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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Jacques-Antoine nous fournit aujourd'hui le récit hors du commun d'un crime également hors du commun.
00:18La police criminelle de Basse-Saxe en Allemagne qui l'a contacté estime à juste titre que ce cas d'assassinat par son mode d'exécution est unique jusqu'à ce jour dans les annales du crime.
00:29De plus, la conduite de la victime paraît tellement illogique et incompréhensible qu'il semble difficile aux psychologues de l'expliquer.
00:38C'est donc bien un dossier extraordinaire.
00:59Le samedi 22 avril 1961, un employé de chemin de fer téléphone à la police pour lui dire qu'un cadavre de femme mutilée gît sur la voie Hanovre-Hameln, non loin de la forêt de Barnum.
01:17C'est un machiniste qui est passé avec un omnibus près de cet endroit qui le lui a appris.
01:23Il est 6h20 du matin.
01:26La police constate qu'à l'endroit indiqué à un pont routier en jambe la double voie.
01:33Ce pont est bordé par deux parapets de fer.
01:36Le haut des parapets est à 7 mètres du sol.
01:41À la verticale de la partie nord du pont est étendu sur le ventre un cadavre de femme.
01:49Il se trouve entre les deux rails dans le sens de la longueur, sur les traverses, de façon qu'il ne peut plus être touché ou mutilé davantage par les trains qui passent.
02:01Le cadavre est habillé d'une veste, d'une blouse, d'un porte-jartel, d'un soutien-gorge et de bains en perlon.
02:11On relève de grosses tâches de boue et de terre sur la manche et l'épaule gauche.
02:16La jupe est relevée et sa fermeture éclaire arrachée.
02:19Sur la jupe, il y a des ébrures de tâches d'huile.
02:25Une jambe a été arrachée de la cuisse, sans nul doute par le premier train à la hauteur du genou, et ne tient plus que par un peu de peau.
02:34Le dessous des bas est plein de boue, dont on n'explique pas l'origine sur le moment.
02:41Au côté droit de la voie, un petit sentier de cinquante centimètres de large suit le ballast.
02:48On y trouve deux chaussures de femme et un sac à main à bandoulière.
02:54Celui-ci est ouvert et renferme un billet de 20 Deutschmarks dans un portefeuille, de la monnaie dans le porte-monnaie, des mouchoirs de papier, une capuche contre la pluie, deux foulards, une crème de toilette et une carte d'identité au nom de Edwige Schönfeld, âgée de 26 ans et habitant à Nove.
03:17Sur la barre supérieure du parapet, côté nord, on relève des fibres de tissu.
03:23Au milieu du pont, sur le tablier d'asphalte et sur la pierre de la tête du pont, des traces de traînage sont visibles dans la direction est-ouest.
03:36Le policier qui se trouve chargé de l'affaire est un homme de 35 ans. Nous ne connaissons pas son nom, mais nous avons sa photo. Voyons comment le décrire.
03:47Imaginez le comédien Pierre Vanek, blond, yeux bleus, vêtu de l'imperméable chair à la police allemande de toutes les époques, à toutes les polices du monde d'ailleurs.
04:03Le policier regarde s'en aller sur une civière, le cadavre qui balote lentement au pas des deux infirmiers qui suivent le bas-côté du ballast.
04:13Bien que nous soyons au printemps, c'est le décor du crime, sinistre à souhait. Quatre rails luisants qui viennent de n'importe où pour aller n'importe où.
04:26Le tablier métallique et sans grâce du pont, sur ces deux piliers massifs, le garde-fou grêle, des poteaux télégraphiques, la nature qui semble se réduire à quelques touffes d'herbes pelées, cette herbe qui, loin d'évoquer la tendresse du printemps, fait plutôt penser à une maladie de la terre.
04:50Même s'il a une idée, une impression, le policier en face d'un cadavre doit formuler mentalement les trois questions suivantes. S'agit-il d'un assassinat, d'un accident ou d'un suicide ?
