Éric de Riedmatten reçoit un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique…
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00:00On reçoit avant Noël un grand chocolatier, je devrais dire artiste et sculpteur Patrick
00:05Roger.
00:06Merci d'être avec nous.
00:07Vous venez nous parler de vos créations bien sûr, mais aussi de l'aspect économique
00:11parce qu'on voit que les fèves de cacao, le cacao va coûter et coûte de plus en plus
00:15cher.
00:16C'est un souci économique pour vous à cette époque ?
00:19Alors effectivement ça augmente, mais c'est un peu normal aussi parce que tout simplement
00:24on n'a jamais payé les paysans correctement, que ce soit le cacao, mais c'est la même
00:28chose en France.
00:29On n'a jamais voulu payer le lait au bon prix, donc il ne faut pas trop se plaindre
00:33non plus.
00:34C'est une certaine limite bien sûr.
00:36Vous voulez dire que ça a été bradé pendant des années, que maintenant il y a un rattrapage
00:39c'est ça ?
00:40Ça se rattrape, c'est qu'à la fois les réseaux sociaux font que dans le monde on
00:44sait exactement que vaut chaque matière.
00:47On ne peut pas continuer à vendre une baguette à 1,10€, on ne pourra pas continuer comme
00:52ça.
00:53Si on prend le cas du boulanger, c'est quelque chose qui est impossible.
00:55Je trouve que la matière première, l'énergie n'est pas assez chère aussi.
00:59Un mètre cube d'eau, ça vaut quoi ?
01:01Pourtant l'électricité, tout le monde s'est plaint de son prix qui a flambé.
01:05Oui bien sûr.
01:06On a vu ça pendant la crise.
01:07Donc on doit vraiment travailler aussi sur ce phénomène, mais ce n'est pas l'énergie
01:11qui était vraiment le problème dans notre cas, c'est vraiment plutôt le travail,
01:16comment on fait travailler les gens.
01:17Ça c'est ce qu'il y a de plus difficile.
01:18Là vous appuyez sur ce bouton qui fait mal.
01:20En France vous dites on ne travaille pas suffisamment ?
01:23On a un pays extraordinaire, on l'a vu pendant les Jeux Olympiques, mais après on est vraiment
01:27des branleurs.
01:28On ne fout rien, et puis ça va taper sévèrement, c'est évident, je vois bien au niveau de
01:33la clientèle.
01:34On a perdu beaucoup de Parisiens, le télétravail c'est une vraie galère, c'est impossible.
01:39Et puis vous avez évidemment le chômage qui me paraît complètement… c'est dingue.
01:43Toutes les entreprises comme nous, on a besoin de monde.
01:46Vous voyez bien que le bâtiment, il n'y a plus personne dans le bâtiment.
01:50Et vous vous adressez quand même à une clientèle haute gamme, Patrick Roger ?
01:53Oui bien sûr, mais le phénomène ce n'est pas très dur.
01:56On est passé à 80% de clients étrangers, Emirats, les Emirats arabes beaucoup, et puis l'Asie.
02:02Et les Français non, ils viennent moins ?
02:03Tout simplement, et Paris aussi est très complexe, donc c'est une multitude de choses
02:09qui font que c'est de plus en plus difficile.
02:11C'est qu'on a moins de Parisiens, et ça c'est un vrai sujet.
02:15Ça c'est Mme Hidalgo qui a fait fuir tout le monde, mais on peut dire que c'est quand
02:18même un point qui est important.
02:19Vous souffrez pour la partie commerciale, mais aussi pour la partie production.
02:22Ça veut dire que plus ça y est, plus le chocolat coûtera cher ?
02:25Oui, on a tendance à dire que ça va devenir du luxe, et pour moi, bien manger, c'était
02:30juste normal.
02:31Mais c'est normal, je viens d'un petit village dans la campagne, dans le Perche.
02:35Mes parents vivaient, ma mère avec 300 euros à la retraite, et 600 mon père, donc comme
02:40boulanger, ils ont travaillé toute leur vie, et on vivait avec rien.
02:44Et aujourd'hui, que l'on soit à la campagne ou à Paris, on veut tous vivre de la même
02:48façon, avoir les mêmes médecins, tout change, c'est en train de changer de vitesse.
