Alain Duhamel, éditorialiste politique de BFMTV, était l'invité d'Apolline de Malherbe sur RMC et BFMTV, ce vendredi 6 décembre.
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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV, bonjour Alain Duhamel, merci d'être avec moi ce matin et de nous accompagner dans cette période hautement inédite,
00:10enfin inédite pour la plupart d'entre nous, pas tout à fait inédite pour vous.
00:13Vous étiez déjà journaliste politique lorsqu'en 1962 une première censure avait effectivement abouti.
00:21Vous êtes bien sûr éditorialiste politique à BFM TV, qui mieux que vous pour nous aider à tenter de comprendre ce qu'il se passe et ce qu'il peut se passer.
00:29Essayez de dessiner ensemble ce matin les scénarios possibles. Qu'allons-nous devenir ?
00:36Ou bien on va commencer à expérimenter une culture du compromis qui était le contraire de la logique et de la tradition de la Ve République,
00:48mais culture de compromis que j'appelle de mes voeux, ou bien on va continuer à demeurer comme c'est le cas en ce moment,
00:55comme c'est le cas depuis la dissolution, qui était quand même une absurdité politique intégrale, ou bien on restera dans une situation bloquée.
01:03Vous avez dit deux mots à mon avis qu'il va falloir qu'on tire, celui de compromis, culture du compromis, et celui d'absurdité.
01:11Je voudrais quand même m'arrêter un instant là-dessus, parce que vous avez entendu évidemment Emmanuel Macron hier.
01:15Certains disent « mea culpa », est-ce que vous trouvez qu'il y avait un « mea culpa » ou est-ce que c'était plutôt « bon, vous ne m'avez pas compris » ?
01:21Non, je crois qu'il reconnaissait non pas qu'il s'était trompé, mais qu'il avait la responsabilité directe.
01:27Ce qui est un fait, qu'il a vraiment la responsabilité.
01:31Pour le reste, c'était « on est dans la Ve République, je suis le président, je reste le président ».
01:37Autrement dit, d'accord, on ne m'a pas compris, mais ça ne veut pas dire « et j'ai eu tort ».
01:44Oui, c'est ça, c'est tout à fait juste. Il ne dit pas « je suis désolé de cela » ou « je regrette ».
01:51Non, il dit juste « vous ne m'avez pas compris ». C'est juste un problème de compréhension.
01:55C'est surtout un problème de...
01:57Mais pour vous, ça reste une absurdité.
01:59Oui, je veux dire, c'est une erreur gigantesque.
02:02Une erreur gigantesque. Est-ce qu'hier, il a pu commencer à esquisser un début d'ouverture de scénario ?
02:12Alors, hier, il a essayé de montrer une attitude moins bloquée qu'en d'autres circonstances.
02:20Est-ce que c'était vraiment l'ouverture d'un scénario ?
02:24Je n'irai pas jusque-là, mais à côté de ce que lui essaye de faire,
02:29il y a à l'Assemblée nationale déjà quelques petits symptômes, encore tout à fait réversibles,
02:37qui montrent qu'il y a un changement dans le climat.
02:41Et c'est pour ça que je pense que la question de l'acquisition de la culture de compromis,
02:46qui est le contraire de ce qu'est la Ve République,
02:49peut-être que par la force des choses, et si j'ose dire grâce à l'erreur d'Emmanuel Macron,
02:55peut-être qu'on va commencer à s'y approcher.
02:59Quels sont les signes que vous décelez, Alain Duhamel ?
03:02Quand je vois d'une part la volonté de forces de gauche, disons réformistes pour simplifier,
03:11qui ont envie de discuter, quand on voit d'autre part qu'apparaissent des thèmes
03:17comme au fond il faut échanger plus de 49-3,
03:21donc on ne cherche pas à forcer la main à l'Assemblée nationale,
03:25et en échange plus de censure pour essayer de voir ce qu'on peut faire,
03:30pour moi c'est positif et c'est la direction dans laquelle il faut aller.
03:34Mais il reste évidemment, je ne me fais pas d'illusion,
03:37c'est pour ça que je dis que ce sont de tout petits premiers symptômes,
03:40mais il reste la question, oui, mais est-ce que c'est un gouvernement dirigé par une personnalité
03:45qui est dans le Nouveau Front Populaire, ou dirigé par une personnalité qui est dans la majorité ?
