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Robert Calcagno, directeur général de l'Institut océanographique de Monaco, est l'invité de L'Interview à la une

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00:00Bonjour à tous, bienvenue dans l'interview à la une, l'émission vidéo de la rédaction
00:15de Nice Matin.
00:16Notre invité aujourd'hui, Robert Calcagno, directeur général de l'Institut Océanographique
00:22de Monaco.
00:23Bonjour Robert Calcagno.
00:24Bonjour Denis Carreau.
00:25Alors Robert Calcagno, vous avez dirigé la rédaction d'un livre paru il y a quelques
00:29jours chez Flammarion, Plaidoyer pour l'Antarctique, en quoi consiste ce plaidoyer ?
00:34Écoutez, même si l'Antarctique est loin de nos yeux, elle ne doit pas être éloignée
00:39de notre cœur parce qu'elle importe surtout le fonctionnement de l'océan et donc de
00:44la planète Terre.
00:45Et aujourd'hui, le positionnement de ce livre est un positionnement original puisqu'il
00:51associe des scientifiques mais des chefs d'entreprise.
00:55Et ça c'est, je crois, la première fois que ça se fait.
00:57Il y a eu de nombreuses prises de positions, d'associations de scientifiques mais associer
01:04le secteur privé, mettre en quelque sorte en discussion, pour tout dire quelquefois
01:09en confrontation, les protecteurs de l'environnement et ceux qui essayent de faire marcher le développement
01:16économique, c'était une première et c'est une première qui a bien marché et c'est
01:21un peu le fruit de cette rencontre qui est devenue le livre Plaidoyer sur l'Antarctique.
01:27Alors, on va revenir sur cette rencontre mais une question pour bien comprendre l'enjeu,
01:32en quoi l'Antarctique est-il indispensable à la survie de notre planète ?
01:37Alors, effectivement, pendant longtemps, l'Antarctique était très loin et en quelque
01:42sorte était protégée par l'océan Austral, ce grand océan tout autour de l'Antarctique,
01:47les cinquantièmes rugissants, les soixantièmes hurlants et l'Antarctique, on le pensait
01:53protégée, protégée des pollutions, voire même protégée d'une certaine manière
01:58du changement climatique, on voyait que la température de l'Antarctique n'évoluait
02:03pas trop, scientifiques se questionnaient.
02:06Depuis une dizaine d'années, on voit que les pollutions arrivent en Antarctique, lorsque
02:12nous y avons été au mois de janvier, on craignait de rencontrer la grippe aviaire
02:16et effectivement, les manchots ont la grippe aviaire et l'Antarctique est impactée par
02:22le changement climatique.
02:24Donc l'Antarctique n'est plus protégée et qu'elle, d'une certaine manière, ne
02:28nous protège plus ?
02:29Et l'Antarctique ne nous protège plus.
02:30L'Antarctique est en quelque sorte le grand régulateur thermique de la planète.
02:35Tous les courants des océans vont parcourir l'océan Atlantique ou le Pacifique ou l'océan
02:40Indien et vont venir en quelque sorte se régénérer dans l'océan Austral.
02:45C'est ce qui permet de garder une température acceptable et tempérée sur notre planète
02:52et aujourd'hui, on voit que l'Antarctique, sa température augmente, les glaciers fondent.
02:58Alors je ne vais pas avoir des propos alarmistes, l'Antarctique fond, on n'en est pas à ce
03:04point-là, mais on voit que le changement climatique affecte l'Antarctique, ce qui
03:09va affecter la régulation thermique et aussi augmenter le niveau des eaux.
03:14Donc on va être directement affecté, nous qui sommes à proximité des mers.
03:18Et c'est un processus qui est inéluctable ?
03:20Aujourd'hui, c'est malheureusement un processus qui est engagé et qui d'une certaine
03:26manière est inéluctable.
03:28Alors ce qu'on peut contrôler, c'est sa vitesse et jusqu'à où ce processus va
03:33aller en faisant la mitigation des changements climatiques, en essayant d'émettre moins
03:38de dioxyde de carbone.
