Routes impraticables, bidonvilles réduits à néant, réseaux électriques et téléphoniques à terre : après le passage du cyclone Chido à Mayotte, le paysage de l'île a totalement changé. Le cyclone a fait "certainement plusieurs centaines" de morts, a déclaré le préfet du département français d'outre-mer. Regardez l'interview de Charles-Henri Mandallaz, président de l'UMIH Mayotte.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 16 décembre 2024.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 16 décembre 2024.
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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Sotto.
00:04Il est 8h15, l'interview d'Amandine Bégaud au coeur de l'actualité et du désastre maorais.
00:09Amandine, vous avez choisi d'échanger ce matin avec Charles-Henri Mandalaze.
00:12C'est le président de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie à Mayotte.
00:16Il fait partie de ceux qui ont énormément perdu avec le passage du cyclone Chido.
00:20Bonjour Charles-Henri Mandalaze.
00:22Bonjour madame.
00:24Vous êtes, Thomas le disait, président de l'UMI et vous avez vous-même
00:27deux restaurants et une résidence hôtelière.
00:29Quelle est d'abord l'ampleur des dégâts chez vous, dans vos établissements ?
00:33Un restaurant totalement détruit, un autre impacté avec des dégâts moyens
00:39et la résidence hôtelière qui, par contre, elle a tenu.
00:43Quand vous vous êtes rendu dans votre restaurant qui a été le plus touché,
00:48qu'est-ce que vous avez ressenti ?
00:53C'est difficile à expliquer.
00:55A la fois content que personne ne soit dedans et après la profonde tristesse
01:01parce que c'est quand même le travail d'une partie de vie.
01:04C'est des collaborateurs qui sont avec nous, qui vont très certainement se retrouver en précarité.
01:09En tout cas, on va tout faire pour assister le mieux possible
01:13parce qu'il va falloir effectivement faire appel à toutes les possibilités
01:16pour les couvrir et les aider dans ce passage aussi
01:19parce qu'eux aussi ont été durement impactés à titre personnel.
01:22Donc, rajouter du problème au problème,
01:24c'est quand même des situations humaines qui vont être dramatiques.
01:27Mais oui, quand vous regardez un établissement entièrement broyé comme une allumette,
01:32c'est très déroutant.
01:34Ça laisse sans qualificatif et en état de choc au départ, clairement.
01:40Et le lendemain, en faisant le tour de Mamoudou, en tout cas de la préfecture,
01:44c'est effectivement là que j'ai pris l'ampleur totale des dégâts
01:48parce qu'au fur et à mesure qu'on passe rue après rue, c'est un désastre.
01:52Tout a été broyé comme une allumette, pour reprendre votre expression ?
01:56Oui, il y a vraiment énormément de dégâts.
01:58C'est un désastre absolu et puis rien n'a échappé.
02:01Comme je l'ai dit, bâtiments privés, publics, tout le monde a été impacté.
02:05Il y a eu des structures parfois qui étaient vraiment costauds.
02:08Donc, c'est un système qui s'est mis en route avec des vents, je crois, à plus de 240 km heure.
02:13Pas grand-chose n'est préparé à ça et effectivement, ça a été balayé.
02:17Alors, quand vous avez de l'habitat déjà qui est un peu précaire,
02:20avec tendance à avoir des choses qui vont partir,
02:23c'est vrai que quand elles s'envolent aussi, elles vont impacter d'autres bâtiments
02:26qui peut-être, eux, n'auraient peut-être pas bougé,
02:28mais en étant frappés, ont été touchés aussi.
02:31Visuellement, c'est une horreur.
02:35Je pense qu'il y aura plusieurs centaines de morts.
02:37Peut-être rapprocherons-nous le millier, voire quelques milliers.
02:40Ça, c'est ce que disait hier le préfet de Mayotte.
02:42Des milliers de morts, ça paraît complètement fou.
02:46C'est aussi ce que vous, vous redoutez ?
02:48Oui, clairement. Je pense que le préfet est malheureusement dans le vrai.
