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00:00Europe 1 Soir. 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Et nous sommes avec Philippe Guibert, bonsoir.
00:07Bonsoir Pierre.
00:08Chroniqueur politique, bonsoir Alexandre Malafaille.
00:10Bonsoir Pierre de Villeneuve.
00:11Fondateur du think-tank Synopia et bonsoir Gilles Kepel.
00:14Bonsoir.
00:14Merci d'être avec nous, politologue, professeur émérite des universités,
00:17auteur de ce livre, Le bouleversement du monde.
00:20L'après 7 octobre, c'est paru cette année aux éditions Plon.
00:24Par où commencer dans cette affaire syrienne ?
00:26Peut-être par ses, comment dirais-je, demandes d'asile des Syriens,
00:30avec l'impression que l'Europe se barricade, en tout cas certains pays européens,
00:36de manière souveraine et unitaire,
00:39et non pas au nom de l'Union Européenne de Madame von der Leyen,
00:42chacun de son côté adoptant des mesures,
00:46soit immédiates, soit à une certaine durée,
00:52dans plusieurs jours, de se fermer.
00:55Est-ce qu'il y a un risque de déferlement,
00:58après l'ouverture des prisons syriennes ?
01:02Parlons franchement de terroristes arrivant en Europe.
01:06Je ne pense pas que ce soit ça, non.
01:08En fait, l'idée c'est que les Syriens,
01:11ayant aujourd'hui abattu le régime dictatorial,
01:15un certain nombre d'entre eux vont retourner chez eux,
01:19vont avoir envie de retourner chez eux.
01:20Donc la procédure qui avait été mise en place
01:24pour favoriser l'installation de ceux qui fuyaient
01:27le régime de Bachar el-Assad et la répression,
01:29n'a plus lieu d'être.
01:30Il me semble que c'est ça la logique qui sous-tend
01:33ce qu'ont décidé un certain nombre de pays européens,
01:38que vous venez de mentionner, de manière indépendante,
01:42mais concomitante, en tout cas.
01:43Ou téléphonée, si l'on peut dire.
01:46Mais cette événement, ça soulève un problème,
01:50ça veut dire qu'on peut le prendre comme ça,
01:53il n'y a plus de dictature,
01:55donc il n'y a plus de raison qu'il y ait un asile,
01:57vous pouvez rentrer chez vous.
01:59Et ça, ça vaut pour les nouveaux,
02:01ceux qui ont déjà eu l'asile,
02:03on ne va pas le leur supprimer du jour au lendemain.
02:05L'autre aspect, c'est que
02:09un certain nombre de jeunes Syriens
02:13qui soutiennent la révolution
02:15et qui s'inquiètent de ce que les Européens disent
02:19oulala, mais est-ce que derrière tout ça,
02:21il ne va pas y avoir un phénomène islamiste ?
02:24Au fond, tout le monde était tellement content
02:26quand Ben Ali, le dictateur, est tombé,
02:29quand Kadhafi est tombé,
02:30la Tunisie, la Libye,
02:31quand Saddam Hussein, en Irak, est tombé,
02:34et puis quelques mois plus tard,
02:36on a vu, ou quelques années plus tard,
02:40Kadhafi, il avait dit aux Libyens,
02:42il avait dit, si vous me destituez, vous aurez Al-Qaïda.
02:44Oui, alors c'est vrai qu'entre les deux...
02:46Et puis ils ont eu Daesh.
02:47Je peux dire, oui, mon cœur balance,
02:48voilà, c'est ça, on attendait Al-Qaïda et on a eu Daesh.
02:50C'est effectivement, aujourd'hui, une grande question,
02:55puisqu'on ne sait pas exactement ce qui s'est passé
02:58et ce qui va se passer au Moyen-Orient.
03:00On comprend pourquoi le régime de Bachar Al-Assad est tombé,
03:05parce qu'au départ,
03:07après le 7 octobre,
03:11qui est quand même un élément clé pour comprendre tout ça,
03:13Israël a eu deux types de réactions
03:16face à la radia pogromiste du 7 octobre,
03:191200 morts, les viols, les atrocités qu'on a connues.
03:24La première, qui a été la plus visible et la plus décriée,
03:28ça a été le bombardement de Gaza,
03:31donc la traque du Hamas,
03:33qui a abouti, effectivement, à la mort de 6 Noirs,
03:36mais ça a été au prix de 45 000 morts, au moins.
03:42Donc, alors, bien sûr, il n'y a pas que des civils,
03:44il y a aussi des combattants,
03:45mais ça a nourri l'accusation de génocide
03:48qui a été déporté contre Israël par un certain nombre de pays,
03:50et ça a mis Israël dans une position difficile internationalement.
