« La commune a offert du foncier à des jeunes en échange d'engagements »
Ancien président Jeunes agriculteurs, Michel Teyssedou est devenu maire d’un village du Cantal, Parlan, qu’il a remis sur la voie de la croissance démographique et économique, tout en s’attachant à faire vivre ensemble les habitants historiques et les nouveaux venus.
Réalisation :
Journaliste : Eric Young
Images et montage : Laurent Theeten
Voix off : Eric Young
Photo : Pierre Soissons
Ancien président Jeunes agriculteurs, Michel Teyssedou est devenu maire d’un village du Cantal, Parlan, qu’il a remis sur la voie de la croissance démographique et économique, tout en s’attachant à faire vivre ensemble les habitants historiques et les nouveaux venus.
Réalisation :
Journaliste : Eric Young
Images et montage : Laurent Theeten
Voix off : Eric Young
Photo : Pierre Soissons
Category
🤖
TechnologieTranscription
00:00Comment un village a-t-il fait pour regagner le poste d'enseignant qu'il avait perdu
00:0915 ans plus tôt ? Comment arrive-t-il à réinstaller des commerces de proximité ? Et enfin, comment
00:16une trentaine d'habitants bénévoles se sont-ils mobilisés afin de diviser par quatre
00:21le coût de construction de sa salle polyvalente ?
00:25Alors là, on est dans la commune de Parlans, une petite commune rurale du Cantal.
00:30On va rencontrer le maire Michel Tessédoux pour parler du développement rural et du
00:35vivre ensemble dans un village.
00:55Michel Tessédoux, bonjour.
00:57Bonjour, bienvenue à Parlans.
00:59Merci.
01:00Alors, Michel Tessédoux, quand on est dans l'agriculture, c'est un nom qui dit quelque
01:03chose, mais rappelez-nous un petit peu votre CV, rafraîchissez-nous la mémoire, vous
01:08êtes quand même connu dans le monde agricole.
01:10Écoutez, je suis un agriculteur de montagne qui a milité dans les organisations professionnelles
01:16agricoles, notamment chez les jeunes agriculteurs et puis aussi à la FNSEA et aussi aux chambres
01:21d'agriculture.
01:22Donc j'ai un passé de, ce qu'on dit, de dirigeant agricole, de responsable agricole.
01:28Vous étiez président des GA quand même.
01:30Oui, j'étais président du CNGA.
01:31Ça a été une vraie chance pour moi d'assumer cette responsabilité parce que j'ai fait
01:36les écoles supérieures dans l'exercice de la responsabilité que je n'avais pas pu
01:39faire dans un parcours normal.
01:41Alors maintenant, vous n'êtes plus agriculteur, vous êtes maire de Parlans.
01:45Alors Parlans, c'est un tout petit village, présentez-le, c'est 400 habitants au fin fond
01:52présentez-le autrement.
01:53Alors Parlans est une commune qui a un passé qui nous rappelle qu'en 1870, il y avait
02:011300 habitants.
02:03Et en 2008, il n'y avait plus que 280 habitants.
02:08Donc l'exode rural a fait beaucoup de dégâts.
02:11Et moi, quand j'étais à l'école à Parlans, il y avait 70 élèves et en 2008, on était
02:17tombés à 34 élèves.
02:18Donc on a perdu un poste.
02:20Il a fallu se battre pour accueillir des populations nouvelles qui étaient plutôt jeunes et qui
02:27pouvaient avoir des enfants ou qui pouvaient espérer avoir des enfants.
02:30Et nous sommes donc battus pour que l'on puisse récupérer ce troisième poste.
02:35On l'a récupéré et nous sommes quand même payés de nos efforts puisque la rentrée
02:412024 est une rentrée qui fera date.
02:43On a retrouvé un effectif de 50 élèves après avoir inscrit 11 enfants.
02:47Et donc on est très, très heureux.
02:49Il faut quand même nous expliquer comment vous avez fait.
02:52Quand on a fait des choses très simples, très basiques, on a pu acquérir du foncier.
02:59Ce foncier, on l'a viabilisé et on a décidé de l'offrir à des jeunes qui accèdent à
03:05la propriété pour la première fois.
03:07Et ces jeunes qui accèdent à la propriété pour la première fois, ils ont obligation
03:11de construction.
03:12Ils ont obligation de résider 10 ans au moins.