05:04Formulant ainsi clairement la question, il doit y faire une réponse claire et il s'aperçoit alors généralement qu'une réponse claire et définitive est impossible. C'est le cas.
05:14En effet, le policier a l'impression qu'il s'agit d'un assassinat déguisé en suicide. Mais en relisant le constat, il s'aperçoit que rien ne le prouve.
05:24Évidemment, ça va encore être une histoire sordide, se dit le policier, qui, je vous le rappelle, ressemble à Pierre Vanek. L'autopsie du cadavre et des semaines d'enquête qui ne répareront pas l'irréparable.
05:37Là-dessus, il referme son petit carnet, monte sur le pont métallique pour rejoindre la voiture de la police et se rend avec un collègue à l'adresse de la victime, Edwige Schoenfeld.
05:49Une maison bourgeoise de Hanovre, des boîtes aux lettres, sur l'une d'elles, deux noms, dont celui de la victime. Elle n'y habite donc pas seule.
06:00Quelques instants plus tard, Peter sonne à la porte. Au moment où elle s'ouvre, il est rejoint par son collègue qui vient de garer la voiture. Une femme parée, environ soixante-cinq ans, grande, bien qu'un peu voûtée, deux grands yeux noirs, tout neuf, dans un visage très vieux.
06:19Elle regarde les deux policiers en imperméable.
06:23« Vous désirez ? »
06:25« Mademoiselle Edwige Schoenfeld, c'est ici ? »
06:29« Elle n'est pas là, messieurs. »
06:31« Qu'est-ce que vous lui voulez ? »
06:33« Nous sommes la police. Nous voudrions quelques renseignements à son sujet. »
06:40La femme qui se forçait à sourire semble se décomposer brusquement.
06:45« Ah, c'est ça, » dit-elle.
06:48« Entrez, messieurs. »
06:51Tandis qu'elle les introduit dans une petite salle de séjour coquette et modeste, le policier l'entend pleurer.
06:57« Asseyez-vous, » dit la vieille dame.
07:00Par une autre porte entre un vieillard.
07:03« Voici mon mari. »
07:05Puis, sortant son mouchoir pour essuyer ses yeux, elle lui explique.
07:11« Ces messieurs viennent demander des renseignements sur Edwige. »
07:16Le vieillard lève les bras au ciel et se tait, laissant sa femme parler.
07:22« Car vous allez voir, chers amis, elle va parler, parler, parler.
07:28Pendant qu'elle va parler, les yeux de notre Pierre Van Eyck policier vont s'arrondir de plus en plus,
07:34non seulement à cause de ce qu'elle va raconter, mais aussi parce qu'elle le raconte.
07:41Je crois que vous ne pourrez comprendre les réactions de notre policier qu'en écoutant le récit extraordinaire de la vieille dame.
07:48Ce récit, elle va le faire presque d'une traite, sans que son mari n'y ajoute ou n'y retire un mot
07:55et sans que les policiers ne lui aient rien dit d'autre que ce que je vous ai déjà fidèlement rapporté.
08:02Voici ce que dit la vieille dame.
08:06Edwige habite chez nous depuis quatre ans et les relations entre elle et nous sont très bonnes.
08:13Je dirais même familiales. D'ailleurs, elle nous appelle père et mère.
08:18Hein, Gustave ? Oui, dit le vieillard.
08:22Dès qu'elle est entrée chez nous, nous avons compris qu'il s'agissait d'une pauvre fille vivant seule, sans aucune attache familiale.
08:29Elle nous a fait de la peine. Hein, Gustave ? Oui, dit le vieillard.
08:36Nous avons voulu qu'elle soit chez elle ici. Elle a toujours été très gentille avec nous, pleine de prévenance.
08:41Elle n'avait jamais aucune exigence.
08:44Hein, Gustave ? Oui, dit le vieillard.
08:51Il faut dire, messieurs, que la pauvre enfant...
08:55Excusez-moi.
08:57La vieille femme enfourne un mouchoir trempé de pleurs dans sa poche.
09:01En sort un autre, bien blanc, bien plié.