03:40Alors c'est inéluctable, il y a tout de même un certain nombre de tipping points,
03:47de points de bascule.
03:48Il y a un énorme glacier qui est le glacier Twait.
03:51Si celui-ci rentre en mouvement et en rupture et se déverse dans l'eau puis fond dans
03:58l'eau, on aurait une augmentation du niveau des eaux qui à lui seul serait de 70 ou 80
04:03centimètres.
04:04C'est considérable.
04:06Comment l'idée d'un voyage, d'une expédition associant scientifiques et leaders économiques
04:13est-elle née ?
04:14Ce n'est pas forcément évident.
04:15Ce n'est pas forcément évident.
04:17Je crains que ma réponse soit un petit peu longue parce que c'est tout un processus
04:21en fait.
04:22Je travaille avec son Altesse Sérénissine, le Prince Albert II depuis 2005 et au début,
04:27on a vraiment, sous son impulsion, mis l'océan au cœur des discussions.
04:33L'océan était le grand absent des discussions sur l'environnement et puis, il est venu
04:38progressivement.
04:39Puis, on a réussi à mieux convaincre l'opinion publique en ayant convaincu l'opinion publique
04:44à faire bouger les décideurs politiques.
04:47L'an dernier, il y a eu quand même deux grands succès internationaux avec l'accord
04:51sur la haute mer et l'accord d'Ikoumi de Montréal sur la création d'aires marines
04:56protégées.
04:57Tout ça, c'est très bien mais malheureusement, c'est beaucoup de paroles et pas beaucoup
05:03d'actes.
05:04Aujourd'hui, la vraie puissance motrice, la puissance économique, l'efficacité en
05:09quelque sorte, c'est le secteur privé et il nous semble aujourd'hui très important
05:14de faire évoluer le secteur privé en mieux l'informant, en mieux régulant, en mieux
05:19le stimulant pour avoir une vision sur le long terme qui prenne mieux en compte les
05:25contraintes de notre planète.
05:26Et qui fasse que ces leaders économiques puissent aussi contribuer d'une certaine
05:31manière au travail contre le réchauffement.
05:35Écoutez, c'est tout à fait ça.
05:37La puissance directement contrôlée par les États, c'est à peu près 10%.
05:45Tout le reste, plus que 90%, c'est l'entreprise privée.
05:50Si on arrive à faire bouger, à faire évoluer l'entreprise privée, là on a un impact
05:56tout à fait considérable.
05:57L'entreprise, le secteur privé, est une machine d'une grande efficience.
06:01Quelquefois, les gouvernements, les États font des grandes déclarations mais on a du
06:06mal à les voir se mettre en œuvre.
06:08Le privé, c'est presque tout le contraire.
06:10Aujourd'hui, ils sont très efficaces, par contre, bien souvent, ils sont très efficients
06:16mais pas forcément dans la bonne direction puisqu'aujourd'hui, la seule mesure, c'est
06:20la comptabilité financière, c'est les résultats, c'est la distribution de dividendes.
06:26Si on arrive à rentrer dans ces mesures, ce qu'on peut appeler une comptabilité extra-financière,
06:32la responsabilité sociale et entrepreneuriale, que ceci soit mesuré, serve à payer les
06:37bonus des dirigeants, à distribuer les dividendes des actionnaires, voire même à payer des
06:42impôts plus justes et mieux calculés, je crois qu'on aura un impact tout à fait considérable.
06:48Quelquefois, ça nous est rapproché d'ailleurs de travailler avec l'entreprise parce que
06:53malheureusement, on a souvent une opposition clivante entre défenseurs de l'environnement
06:59et producteurs économiques.
07:00Ma conviction, la conviction de l'Institut Océanographique, c'est qu'il faut que tout
07:07le monde a le même sens.
07:08C'est plus difficile de convaincre un chef d'entreprise que le patron d'une ONG mais
07:13pour moi, ça a beaucoup plus d'impact.