03:51Sans doute plus à gauche dans la majorité, mais tout étant relatif.
03:55Est-ce qu'ils peuvent travailler ensemble ?
03:57Premier moment, Emmanuel Macron, tout à l'heure, recevra à l'Élysée les responsables socialistes,
04:04les responsables en effet de l'ancienne majorité macroniste, les LR.
04:09Il en manque quand même, je recevais ce matin Marine Tondelier, la patronne des écolos,
04:13qui dit « mais moi j'y aurais été s'il m'avait invité, pourquoi ne nous a-t-il pas fait signe ? »
04:17Est-ce une erreur ?
04:18Oui, je pense qu'il a tort.
04:20Je pense qu'en République, surtout quand on est le président et qu'on se présente comme le symbole de la République,
04:29à partir de ce moment-là, il faut pouvoir recevoir les dirigeants de tous les partis,
04:35ceux qu'on aime et ceux qu'on n'aime pas.
04:37Ce n'est pas à lui de choisir.
04:38Je pense que son rôle dans un cas comme ça,
04:41ça c'est ce que j'appellerais tout simplement de la courtoisie républicaine,
04:44mais ça fait partie du rôle d'un président de la République.
04:47On n'est plus dans la courtoisie, on est dans le construire ensemble.
04:49Oui, mais le fait... Non, alors il y a deux choses.
04:52Le président doit recevoir tout le monde,
04:55parce que tout le monde est légitime à être reçu,
04:58parce que tout le monde a été élu par des Français.
05:00Donc, il faut recevoir tout le monde.
05:02En même temps, il ne faut pas jouer sur les mots.
05:06Il ne reçoit pas pour négocier avec les partis qui serait le Premier ministre
05:12et si c'est un gouvernement de ci ou de cela.
05:14Lorsqu'il reçoit les socialistes, on sent bien qu'il se dit
05:17je vais tenter de les convaincre de rompre avec une part du NFP,
05:22notamment LFI, pour venir travailler dans un bloc central.
05:25Bien entendu, mais c'est ce que lui dit et ça n'est pas un hasard,
05:28c'est aussi ce que disent beaucoup de membres de sa majorité.
05:31C'est le moment de détacher, d'ailleurs on voit très bien,
05:34il y a un véritable bombardement venu de la majorité en direction des socialistes
05:39pour leur dire, allez quittez les insoumis et venez avec nous,
05:43on a plus de choses en commun, etc.
05:45Ça, je pense que c'est une mauvaise méthode.
05:48Je pense que ce n'est pas ça qui fait avancer les choses,
05:51parce qu'on fait semblant de croire qu'on a des programmes compatibles.
05:56Pour l'instant, on n'a pas de programme compatible.
05:59Les socialistes ont voté le programme du Nouveau Front Populaire
06:03et le programme de la majorité actuelle, enfin majorité, du Cercle Central.
06:08C'est complètement différent.
06:10Moi, je crois qu'il ne faut pas être trop ambitieux,
06:13il faut avancer pas à pas.
06:15S'il y avait un Premier ministre,
06:18on reviendra peut-être sur les questions de personnes,
06:20mais là, ce n'est pas ça que je pense pour l'instant,
06:22mais s'il y avait un Premier ministre qui donne une image de plus grande ouverture.
06:26Socialiste, par exemple ?
06:28Membre du Parti Socialiste, non,
06:30parce qu'à ce moment-là, ça serait la rupture entre les socialistes et les insoumis.
06:34Une personnalité de gauche au sens large ?
06:36Bon, écoutez, on ne va pas tourner autour du pont,
06:39mais ensuite, je voudrais revenir au contenu.
06:42Je pense que Bayrou, il a appelé à voter deux fois,
06:47à deux élections présidentielles,
06:49contre Nicolas Sarkozy,
06:51et il a appelé à voter pour François Hollande, deux fois.
06:54Bon, ça veut dire que ce n'est pas quelqu'un de droite,
06:57c'est, à l'intérieur de la majorité, l'aile gauche.
07:01Bon, ce n'est pas une révolution,
07:05mais c'est une inflexion.
07:07Par ailleurs, le même François Bayrou avait donné,
07:10pour des raisons démocratiques, disait-il, assez symboliquement,
07:13son parrainage à Marine Le Pen,
07:16estimant qu'elle devait pouvoir se présenter.