09:07Je disais que la pauvre enfant a sa mère depuis deux ans dans un asile d'aliénés
09:12et n'a plus aucun contact ni avec son père ni avec le deuxième mari de sa mère depuis des années.
09:18Elle est ouvrière dans une usine métallurgique. Mon mari a eu l'occasion de rencontrer son contremaître,
09:23qui lui a dit qu'il estimait beaucoup Edwige et qu'elle avait une très bonne réputation dans l'usine.
09:28N'est-ce pas, Gustave ? Oui, dit Gustave.
09:32En avril ou en mai 1960, je ne me rappelle plus,
09:37l'usine l'a envoyée dans une station thermale pour y faire une cure.
09:41C'est là qu'elle a connu une jeune fille qui habite un petit village près de Hanover.
09:46En rentrant de sa cure, elle rencontrait parfois, à peu près toutes les semaines, cette nouvelle amie.
09:51C'est avec elle qu'elle a connu des jeunes gens.
09:55C'est normal à son âge, n'est-ce pas, messieurs ?
09:58Il faut bien qu'elle prenne dans la vie ce qu'il peut y avoir de bon
10:01et elle n'en prendra jamais de trop, vous savez, car elle a beaucoup à rattraper.
10:07D'ailleurs, elle m'a raconté tout.
10:09Je dois vous dire qu'elle n'a jamais reçu d'hommes dans notre appartement, n'est-ce pas, Gustave ?
10:15Le vieil homme n'a même pas le temps de répondre oui que sa femme sanglotant en chaîne.
10:20Il y a quelques semaines déjà, Edwige se plaignait de douleurs dans le dos et le bas-ventre.
10:25Hier matin, elle m'a demandé de venir dans sa chambre. J'entre.
10:29Elle était encore couchée.
10:31On ne voyait que sa pauvre petite frimousse qui dépassait du drap avec deux larmes qui coulaient.
10:37Elle m'a dit « Maman, il faut que je me confesse. Je suis enceinte. »
10:46J'étais tellement surprise que je lui demandais tout de suite qui était cet homme.
10:51Elle m'a répondu qu'il s'agissait d'un jeune homme qui lui a dit être âgé de vingt-quatre ans
10:55et qui est fiancé avec une autre fille.
10:58Je lui ai demandé si elle avait prévenu ce jeune homme. Oui.
11:02Elle l'avait averti, mais le jeune homme lui avait déclaré qu'il avait l'intention de partir pour l'Allemagne de l'Est.
11:08« Qu'est-ce que tu peux faire dans ces conditions ? » a-t-il dit.
11:11Edwige lui a répondu qu'il pouvait partir, bien entendu, mais qu'il fallait qu'il l'aide en lui donnant un peu d'argent,
11:17au moins pour l'accouchement, car elle avait l'intention de garder et d'élever son enfant.
11:22Edwige m'a dit qu'elle était au quatrième mois et qu'elle avait consulté un médecin qui lui avait donné un certificat de grossesse.
11:31Pendant que la brave femme, toujours sanglotant, se mouche,
11:36le policier, qui ressemble toujours à Pierre Van Eyck, se dit « C'est pas possible.
11:41D'habitude, rien que pour avoir les renseignements qu'elle est en train de me donner, il faut interroger vingt-cinq témoins,
11:46troubler la vie d'un tas de gens, remuer la boue, faire trois cents kilomètres à pied, envoyer des tas de convocations,
11:52donner des tas de coups de téléphone, poser pendant des heures d'insidieuses questions.
11:56Et là, là, assis sur le rebord de mon petit fauteuil, je n'ai qu'à écouter cette vieille femme.
12:03Si ça continue, elle va me raconter le crime. »
12:09Or, chers amis, justement ce que le policier se dit à lui-même comme une boutade,
12:18c'est bel et bien ce qui va se produire.
12:22La vieille dame va, en effet, lui raconter le crime.
12:34Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast européen.