03:5445 000 morts, c'est les chiffres du Hamas.
03:59Oui, c'est les chiffres du ministère de la Santé du Hamas.
04:01Disons que ce qui est disputé, surtout,
04:03c'est la proportion des civils et des combattants.
04:05Mais il y a un consensus sur le nombre...
04:07On sait qu'il y a eu un nombre de morts considérable.
04:10Après, la question du génocide ou pas génocide,
04:13ça fait partie du débat, je ne veux pas trancher là-dessus,
04:15mais ce que je veux vous dire,
04:16c'est qu'il y a eu cette première ligne d'attaque
04:19sur laquelle tout le monde s'est concentré.
04:21En même temps, ce à quoi on a peu prêté attention,
04:24j'ai essayé de le décrire plus précisément dans le livre
04:27Le Louversement du Monde,
04:28auquel vous avez fait gentiment allusion,
04:30c'est qu'ils ont mis en oeuvre une politique visant à démanteler,
04:35systématiquement, pan par pan,
04:38ce qu'on appelle l'axe de la résistance anti-sioniste,
04:42c'est-à-dire Téhéran et ses satellites et ses mandataires,
04:46Téhéran, le régime syrien, le régime irakien...
04:50Et iranien, puisque Téhéran, vous parlez du régime iranien...
04:53Oui, c'est l'Iran à partir de l'Iran.
04:56C'est l'Iran le chef et il a les mandataires,
04:59c'est les milices irakiennes,
05:02le régime de Bachar, le Hezbollah, Hamas,
05:06les Houthis essentiellement du Yémen et autres.
05:09Et ils ont commencé par le maillon le plus faible,
05:12les israéliens, c'est-à-dire le régime syrien,
05:15ciblant systématiquement les chefs des gardiens de la révolution,
05:19des passe-d'aran iraniens, qui étaient en Syrie
05:22et qui donnaient un coup de main au système.
05:25A tel point, à tel enseigne,
05:27qu'au mois d'avril dernier,
05:30l'Iran a réagi au bombardement de son consulat à Damas,
05:35en attaquant directement, par une seule démission,
05:38le territoire israélien, ce qu'il n'avait jamais fait.
05:41Et l'Iran s'est exposé directement.
05:44Ensuite, les généraux iraniens,
05:47qui étaient en Syrie pour aider le régime d'Assad,
05:51ont été graduellement retirés.
05:54En même temps, ce qui s'était passé,
05:56c'est que, qu'est-ce qui avait permis à Assad
05:58de reprendre le pouvoir en 2015-2016 ?
06:01C'était la présence face aux printemps arabes,
06:04la présence massive de la Russie, de l'aviation russe,
06:07qui bombardait toutes les régions
06:10où il y avait des insurgés,
06:13qui a d'ailleurs été, avec des deals,
06:15si l'on peut parler en termes trumpiens aujourd'hui,
06:18avec les russes, qui avaient été emmenés en bus
06:21dans cette zone d'Idlib.
06:22Ce qui était tout à fait étonnant,
06:24c'est que les russes acceptaient qu'on les emmène,
06:26parce qu'il y avait un officier russe sunnite,
06:29c'est-à-dire du Caucase,
06:31qui était le GO dans le bus.
06:34Tout à fait étonnant.
06:36Alors, on a la présence massive des russes avec la relation.
06:40Aujourd'hui, les russes ont tout engagé sur l'Ukraine,
06:44et il n'y avait plus qu'une dizaine d'avions
06:47dans la base aérienne.
06:49Donc il n'y a plus de soutien militaire russe pour Bachar Al-Assad.
06:53Oui, c'est ça.
06:54Et dernier coup,
06:56Israël, au mois de septembre,
06:58a fait la fameuse attaque des Beepers et des Tokiwokis,
07:02sur le Hezbollah,
07:04ce qui fait qu'il a décapité, disons,
07:06tout le niveau lieutenant-capitaine du Hezbollah.
07:10Les officiers subalternes.
07:12Enfin, les officiers, pas les grands chefs,
07:14mais ceux qui étaient là pour réagir,
07:16pour s'occuper des missiles, etc.
07:18au Liban.
07:19Du coup, le Hezbollah a rapatrié de Syrie
07:22tous les gens qui étaient là-bas pour tenir le régime d'Assad,
07:25pour remplacer les manquants.
07:27Et de ce fait, il n'y a plus eu personne
07:29pour soutenir Assad.
