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C'est le département le plus pauvre et le plus démuni de France. Depuis samedi, c'est aussi le plus dévasté. Le cyclone Chido, qui a frappé Mayotte, a fait beaucoup de dégâts sur son passage. Il sera "très difficile" d'avoir un bilan humain final, mais le cyclone a fait "certainement plusieurs centaines" de morts, a déclaré le préfet du département. Dominique Voynet, députée (écologiste) du Doubs, ancienne directrice de l'Agence régionale de santé de Mayotte, est l'invitée de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 16 décembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Bonsoir Dominique Voynet.
00:04Bonsoir.
00:05Vous êtes députée du Doubs, ancienne ministre de l'Environnement.
00:07Je précise que vous avez été directrice de l'Agence régionale de santé de Mayotte
00:12et que par ailleurs vous êtes médecin.
00:14Que savez-vous, que comprenez-vous au moment où nous parlons de la situation sanitaire sur place ?
00:19Alors le cyclone d'une force exceptionnelle a traversé Mayotte
00:24dans la partie la plus stratégique, la mieux équipée de Mayotte.
00:27Il a balayé Petite-Terre, il a balayé la barge qui permet d'assurer les liens
00:33entre Petite-Terre et Grande-Terre.
00:34Il a touché la mairie de Mamoudzou, l'hôpital, l'ARS, les services publics,
00:39les usines de production d'eau.
00:41Et donc le grand nord de Mayotte et le grand sud sont un peu épargnés.
00:46Mais on peut considérer que la partie la plus peuplée et la plus pauvre aussi de Mayotte
00:50a été frappée plein fouet avec sans doute des centaines de milliers de personnes
00:54qui aujourd'hui sont en train de fouiller les décombres à la recherche de corps ou à la recherche de blessés,
00:59à la recherche aussi peut-être des restes d'une ville qui était déjà extrêmement pauvre.
01:03Vous savez que beaucoup d'habitants de Mayotte vivent dans des bangas,
01:06des cabanes de tôles et de planches appuyées sur des pneus qui en constituent la base.
01:12Et dans ces bangas, il y a souvent quelques vêtements,
01:16deux bassines en plastique pour la toilette et la cuisine et deux casseroles.
01:20Donc c'est vraiment une population qui se retrouve confrontée à ne plus rien avoir.
01:25Dans quel état sont les hôpitaux après le passage du cyclone Chido ?
01:28Est-ce qu'on a des informations de ce type ?
01:30Alors on a paradoxalement un peu plus d'informations de certains services de l'État
01:34parce qu'ils continuent à avoir de l'électricité et des moyens de communication
01:38que de nos amis ou des familles qui sont aujourd'hui isolées
01:41parce que les réseaux n'ont pas été rétablis bien sûr en 48 heures.
01:44À l'hôpital, une partie du toit s'est envolée.
01:47C'est un vieil hôpital qu'il était question de reconstruire.
01:51Quand j'ai quitté l'ARS en 2021, ça n'a pas encore été fait.
01:55Et je constate que dans l'urgence, et comme souvent,
01:59les médecins, les chirurgiens, les infirmiers se sont démultipliés
02:04pour prendre en charge les blessés qui sont arrivés.
02:07On ne peut pas procéder à des évassades
02:10quand il y a eu des conditions très difficiles de circulation.
02:13Vous savez que l'aéroport lui-même a été très impacté par le cyclone.
02:17Et si des avions militaires, des casas peuvent se poser,
02:21les vols normaux ne sont pas rétablis.
02:23Il faut d'ores et déjà envoyer des médicaments, de l'eau,
02:25bref, toutes ces choses très simples que l'île n'a plus ?
02:28Alors, il ne faut pas envoyer.
02:30Les pouvoirs publics seront organisés et feront part de leurs besoins.
02:34Il y a une cellule de crise au ministère de la Santé, au ministère de l'Intérieur, etc.
02:38Et ça fonctionne.
02:40Ce dont on a besoin aujourd'hui, c'est des services spécialisés.
02:43La Sécurité Civile, des pompiers, des militaires,
02:46qui ont l'avantage d'être autonomes,
02:47parce qu'ils arrivent avec des tentes, avec des appareils
02:50pour épurer l'eau et produire eux-mêmes leur eau potable.
02:52Donc, bien sûr, de façon individuelle, il ne faut pas faire n'importe quoi.
02:56Les urgences, on les connaît.