07:14Donc, il y a l'enjeu de l'action des États, il y a l'enjeu de l'action des entreprises,
07:20il y a aussi la bataille de l'opinion.
07:22Le mois dernier, un manchot empereur a été retrouvé sur une plage australienne à 3400
07:28kilomètres au nord de la banquise antarctique, son milieu naturel.
07:31Est-ce que c'est pour vous clairement l'illustration des conséquences du réchauffement ?
07:35Écoutez, oui.
07:37De plus en plus, les manchots doivent faire des distances pour trouver à manger.
07:43Dans l'océan austral, on a l'habitude de dire soit on est un krill, soit on mange du krill.
07:50Alors les manchots, en l'occurrence, mangent du krill et ils sont obligés d'aller de plus
07:54en plus loin pour aller les chercher et ils ont besoin également de la banquise pour
08:00se reposer, se reproduire et élever leurs petits et cette banquise se réduit de plus
08:05en plus.
08:06Et donc, les distances que les manchots font sont de plus en plus grandes.
08:09Est-ce que ce type de mésaventure, ce manchot empereur a été surnommé Gus, ce qui est
08:17arrivé à Gus, c'est de nature à marquer l'opinion et d'une certaine manière à faire
08:22évoluer les choses aussi ?
08:23Alors oui, c'est important.
08:25Ce type de symbole, c'est lui, c'est sûr que ce n'est pas lui qui fait la santé de
08:31l'océan austral, mais Gus, il va impacter le peuple australien en tout cas et puis même
08:38plus largement, qui vont avoir une répercussion sur les gouvernements et aujourd'hui, en tout
08:44cas dans nos sociétés occidentales, ça marche comme ça.
08:47On le voit, c'était tout l'intérêt par exemple des rencontres sur notre exploration
08:54de la mer de Védèle au mois de janvier, on avait des entrepreneurs chinois.
08:57On voit qu'en Chine, presque, ça marche à l'envers.
09:01Aujourd'hui, la population est moins sensibilisée que les populations occidentales, mais presque
09:06les dirigeants sont plus sensibilisés et plus directifs sur la mise en place de certaines
09:13régulations, normes anti-pollution.
09:15Les dirigeants qui ont participé à cette expédition ont été, j'imagine, marqués
09:21par ce qu'ils ont vu.
09:23Est-ce qu'il y a des suites qui seront données à ce voyage, à cette expédition et qu'est-ce
09:31que ça a déclenché chez les gens qui y ont participé ?
09:33Alors, c'est important de mobiliser ces chefs d'entreprise.
09:40C'est difficile pour moi de trouver des minutes de temps d'écoute parce qu'ils ont un agenda
09:45extrêmement chargé.
09:46Quand je les vois autour d'un bureau, je leur parle à leur raison.
09:51Mais arriver…
09:52Là, ils ont arrêté le temps ?
09:53Là, ils ont arrêté le temps.
09:55Partir 11 jours en mer de Védèle, discuter avec des scientifiques, discuter avec des
10:01responsables de l'Institut Océanographique, ça nous donne du temps d'écoute en quelque
10:06sorte.
10:07On peut vraiment parler.
10:08Et puis, en plus, sous leurs yeux, ils ont ce paysage magnifique, cette faune qu'on
10:14voit magnifique, mais à la fois en souffrance quelquefois et ils sont convaincus.
10:20Et ça a formidablement bien marché.
10:22Alors, vous me demandez un exemple.
10:24Je parlais par exemple des dirigeants chinois.
10:27Nous avions sur le bateau un des fondateurs de CATL.
10:31CATL, peu connu en France, mais c'est le plus gros fournisseur, fabricant de batteries
10:37électriques.
10:38Si vous avez une voiture hybride ou électrique, vous avez 4 chances sur 10 à peu près que
10:43sa batterie ait été fabriquée par CATL.
10:46Donc, c'est énorme.
10:47Capitalisation boursière de 100 milliards de dollars.
10:51Ce dirigeant a été convaincu, il va intégrer beaucoup mieux dans la conception de ses usines
10:58les changements climatiques.