07:31Les généraux iraniens sont partis.
07:33Et dans cette brèche,
07:35s'est engouffré
07:37le HHS,
07:39en arabe c'est Hayat Tahrir al-Sham,
07:41c'est-à-dire l'entité de libération du Levant,
07:45qui était à Idlib,
07:47qui était présente,
07:49Idlib c'est la frontière turque,
07:51l'approvisionnement,
07:53les armes, la nourriture, ça venait de la Turquie,
07:55et ils ont fait cette espèce de marche en 10 jours,
08:00qui a fait tomber le régime,
08:02qui n'était pas tombé après les révolutions arabes.
08:04Alors, il y a la dimension très impressionnante des choses,
08:08à savoir les prisons ouvertes,
08:10et on est en train en ce moment...
08:11C'est vrai qu'on en voit plein,
08:12les écrans de télévision,
08:14notamment cette prison qu'on appelle la prison de la terreur.
08:17Voilà, la prison de Saydnaya,
08:19qui est un village d'ailleurs araméen,
08:21pas très loin de Damas,
08:23où avait été construit, paraît-il,
08:25avec la supervision du nazi Aloïs Brunner,
08:28qui était réfugié en Syrie auprès du père Assad,
08:31cette espèce de système concentrationnaire horrible,
08:34avec des choses...
08:35Il y avait des presses à êtres humains,
08:37il y avait des...
08:38Les instruments d'orthodoxie sont épouvantables,
08:41et des gens qui ont...
08:43Là on est toujours, 3 jours après que la prison a été prise,
08:46en train de trouver des cellules nouvelles,
08:48enfoncées sous la terre,
08:49des gens qui ne savaient même pas
08:51que Hafez al-Assad n'était plus au pouvoir.
08:53Ah oui !
08:54Hafez al-Assad, le père de Bashar al-Assad,
08:56depuis 2000.
08:58Donc, c'est quelque chose qui est absolument effrayant,
09:02et on comprend aujourd'hui que,
09:05pour les Syriens, il y a une espèce de soulagement.
09:07Vous savez, j'ai commencé mes études d'arabe en Syrie,
09:10en 1977,
09:13ce qui ne nous rajeunit pas.
09:15Et à l'époque, même pour les étrangers comme nous,
09:18cette image du père Assad qui était partout,
09:21on faisait attention,
09:23on s'en faisait attention à tout ce qu'on disait.
09:25Nous, on pouvait être expulsés, etc.,
09:28mais on avait peur que nos correspondants,
09:30nos amis syriens ou syriennes,
09:32n'en subissent les conséquences.
09:35Il y avait cette espèce de terreur intime.
09:39Et qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
09:40Pardonnez-moi Gilles Kepel,
09:41je vous emmène de 1977 à 1954.
09:44Oui, mais ça c'est toute ma vie.
09:46Mais vous avez bien fait,
09:47de nous laisser parler,
09:48parce que c'est passionnant ce que vous racontez
09:49sur cette histoire de la Syrie.
09:51Mais en fait, c'est pour comprendre
09:53ce qui se passe aujourd'hui.
09:54C'est ça.
09:55Et vous imaginez le soulagement,
09:57l'espèce de...
09:59Ça y est.
10:00Maintenant, ça y est,
10:01mais comme on vient de le dire avant,
10:03on a vu d'autres dictatures arabes
10:05qui sont tombées,
10:07et ça n'a pas été terrible.
10:09Alors, qui a joué dans cette affaire ?
10:12Bien évidemment, ça n'aurait pas pu se faire
10:14sans un appui très important de la Turquie.
10:17Qui a poussé ses pions ?
10:19On a vu à Damas,
10:21dans la grande mosquée sunnite des Omeyad,
10:24M. Jolani,
10:26Abou Mohamed El Jolani,
10:28qui entre-temps a changé de nom,
10:30qui c'était son nom de guerre,
10:32Abou Mohamed El Jolani.
10:33Jolani, ça veut dire du Gauland.
10:35Il s'appelait Ahmed Hussein El Sharia.
10:37El Sharia, voilà, c'est ça.
10:39Et donc, il s'appelle maintenant de nouveau comme ça,
10:41si j'ose dire, il se fait appeler comme ça.
10:43Et qui est à la tête de ces groupes de rebelles ?
10:47Lui-même est un ancien djihadiste
10:49passé par Daesh en Irak,
10:52envoyé par Bardadi en Irak
10:54pour islamiser la révolte syrienne à l'époque.
