• il y a 2 semaines
La signature de l’accord commercial entre le Mercosur et l’Union européenne pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines et fait débat. Qui seraient les gagnants et les perdants de cet accord ? Quels impacts sur l’agriculture en France ? Qu’est-ce que la position de la France dit de sa puissance ? Diane Mordacq, chargée de projet du Club Demeter, nous éclaire sur les enjeux stratégiques de cette potentielle signature.

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Transcription
00:00Générique
00:06L'invité de ce Smart Impact, c'est Diane Mordac. Bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue. Vous êtes chargée de projet au Club Déméter.
00:12On va parler de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur.
00:16D'abord, quelques mots de présentation de Déméter.
00:19Oui, bien sûr. Donc le Club Déméter, c'est là où je travaille.
00:21Donc le Club Déméter, c'est un club de dirigeants, un club d'entreprises et d'organisations professionnelles
00:27qui rassemble aujourd'hui 90 membres.
00:30Donc en fait, le Club Déméter travaille avec les dirigeants de ces entreprises et organisations.
00:35On est là, en fait, pour les informer sur des sujets qui ne seraient pas leur sujet du quotidien,
00:39l'intelligence artificielle ou d'autres choses qui sont comme ça.
00:44Et donc ces dirigeants viennent chercher de l'information au Club Déméter
00:46et aussi viennent chercher un lieu où ils peuvent faire du networking avec les autres dirigeants du même secteur.
00:51Et c'est un club qui est spécialisé sur l'agriculture ou pas forcément ?
00:55Oui, en fait, les membres du Club Déméter sont soit des coopératives agricoles,
01:00mais ça peut être aussi des entreprises privées qui sont au niveau de la transformation,
01:05donc l'agroalimentaire, mais aussi tout ce qu'il y a autour de l'agriculture,
01:08donc par exemple les engrais ou les produits de traitement.
01:12Et donc au cœur de ces enjeux du MERCOSUR,
01:15alors je rappelle que c'est l'abréviation de marché commun du Sud en espagnol,
01:20cet accord là qui est tant décrié, qui mobilise de nouveau nos agriculteurs,
01:25qu'est-ce qu'il contient ? C'est quoi les grands principes ?
01:27Oui, alors d'abord, juste avant de rentrer peut-être sur les principes,
01:30rappelez le MERCOSUR, donc c'est 5 États d'Amérique du Sud.
01:34On va aller voir s'afficher, Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie.
01:37Tout à fait, le PIB du MERCOSUR, c'est 5% du PIB mondial.
01:42Au niveau de la population, c'est 4% de la population mondiale.
01:45En face, on a l'Union Européenne, donc 27 États membres.
01:48L'Union Européenne, c'est plutôt 15% du PIB mondial et 6% de la population.
01:53Donc voilà, c'est pour rappeler les deux grands acteurs.
01:56Et ensuite, ce qu'est cet accord ?
01:59Donc c'est un accord de libre-échange, un accord commercial
02:02qui appartient à un paquet plus large,
02:04dans lequel on a aussi la coopération, par exemple, politique.
02:08Le but de cet accord, comme tout accord commercial,
02:10c'est de multiplier les échanges, donc dans un sens et dans l'autre.
02:13Donc voilà, en jouant sur les droits de douane qui seraient réduits.
02:16Oui, c'est un marché, vous avez donné le pourcentage,
02:20mais ça représente 270 millions d'habitants.
02:23Alors c'est même beaucoup plus si on rajoute les pays associés au Mercosur,
02:27Chili, Colombie, Pérou.
02:30Ma première réaction, c'est pourquoi se priver d'autant de débouchés ?
02:35Alors pourquoi se priver d'autant de débouchés ?
02:37C'est vrai qu'en fait, quand on fait un accord de libre-échange,
02:40une des idées qu'il y a derrière la tête, souvent,
02:42c'est d'avoir des débouchés pour certains secteurs d'activité.
02:45Puisque nous, on sait que l'Union Européenne,
02:47c'est quand même un marché qui est assez mature,
02:49une population qui n'augmente plus vraiment.
02:51Certains pays même qui perdent en population,
02:53alors qu'il y a d'autres continents, comme l'Amérique du Sud,
02:55mais c'est vrai aussi en Asie, où la population est en croissance,
02:59où la population augmente,
03:00mais aussi le pouvoir d'achat des personnes augmente.
03:02Donc ça permet en effet d'avoir des débouchés.
03:05Sauf qu'en parallèle, comme dans tout traité de libre-échange,
03:07il y a des gagnants et des perdants.
03:08Je parle au niveau des secteurs d'activité.
03:10Là, les gagnants, on en parle souvent,
03:12ce serait le secteur automobile, par exemple,
03:14notamment avec l'Allemagne, et le perdant...