10:59Puis, plus concrètement, il a rencontré des scientifiques qui disaient mais nos batteries
11:04à moins 20, moins 30 degrés, elles ne tiennent pas.
11:06On ne peut pas utiliser des batteries.
11:08Monaco avait essayé de développer une chenillette électrique.
11:12Malheureusement, dans ces températures, les batteries qui sont à notre disposition aujourd'hui,
11:17trivialement, elles gèlent, elles ne fonctionnent plus.
11:20Et donc, lui, il va faire travailler ses bureaux d'études pour développer des batteries
11:25miniatures et résistants aux très basses températures.
11:28Alors, vous avez lancé le 1er décembre une campagne d'engagement intitulée « Qu'est-ce
11:33qu'on attend pour être heureux ? » En quoi consiste-t-elle ?
11:36Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?
11:38Alors, la réponse va nous surprendre.
11:40Une aire marine protégée.
11:42Alors, une aire marine protégée, c'est en quelque sorte un parc naturel en mer.
11:47C'est une notion qu'on a développée et Monaco a été précurseur dans ces domaines
11:54parce que l'océan a besoin d'endroits pour se régénérer.
11:58Et effectivement, ces animaux, pour pouvoir s'alimenter, pour pouvoir se reproduire
12:04ou tout simplement se reposer, ils ont besoin de quelques endroits où ils peuvent faire
12:10ça avec moins de contraintes qu'ailleurs.
12:12Donc, ces fameuses aires marines protégées.
12:14Et donc, notre campagne qui se veut effectivement plutôt positive, c'est « Soyons heureux,
12:22créons des aires marines protégées ». Toute création d'une aire marine protégée pour
12:27nous est un succès avec cet objectif d'en créer 30% à l'horizon 2030.
12:33Clairement, on n'en crée pas assez d'aires marines protégées.
12:35Clairement, on n'en crée pas assez et celles qu'on crée ne sont pas assez efficaces.
12:41Je prendrais le cas de la mer Méditerranée, celle qui est juste devant votre studio.
12:47Malheureusement, il y a 1,06% d'aires marines protégées en mer Méditerranée alors que
12:54ces grands accords internationaux ont fixé un objectif de créer 30% à l'horizon 2030.
13:01Pourquoi il n'y en a pas davantage ?
13:02Qu'est-ce qui bloque ?
13:03C'est la contrainte locale, souvent, les personnes veulent utiliser l'océan.
13:10L'océan, c'est un peu comme un Far West au XIXe siècle, c'est plus des deux tiers
13:17de la surface de notre planète et ça produit 5% du PIB, donc c'est plein de vide, c'est
13:25très peu exploité, mais alors c'est premier arrivé, premier servi.
13:30Les personnes, les acteurs, les pêcheurs, les développeurs énergétiques, pétroliers,
13:36gaziers ne veulent pas avoir de contraintes sur terre, la terre appartient à un individu
13:43ou à un état, ce n'est pas le cas sur l'océan et on voit ces forces qui se mettent
13:47en route et dans des mers très peuplées comme la mer Méditerranée, c'est extrêmement
13:52compliqué.
13:53Maintenant, il faut réussir.
13:56Jusqu'à quel point la situation géopolitique ralentit-elle les actions visant à protéger
14:02les océans ?
14:03C'est très compliqué, effectivement, la situation géopolitique.
14:07Vous savez, tout le système onusien fonctionne, presque tout le système onusien fonctionne
14:14sur la base de l'unanimité.
14:16Alors, à certains moments, ça fonctionne bien, en particulier sur l'océan ou sur
14:22l'océan Austral, je remonte à 1991, Michel Rocard, à l'époque, et le premier ministre
14:29australien Bob Hawke, stimulés, convaincus par le directeur du musée océanographique,
14:36le commandant Jacques-Yves Cousteau, ont réussi à convaincre les États de signer le protocole
14:41de Madrid.
