C'est pas forcément le cas de tous les médias, ou, en tout cas, nous, il y avait une volonté, quand même, j'ai l'impression, de couvrir, très largement, ce procès-là.
18:38En fait, ce qui est, peut-être...
18:41Ce qu'il faut peut-être expliquer, c'est que, quand on est dans la salle d'audience, donc, pendant les débats,
18:45et que, forcément, donc, ces hommes défilent à la barre, pour donner, chacun, leur explication, toute plus...
18:52Genre, atterrante, les unes que les autres, en fait, nous, on est... Donc, on écoute ça, et puis, on écoute, aussi...
18:58Enfin, on essaie de regarder, aussi, un peu, les réactions des parties civiles, et, notamment, Gisèle Pellicot, et donc, nos regards, en fait,
19:04ça tarde souvent sur elle, et c'est, parfois, du coup, nos regards se croisent, et il y a...
19:08Bref, à la fin du procès,
19:10j'ai voulu aller lui dire que, voilà, de se présenter, juste, parce qu'on se présente pas, elle sait pas qui on est, elle voit des gens
19:14qui, tous les jours, la regardent, qu'elle croise, tous les jours, à qui elle s'est attachée à ne pas parler, justement, parce qu'elle ne voulait pas perturber le processus
19:21du procès, et donc, à la fin, je suis allée me présenter, et, effectivement, elle a...
19:27Ça fait super, Marie-Helene Verne ! En tout cas, on était très touchées, toutes les trois, en fait, qu'elle ait apprécié le travail
19:33qu'on avait mené, parce que c'était tellement important, ce qu'elle a fait,
19:38et tellement fort, symboliquement, de nous autoriser, voilà, Marlène montre le geste de la petite larme, c'était extrêmement touchant, en fait, de se dire, en tout cas,
19:46qu'elle avait apprécié ce qu'on avait fait, qu'on avait, au moins, été, essayé d'être à la hauteur de
19:52de l'enjeu qu'elle avait posé, quoi. Donc, ouais, fière, grosse fierté, mais c'est hyper marrant !
19:56Moi, je ne trouve pas ça mariole, mais c'est peut-être plus dur à dire pour vous, aussi !
20:00Avant que vous donniez, aussi, chacune, un peu, le moment marquant, et qui vous a le plus touché, aussi, pendant ce procès,
20:05je prends deux questions, dans la chatte, auxquelles vous pourriez, peut-être, répondre.
20:09D'abord, pensez-vous que ce procès, le traitement médiatique, aura une influence sur le traitement des plaintes pour VSS, par la suite ?
20:15Vous avez les questions, aussi ?
20:16Alors, je vous laisse, déjà, répondre à la première question, et après, si vous pouvez lire la deuxième, et y répondre, aussi.
20:20En fait, il y avait une question, on a aussi vu une question sur Roger Arrata, qui est un peu connecte avec celle,
20:25enfin, laquelle on peut répondre, un peu, en même temps, et je commencerai pour la partie, un peu, juridique, et Marlène vous expliquera, ensuite, la partie, plus
20:33traitement des violences sexistes et sexuelles.
20:35Donc, Roger Arrata, pour vous le figurer, était un vieux monsieur, en fin de carrière,
20:40assez grand, très grand, fin, avec une moustache blanche, un accent du sud, assez charmant,
20:46et a mené ce procès, et donc, on pouvait, un peu, craindre un monsieur, un magistrat de la vieille école, qui aurait
20:55pas été, forcément,
20:58très
21:00innovant, sur sa manière de traiter ces débats, enfin, de mener ces débats.
21:06Il y a beaucoup de choses à dire, certaines, pas très positives, d'autres, plus.
21:11Ce dont on a envie de vous parler, et qui permet de répondre, un peu, aux deux questions,
21:18et c'est, encore une fois, Denis Salas, qui explique ça très bien, dans l'Ibé, et je vais essayer de vous résumer son
21:24analyse. Donc, Denis Salas est venu, aussi, plusieurs fois, assister au débat.
21:28Ah oui, pardon, je l'ai dit, tout à l'heure, mais c'est un magistrat esthéiste français, donc, qui est un très fin observateur de tous ces grands procès.