03:16Les constructeurs français peuvent en profiter aussi.
03:18Oui, voilà, tout à fait.
03:20On ne doit pas leur interdire d'aller sur le marché sud-américain.
03:22Il n'y a pas que les constructeurs allemands qui peuvent en profiter.
03:25Non, en effet, bien sûr, il y a différents secteurs de différents pays.
03:29Et là où ça coince, en fait, c'est au niveau agricole.
03:32Bien sûr, il y aura aussi des gagnants au niveau agricole.
03:35On pense par exemple au producteur de vin,
03:37qui pourrait exporter plus de vin, plus de champagne.
03:40Mais ça coince par rapport surtout au bovin et au sucre,
03:43parce que ces pays d'Amérique du Sud sont producteurs.
03:46Nous aussi sommes producteurs.
03:47Sauf qu'aujourd'hui, on produit et on est moins compétitifs.
03:50Donc ça permettrait, en fait, il y aurait ces produits qui rentreraient
03:53et les nôtres qui seraient désavantagés.
03:54Pourquoi il fait débat en ce moment ? La signature est proche ?
03:58Il y a eu le G20 au Brésil.
04:03Je pense que c'est un an aussi après les manifestations agricoles de l'an dernier.
04:09Donc il y a un peu tout ça qui se remet en route.
04:12Et je pense que le G20, il y avait aussi cette appréhension de signature
04:16du Mercosur, de l'accord pendant le G20.
04:18Alors on va peut-être rentrer un peu dans le détail de ce que ça représente
04:22au niveau européen, parce que c'est aussi intéressant sur la place de la France,
04:27l'isolement de la France, peut-être même aussi le poids
04:31d'un Emmanuel Macron aujourd'hui au niveau international.
04:34La France semblait très isolée au départ.
04:36Elle l'est peut-être un peu moins aujourd'hui. Est-ce qu'on peut dire ça ?
04:39Oui, elle l'est moins, puisqu'il y a des pays qui se rallient autour de la France.
04:44Par exemple, la Pologne dernièrement.
04:46Il y a l'Italie aussi qui a fait savoir qu'elle partageait la position de la France.
04:50Je ne pense pas qu'on puisse parler d'une France qui est isolée.
04:52Je pense qu'en fait, il y a des intérêts qui sont différents au sein même de l'Union européenne,
04:56qui fait que sur certains dossiers, oui, les pays sont isolés.
04:59Mais je pense qu'on a quand même encore de l'influence au sein de l'Union européenne.
05:03Et je pense que le fait de parler de ce sujet sous tous les angles,
05:06pas juste l'angle économique, mais aussi rappeler ce qu'est l'agriculture,
05:09ce que ça apporte au niveau social, par exemple,
05:11ce que ça pourrait apporter aussi au niveau environnemental.
05:13On parle de capture du carbone grâce à l'agriculture.
05:16On parle aussi, grâce à l'élevage, d'avoir des engrais qui sont biologiques
05:20pour ensuite faire de l'agriculture biologique.
05:22Enfin, rappeler vraiment tout ce qu'est l'agriculture
05:24et ce qu'elle permet aujourd'hui et ce qu'elle peut permettre aussi dans le futur.
05:28– L'objectif, ce n'est pas forcément d'interdire cet accord, c'est de l'améliorer ?
05:33– Oui, c'est de le changer parce que là, en fait, on est sur une base qui date de 2019.
05:37Il y a eu un accord de principe, en fait, qui a été signé en 2019.
05:40– On peut rappeler que ça fait 25 ans qu'il est sur la table.
05:42– Oui, ça fait 25 ans. – Depuis 1999, quand même.
05:44– Oui, c'est ça, donc ça fait un moment.
05:46Et en 2019, il y a eu cet accord de principe qui a été conclu,
05:50mais qui reste un accord de principe, donc ce n'est pas un accord qui a été mis en place.
05:54Depuis 2019, rien n'est fait.
05:58Et donc, ce qu'il faut, c'est la dernière version de cet accord,
06:01celle qui sera signée, ratifiée et mise en place.
06:05– Il manque un pays, là, au niveau européen,
06:08puisqu'il faut, je crois, 4 pays qui représentent 35% de la population de l'Union.
06:12C'est ça, pour réussir à bloquer un accord ?
06:15– Il faut 4 pays qui représentent les 35% de la population de l'Union européenne
06:19pour bloquer, au niveau du Conseil européen, cet accord.
06:23Mais on n'a pas encore la version finale, en fait, de l'accord,
06:26donc on ne sait pas non plus si, au final, la version qu'on nous présentera
06:30sera bénéfique aussi pour la France et son agriculture.
06:33– Est-ce qu'on ne noircit pas le tableau, quand même,
06:35sur notamment ce boeuf brésilien qui déferlerait sur nos étages ?