14:42Et c'était en pleine guerre froide, mais les dirigeants russes et américains ont accepté
14:47de signer ce protocole ensemble, il a été mis en œuvre en 1998, et c'est celui qui
14:52a protégé l'océan Austral.
14:54Pendant 10, 15, 20 ans, il a plutôt bien fonctionné.
14:58Et aujourd'hui, depuis une bonne dizaine d'années, il est bloqué, parce que les décisions
15:03qui se prennent à Hobart en octobre, systématiquement, tous les ans, il y a toujours un ou deux pays
15:09qui sont contre.
15:10En ce moment, ça ne vous étonnera pas, c'est la Russie et c'est la Chine qui bloquent la
15:15création de nouvelles aires marines protégées.
15:18Alors, quelquefois, la Chine accompagne son discours en disant, oui, on en a déjà créé,
15:22mais est-ce qu'elle fonctionne bien ? Là, on est un petit peu mal à l'aise, mais on
15:26travaille pour que ça fonctionne bien.
15:29Donc, faire évoluer ce système pour que, peut-être, cette règle de l'unanimité soit
15:34moins exigée et qu'on ait une majorité qualifiée des deux tiers.
15:38Alors, maintenant, il ne faut pas désespérer, ça, ça prendra énormément de temps.
15:41En revenant de la mer de Védèle, on a apporté nos éléments avec le gouvernement allemand
15:48dans une réunion des parties du traité de l'Antarctique qui se passait à Mumbai au
15:53mois de mai.
15:54Et quand on parlait aux techniciens, finalement, tous les techniciens ont été convaincus
15:59des éléments que le gouvernement allemand, l'Alfred Wegener Institute et nous-mêmes
16:04avons apportés et ont décidé de protéger et de transformer l'archipel des îles d'Angers
16:10en une NASPA, une Antarctique Specially Protected Area.
16:14Donc, on voit qu'on arrive à avancer, mais il faudrait essayer de faire avancer cette
16:21règle de l'unanimité parce que, malheureusement, les tensions géopolitiques, je ne crois pas
16:26qu'elles soient prêtes de s'arrêter rapidement.
16:28Malheureusement, non.
16:29Alors, on a parlé, vous évoquez la Russie, la Chine et les États-Unis.
16:32Dans l'interview qui nous a accordé à l'occasion de la fête nationale, le prince Albert II
16:36se disait prêt à aller rencontrer Donald Trump pour le convaincre de l'importance
16:41d'agir pour le climat.
16:42Il a raison ?
16:43Écoutez, oui.
16:44Je ne peux pas vous dire le contraire, mais oui, il a raison.
16:48Et je crois qu'aujourd'hui, nul ne peut être insensible.
16:53Et je pense qu'une personne, même si elle est convaincue d'un libéralisme excessif
17:00qui va à l'encontre de la protection de l'environnement, doit entendre ce message,
17:06beaucoup de personnes le font passer aux États-Unis.
17:08Il y a de grands centres scientifiques, le Woods Hole Oceanographic Institute, la Scripps,
17:15Monterey Bay.
17:16Mais quelqu'un comme le prince Albert II, et il est amusant de dire que Donald Trump
17:22a un jour cité dans sa campagne Monaco comme un exemple, quelqu'un, le chef d'un petit
17:28État comme la principauté, je pense qu'il peut être écouté.
17:31Et en plus, à titre personnel, le prince, avec son empathie toute particulière, il
17:37peut trouver les bonnes voix pour parler et essayer de convaincre.
17:41Il ne va pas le retourner complètement, mais quand même sensibiliser Donald Trump en ces
17:46questions.
17:47Sa voix peut compter.
17:48Alors, je voudrais qu'on revienne au rôle et à la vocation de l'Institut que vous
17:53dirigez.
17:54Quelle est précisément sa mission et comment a-t-elle évolué dans le temps ?
17:57Alors, c'est facile.
17:59La mission, c'est exactement la même depuis plus de cent ans.
18:02L'Institut a été créé en 1906 par le prince Albert Ier.