10:58Ensuite, il s'est retourné contre Bardadi,
11:00il a construit un groupe local,
11:03et au fur et à mesure,
11:05dans cette enclave d'Idlib
11:07où étaient amenés les gens en bus
11:09sous l'égide des Russes,
11:11il a essayé de construire quelque chose
11:13qui finalement a pris langue avec la Turquie et le Qatar
11:17et a établi ce qu'on a aujourd'hui,
11:19c'est-à-dire des éléments de langage
11:21après le media training d'Al Jazeera
11:23et des sites turcs,
11:25qui est plutôt niveau type frère musulman.
11:28C'est-à-dire, certes, nous sommes islamistes,
11:31mais nous sommes pour les libertés publiques, etc.
11:34Là, vous parlez d'Al Nosra ou c'est avant ?
11:36Ça, c'est aujourd'hui.
11:38Al Nosra, il n'était pas du tout pour les libertés publiques.
11:40Al Nosra a exécuté un grand nombre de mondes.
11:43Et Joulani a un passé qui n'est pas...
11:46Il n'y a pas eu une vie de...
11:47Il n'est pas très reluisant.
11:48C'est pas un biseau d'ours.
11:50Mais il explique, j'ai changé, etc.
11:52C'est d'ailleurs assez amusant parce qu'on voit,
11:55il y a une mémoire de ses apparitions,
11:57de sa panoplie dans des apparitions à la télé.
12:00On le voit il y a quelques années
12:02avec la Kalachnikov,
12:04le Keffieh, etc.
12:06Le gilet pare-balles.
12:08Après, ils lui ont mis un veston bleu
12:10et une chemise blanche.
12:11Là, il est apparu avec une veste kaki.
12:15Un peu Zelensky, si vous voulez.
12:17Certains disent Che Guevara.
12:18Oui, il y avait plutôt le code couleur de Zelensky,
12:22ce qui est plutôt habile,
12:23puisque vous avez vu que Zelensky,
12:25à Notre-Dame et à l'Elysée,
12:28est plutôt apparu face à Donald Trump
12:31en bonne position,
12:32alors que Trump le considérait comme un minable
12:34qu'on allait sacrifier à Poutine.
12:36C'est Poutine qui a l'air d'un imbécile aujourd'hui.
12:39Il risque de perdre la base navale de Tartus,
12:43la seule base navale en Méditerranée,
12:45et la base aérienne.
12:46On s'éloigne, là, parce qu'on a quitté la Syrie.
12:48Non, non, non, c'est en Syrie.
12:49Tartus et Herménie,
12:51ce sont justement les bases russes en Syrie
12:55qui ont été établies après 2015.
12:57Alors, je voulais quand même qu'on marque une pause,
12:59parce que dans ce long récit passionnant,
13:01j'ai une képèle, vous voyez,
13:02je m'en mêle les pinceaux.
13:04Bien sûr, Tartus est en Syrie.
13:06Mais parce qu'on a parlé de l'Ukraine...
13:08C'est vous qui êtes férue du christianisme.
13:11C'est l'ancienne torteause des croisés.
13:13Je suis férue du christianisme.
13:14Vous n'êtes pas, j'ai l'impression.
13:15La vie ne fait pas le moine,
13:17mais parfois, avec Gilles Kepel...
13:19Pourtant, je n'ai pas une énorme croix sur...
13:22Il y a une très belle église gothique
13:25qui a été construite à l'époque des croisés,
13:27mais qui est aujourd'hui transformée en centre culturel.
13:29Gilles Kepel, vous restez avec nous.
13:31L'heure pour moi de vous annoncer
13:32c'est que de 9h30 à 11h sur Europe 1,
13:34Thomas Hill et toute son équipe
13:36vous donnent rendez-vous pour Culture Média.
13:38L'invité, demain, sera Sylvain Tesson
13:40pour le spectacle Notre-Dame, Reine de douleur,
13:42Reine de victoire, encore le christianisme,
13:44cher Gilles.
13:45Actuellement au Théâtre de Poche,
13:46Montparnasse, à Paris.
13:48Théâtre, bien sûr, cher à son père,
13:50Philippe Tesson.
13:52Et puis, vous pouvez vous inscrire,
13:54d'ores et déjà, par SMS,
13:56en envoyant média au 739 21 75 centimes,
13:59plus le coût d'un SMS.
14:017 sur Europe 1.
14:04Europe 1 soir.
14:0619h21, Pierre Devineau.
14:08Et pourtant, nous sommes sur des sujets majeurs
14:10avec Gilles Kepel, qui a l'amitié de venir à Europe 1,
14:13puisqu'il est fidèle, il a bien raison.