03:15Et en cas de non-respect de ces engagements, ils reversent une indemnité à la commune
03:19de 5000 euros.
03:20Ça, ça s'appelle les critères qui définissent l'intérêt général.
03:23Parce que vous ne pouvez pas utiliser le produit de l'impôt au profit d'une minorité
03:28de contribuables si ce n'est uniquement dans le cadre de l'intérêt général de la collectivité.
03:34Et c'est pour ça que nous avons défini ces critères.
03:36Et ces critères sont les bons, puisque nous avons accueilli une trentaine de familles
03:44sur ces terrains.
03:45Il y a 30 terrains qui ont été attribués.
03:48Et nous avons parallèlement développé une politique d'attractivité sur la capacité
03:54à héberger des familles nouvelles.
03:56Et grâce à un bailleur social qui s'appelle Polygone, nous avons construit 17 appartements.
04:01Et donc, quand on fait le total des terrains attribués et des appartements créés, c'est
04:05près de 50 familles qui ont pu nous rejoindre.
04:07Oui, parce que la ville que vous disiez a 200 habitants, en gros, un peu plus de 200
04:12habitants dans les années 90 à peu près.
04:15Maintenant, c'est quasi 500 habitants.
04:17Alors nous sommes à 500 habitants.
04:19Le recensement général devrait confirmer en 2026 que nous sommes à 500 ou nous avons
04:25franchi la barre des 500.
04:26Mais ça peut changer en fonction des aléas de la vie.
04:29Mais comme quoi la redynamisation rurale, parce qu'on est officiellement dans l'ère
04:35d'attraction de Riyad.
04:36Enfin, Riyad, c'est quand même loin.
04:38On est de l'autre côté de la rivière.
04:40On change de département, on change de région, on change de tour.
04:43Bon, ce n'est pas facile et pourtant, on y arrive.
04:47Alors, l'attractivité gérée par des lieux de vie proches est importante.
04:55La ville préfecture, c'est une attractivité, mais il faut aussi compter sur sa propre attractivité.
05:01Et l'attractivité de la commune de Parlans, elle est liée à cet effort qu'a consenti
05:06le conseil municipal pour mettre à disposition des terrains à bâtir.
05:10Mais pas seulement.
05:11Il faut aussi développer des activités de commerce.
05:14Il faut offrir des services de commerce.
05:16Il faut dynamiser par la vie associative, par les équipements sportifs, par l'école,
05:23par la salle multiactivité pour faire de l'animation culturelle.
05:28Alors, on a parlé de la salle polyvalente, de la culture.
05:32Si on allait la voir, on y va.
05:34Allez, c'est parti.
05:36Aller vers la salle polyvalente.
05:43Il faut que vous imaginez que la terre, le mur de là-bas était juste ici.
05:48Il avait trois mètres de haut et tout ça était rempli de terre.
05:51Ce projet n'aurait jamais pu être réalisé sans l'apport très conséquent
05:57de l'ensemble des bénévoles qui ont permis sa réalisation.
06:00Il y a eu des journées où nous étions une trentaine.
06:03Quand on a fait le gros œuvre, la maçonnerie, quand on a fait le ferraillage,
06:07quand on a construit le mur en moellon à bancher,
06:11quand on a apporté les pierres derrière,
06:13quand on a fait le terrassement avec les tracteurs de la Cuma, les bennes de la Cuma,
06:18nous avons pu extraire 2000 m3 de terre en trois jours.
06:22Ce projet globalement aurait dû coûter 800 000 euros.
06:27Grâce aux bénévoles et après déduction faite des aides publiques que nous avons pu obtenir,
06:33le reste à charge pour la commune s'élève à 200 000 euros.
06:37C'est-à-dire un crédit de 200 000 euros qui nous permet de disposer d'un espace de 300 m2
06:43pour pouvoir accueillir au minimum 300 personnes.
06:46Mais quand vous dites les bénévoles, c'est qui ? C'est les habitants ?
06:49C'est des élus, c'est des responsables associatifs, plusieurs associations.
06:56Nous avons des élus qui ont été présents tous les jours pendant 18 mois sur ce projet.
07:05Nous avons une coopérative d'utilisation de matériel agricole
07:09qui a fourni des tracteurs et des remorques pour exporter le terrain.
07:15Nous avons des artisans qui ont apporté leur savoir-faire pour faire la couverture.
07:21Nous avons des anciens maçons qui sont venus construire des murs.