12:38« Je vous rappelle, chers amis, qu'un policier allemand, qui ressemble à Pierre Van Eyck,
12:43venu chez un couple de vieillards de Hanovre pour avoir quelques renseignements sur une jeune fille
12:48quand on vient de trouver le cadavre sur la voie ferrée, écoute le récit que lui fait la vieille dame en pleurant.
12:53Notez bien que la vieille femme ne sait toujours pas que la jeune fille est morte et pourtant,
12:58elle va raconter le crime. Mais, vous allez comprendre en l'écoutant.
13:04Ayant remis son mouchoir dans sa poche, redressé la tête, pris une grande respiration,
13:08en même temps sans doute que la résolution d'être digne et de ne plus pleurer,
13:12elle poursuit son monologue.
13:15« Ce matin-là, Edwige m'a aussi raconté qu'après lui avoir dit qu'elle était un sainte,
13:23elle était allée avec le jeune homme se promener en voiture
13:28et qu'il s'était arrêté près d'un pont de chemin de fer.
13:32Un pont de chemin de fer.
13:34Il est utile de vous dire, chers amis, qu'à ce moment du récit, le policier sursaute.
13:38« Quel pont, s'il vous plaît, madame ?
13:40Elle m'a dit que c'était un pont près de...
13:43près de Bornhomme, je crois.
13:46Le policier ne dit rien mais n'en pense pas moins car il s'agit du pont
13:51où on a retrouvé le cadavre de la jeune fille.
13:55« Alors là, messieurs, c'est incroyable, reprend la vieille dame.
13:58Moi, je vous raconte ce qu'elle m'a dit.
14:01Figurez-vous que pendant qu'ils étaient installés sur un banc,
14:07le jeune homme lui a pincé le nez pour l'empêcher de respirer.
14:14« Pourquoi tu fais ça ? lui a-t-elle demandé.
14:17Et il a répondu,
14:20« Pour savoir combien de temps tu pourrais tenir.
14:23Et attendez, messieurs, ce n'est pas tout.
14:26La voix de la vieille dame s'enroule à nouveau.
14:29Il paraît qu'ils ont été sur le pont pour s'appuyer sur le parapet.
14:34Il a regardé passer les trains.
14:36Et tout d'un coup, le jeune homme s'est baissé, saisissant la jambe d'Edwige,
14:41il l'a levée brusquement pour lui faire perdre l'équilibre
14:43et la précipiter du haut du pont, par-dessus le parapet.
14:46Il n'y est pas arrivé parce qu'elle se cramponnait de toutes ses forces.
14:50Alors il a recommencé une autre fois son manège,
14:53mais en même temps, il a réussi à lui arracher les mains du parapet
14:56et il l'a culbuté par-dessus.
15:00Le policier, mettez-vous à sa place, chers amis,
15:02n'en croit pas ses oreilles.
15:04Cette femme est en train de lui raconter le crime.
15:07Pourtant, elle ne l'a pas vu.
15:09Et la jeune fille est morte.
15:10Et elle ne le sait pas qu'elle est morte.
15:13C'est évidemment le rêve de tout policier que de voir un témoin lui raconter le crime,
15:17dans tous ses détails, une heure après la découverte du cadavre.
15:20Mais dans ces circonstances-là, le rêve tourne facilement au cauchemar,
15:24car c'est totalement inexplicable.
15:27— Excusez-moi, dit le policier, mais...
15:30Comment, madame, savez-vous tout ça ?
15:34— Mais...
15:36C'est elle qui me l'a raconté, dit la vieille dame.
15:40— Ah bon ?
15:41dit le policier abasourdi.
15:44Continuez, je vous en prie.
15:47Bien, la pauvre Edwige, en passant par-dessus le parapet,
15:50lorsqu'elle se trouve au-dessus du vide,
15:53dans un dernier sursaut de volonté, a réussi à s'accrocher après une barre de fer.
15:57Il paraît que le pont est très sale et qu'elle était déjà toute noire dessus.
16:02Le policier revoit dans sa tête l'image du pont.