14:15Je reprends juste les phrases
14:17d'Anthony Blinken,
14:19le secrétaire d'Etat américain.
14:21Les Etats-Unis déterminés à ne pas laisser
14:23l'Etat islamique se reconstituer en Syrie.
14:26Il faut tout faire pour éviter
14:28une fragmentation de la Syrie.
14:30Est-ce que c'est des mots en l'air, Gilles Kepel ?
14:32Ou est-ce qu'il y a cette volonté, quand même,
14:35du gendarme du monde, qui dit qu'il n'est plus gendarme,
14:37mais il est quand même un peu gendarme,
14:39et il ne s'interdit pas de faire de l'ingérence
14:41dans les pays quand il le faut ?
14:43Surtout Blinken, qui n'est bientôt plus secrétaire d'Etat.
14:45En effet.
14:46Entre autres, ajoutez la complexité.
14:48Alors, qu'il n'y ait plus de fragmentation en Syrie,
14:50là, ça fait un peu l'arroseur arrosé,
14:52puisque les Américains sont présents sur le tiers de la Syrie.
14:54Sur toute la zone kurde.
14:56Et eux-mêmes viennent de...
14:58Trump a dit, ne nous en mêlons pas,
15:00ils viennent de faire, justement,
15:0275 frappes sur Daesh.
15:04Joulani est un ancien de Daesh,
15:06mais il le jure qu'on n'y reprendra plus.
15:08Et Daesh, effectivement,
15:10dans le désert syrien,
15:12était en train de progresser vers Palmyre,
15:14et a été tapé,
15:16une autre ville antique,
15:18il a été tapé
15:20par les frappes américaines.
15:22Pour l'instant, on considère que Daesh
15:24n'a pas beaucoup de force en Syrie.
15:26Par rapport au HTS,
15:28et qu'ils se sont,
15:30le groupe de Joulani,
15:32qui était aujourd'hui à Damas,
15:34ils se sont battus dans le passé.
15:36Votre deuxième question, c'était...
15:38Il n'y a pas de deuxième question.
15:40C'était juste, je reprenais les phrases de Blinken,
15:42il faut tout faire pour éviter une fragmentation
15:44de la Syrie,
15:46et les Etats-Unis déterminent à ne pas laisser
15:48l'Etat islamique se reconstituer.
15:50Voilà.
15:52Ils sont dans la fragmentation,
15:54ils protègent les Kurdes,
15:56contre l'apéritif d'Erdogan,
15:58qui est aujourd'hui,
16:00des relations très proches
16:02avec Joulani.
16:04Vous disiez tout à l'heure,
16:06c'était une fin de vos propos,
16:08que c'était l'Iran qui était dans le viseur,
16:10derrière toutes ces opérations.
16:12Est-ce que le régime iranien peut tenir,
16:14après la défaite du Hezbollah,
16:16dont vous avez parlé,
16:18et après la chute du régime syrien,
16:20dont ils étaient un des principaux soutiens ?
16:22Et aussi ajouter au fait
16:24qu'à cela,
16:26que le Hamas n'est plus très en forme.
16:28C'est le moins qu'on puisse dire.
16:30Effectivement, c'est aujourd'hui,
16:32c'est la prochaine question
16:34qui se pose.
16:36Est-ce que le régime syrien,
16:38pardon, est-ce que le régime iranien,
16:40tel qu'il est, c'est-à-dire avec la théocratie,
16:42le guide Khamenei,
16:4485 ans, 35 ans au pouvoir,
16:46cancer de la prostate,
16:48qui est disons aussi sclérosé
16:50que l'était, même plus encore
16:52que le régime Assad,
16:54qui était relativement jeune.
16:56Est-ce qu'ils sont encore capables
16:58de défendre l'intégrité territoriale
17:00de l'Iran
17:02face à des ennemis éventuels ?
17:04Puisque la Syrie étant faible,
17:06quelqu'un à côté l'a mangé.
17:08Est-ce que l'Iran affaibli peut tenir
17:10face aux appétits de ses voisins
17:12qui veulent certainement se venger,
17:14turcs, arabes, pakistanais
17:16et autres ?
17:18C'est la question qui se pose,
17:20même y compris au niveau des gardiens de la révolution,
17:22qui sont devenus maintenant
17:24un groupe un peu autonome,
17:26qui n'ont plus trop besoin du clergé parce que
17:28leur grand chef, Qassem Souleimani,
17:30qui a été liquidé par Trump
17:32sur l'aéroport de Bagdad en janvier 2020,
17:34a été devenu,
17:36a été sanctifié
17:38comme une sorte de martyr
17:40du chiisme. Il y a un culte
17:42qui lui est rendu, vous pouvez acheter de la vaisselle
17:44à son effigie à Téhéran aujourd'hui.