21:37C'est Crozet-Arrata, à chacun des cinquante,
21:40pardon, à chacun des cinquante accusés présents, parce que le cinquantainien était jugé par défaut,
21:45bon, Dominique Pellicot est un peu à part, donc, aux 49 co-accusés de Dominique Pellicot,
21:49a posé la question, avez-vous recueilli, ou tenté de recueillir, le consentement de madame Pellicot ? Et cette question est très intéressante,
21:58au regard des débats qui se jouent, à l'extérieur du Pays de Justice d'Avignon, sur l'introduction du consentement dans le Code pénal,
22:05parce que, au lieu de dire, on pose la question du consentement à la victime, à la partie civile, on va faire la démonstration
22:13que
22:15l'accusé n'a pas pris le, enfin, n'a pas recueilli le consentement de la victime. C'est lui qu'on va,
22:22c'est sur lui que cette question va se cristalliser. Et dans la loi, aujourd'hui, il y a les mots
22:28« si le Président avait été très légaliste, il aurait pu utiliser le mot de viol, enfin, il aurait pu utiliser le viol par surprise »,
22:34ce qui était retenu dans ce dossier-là.
22:37Finalement, ça a été peu utilisé dans les questions, et il a vraiment fait un pas de côté
22:42en utilisant le mot de consentement, ce qui n'est pas du tout anodin, et ce qui peut constituer
22:48une nouvelle manière de juger les procès pour viol, enfin, en tout cas,
22:53peut-être que d'autres magistrats le font, mais comme ce procès était très scruté, on peut se dire que ça va
22:59peut-être inspirer d'autres magistrats, et en ça, c'était assez intéressant de suivre sa manière de
23:06mener les débats. Et je laisse Marlène conclure.
23:09En effet, je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Juliette, c'est vraiment le point important
23:15à retenir de ces débats et des possibles évolutions qu'on pourrait attendre de la justice sur le sujet des VSS.
23:23Après, il y a évidemment des bémols. On ne va pas dire que ça a été un procès
23:26exemplaire du tout. Il y a eu des outrances
23:31extrêmes, notamment des avocats de la Défense, avec une tentative d'inversion de la culpabilité envers Gisèle Pellicot,
23:40des mots vraiment
23:42dégradants à son encontre. Elle-même l'a dit, je n'ai plus sa citation exacte en tête, mais que depuis que je suis dans cette salle,
23:50on m'humilie, en somme. Donc vraiment, ça, il faut aussi le garder en tête.
23:55Là, on est, je crois, à 46 ans, peut-être, après le procès d'Aix-en-Provence, qui avait été porté par
24:01Gisèle Halimi, et qui avait mené à vraiment des évolutions sur la criminalisation du viol,
24:07où quand on relit, en fait,
24:10la plaidoirie de François Toubiana, qui était l'avocat des accusés,
24:14on retrouve des propos plus ou moins similaires à ceux qu'on a pu entendre aussi lors des plaidoiries de la Défense,
24:19avec une infantilisation des accusés, ces pauvres garçons, ces 50 vies brisées,
24:26qui ont été manipulées.
24:28Vraiment, il y avait même des fois des humiliations, même, de leurs propres accusés, en disant qu'ils avaient le cuit d'un vie pour ma sœur ou d'une endive.
24:36Voilà, ce n'est pas ce que j'appelle, voilà, non plus un procès exemplaire en termes de VSS. Par contre, le point important, c'est cette culpabilité pour tous,
24:44c'est cette notion de consentement, et pour la suite, du coup, pour ce
24:49qui concerne les débats qui agitent la société, qui agitaient déjà la société avant le début des procès, mais ça a été une plateforme
24:57pour le visibiliser
25:00davantage.
25:01Voilà, il faut rappeler que ça divise.
25:05Même chez les féministes, il y a des féministes qui sont très pro-introduction de la notion de consentement dans la définition du viol, la notion
25:12de consentement positif, comme a pu le faire l'Espagne, comme a pu le faire la Suède,
25:16pour les raisons qu'on vient aussi d'expliquer, et il y a des personnes qui sont complètement contre, en ayant peur, notamment, qu'on puisse
25:25se retourner, en somme, contre
25:27la victime, et que ce soit son attitude à elle qui soit scrutée à travers ce consentement, ce que n'a pas fait, du coup, Roger Arrata
25:34quand il posait la question, vraiment, en mettant le focus sur les accusés, sur leur comportement,
25:40sur leur manque à eux, et pas à elles.