18:07Alors, c'est l'arrière arrière grand-père du prince Albert II actuel et avec la mission
18:14de connaître, mieux connaître, de faire aimer, faire apprécier et de protéger l'océan.
18:20Cette mission, aujourd'hui, on dirait mission statement, une entreprise en mission, elle
18:24n'a pas changé.
18:25Alors après...
18:26Elle est toujours au temps d'actualité.
18:27Elle est toujours au temps d'actualité, voire un peu plus.
18:30Par contre, la tactique et le plan d'action, lui, il évolue régulièrement.
18:35Le prince Albert Ier, la science de l'océanographie moderne n'existait pas et on peut dire que
18:41c'est un des créateurs de l'océanographie moderne.
18:44L'enseignement de l'océanographie n'existait pas et il a mis en place un enseignement.
18:50Aujourd'hui, et grâce à son action, ceci a été mis en place.
18:55Il y a en France des grands centres comme l'IFREMER, le CNRS, l'IRD qui font un travail
19:00absolument remarquable à Monaco, le centre scientifique de Monaco fait aussi un travail
19:05remarquable à sa dimension, en particulier sur la protection des coraux.
19:10Ensuite, le commandant Cousteau, deuxième moitié du 20e siècle, a fait découvrir la
19:17beauté du monde sous-marin et aujourd'hui, et depuis 2005, on s'attaque vraiment à le
19:23faire protéger.
19:24Je vous expliquais, convaincre l'opinion publique, convaincre les décideurs politiques
19:29et maintenant, depuis quelques années, travailler le secteur de l'entreprise privée.
19:33Les expositions au grand public contribuent aussi à agir pour la protection des océans.
19:40L'exposition Mission Polaire, qui était visible jusqu'au 5 janvier prochain au musée
19:44océanographique, a remporté un succès considérable, plus de 1,5 million de visiteurs.
19:51Comment l'expliquez-vous ?
19:52Écoutez, je pense que déjà, le musée océanographique est un lieu absolument fabuleux.
19:58Ce n'est pas une journée désagréable quand on va à Monaco, qu'on se gare au parking
20:03des pêcheurs, qu'on va visiter le musée, on regarde la relève de la garde sur la place
20:07du palais, on mange un petit morceau dans les ruelles du vieux Monaco, de Monacoville,
20:13du rocher comme nous l'appelons, donc c'est une balade très sympa et le musée océanographique
20:19a su renouveler son attractivité.
20:22On fait vraiment des expositions qui sont conçues pour vous faire passer un bon moment
20:27à vous, à vos enfants, à vos amis, vous allez interréagir, vous allez être ébloui,
20:32vous allez être émerveillé et en même temps, vous sortez de là en ayant appris
20:37et j'espère en étant un peu convaincu et on vous donne la possibilité de vous engager.
20:42Ceci fait qu'effectivement, notre exposition Mission Polaire a accueilli plus de 1,5 million
20:49de visiteurs et là, on va la terminer dans quelques jours maintenant, le 5 janvier prochain,
20:56qui nous permettra de la démonter et de la remplacer à partir de fin mars sur une grande
21:01exposition sur la Méditerranée.
21:03Donc là, une exposition qui est appelée un grand succès, évidemment.
21:08Écoutez, j'espère qu'on fera encore mieux que celle pour les Missions Polaires et nos
21:13équipes progressent beaucoup et font vraiment des... on a un système d'immersion interactive
21:22qui est absolument fabuleux, alors il n'est pas encore en place, mais je vous invite en
21:262025 à venir le tester, vous allez être ébloui.
21:29Alors, un mot de la conférence des Nations Unies pour les océans qui se tiendra au mois
21:36de juin prochain à Nice, quel est l'enjeu de ce sommet et qu'est-ce que ça peut faire
21:42concrètement avancer ?
21:43Alors, cette conférence des Nations Unies, elle a déjà une particularité, c'est la
21:47troisième et j'allais vous dire, on est en 2025 et ce ne sera que la troisième.
21:52On voit bien que c'est une préoccupation récente pour les États de se préoccuper
21:57de l'océan.