17:46Donc ils peuvent se dire,
17:48qu'est-ce qu'on a besoin encore
17:50de ces curés, entre guillemets,
17:52comme on appelle les ayatollahs
17:54clésamans
17:56en Iran ?
17:58Est-ce qu'au fond, il ne faut pas
18:00plutôt établir une espèce de régime autoritaire ?
18:02Ils regardent
18:04ce qui se passe en Arabie Saoudite
18:06où Mohammed Ben Salmane a mis
18:08les religieux de côté
18:10et finalement, c'est plus simple,
18:12les femmes ont des libertés publiques.
18:14Donc on voit bien qu'en Iran
18:16où le trépied c'est le régime,
18:18l'infaillibilité du guide,
18:20de la République, le port du voile
18:22obligatoire et la lutte
18:24contre l'entité sioniste.
18:26L'entité sioniste, elle se porte
18:28plutôt mieux aujourd'hui.
18:30Les femmes,
18:32désormais, dans un certain nombre de
18:34villes iraniennes, se promènent
18:36têtes nues. Le Parlement,
18:38tenu par les ultraconservateurs, est en train
18:40de durcir la législation en disant
18:42qu'il y aura des amendes, des normes,
18:44mais de même qu'il y a un député qui a dit tout à l'heure
18:46pour faire peur aux américains, on va faire un essai
18:48nucléaire. Donc on a un peu l'impression
18:50que c'est, si vous me passez l'expression,
18:52que de la gueule, en ce moment,
18:54qui est en train de se passer et
18:56qu'en Iran, il y a des tensions
18:58très fortes au sommet pour
19:00savoir quelle politique mener.
19:02Donc on a l'impression que ça branle dans le manche.
19:04Ajoutez, dernier point,
19:06Elon Musk
19:08qui, le 11 novembre, a pris langue
19:10avec l'ambassadeur iranien
19:12aux Nations Unies.
19:14Je ne pense pas que c'était pour lui vendre tout de suite des Tesla,
19:16mais les iraniens
19:18n'ont pas démenti pendant une semaine
19:20et au bout d'une semaine, ont dit
19:22non, ça n'a jamais eu lieu. Je me suis renseigné
19:24auprès de sources américaines, ça a eu lieu.
19:26Alexandre Malafaie.
19:28En se remettant dans la perspective longue, longue de l'histoire,
19:30on a un peu l'impression qu'entre la Turquie
19:32et l'Iran, c'est un peu les
19:34empires percés ottomans qui
19:36s'affrontent et que tout ce
19:38qui avait été tracé par les occidentaux, les européens,
19:40les français, les anglais, tout ça a volé en éclats.
19:42Mais ce n'était pas ma question.
19:44Mais ça n'empêche pas que c'était une excellente remarque.
19:46Merci beaucoup, M. Kappel.
19:48On entend depuis deux jours
19:50une petite musique qui s'installe quand même dans l'ensemble
19:52de médias, en disant après tout, il faut donner la chance
19:54aux produits, à propos d'HTS et de son leader.
19:56En clair, est-ce que
19:58finalement, de votre point de vue,
20:00ces groupuscules qui sont
20:02quand même très nombreux, parce que lui, il en est l'un parmi
20:04les 500, il y en a 500 en Syrie aujourd'hui
20:06qui se tirent la bourre et qui s'affrontent.
20:08Est-ce qu'ils peuvent arriver à basculer vers la création
20:10d'un état qu'on dirait acceptable
20:12qui respecterait les chrétiens d'Orient ? Petit sujet
20:14non négligeable parce qu'ils sont maltraités
20:16depuis très longtemps. Et question accessoire...
20:18Maltraité est un doux euphémisme.
20:20Et question accessoire, est-ce que vous pensez qu'en définitive,
20:22quand même, après tout ça, quand on voit ce qui se passe,
20:24la Turquie peut
20:26encore longtemps rester dans l'OTAN ?
20:28Alors ça, c'est toute la force
20:30de la Turquie. C'est de dire
20:32je suis oiseau, voyez mes ailes
20:34et je suis
20:36animal, voyez ma chair.