25:43Donc ça, voilà, il faut le dire. C'était une promesse qu'a fait Emmanuel Macron le 8 mars, au moment de la constitutionnalisation de l'IVG,
25:52après un revirement
25:54à 360, mais maintenant, 580 plutôt,
25:59parce qu'il s'y était opposé dans le cadre d'une directive de l'Union Européenne.
26:05Donc là, il y a des travaux parlementaires qui se poursuivent.
26:08Voilà, il faut voir ce que ça va donner par la suite, ça mérite un débat très approfondi
26:13pour que ça ne laisse pas les victimes, et que le viol ne soit pas mis sur la question du désir, comme le craignent certains féministes,
26:21mais reste bien une question de domination et de violence.
26:27Stéphanie Arroulion, qui doit nous quitter. Merci beaucoup Stéphanie d'avoir été avec nous.
26:31Merci à tout le monde, je vous laisse avec les experts,
26:33et merci pour vos questions, et bravo à Emmanuel, qui doit vous raconter sa journée d'hier aussi,
26:40parce que par rapport justement à la médiatisation du procès, c'était assez épique.
26:44Merci beaucoup Stéphanie d'avoir été avec nous. Bon retour, et à bientôt.
26:48Alors il y avait une question aussi sur le planning.
26:51Je repense au planning, comment avez-vous géré vos présences sur le procès ?
26:56Est-ce qu'au-delà de l'aspect pratico-pratique, l'aspect de la gestion émotionnelle a été pris en compte ?
27:01Alors au niveau du planning, comme vous l'avez compris, on était trois, donc ça c'était je pense une grande force.
27:07Toutes nos conseillères et confrères n'avaient pas cette chance-là,
27:11donc ça nous a permis de nous se relayer de semaine en semaine.
27:15Après avec les obligations de chacune, il y a eu des périodes où moi personnellement,
27:19j'ai pu être un petit peu seule pendant un mois, et justement je voyais la grande différence que ça faisait
27:25quand je n'avais pas mes collègues en soutien, même aussi rien que pour échanger entre nous.
27:30Alors j'avais mes chefs évidemment qui ont été toujours très présents,
27:33et ça c'était très précieux de pouvoir aussi échanger avec eux.
27:37Et ce que je voulais souligner, et qui est très important,
27:41c'est que Libération a mis en place une cellule psychologique dès le début du procès,
27:45donc avait anticipé l'impact que ça peut avoir.
27:48On peut parler de, comme dans le cas par exemple des psychologues, psychiatres,
27:52de traumatismes vicariants en fait, quand on traite de sujets sur les violences,
27:57c'est-à-dire qu'en fait on s'imprègne des traumatismes des personnes, des victimes qui sont en face de nous,
28:03qu'on côtoie au quotidien, surtout sur un temps aussi long.
28:06Et donc voilà, il y avait cette cellule psychologique mise en place,
28:09on pouvait le citer par téléphone ou pour des rendez-vous,
28:12et je trouve ça bien parce que généralement c'est plutôt des choses que les médias mettent en place
28:17pour des journalistes qui vont sur des terrains de guerre ou qui couvrent ce genre de sujets,
28:22et les VSS ne sont pas toujours assez pris en compte
28:25comme vraiment des sujets qui sont d'une lourdeur émotionnelle extrêmement forte.
28:31Et voilà, je voulais le saluer.
28:33Il y a une petite question sur énormément de femmes journalistes ont suivi ce procès.
28:37Est-ce un choix ? C'est l'impression que j'en ai eu.
28:41Alors déjà la profession de journaliste se féminise, je ne veux pas dire d'habitude,
28:47mais il me semble que la dernière fois que j'ai vu des statistiques,
28:50les demandes de nouvelles cartes de presse émanaient de plus en plus de femmes,
28:54il y a plus en plus de femmes dans les écoles de journalisme, etc.