02:52On a beaucoup d'habitats précaires sur l'île de Mayotte, effectivement,
02:55qui n'est pas forcément dans la construction standard.
02:59Et tout s'est carrément envolé avec le cyclone.
03:01Donc, il y a effectivement un bon nombre de gens qui ont été sans rien totalement démunis
03:07et avec tout un tas de tôles qui volent partout et des choses qui s'écroulent.
03:11Je ne sais pas, je n'ose même pas imaginer le bilan,
03:14tellement c'est affolant.
03:17Vous êtes vous-même inquiet, je crois, pour plusieurs de vos salariés ?
03:20Oui, bien sûr. Pendant plus de deux jours, on n'a pas pu les joindre.
03:24Les réseaux ont explosé, on n'a pas d'eau, pas d'électricité.
03:27Donc, on est strictement isolé.
03:29On essaye de joindre nos collaborateurs, impossible de les avoir.
03:32Ça, c'est la grosse source d'inquiétude, déjà, de savoir autour de nous,
03:36nos proches et nos proches au sens large,
03:38les gens qui travaillent avec nous toute l'année,
03:39dans quel état ils sont psychologiques, blessés, pas blessés,
03:43est-ce qu'ils ont tout perdu ou pas,
03:45pour essayer déjà de les réconforter et de se mettre ensemble en solidarité
03:49pour essayer d'absorber le choc.
03:51Mais là, tout le monde est dans un état de déprime, c'est colossal.
03:57Vraiment, c'est impensable ce qui s'est passé.
04:00On vous sent profondément marqué, éprouvé ?
04:05Oui, c'est clair. 25 ans de territoire,
04:08c'est la première fois de ma vie que je vois un cyclone passer comme ça.
04:12On avait eu quelques hypothèses d'alerte par le passé,
04:14mais qui s'étaient finalement bien terminées.
04:17C'est complètement surréaliste.
04:19Tout est bali et vous êtes simplement derrière vos portes,
04:23en train de regarder et d'espérer que ça passe ou que ça casse, malheureusement.
04:27Avant même cette catastrophe,
04:29Mayotte était déjà le département le plus pauvre de France.
04:31On rappelait ces chiffres ce matin,
04:3377% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté.
04:37Malheureusement, ce cyclone va sans doute encore aggraver les choses.
04:40Ça fait partie aussi, j'imagine, de vos inquiétudes.
04:43C'est une énorme crainte, effectivement, pour nous, pour nos collaborateurs.
04:46Qu'est-ce qui va rester ? Comment on va pouvoir construire ? A quelle vitesse ?
04:49Quelles seront les indemnisations ?
04:51Quel sera le courage des gens pour reconstruire et rester là ?
04:55Ça aussi, ça sera à voir.
04:57On va se battre, au bon nombre d'entre nous, pour relever le territoire.
05:01Mais effectivement, dans le territoire, comme vous dites,
05:03le département le plus pauvre de France,
05:06les choses ne vont pas aller en s'arrangeant.
05:08Il y a certainement des centaines d'emplois qui vont voler en éclats.
05:12Il est impératif qu'à Paris, on nous passe extrêmement rapidement en catastrophe naturelle
05:17pour débloquer les indemnisations les plus larges et les plus rapides possibles.
05:22Parce que sans ça, sans moyens humains, matériels et financiers,
05:25ça va être très compliqué.
05:27C'est ce que vous demandez au ministre de l'Intérieur
05:29qui doit arriver sur place ce matin ?
05:31Oui, impérativement.
05:32Il nous faut un classement en quatre notes extrêmement rapide.
05:35Il va très vite s'apercevoir, le ministre de l'Intérieur,
05:38effectivement, de l'ampleur des dégâts.
05:39Ça, là-dessus, n'en doutons pas.
05:41Il y a suffisamment de vidéos qui tournent pour bien les montrer.
05:45Mais une fois sur le terrain, évidemment,
05:46il va bien voir le massacre qu'il y a sur l'île, comment elle est dévastée.
05:52Je ne doute pas qu'à Paris, il y aura une réactivité là-dessus.
05:55On a toujours été, de toute façon, écoutés, entendus.