20:38La Turquie joue
20:40avec beaucoup de maestria, de cette
20:42ambiguïté. Ils ont
20:44fait le chantage par exemple
20:46quand les scandinaves
20:48voulaient entrer dans l'OTAN, que si jamais
20:50les scandinaves laissaient les Kurdes
20:52à des positions d'influence
20:54dans leur pays, ils votaient contre.
20:56Les finlandais et les suédois
20:58ont payé cher.
21:00Donc ça, c'est le jeu de la Turquie.
21:02Alors,
21:04aujourd'hui, ce que
21:06vous soulignez, c'est effectivement
21:08que Jolanie est simplement le nom
21:10ou la figure de ce qui
21:12se joue en Syrie dans la transition.
21:14On ne sait pas quel est son
21:16véritable pouvoir, on ne sait pas
21:18quelle est sa sincérité et on ne sait pas
21:20sur qui il s'appuie. Ce qui est quand même,
21:22tout à l'heure, on a essayé de voir
21:24l'histoire en disant
21:26quel était le facteur
21:28qui avait
21:30abouti à l'effondrement du régime.
21:32Le 7 octobre, les bombardements,
21:34liquidation des gardiens de la révolution,
21:36du Hezbollah, etc. Maintenant,
21:38ce qu'on ne sait pas vraiment, c'est
21:40qu'est-ce qui a permis que cette offensive soit aussi
21:42efficace en une dizaine de jours.
21:44Quand ils arrivent à Damas,
21:46le premier ministre les reçoit,
21:48bonjour, prenez un verre,
21:50et discutons ensemble, embrassons-nous.
21:52Tout ça donne le sentiment
21:54d'avoir été quand même assez téléphoné.
21:56Et il y a eu aussi bien
21:58à Doha,
22:00il y a eu une réunion récemment
22:02des responsables
22:04iraniens, turcs,
22:06russes, avec des
22:08arabes, où, dit-on,
22:10on a considéré, et les
22:12iraniens, que le régime d'Assad
22:14était fichu, que ce n'était plus la peine de le défendre,
22:16et qu'il fallait préparer
22:18une forme de transition, que le rapport de force
22:20était celui-ci. Qu'est-ce qui s'est
22:22dit à Doha ? Je n'y étais pas.
22:24Donc, je n'étais pas non plus
22:26pour une fois.
22:28Et donc,
22:30on ne sait pas, c'est quelque chose qu'il faut
22:32qu'on comprenne, en ce moment, et
22:34il faut aussi qu'on situe cela
22:36dans cette conjoncture,
22:38pardonnez-moi de me citer encore une fois,
22:40de bouleversement du monde,
22:42qui veut que Trump a dit,
22:44le 20 janvier, tout le monde au rapport.
22:46Et donc, le 20 janvier,
22:48chacun est en train de préparer ses petits
22:50paquets pour dire, moi monsieur,
22:52Erdogan dit, regardez, moi
22:54j'ai pris une position de pouvoir,
22:56je contrôle la Syrie,
22:58en échange, à propos,
23:00les F-35, où sont-ils ?
23:02Et puis, il dit aussi
23:04à Erdogan, à propos de votre base,
23:06vos bases, si vous ne voulez pas qu'on les tape,
23:08il faudrait penser à me faire
23:10un discount sur
23:12les missiles solaires, vous voyez ?
23:14De même, les
23:16Iraniens sont en train de prendre des positions,
23:18les Russes, les Israéliens aussi,
23:20il y a quelque chose qui est très frappant, c'est que
23:22Trump a dit, attention,
23:24si jamais les otages ne sont pas libérés,
23:26ça sera l'enfer,
23:28hell to pay,
23:30pour tous ceux qui auront mis obstacle et qui le pouvaient.
23:32Tout le monde s'est dit, c'est le Hamas qui est visé.
23:34Oui, c'est le Hamas, certainement,
23:36mais c'est aussi les suprémacistes
23:38israéliens, Ben Gvir
23:40et
23:42Smotrich, qui refusent
23:44toute négociation avec le Hamas,
23:46et qui mettent la pression à Netanyahou là-dessus,
23:48en disant, si Netanyahou
23:50négocie, il retire
23:52leur député et Netanyahou perd sa majorité
23:54et c'est la case prison.
23:56Donc, on voit bien...
23:58D'ailleurs, vous avez 100 frappes israéliennes sur des sites militaires
24:00syriens aujourd'hui.
24:02Oui, j'ai vu ça également.
24:04La question pour Israël,
24:06c'est de savoir, est-ce que le diable qu'il connaissait,
24:08à savoir Bachar al-Assad,
24:10était moins bien ou mieux
24:12que le diable inconnu ?