02:58Retrouver les personnes qui sont peut-être encore sous les tôles et les débris,
03:03puis fournir de l'eau potable, c'est l'urgence numéro un.
03:06Dans une île où, en routine, on est incapable de fournir de l'eau un jour sur deux,
03:10et où, en routine, on est confronté à des épidémies comme celle de choléra,
03:15qui a été très pénalisante l'année dernière.
03:18Donc, l'eau va être la priorité absolue,
03:20si on arrive déjà à amener, j'ai envie de vous dire,
03:23au moins un litre d'eau par habitant et par jour.
03:26C'est ça, et c'est l'été austral en ce moment à Mayotte.
03:29Ça veut dire qu'il fait très chaud,
03:30et qu'évidemment, ça joue à la fois sur la santé des personnes, sur leurs nerfs aussi.
03:35C'est difficile de supporter cette chaleur aux heures les plus chaudes,
03:38quand on n'a pas d'abri, quand on n'a pas de quoi boire.
03:40C'est évidemment quelque chose de très dur.
03:43Je pense que les pouvoirs publics sont également attentifs
03:46à une répartition équitable des biens alimentaires.
03:50Ils sont attentifs à éviter les pillages,
03:52parce que c'est évidemment quelque chose qui serait d'autant plus terrible
03:54pour les personnes qui n'ont rien.
03:56Et donc, soigner de l'eau, de l'alimentation,
04:00et puis rétablir les réseaux et la liberté de circulation
04:03pour aller dans les zones les plus isolées qui n'ont encore pas eu de visite et de secours.
04:07Dominique Voinege vous propose d'écouter ce témoignage d'un Mahorais.
04:10Sur notre antenne, c'était à la mi-journée.
04:12L'association Mayotte, elle est critique.
04:14Il y en a qui ont perdu des vies, il y en a qui ont perdu des maisons,
04:17il y en a qui ont tout perdu.
04:19Le quartier, c'est un désert.
04:21C'est comme si il y a eu une bombe qui est tombée sur terre
04:26et que ça a ravagé toutes les cases.
04:28J'ai les larmes aux yeux quand je vous parle,
04:31mais il n'y a pas que moi dans ma famille,
04:32il n'y a que moi qui arrive encore à téléphoner.
04:34Toute ma famille m'appelle pour me demander comment va sa maman.
04:41J'ai tellement essayé d'appeler ma soeur qui est au nord,
04:44je n'y arrive pas.
04:45Je ne sais même pas ce qu'elle est devenue.
04:47Je ne sais même pas ce qu'elle est devenue,
04:49mais on est dans une petite île de France.
04:53On est incapable d'avoir une famille qui est à l'autre bout du village.
04:57Mais vous vous rendez compte ?
04:59Est-ce que vous vous rendez compte qu'on est à Mayotte,
05:02une petite île d'un pays comme la France ?
05:05On n'arrive pas à se capter, on n'arrive pas à s'appeler.
05:08Je ne sais même pas si ma cousine est morte,
05:11je ne sais pas s'il est encore là.
05:14Est-ce que vous vous rendez compte de ça ?
05:16Comme une bombe qui est tombée sur terre,
05:18c'est comme ça que ce Mahorais rend compte de la situation sur l'île ?
05:22Oui, je connais beaucoup de Mahorais qui sont en métropole,
05:25des étudiants qui font des études, des infirmiers dans les hôpitaux.
05:29Comme c'est souvent le cas en cas de catastrophe,
05:31ils passent leur journée sur les réseaux sociaux
05:33à essayer de chercher des images, à essayer d'avoir des nouvelles de leurs proches.
05:36Comme je vous l'ai dit, les réseaux ne sont pas rétablis,
05:38en 48 heures évidemment,
05:40d'autant plus que c'est vraiment le centre de Mayotte,
05:43c'est Mamoudzou, c'est la préfecture, c'est la mairie,
05:46c'est les bâtiments, je dirais,
05:48où on avait aussi la connaissance des ressources
05:50et la capacité d'agir et de mobiliser qui est atteinte.
05:54Je comprends la détresse de cette personne.
05:56Si sa famille est dans le Nord,
05:58on est plutôt confronté à un problème de réseau pas encore rétabli,
06:02plutôt effectivement qu'à un problème de désastre humain.
06:05Mais je pense qu'il faudra un petit peu plus de temps
06:07pour dresser un bilan de ce désastre.