16:04Il voit en effet le tablier métallique, les deux grosses poutrelles qui le supportent.
16:09Il imagine très bien que la jeune fille ait pu effectivement s'y accrocher.
16:13Il paraît, poursuit la vieille dame, que...
16:15le jeune homme se penchait sous le parapet pour essayer de lui arracher les mains,
16:18mais c'était trop bas, il atteignait à peine et...
16:21quand il lui arrachait une main, elle s'accrochait avec une autre.
16:24Alors, quand il a compris qu'il n'y arriverait jamais,
16:27il a couru pour contourner le pont et essayer de l'attraper depuis un pilier.
16:32— Moi, je ne connais pas ce pont, messieurs, mais...
16:34je ne sais pas bien vous expliquer.
16:36— Si, si, si, dit le policier qui imagine parfaitement la scène,
16:39sur ce fameux pont où il était lié encore une heure.
16:43C'est très, très clair.
16:45Continuez.
16:47Bien pendant qu'il descendait sur un des piliers,
16:49Edwige a réussi à ré-enjamber le parapet et à passer par-dessus le pont.
16:55— Alors ? demande le policier.
16:58— Bien alors, messieurs, c'est là où c'est totalement incompréhensible.
17:03Ils sont remontés tous les deux dans la voiture...
17:06et le jeune homme l'a reconduite ici.
17:11— Ici ?
17:13— Oui.
17:14— N'est-ce pas, Gustave ?
17:18— Alors, c'est elle, c'est Edwige qui vous a raconté tout ça ?
17:23— Oui.
17:26— Hier ?
17:28— Oui, hier matin, lorsqu'elle m'a avoué qu'elle était enceinte.
17:31— Elle m'a avoué qu'elle était enceinte ?
17:35— Et depuis ?
17:37— Depuis, elle n'est pas là.
17:40Hier à midi, elle a quitté la maison pour aller travailler comme tous les jours.
17:44Elle nous a dit...
17:46— Au revoir, mes deux chéris.
17:50On ne l'a pas revue.
17:53Elle n'est pas entrée dans sa chambre.
17:56Quand vous êtes arrivés, mon mari allait mettre son manteau pour aller à la police, déclarer sa disparition.
18:04— C'est tout ce que vous pouvez me dire, demande le policier.
18:08En effet.
18:10C'est tout ce que la vieille dame peut dire, mais ce n'est pas la fin de l'histoire, bien sûr.
18:16Ainsi donc, lorsque notre policier voit la vieille dame se lever pour aller chercher un troisième mouchoir,
18:23il a l'impression de vivre un instant tout à fait exceptionnel dans la vie d'un policier.
18:27En effet, il n'est pas exagéré de dire qu'il est extrêmement rare dans la criminologie que le premier témoignage
18:32fournisse d'une façon aussi claire, aussi complète, aussi directe,
18:36la solution d'un crime que l'assassin a pris la précaution de déguiser en suicide.
18:41Mais aussi, peut-on imaginer un assassin qui procède en quelque sorte à la répétition de son meurtre
18:49jusqu'au moment ultime de l'accomplissement et qui l'exécute réellement deux jours après,
18:54sur la même victime, au même endroit, et en passant probablement par les mêmes étapes ?
19:00A-t-on jamais vu le cas, dans aucune police au monde, d'une personne qui, la veille de sa mort,
19:04a fourni à un tiers les détails exacts de son assassinat, l'endroit où il se produirait ?
19:12Évidemment, le policier passe un mauvais moment lorsqu'il doit annoncer aux deux vieillards que la jeune fille est morte,
19:16qu'il vient de voir son cadavre partir à l'institut médico-légal.
19:21Il demande à voir sa chambre, qu'il est inutile de décrire, c'est la chambre banale d'une jeune fille seule.
19:28La vieille dame lui montre des barres d'Edwige, pleines de la suie du pont.
19:33En fouillant dans son courrier, il n'a aucune peine à trouver l'adresse de la jeune amie d'Edwige et son numéro de téléphone.