28:59Ce qu'on peut dire aussi c'est qu'il existe une association de la presse judiciaire dont je suis membre
29:05qui regroupe tous les chroniqueurs judiciaires du pays,
29:08dans presse nationale, régionale, télé, radio, etc.
29:12Et qu'au sein de cette association, c'est pareil, il y a beaucoup beaucoup de femmes
29:18et donc que les chroniqueuses judiciaires sont évidemment venues nombreuses sur les bancs de la presse.
29:25Je voyais une remarque de Femi Lili sur le lot de beaucoup de victimes de VSS
29:30et je voulais juste rebondir là-dessus.
29:33Cette inversion de la culpabilité, ces propos humiliants, dégradants,
29:39sont vraiment le lot habituel, malheureusement, et cruellement banal
29:44des victimes de violences sexistes et sexuelles.
29:47Et il faut le rappeler, généralement ces personnes-là, elles sont seules,
29:50elles s'avancent seules à la barre, en tête à tête avec leurs bourreaux,
29:53elles n'ont pas de haie d'honneur comme a eu Gisèle Pellicot,
29:56elles n'ont pas des milliers de femmes qui leur envoient des mots de soutien
29:59et c'est extrêmement difficile d'être dans cette solitude
30:02et ça me permet de faire une cheville avec mon moment marquant.
30:06Je pourrais retenir plein de choses qui étaient lourdes psychologiquement
30:10comme les premières images de viol que j'ai vues mon premier jour,
30:15au final, au tribunal d'Avignon où un accusé m'a directement menacée
30:19mais ce que j'ai envie de retenir et ce que j'ai écrit dans Libération,
30:23c'est ces premiers applaudissements que j'ai entendus retentir
30:26dans la salle des Pas Perdus au passage de Gisèle Pellicot,
30:29qui sont devenus un rituel, qui l'accompagnaient tous les jours
30:32comme une escorte réconfortante et qui, au-delà d'être réconfortante
30:35pour elle, était réconfortante en tout cas pour moi aussi,
30:38de voir qu'elle n'était pas seule, que les victimes ne sont pas seules,
30:41que moi aussi je ne suis pas seule et que vraiment une société
30:46et en particulier les femmes, parce qu'il y avait beaucoup de femmes
30:49dans le public, faisait choré avec elle, était en soutien
30:52et vraiment ça c'est quelque chose qui m'a énormément marquée
30:55durant ce procès.
30:56Et moi aussi je vais faire une cheville parce que je rejoins ce qu'a dit Marlène,
31:00c'était des moments qui vraiment nous donnaient la chair de poule
31:06et j'ai raconté pour ma part dans Libé la première vidéo
31:10qui a été un moment émotionnellement très compliqué
31:13mais ce dont j'ai envie de vous parler là aujourd'hui
31:16et parce que ça rejoint un peu les questions que vous avez posées
31:19et que Marlène a commencé à aborder ce sujet,
31:22c'est la violence qui se joue dans les débats d'un procès pour viol
31:27qui là encore une fois a été scruté par les médias du monde entier
31:30et donc qui ont mine de rien forcément posé des limites
31:36aux avocats de la défense qui étaient parfois extrêmement violents
31:41et même avec ces limites-là, même en étant scruté,
31:44il y a eu des journées où moi je ne suis jamais ressortie
31:48autant en colère d'une salle d'audience.
31:51La première journée, il y a eu un moment au début en septembre,
32:00je ne me souviens plus de la date,
32:02c'était une des premières fois où Gisèle Pellicot était appelée à s'exprimer
32:05où des avocates de la défense se sont un peu liguées contre elle
32:08et ont ressorti des images du dossier.
32:11Le dossier contenait tellement de codes
32:14que c'était impossible de connaître toutes les photos
32:15donc eux sont allés chercher des images qui pouvaient être compromettantes pour elle
32:18en disant mais qu'est-ce que c'est que cette photo,
32:20vous êtes éveillée en sous-vêtements,
32:22qu'est-ce que c'est que cette photo où vous avez l'air
32:26de faire un plan A3 avec votre mari,
32:28alors ce n'était pas elles sur la photo en plus,
32:30ils se sont complètement gourés.
32:32Et madame, vous avez fait du naturisme non ?
32:35Est-ce que vous n'êtes pas un petit peu coupable ?