21:58La première a eu lieu il y a sept ans à peu près à New York, ensuite il y en a une
22:03il y a deux ans à Lisbonne et Nice, je m'en réjouis, va accueillir la troisième conférence
22:09des Nations Unies.
22:10C'est un moment où les chefs d'État se réunissent avec leurs ministres, avec leurs
22:15conseillers, avec les scientifiques pour discuter.
22:18Alors, ce n'est pas une convention des partis, donc il n'y a pas vraiment d'accord qui est
22:22discuté, qui est négocié, mais c'est là que les impulsions politiques sont prises
22:27ou confirmées.
22:28À Nice, ils espèrent avoir la ratification du traité sur la haute mer.
22:34Ça ne va pas être simple, mais c'est un objectif qui est très important.
22:37Et donc la France et le Costa Rica, sous l'égide des Nations Unies, organisent cette
22:43conférence à partir du 9 juin prochain et toute la semaine, du 9 au 14 juin.
22:49Et Monaco, en discussion avec la France, a proposé d'organiser juste deux jours avant,
22:56les 7 et le 8 juin, le Blue Economy and Finance Forum, justement…
23:00Dont vous êtes co-organisateur.
23:02On est co-organisateur, c'est l'État monégasque, la Fondation Prince Albert II et l'Institut
23:08Océanographique qui co-organisent ce forum en association avec l'ONU, la France, le
23:14Costa Rica, le World Economic Forum, par exemple.
23:17Et quel est l'objectif de ce forum ?
23:19L'objectif, ce sera vraiment d'accueillir des chefs d'entreprise, des responsables
23:24de banques, de sociétés d'assurance, pour déclencher des financements pour une économie
23:30bleue plus vertueuse et protectrice.
23:33Il y a un vrai besoin.
23:34Si je vous donne quelques chiffres, aujourd'hui, l'économie maritime, c'est 2 000 milliards
23:41de dollars par an.
23:42Les prévisions montrent qu'elle atteindra 3 000 milliards en 2030.
23:46Donc la croissance est très importante.
23:49Malheureusement, dans cette économie bleue, il n'y a que 25 milliards de dollars qui
23:55vont à une économie vertueuse.
23:58Il faut au moins multiplier par sept ce genre de financement.
24:01Et donc l'objectif, ce sera de mettre autour de la table des banquiers, des banquiers privés,
24:08mais aussi des banquiers publics, comme notamment les banquiers multilatéraux, le groupe Banque
24:12mondiale, les grandes banques interrégionales de développement, comme la Banque asiatique
24:18de développement, la Banque d'Amérique latine, pour déclencher des financements.
24:23On aura un Key Performance Indicator, un indicateur de responsabilité très important, c'est
24:32le nombre de milliards qu'on sera capable de trouver à l'issue de ce forum.
24:36Vous avez un objectif en tête ?
24:38Écoutez, oui, on a un objectif en tête.
24:41Aujourd'hui, je vous disais que nous avions 25 milliards de dollars, il en faudrait au
24:46moins sept fois plus pour ça.
24:48Donc il faudrait essayer de trouver 125 milliards de dollars tous les ans pour financer cette
24:56économie bleue.
24:57Ça, c'est une chose.
24:58Par ailleurs, il faut insister sur l'économie maritime également, par exemple les transporteurs.
25:04La France est forte avec le shipping CMA, CGM, est vraiment un des leaders mondiaux,
25:09mais arriver à convaincre ces entreprises pour un transport maritime plus durable, c'est
25:17extrêmement important pour la protection de l'océan.
25:20Alors, on a parlé de la nouvelle exposition, on a parlé du sommet que vous co-organisez
25:26en marge de l'UNOC au mois de juin.
25:29Quels sont les autres projets de l'Institut ?
25:31Alors, on travaille effectivement sur ces questions avec des grands axes, vous disiez,
25:38vous l'avez ressenti, impliquer le secteur privé est aujourd'hui un grand axe, mais
25:42avec des thèmes régionaux spécifiques.