19:39Il l'appelle aussitôt pour lui demander si elle connaît le jeune homme que fréquentait Edwige.
19:42Oui, elle le connaît, il s'appelle Eric Sievert.
19:46On le trouvera facilement, il habite un village voisin, conduit une Volkswagen rouge, elle connaît même le nom et l'adresse de sa fiancée.
19:53Le policier part en coup de vent chez le jeune homme, celui-ci n'étant pas chez lui, c'est chez sa fiancée qu'il le trouve en train de bêcher le jardin.
20:02Sa fiancée est avec lui.
20:04Évidemment, l'ahurissement du jeune homme en voyant s'avancer vers lui à travers le potager les deux hommes en imperméable est facile à imaginer.
20:11Il n'y a pas deux heures que le cadavre d'Edwige a été découvert.
20:15Il est tellement pris le cours qu'il ne propose aucun alibi et reconnaît avoir passé la soirée d'hier avec Edwige.
20:22Et lorsque notre Pierre Vanek, policier, le conduit sur le pont et lui fait, sur les lieux même, le récit de la répétition de son crime, le jeune homme, totalement désemparé, passe aux aveux que voici.
20:35Vers minuit, le jeune homme a conduit Edwige avec sa voiture, la Volkswagen rouge, dans la direction du pont de Chemin de Fer.
20:44À deux cents mètres du pont, ils se sont arrêtés sur le bord de la route.
20:48Il a profité une dernière fois de la jeune fille sur les sièges arrière de la Volkswagen.
20:53Ensuite, tous les deux ont repris place sur le siège avant.
20:57Il n'y avait pas de lumière dans la voiture.
20:59C'est alors qu'ils se sont disputés à propos de la grossesse d'Edwige.
21:02Au cours de la dispute, en passant sa main droite derrière son cou et sa main gauche sous le menton, le jeune homme a étranglé la jeune fille.
21:11Edwige ne s'est presque pas défendu et comme elle râlait encore, il la serrait bien fort, plus fort.
21:18Enfin, elle a glissé en avant et sa tête reposait sur le dossier. Elle était morte.
21:25Il a roulé alors vers le pont, arrêté sa voiture le long du parapet, en observant les voies de Chemin de Fer.
21:31Une seule lampe éclairait faiblement le pont.
21:34Ouvrant la portière droite, il a sorti Edwige, l'a posée en équilibre sur le parapet du pont, les pieds en avant pour la jeter en bas.
21:41Puis, lorsqu'il a vu le sac à main de sa victime sur le siège arrière de sa voiture, comme elle lui devait trente Deutschmarks, il s'est remboursé dans son portefeuille.
21:49Puis, il a lancé le sac et les deux souliers en bas du pont, ne regardant pas où il tombait ni où tombait le cadavre d'Edwige.
21:57Pendant l'arrêt sur le pont, il a laissé le moteur de la voiture en marche, il n'a pas vu passer le train qui a coupé la jambe de la jeune fille, après quoi le jeune homme est remonté dans sa voiture pour rentrer chez lui.
22:08À ce stade, on se pose tous une question.
22:12Comment Edwige, qui, quarante-huit heures plus tôt, avait déjà failli être tué par Eric, accepta de retourner avec lui dans sa voiture auprès du sinistre pont ?
22:29Une seule explication paraît plausible, et encore.
22:33Enceinte d'Eric, et sachant qu'elle ne pourrait pas vivre avec lui, elle préféra peut-être mourir de ses mains.
22:49Fin 1961, Eric Sievert était condamné pour assassinat aux travaux forcés à vie par les Assises de Hannover.
23:03En 1982, il a été décédé et il a été réélu.
23:10En 1985, il a été décédé.
23:14En 1986, il a été réélu.
23:18En 1998, il a été décédé.
23:23En 1997, il a été réélu.
23:28Réalisation et composition musicale, Julien Tharaud.
23:32Production, Raphaël Mariat.
23:35Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
23:40Remerciements à Roselyne Bellemare.
23:43Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
23:48Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.