05:59Et il y a quand même un œil empathique sur Mayotte.
06:03C'est vrai qu'on est en retard sur beaucoup de choses.
06:05Mais néanmoins, les services de l'État s'attachent quand même à faire avancer.
06:09Et je ne doute pas qu'il y aura de la bonne volonté.
06:12La bonne volonté, oui.
06:13Après, il faut des moyens, sans doute aussi beaucoup de temps.
06:19Cette reconstruction, elle vous semble possible, vu l'ampleur des dégâts ?
06:24La reconstruction est toujours possible.
06:25À partir du moment où on a la volonté, déjà, comme vous l'avez dit,
06:28et puis les moyens.
06:29Mais les moyens, de toute façon, il faudra bien les trouver,
06:33que ce soit par la France, par l'Europe ou par qui voudra bien nous aider.
06:38Là-dessus, il n'y a pas de soucis.
06:39Mais bon, pour la reconstruction, après, il faudra aussi, évidemment,
06:42de la main-d'oeuvre du genre, sur place, sur le territoire,
06:44des compétences, du matériel.
06:46Oui, ça va être très, très long.
06:48Ce n'est pas plusieurs mois.
06:49Je pense qu'on peut aller au-delà d'une année, deux années.
06:52Je ne saurais dire.
06:53Mais c'est véritablement un chantier de titans.
06:57Vous nous parliez de ces communications extrêmement difficiles.
07:00On évoque aussi le manque d'eau, le manque de nourriture.
07:03C'est quelque chose que vous voyez, vous ?
07:06Oui, aujourd'hui, oui.
07:07Et puis le problème va encore plus se poser,
07:09puisqu'effectivement, si on n'a pas rapidement des ravitaillements,
07:12ce qu'il y a dans les magasins va très, très rapidement se vider.
07:15Donc, il va se poser la question de comment se nourrir
07:18et comment faire pour s'approvisionner.
07:20Donc, là aussi, je pense que l'État a bien pris la mesure du problème,
07:24puisque des bateaux doivent arriver de la Réunion avec des ravitaillements.
07:27Et puis, on a déjà des premières personnes aussi de la sécurité civile qui sont arrivées.
07:32D'autres personnes doivent arriver avec EDF pour remettre le réseau.
07:36Donc, je pense qu'effectivement, en termes d'approvisionnement,
07:40nourriture et en tout cas les prérequis pour vivre,
07:44basiquement, ils vont essayer de nous les assurer au mieux
07:47pour éviter qu'il y ait effectivement encore une situation pire.
07:50Si les gens ont faim, ce serait la catastrophe.
07:53Un dernier mot, Charles-Henri Mandalaise.
07:57Quel est l'état d'esprit de la population sur place ce matin ?
08:01Vous savez, à Mayotte, on a une particularité chez nous.
08:05Dans notre département, c'est une très grande solidarité qui est culturelle.
08:09Ça, c'est un fait.
08:11Donc, les gens ont tendance à aller dans la rue naturellement,
08:14à déblayer, à couper, à tronçonner.
08:16Chacun se met à disposition l'un de l'autre et ça, quand même, ça fait du bien.
08:21À côté de ça, on a une extrême capacité de résilience.
08:25C'est un fait sur la population maoraise.
08:27On est une île qui a quand même en perpétuelle crise,
08:30avec des retards partout, des problèmes.
08:32Et effectivement, sans arrêt, chaque année, on bataille sur tout type de sujet.
08:37Donc, il y a quand même une capacité à accuser le coup et à essayer de se reconstruire.
08:43Alors là, c'est vrai que c'est un événement hors normes.
08:46On n'espère pas revivre, évidemment.
08:48Mais je ne doute pas de la bonne volonté et la motivation de tout le monde.
08:52Je le vois déjà sous mes yeux au quotidien.
08:55Tout le monde se parle, tout le monde a un mot l'un pour l'autre
08:57et on essaye de faire au mieux pour avancer.
09:01Merci beaucoup et on pense bien fort, bien sûr, à vous tous, à tous les maorais
09:07ce matin qui sont face à cette épreuve.