06:40Je ne vais pas rentrer dans le détail des chiffres,
06:42mais ça ne représente pas des pourcentages très importants
06:46du boeuf consommé en France ou en Europe.
06:49– Oui, je pense qu'en effet, il faut voir qu'il y a des quotas qui seraient appliqués.
06:54Enfin, il y a un pourcentage seulement qui pourrait rentrer sur notre territoire.
06:57Mais ce qu'il faut ne pas oublier aussi, c'est, par ailleurs,
07:00les autres accords de libre-échange qu'on a,
07:03qui font aussi rentrer des produits agricoles sur notre territoire.
07:06On pense à l'Ukraine, on pense aussi au Canada ou à l'Australie.
07:10La Nouvelle-Zélande.
07:11Donc c'est un peu tout ça cumulé, je pense, qui commence à effrayer.
07:15Et je pense que c'est aussi un moment donné où nos producteurs,
07:18nos éleveurs sont aussi dans une passe un peu difficile,
07:20avec des coûts de production qui sont élevés,
07:23les prix du marché qui ne sont pas aussi élevés qu'il faudrait.
07:26Donc je pense que c'est tout ça, en fait, qui fait que ça devient indigeste.
07:29– Mais c'est ce que ça révèle, d'ailleurs.
07:31C'est ça qui est intéressant dans cette crise du Mercosur.
07:34Qu'est-ce que ça révèle comme faille beaucoup plus structurelle de notre agriculture ?
07:38– Ça révèle que notre agriculture dans l'Union européenne,
07:42et en particulier française, est peu compétitive au niveau économique.
07:46Peu compétitive pour des raisons qui sont totalement valables,
07:49parce qu'on s'intéresse plus maintenant peut-être à l'environnement,
07:52on fait plus attention, donc il y a des choses qui prennent plus de temps,
07:55qui donc coûtent plus cher à produire.
07:58Il y a des raisons aussi qui sont peut-être un peu moins valables.
08:00On parle souvent de la bureaucratie et de toutes ces normes qui se superposent.
08:06Donc ça montre qu'on est peu compétitif au niveau économique.
08:12– Mais cette transposition des normes qui est effectivement
08:18beaucoup critiquée par les agriculteurs français,
08:22il y a certainement plein de secteurs où les normes européennes,
08:25les normes françaises se superposent.
08:28On est souvent aussi, en France, sur certains points, mieux disant.
08:31Mais est-ce que ce n'est pas aussi un atout ?
08:35– Oui, que d'être plus ambitieux en matière environnementale.
08:37– Bien sûr, c'est tout à fait un atout, je pense que…
08:39– Mais ce n'est pas ce qu'on entend forcément dans la vie des agriculteurs.
08:42– Ce n'est pas ce qu'on entend, mais après il y a des agriculteurs très différents.
08:48On entend des choses, après il y a des choses qui sont plus relayées que d'autres.
08:51Mais bien sûr, c'est un atout que de voir le côté positif de l'agriculture
08:55pour l'environnement, parce qu'il y en a plein.
08:57Et c'est ce qui est aussi toute la difficulté de l'agriculture,
09:00c'est parce qu'on parle d'une production comme une autre,
09:04mais qui, en même temps, travaille avec l'environnement, avec le vivant.
09:08Donc c'est là toute la complexité.
09:10Et d'être ambitieux sur ces points-là, bien sûr que c'est très bien.
09:13Je pense qu'il nous reste encore du temps pour…
09:16Enfin, il faut qu'on trouve des méthodes qui soient plus efficaces,
09:20même au niveau environnemental.
09:22Je pense que tout le monde est en ordre de bataille pour réussir à produire
09:26tout en faisant plus attention à l'environnement.
09:29Mais oui, l'ambition c'est super.
09:30Après, il ne faut pas oublier le contexte international.
09:33Avec quand même des poids lourds économiques,
09:36aussi bien sur tous les secteurs que sur les secteurs agricoles.
09:40Et aussi des acteurs qui ne sont pas forcément plus lourds que nous,
09:44mais qui sont peut-être plus dynamiques ou,
09:46si je peux utiliser un autre mot, plus agressifs.
09:48Oui, effectivement.
09:49Avec notamment les États-Unis et cette guerre commerciale
09:52que Donald Trump est en train de rallumer.
09:55D'ailleurs, peut-on se parcier du marché sud-américain
09:57dans un contexte comme celui-là ?
09:58Tiens, ça aurait pu être une autre question supplémentaire.
10:00Merci beaucoup Diane Mordac d'être venue partager votre analyse
10:04et à bientôt sur Be Smart For Change.
10:06On passe à notre débat, les offres d'emplois à impact au programme.

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