06:09Moi, ce pourquoi je voudrais plaider,
06:11c'est pour qu'on ne reconstruise pas à l'identique.
06:13C'est-à-dire qu'une partie de la grande fragilité
06:17des infrastructures à Mayotte,
06:19je pense évidemment à toutes ces constructions construites
06:22en bord de lagons,
06:23donc exposées au risque de tsunami.
06:25Je pense aux constructions sur les hauteurs
06:28qui sont confrontées au risque de glissement de terrain,
06:31de coulures et évidemment très exposées au vent.
06:33On aura besoin d'un grand chantier national
06:36et sans doute aussi d'un investissement très particulier de l'État.
06:39On a été capable de reconstruire Notre-Dame en quatre ans.
06:42J'espère qu'on sera capable de mobiliser autant de moyens,
06:44d'intelligence pour Mayotte.
06:46J'en profite pour rappeler que ce département
06:48est le plus pauvre de France.
06:50Finalement, quelles sont les spécificités de cette île
06:53qui la rendent si difficile ?
06:55Dans la prise en charge dont nous parlons ce soir.
06:57Alors d'abord, elle est très isolée de la métropole, bien sûr,
06:59mais aussi du territoire français le plus proche.
07:02La Réunion-Mayotte, c'est 1 800 kilomètres,
07:05donc il ne suffit pas de dire
07:07on envoie de l'eau, on envoie des médicaments, etc.
07:10Encore faut-il organiser ce pont aérien depuis la Réunion
07:15avec des moyens qui, à la Réunion, sont également assez modestes.
07:18Moi, j'ai vécu le Covid à Mayotte
07:20et je peux vous dire que ce n'était pas si facile d'organiser cette coopération
07:23avec la Réunion qui a ses propres besoins,
07:25qui a aussi un aéroport aux capacités limitées,
07:28un port aux capacités limitées.
07:30Donc je sais que l'État français mobilise aujourd'hui,
07:34comme pendant le Covid, des ressources militaires.
07:38Sans doute rapidement l'avion de la présidente de la République
07:41qui, à l'époque du Covid, avait fait plusieurs allers-retours aussi
07:44à la fois pour des évassades et pour du matériel.
07:47Je me souviens aussi du déroutement du pourquoi pas
07:50le navire océanographique de l'Antarctique
07:52qui nous avait aidés, qui avait apporté de l'oxygène, etc.
07:55Donc en fait, dans la cellule de crise du ministère de l'Intérieur,
07:59dans la cellule de crise du Corus au niveau du ministère de la Santé,
08:02on est en train de recenser toutes les ressources.
08:05Je sais qu'on n'a pas encore besoin aujourd'hui
08:07de beaucoup de médecins et d'infirmiers
08:09tout simplement parce qu'il n'y a pas de moyens pour les héberger,
08:13les nourrir, leur donner à boire.
08:15Ce n'est pas l'urgence des urgences dans la période.
08:18Les professionnels de santé de Mayotte
08:19font ce qu'ils peuvent aujourd'hui avec le peu qu'ils ont.
08:22Mais dans les jours à venir, on aura évidemment besoin de ces renforts
08:25parce que les gens ont besoin de 4h sur 24
08:27et ils ne pourront pas tenir très longtemps comme ça.
08:28J'ai bien compris que vous appelez un grand chantier national
08:32pour aider notre île.
08:34Je vous rappelle, vous qui nous écoutez,
08:36que si vous souhaitez venir en aide aux victimes du cyclone Chido,
08:39vous pouvez faire un don sur le site www.fondationdefrance.org.
08:42Les sommes récoltées serviront bien entendu
08:44à secourir les sinistrés les plus vulnérables
08:47et à aider à la reconstruction.
08:48Merci beaucoup Dominique Voynel
08:50de nous avoir donné toutes ces précisions
08:51et votre connaissance visiblement pointue de la région.
08:55Bonne soirée, merci d'avoir pris la parole sur RTL.
08:57Merci, au revoir.
08:58Et dans un instant, toute l'actualité dans le journal de 18h30.
09:01Puis à 18h40, nous retournerons à Mayotte.
09:03L'archipel est dévasté, les besoins sont immenses.
09:06Le directeur des opérations d'urgence de la Croix-Rouge justement
09:09nous expliquera comment fonctionne le pont aérien
09:11depuis l'île de la Réunion.

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