24:14Ce qui n'a pas empêché Netanyahou de
24:16passer à la télévision hier et dire, c'est grâce
24:18à nous, grâce à nos frappes,
24:20que le peuple syrien s'est libéré.
24:22D'ailleurs, Gilles Keppel, il est où, le diable ?
24:24Il est à Moscou, comme on le dit ?
24:26Est-ce que c'est une... peut-être plausible ?
24:28Alors oui, ça c'est pas si c'est un bombe...
24:30Ah, le diable, Bachar al-Assad ?
24:32Oui, c'est ce qui a été annoncé.
24:34Il y a eu toutes sortes de rumeurs,
24:36après le départ de l'avion,
24:38la rumeur s'est répandue au Moyen-Orient,
24:40que le jet de Bachar avait
24:42rencontré un missile.
24:44Là, les Russes ont dit,
24:46la famille Assad est là,
24:48ne refusent de dire où ils sont et ne confirment plus.
24:50C'est ça.
24:52Donc on est dans une espèce de flou...
24:54Mais c'est normal.
24:56Où le mensonge est quand même un élément très important de la diplomatie.
24:58Mais c'est pas grave, en tant que tel,
25:00s'il a disparu, ça ne change plus grand-chose maintenant.
25:02Oui, pour lui, effectivement,
25:04il faut passer par perdre des profits.
25:06En revanche, pour les Russes, c'est un élément important
25:08parce que c'est un signe
25:10qu'on donne
25:12aux autres alliés des Russes
25:14dans le monde, à savoir
25:16le jour où ça ne va pas,
25:18vous avez une maison d'Undacha
25:20quelque part en Russie,
25:22et s'il les lâche, qu'il les laisse tomber,
25:24évidemment, ça ne va pas
25:26susciter des vocations supplémentaires.
25:28Et la France dans tout ça ? Je voudrais qu'on écoute
25:30le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barraud.
25:32La place qui sera donnée aux femmes,
25:34la place qui sera donnée
25:36aux minorités chrétiennes, druses,
25:38kurdes, conditionne
25:40la capacité
25:42de la Syrie à vivre
25:44en paix et en sécurité dans sa région.
25:46Les premiers signaux démontrent
25:48une volonté de ces groupes
25:50d'écarter
25:52les exactions dont certains groupes
25:54islamistes ou djihadistes sont
25:56coutumiers, d'écarter certaines
25:58attitudes qui démontreraient une volonté
26:00hégémonique. Mais nous sommes très prudents,
26:02et je le dis, l'appui de la France sera conditionné
26:04au respect des minorités,
26:06des droits humains. Ça s'apprécie sur la durée, évidemment.
26:08Voilà des mots très prudents
26:10de Jean-Noël Barraud. Je cite quand même son homologue
26:12britannique David Lamy, lui qui dit
26:14attention, il ne faut pas qu'on soit aveuglé
26:16sur les risques. De ce moment, la chute
26:18d'Assad n'apporte aucune garantie de
26:20paix, dit le ministre des Affaires étrangères,
26:22britannique, en contrepartie
26:24de ce que vient de dire Jean-Noël Barraud.
26:26Effectivement,
26:28disons, la déstabilisation est
26:30inscrite dans le renversement
26:32des despotes. Les despotes
26:34sont des régimes horribles
26:36sur lesquels on peut
26:38partager cette horrible idée
26:40de la stabilité. Le régime d'Assad
26:42avait deux défauts, il était
26:44despotique et il était totalement instable.
26:46Donc, il n'a pas pu survivre.
26:48On ne peut pas,
26:50aujourd'hui, écarter quand même
26:52ce sentiment de liesse
26:54qui est de voir, vous l'avez mentionné,
26:56la prison de Saïd Naya, ce qui se passe est absolument
26:58atroce
27:00et les gens respirent véritablement.
27:02Le problème, c'est d'accompagner
27:04autant qu'on le peut la transition
27:06et aussi de retenir
27:08notre souffle, parce que tout ça se
27:10préoccupe. On n'a jamais vu ça dans une
27:12transition américaine, où Trump
27:14est quand même déjà président sans avoir encore
27:16été intronisé.
27:18Je sens qu'on va en reparler, Gilles Kepel,
27:20et que vous allez revenir nous en parler.
27:22Politologue, auteur du
27:24Bouleversement du monde, l'après-7 octobre,
27:26publié aux éditions Plon. Merci beaucoup d'avoir
27:28été avec nous. Dans un instant,
27:30on passe en revue l'actualité
27:32interne du pays, si j'ose dire.
27:34A tout de suite sur Europe 1.