32:37Est-ce que vous n'aviez pas envie de participer à une expérience libertine ?
32:42Et ça c'était d'une violence et de se dire aussi
32:45c'est fou ces avocats participent à un procès
32:48dont on a très vite quand même compris l'ampleur
32:51et le poids qu'il allait avoir dans l'histoire et pour l'avenir
32:57et ils se permettent de venir avec une défense
33:02complètement à rebours de MeToo
33:06et des évolutions qu'a connues notre société ces dernières années.
33:12Qu'est-ce qu'ils veulent laisser en fait ?
33:14Qu'est-ce qu'ils veulent laisser comme témoignage ?
33:16Est-ce que dans 30 ans quand on reliera les chroniques judiciaires
33:20de ce moment-là et qu'on verra que des avocats ont posé cette question,
33:23qu'est-ce qu'on se dira d'eux ?
33:24Moi ça m'a vraiment interpellée et il y a eu un moment
33:26que j'ai trouvé extrêmement fort, c'est quand,
33:28ce n'était pas le même jour, c'était un peu après,
33:30un accusé interrogé a répondu à une question de l'avocat général
33:40en disant j'y suis allée parce que je n'avais pas tant de propositions
33:45que ça sur coco.fr et vous savez madame coco.fr
33:48ce n'est pas un supermarché non plus, complètement insolent
33:51et complètement en décalage avec la difficulté de ce que pouvait être ce procès.
33:57Gisèle Pellicot pour la seule et unique fois de l'audience s'est levée
34:01a dit ça suffit, je n'en peux plus.
34:03Elle est partie 15 minutes.
34:05Est-ce qu'elle allait revenir ? On ne savait pas.
34:08Elle est revenue et le fait qu'elle revienne,
34:10j'ai trouvé ça vraiment marquant et fort parce qu'il y avait ce côté
34:15où elle portait la voix des autres et en elle,
34:27et ses avocats nous l'ont expliqué après,
34:29elle ne voulait pas partir parce qu'elle s'est dit
34:33je suis là pour toutes les autres et ça j'ai trouvé
34:35c'est extrêmement fort.
34:37On avait titré une de nos unes là-dessus,
34:41c'est vraiment une pour toutes et toutes pour elle.
34:43C'est vraiment ça si on devrait résumer.
34:46Et ce que disait à l'instant Juliette sur le fait qu'elle avait quitté
34:51à ce moment-là la salle d'audience, il y a eu une deuxième fois
34:53tout à la fin du procès où elle a quitté la salle d'audience
34:56au moment où une avocate dont je ne me souviens pas le nom
35:00a mis en doute le fait qu'elle pouvait être consentante
35:04à un jeu libertin donc en toute fin de procès
35:07après des semaines, des heures d'interrogatoire d'accusé consternant,
35:12après des centaines de vidéos, de photos, de viols,
35:17encore à ce moment-là c'est une ligne de défense qui a été tentée
35:21par l'une des avocates et qui a provoqué à juste raison
35:25la colère de Gisèle Pellicot et son départ de la salle d'audience
35:28le jour même où Adèle Haenel quittait la salle d'audience
35:33avec des propos fracassants à l'encontre de Christophe Ruger.
35:37Je rebondis sur une remarque aussi d'Aria2500 qui disait
35:40que pour rebondir sur la remarque concernant la proportion de femmes
35:43qui pourrait être également liée à un intérêt plus important
35:45sur ces sujets de vos homologues féminines que vos homologues masculins,
35:49le seul truc que je voulais ajouter par rapport à ça,
35:50c'est vrai qu'on l'a notamment vu, c'est très bête,
35:52mais par exemple sur Instagram quand on voit les personnes
35:56qui relayaient les choses et les informations
35:58par rapport à ce procès des viols de maison,
36:00on a largement plus vu des femmes relayer des choses à ce propos
36:03que des hommes.
36:04Je crois que c'est un bon témoin aussi du travail qui reste à faire aussi
36:08pour que les hommes s'intéressent plus largement à ce sujet
36:12qui les concerne très directement.
36:14Et il y a du coup une dernière question que je vais prendre
36:17pour terminer cette discussion de Femi Lili qui demande
36:20comment était l'atmosphère au sein du tribunal.