02:53Personne ne le voit franchement, mais ce qui est très bien, c'est que moi j'ai 400 fournisseurs.
02:58Donc on a une vision du monde qui est très très forte.
03:01Jamais j'aurais pensé déjà arriver ici, un jour avec vous par exemple, et c'est ça
03:05qui fait qu'on a cette culture de l'économie, de la géopolitique aussi.
03:11Dans votre secteur, le chocolat, vous êtes plus que le chocolat, vous êtes vous sculpteur,
03:15vous êtes un créatif.
03:17Là c'est une valeur ajoutée considérable.
03:19Oui, mais c'est surtout que je n'ai pas d'associés et pas de financiers, donc c'est 12 ou 14%
03:24que vous devez donner en rémunération à des partenaires financiers.
03:28Par exemple, moi je ne les ai pas, ça fait 40 ans que je travaille, 40 ans où je fais
03:32comme je veux surtout, c'est cette envie et le plaisir qui est le plus important.
03:36Ce que j'aimerais au lieu de payer 900 000 euros d'URSSAF, si je payais 200 ou 300 000
03:41euros pour mes deux gamines, c'est de redonner 10 000 euros à chacun de mes employés, et
03:46puis après chacun donne aussi sa part directement.
03:49Et derrière, vous avez une marque qui vaut quelque chose, vous pourrez la revendre un jour ?
03:52Est-ce que ça vaut beaucoup ? Est-ce que ça vaut tout ? Regardez Robuchon, c'était
03:56fantastique, et comment la marque derrière, elle peut persister une fois que le créateur
04:01est décédé, ou Alaya par exemple, mais après il y a un groupe qui est énorme derrière.
04:05Vous exportez quand même ?
04:06Un tout petit peu, le Japon, et ça c'est une grande question, si demain on continue,
04:12qu'est-ce que je fais ? La question, tout le monde me dit, moi je serai toi, j'arrêterai,
04:16mais je ne sais pas faire autre chose que de travailler de toute façon, peut-être
04:20que le Japon c'est une bonne solution, car on a encore la civilisation, même si aujourd'hui
04:25ils ont un coup de frein aussi sur le travail.
04:27Vous êtes un créatif, je le disais, comment vous trouvez l'inspiration ? Chaque année
04:30vous trouvez des thèmes ? Vous trouvez des thèmes pour Noël, parlez-nous de Noël qui
04:34arrive.
04:35Noël cette année, on fait un sapin, c'est un chambouletou, clairement avec des boîtes
04:40de conserve, et puis de là, ça naît tout simplement sur une idée de boîte de petits
04:45pois.
04:46Quand j'étais gamin, apprenti, j'avais 60 centimes pour manger le samedi, et je refais
04:52le magasin de Victor Hugo, et l'idée vient simplement comme ça, j'ai une espèce de
04:57flash, et de là va naître les 10 ans à venir.
05:02J'ai une centaine de nouveaux produits, chocolat dans l'année, environ 200 sculptures, l'architecture
05:08aussi.
05:09Ma chance c'est de croiser des gens comme Jean-Michel Villeneuve par exemple, et beaucoup
05:13de grands, et ça c'est incroyable.
05:16Et tout le monde adore vos chocolats, vous les goûtez vous-même, vous en mangez pas
05:19mal ?
05:20Oui je mange beaucoup, je mange environ 500-600 grammes par jour, un peu plus même, plutôt
05:24200 kilos dans l'année, je me fais engueuler par ma fille parce que le foie c'est solide,
05:29et après je bois pas du tout, j'ai une vie qui est très rigide.
05:34Donc 600 grammes ça fait quoi, 4 tablettes par jour ?
05:36Déjà le matin plutôt 5-6, et puis un peu l'après-midi et pas mal le soir.
05:41Merci Patrick Grosty d'être venu nous voir, et puis bonne chance, et puis on garde espoir
05:45que ce soit une optimiste, c'est ce qu'il faut quand même.
05:47On a le plus beau pays du monde.
05:48Exactement, et le meilleur chocolat, c'est de le dire, grâce à vous.
05:51Merci d'être venu sur CNews.