07:26L'ensemble des corps de métier nécessaires à la construction ont été présents
07:32par des gens qui soit étaient à la retraite, soit n'étaient pas à la retraite
07:36et ont pris du temps sur leur temps de travail pour venir apporter,
07:40donner la main comme on dit.
07:42Donner la main, ça veut bien dire ce que ça veut dire.
07:44Ça veut dire partager ce projet parce que chacun y apporte sa pierre.
07:50Ici, on est en train de faire des travaux.
07:51C'est la communauté pour une maison pour assistantes maternelles.
07:54Il va y avoir deux assistantes maternelles qui vont pouvoir garder huit enfants.
07:58Là, c'est un boulanger qui est basé à Morse.
08:01C'est la maison Cruzel. Elle est là.
08:04Maison Cruzel et fils.
08:05Ils ont une boulangerie dans l'Aveyron, une boulangerie dans le Lot,
08:08une boulangerie à Morse.
08:09Ils ont décidé de faire un point de vente à par là.
08:11On en est très heureux. Le service est rendu.
08:13Et l'espace tertiaire dont on parle, c'est ici.
08:15Donc on a trois familles et deux commerces.
08:19Du coup, la commune se rémunère par la location.
08:22Voilà, la location des commerces est une location assez modique de 300 euros par mois.
08:29Deux fois 300 euros fois 12 permettent de payer l'emprunt qui a financé le reste à charge.
08:34Déduction faite des aides publiques.
08:36D'accord.
08:37Avec tout ça, vous êtes une commune endettée.
08:40Oui, mais c'est une dette qui rapporte.
08:42D'accord.
08:43En face de chaque investissement, il y a une recette qui couvre l'amortissement du prêt.
08:48D'accord.
08:49Sauf pour l'école.
08:50Mais là, c'est normal.
08:51Parce que l'école, c'est un autre enjeu.
08:54Alors, justement, avec tous ces nouveaux habitants.
08:57Donc, il y a des nouveaux habitants qui sont arrivés, qui ne sont pas forcément issus de la commune.
09:01Comment ça se passe l'entente ?
09:02Parce qu'ils ne sont pas forcément habitués au monde rural.
09:05Ils attendent peut-être des choses.
09:06Comment ça se passe ?
09:07Le point de vie commune à tous, c'est par l'année et c'est par la naise.
09:15C'est l'école.
09:17Puisque les nouveaux habitants sont, en principe, des primo-accédants.
09:21Quand on est primo-accédant, on est plutôt jeune.
09:24Si on est plutôt jeune, on a peut-être des enfants ou on espère en avoir.
09:27Et donc, le point de rencontre, c'est l'école.
09:29Donc, l'association des parents d'élèves est un lieu où se fabrique du lien social.
09:38L'école produit du lien social.
09:40La cantine, le réfectoire, la garderie et bientôt une maison pour assistantes maternelles
09:45produisent du lien social dans des endroits qui sont utiles pour l'ensemble de ces personnes.
09:53Et donc, les choses se passent naturellement.
09:55Les gens qui font le choix de venir ici découvrent la manière de vivre ici,
10:01apportent leur pierre à l'édifice et s'inscrivent dans une logique
10:08où le bien-vivre-ensemble est une bonne règle de vie.
10:12Si cette population vient chez nous et ne fait qu'habiter chez nous,
10:17c'est-à-dire si elle ne consomme le territoire que comme un territoire où la commune devient un dortoir,
10:24ce n'est pas du tout le schéma que nous portons et que nous défendons.
10:29Ce que nous voulons, c'est au contraire que des gens s'investissent sur le territoire,
10:33qu'ils bénéficient de l'ensemble des services comparativement à d'autres lieux de vie
10:37qui sont plus urbains et moins ruraux, mais qui participent à la vie associative.
10:42S'il n'y a pas cet état d'esprit, s'il n'y a pas cet engagement partagé,
10:46c'est compliqué quand même d'offrir des équipements qui ne seraient pas utilisés.
10:50Alors, au final, la dynamique rurale, ça existe quand même ?
10:56Moi, je suis persuadé qu'il n'y a pas de territoire sans avenir, il n'y a que des territoires sans projet.
11:02Saint-Exupéry disait, si vous voulez faire battre les hommes, lancez-leur du riz.
11:07Si vous voulez les rassembler, faites-leur construire des cathédrales à méditer.