36:22Plusieurs journalistes ont témoigné du malaise d'être assis
36:25sur les mêmes bancs que les accusés au vu de leur nombre.
36:28Je vous laisse répondre à cette question et puis après on conclut ce stream.
36:31Je vais juste répondre vite fait à une autre question juste avant
36:34et après je réponds à celle-là sur les réactions des politiques.
36:37Il y en a eu plusieurs de députés de plusieurs bords,
36:40mais celle sur laquelle je voudrais m'attarder,
36:42c'est celle d'Emmanuel Macron qui a notamment dit
36:45que Gisèle Pellicot avait affronté l'épreuve la tête haute,
36:48qu'elle était une éclaireuse pour parler et pour lutter.
36:51Alors c'est bien beau les mots, on a entendu depuis 2017
36:56la grande cause du quinquennat, mais maintenant il faudrait des actes.
36:59Les seules quelques annonces qu'il y a eues en novembre
37:03avant la démission du gouvernement étaient très minces,
37:07pas du tout à la hauteur des enjeux de ce procès
37:11et des enjeux qui sont portés depuis évidemment des décennies
37:15sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles
37:17qui fait 200 000 victimes par an.
37:19En fait, on a besoin de moyens.
37:22On est sur autour de 85 millions de budget
37:25pour le secrétariat d'État à l'égalité femme-homme
37:27qui a été en plus rétrogradé de son statut de ministère délégué
37:30à secrétariat d'État, ce qui est quand même un symbole délétère.
37:34Et les féministes, notamment la Fondation des femmes,
37:37ont fait une évaluation.
37:38On aurait besoin de 2,6 milliards d'euros
37:40pour lutter seulement contre les violences sexuelles.
37:42On ne parle même pas d'inégalités professionnelles.
37:44Enfin, contre les violences sexistes et sexuelles,
37:46donc les violences conjugales comprises, etc.
37:48Et on en est bien, bien loin.
37:50Avec la rigueur budgétaire qui est imposée en ce moment,
37:54ça ne risque pas d'avancer.
37:56On ne risque pas d'avoir cette révolution budgétaire dont on a besoin.
38:00Les féministes font des demandes d'une loi intégrale
38:05comme a pu le faire l'Espagne avec 140 mesures
38:08qui arrêtent la prise en charge des soins psychologiques,
38:12à des évolutions aussi dans la justice,
38:14l'éducation évidemment à la vie sexuelle et affective qui n'est pas appliquée.
38:18Voilà, donc là, c'est bien beau.
38:20Les mots, il faudrait passer aux actes
38:22et ce procès impose d'accélérer une nouvelle fois.
38:25Alors déjà, je voudrais dire ce qu'on avait déjà un petit peu dit,
38:28mais c'est vrai que là, il y avait un effet de masse qui était très particulier,
38:32mais c'est pareil, c'est assez courant
38:34que des accusés se comparaissent libres en détention provisoire
38:39et donc qu'on soit en contact avec eux de manière directe ou indirecte.
38:45Là, ce qui était particulier, c'était comme on l'a dit au début,
38:48c'était que la salle d'audience était sous-dimensionnée
38:51par rapport au nombre d'accusés
38:53et à l'écho médiatique de ce procès.
38:56Et donc forcément, on était très proches.
38:58On n'était pas côte à côte, on n'était pas exactement sur les mêmes bancs.
39:02Moi, je ne l'ai jamais été en tout cas.
39:07Je suis un peu mal à l'aise avec cette question
39:10parce que j'ai fait en sorte de ne jamais l'être parce que j'ai pu.
39:14Bien sûr, c'était des journées où je pouvais me faire autrement.
39:19Après, ce sont des hommes, ils sont jugés,
39:22ils sont là pour ça, donc on essaye de faire abstraction.
39:25Mais ça crée quand même une atmosphère assez particulière liée à la masse.
39:30En effet, je ne l'ai pas très bien vécue, cette atmosphère-là.
39:36Et en effet, je suis totalement d'accord avec Célia Juliette.
39:39L'effet de masse crée un poids important
39:42et notamment la première fois qu'on entre dans cette salle d'audience
39:45avec 51 hommes dont certains étaient détenus et leurs 40 avocats.