25:45Et là, on est sur ce thème de l'Antarctique avec notre plaidoyer pour l'Antarctique et
25:52les pôles plus généralement, et nous allons basculer sur la mer Méditerranée.
25:57Au cours des prochaines années, on a vraiment un programme de travail à long terme pour
26:02essayer de faire bouger les choses sur cette mer qui est peut-être la plus précieuse,
26:08la plus riche, la plus ancienne, qui a le berceau de la civilisation, mais qui aujourd'hui
26:14est malheureusement également la plus polluée, et donc l'enjeu est énorme.
26:19La plupart des personnes à qui je parle me disent « vous êtes fous, vous n'arriverez
26:23à rien ». C'est vrai que tout a l'air bien bloqué, aller travailler en ce moment
26:29sur la côte orientale, ça ne va pas être simple.
26:32L'avantage de Monaco et du Prince Albert II, c'est quand même qu'il a un peu le
26:36temps pour lui, et on s'est fixé effectivement un objectif en 2030 de mesurer le chemin
26:43qu'on aura pu parcourir dans six ans pour faire bouger les choses en mer Méditerranée.
26:48Donc l'objectif c'est de rendre possibles les choses.
26:50Avant de terminer, on va passer à la question perso.
26:53Robert Calcagno, par les actions que vous menez, les expéditions que vous organisez,
27:05auxquelles vous participez, est-ce que vous n'avez pas l'impression d'une certaine
27:08manière d'accomplir des rêves d'enfant ?
27:11Oui, bien sûr, et c'est la question perso, alors je me livre un petit peu, mais j'ai
27:20eu toute une première partie de ma carrière dans le monde de l'entreprise, vous avez
27:26senti que je suis sensible à ce monde-là, à son efficacité, à sa structure, à sa
27:33performance, mais quand j'ai eu 43 ans, je me suis dit qu'il fallait que je fasse
27:41quelque chose d'autre de mon énergie, de ma capacité de travail, et j'ai essayé
27:46de rejoindre un travail plus à cause.
27:50Je suis venu à quelques dizaines de mètres d'ici diriger les services de la communauté
27:56d'agglomération en Iscote d'Azur, c'était peut-être un peu une façon de me rapprocher
28:00aussi de Monaco, ma terre d'enfance, et puis ça m'a permis effectivement de me rapprocher
28:06du Prince Albert II, et quand il est devenu souverain, il m'a proposé de le rejoindre.
28:10C'était aussi un petit peu un rêve d'enfance de se retrouver dans les mêmes endroits
28:14où j'ai grandi, mais ce lien avec la nature, il est très fort, on a la chance d'avoir
28:22une région entre mer et montagne, j'adore la mer, mais j'adore aussi les randonnées,
28:29l'alpinisme, et en fait je ressens l'homme comme étant vraiment partie intégrante de
28:35la nature, de pouvoir travailler pour essayer, dans un esprit respectueux et de travail sur
28:43le long terme, de faire avancer une relation plus responsable entre l'homme, c'est le
28:49plus important, et la nature, c'est essentiel également, c'est un peu un rêve d'enfant,
28:55et c'est vrai que c'est pas non plus désagréable d'aller à Palau, au Fidji, au Kiribati, en
29:01mer de Soulou ou en mer de Védèle, explorer les pôles, c'est un ensemble fascinant et
29:08c'est pas la partie la plus désagréable de mon travail.
29:11Et c'est une belle cause, merci beaucoup Robert Calcagno, je rappelle la sortie du
29:15livre Plédoyer pour l'Antarctique chez Flammarion, dont les droits d'auteur seront intégralement
29:20reversés à l'Institut Océanographique de Monaco et contribueront à la protection
29:25de l'océan Austral.
29:27Merci à tous de nous avoir suivis, merci à Sophie Dancé et Philippe Bertigny pour
29:32la réalisation de cette émission, à Christelle Benjamin pour sa préparation, on se retrouve
29:38très vite pour un nouveau rendez-vous de l'Interview à la Une.
29:41Bonne journée à tous.

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