39:52Ça fait un choc, vraiment.
39:54Et il y a eu des moments où personnellement,
39:57il y avait tellement de monde dans la salle d'audience,
40:00beaucoup de journalistes, où je me suis déjà retrouvée
40:03à être assise côte à côte avec un accusé,
40:06mais en effet, je suis quasiment à côté.
40:08Et oui, c'est quand même quelque chose
40:11qui peut être difficile émotionnellement, psychologiquement à encaisser
40:15quand en plus on entend, je ne sais pas, 15 minutes après,
40:18leur parole sur dénégation du viol,
40:21de défense absurde, de viol à contre-cœur
40:25et de zombies autoguidés.
40:27Alors celui-là était en détention provisoire,
40:30donc il n'était pas à côté de nous.
40:32Mais il y a aussi, sur l'atmosphère,
40:34il y a les regards pesants sur nous.
40:36Je ne sais pas si c'est particulièrement aussi en tant que femme,
40:39mais on peut aussi le suggérer.
40:41Moi, j'ai souvent eu des accusés qui me regardaient de façon très pesante
40:44avec des regards, on peut parler de regards noirs.
40:47Vraiment, je parlais des menaces
40:50à mon arrivée le premier jour à l'audience,
40:52mais c'était aussi des choses au quotidien
40:54qu'on pouvait subir quand on faisait notre travail dans la salle d'audience.
40:59Et cette atmosphère-là, on l'a raconté avec Stéphanie aussi
41:03dans un papier qui a été publié avant-hier,
41:06de se transférer dans la ville.
41:08En fait, le procès était vraiment hors les murs aussi.
41:11Donc il y avait vraiment ce microcosme d'avocats, accusés,
41:13journalistes, publics, qui se retrouvaient dans les mêmes rues,
41:17dans une centaine de mètres autour du tribunal,
41:20dans les mêmes restos et cafés.
41:22Donc cette proximité, elle est assez déconcertante.
41:25Et à la fois, moi, ce que j'ai envie de retenir,
41:28pour rester sur du positif, c'était justement
41:30que ces rues criaient leur soutien à Gisèle Pellicot,
41:33avec des collages du collectif féministe avignonnais
41:36et les Amazones d'Avignon de partout dans les rues.
41:39Et pendant longtemps, ce qui était marquant,
41:41c'est que pendant longtemps, ces collages sont restés sur les murs
41:44sans que la mairie, la préfecture ne les arrachent,
41:47ce qui est très rare.
41:48Et ça avait créé des nouvelles formes d'expressions militantes
41:52où des personnes venaient mettre des petits mots
41:55sur les feuilles même des collages,
41:57avec des mots en différentes langues,
41:59qui donnaient à voir l'impact international
42:02de ce procès et de la parole de Gisèle Pellicot.
42:05Donc il y a eu un tournant au moment du réquisitoire
42:10où la défense en est insurgée,
42:12mais les féministes ont évidemment continué de coller sans relâche
42:15jusqu'au verdict.
42:18Merci beaucoup à toutes et à tous de nous avoir suivis.
42:20Désolé encore pour les petits bugs techniques.
42:22Je vous l'expliquais au début,
42:23c'était un stream un petit peu inédit
42:25qu'on a délocalisé à Avignon dans les locaux de la Provence.
42:28Merci encore à eux de nous avoir accueillis,
42:30de nous avoir permis de faire ce stream
42:32dès le lendemain du verdict du procès des viols de Mazans.
42:34C'est pour ça qu'on l'a fait ici,
42:35parce qu'on était tous les quatre avec Stéphanie
42:37et toutes les deux, Juliette et Marlène,
42:39au verdict du procès des viols de Mazans hier à Avignon.
42:42Et donc on a pu faire ce stream assez rapidement,
42:44aussi grâce à nos confrères de la Provence.
42:46Donc merci beaucoup à eux.
42:47Merci beaucoup à toutes les deux d'être venues nous livrer aussi
42:50votre ressenti et puis nous avoir livré les coulisses aussi
42:53de ce procès hors normes.
42:55Merci beaucoup Juliette et Marlène.
42:56Salut tout le monde.

Recommandations