07:18Pour vous, il est donc une sorte d'homme du compromis, par nature ?
07:22D'abord, je pense que c'est dans la nature du modem,
07:25et des centristes,
07:27mais je pense qu'à l'intérieur de la majorité,
07:30il incarne l'aile la plus ouverte.
07:34Bon, mais ça, c'est la question de l'homme.
07:36Mais il y a la question de la méthode.
07:38Je pense que pour que ça marche, il faut bouger,
07:40mais il ne faut pas essayer de courir.
07:42Il faut marcher, il ne faut pas courir.
07:44Ce n'est pas la même chose.
07:46Je pense que dans l'immédiat,
07:48ce qui pourrait marcher,
07:50c'est d'une part de fixer une dizaine de thèmes
07:54sur lesquels on a envie d'avancer.
07:56Lesquels en priorité ?
07:58Dans l'immédiat, par exemple,
08:00c'est évident que s'agissant soit des agriculteurs,
08:02soit de la construction,
08:04ce sont deux branches qui ont besoin
08:06qu'on leur donne des réponses immédiates, par exemple.
08:08Mais il y a beaucoup de choses.
08:10Les hôpitaux, les retraites,
08:12je peux vous faire une liste.
08:14Donc se mettre d'accord sur un certain nombre de thèmes prioritaires,
08:16et être ouvert à une discussion
08:18sur la manière d'y répondre,
08:20d'une part.
08:22D'autre part, de se dire, dans ces conditions,
08:24vous ne nous censurez pas,
08:26mais on n'utilise pas le 49-3.
08:28C'est une sorte de donnant-donnant.
08:30Nous ne vous forcerons pas la main,
08:32mais au contraire, vous vous engagez à ne pas nous censurer.
08:34Et c'est, au fond,
08:36imaginer
08:38une règle du jeu
08:40différente de la tradition de la Vème République,
08:42dans laquelle le cœur
08:44de la décision deviendrait
08:46l'Assemblée nationale,
08:48c'est-à-dire une parlementarisation.
08:50Les institutions elles-mêmes, tout en gardant
08:52le cadre de la Vème République,
08:54sont-elles adaptées
08:56à cette méthode ?
08:58Les institutions ne sont pas faites pour ça.
09:00La logique est une logique présidentielle,
09:02mais le fonctionnement d'une Assemblée nationale
09:04peut tout à fait mener à ça.
09:06Et je dirais que si on veut
09:08un petit peu accélérer les choses
09:10et les rendre peut-être plus digestes,
09:12notamment pour la gauche
09:14réformiste,
09:16je pense qu'il faut, en même temps,
09:18annoncer qu'on irait,
09:20s'ils sont d'accord,
09:22vers le scrutin proportionnel.
09:24François Bayrou y est favorable ?
09:26Il y est favorable depuis toujours.
09:28Et les socialistes ne demandent que ça.
09:30Et Marine Le Pen aussi.
09:32Donc là-dessus, tout le monde est d'accord.
09:34Enfin, pas tout le monde, mais beaucoup.
09:36Enfin, pas les républicains, traditionnellement.
09:38Mais il y aurait une nette majorité pour ça,
09:40et ça change les choses.
09:42Parce qu'à ce moment-là, pour le coup,
09:44la proportionnelle,
09:46ça rend leur liberté de mouvement totale
09:48aux socialistes et aux écologistes.
09:50Ils ne dépendent plus d'une alliance ?
09:52Voilà. Alors ça ne veut pas dire
09:54qu'ils entreraient dans une majorité
09:56centriste, et encore moins qu'ils entreraient
09:58dans le gouvernement. C'est pour ça que je vous dis,
10:00il faut avancer pas à pas.
10:02On ne serait plus dans une logique d'alliance nécessaire
10:04par le scrutin majoritaire.
10:06Pour aller au bout de mon raisonnement...
10:08C'est assez construit, quand même, Alain Duhamel.
10:10Je suis étonnée
10:12qu'Emmanuel Macron
10:14n'ait pas dessiné ce genre de chemin.
10:16En fait, c'est assez concret, ce que vous dites.
10:18En tout cas, ça n'est pas utopique.
10:20C'est déjà pas mal.
10:22C'est réalisable.
10:24Au-delà, si
10:26la proportionnelle était adoptée,
10:28d'une part, ça délie
10:30des liens précédents.
10:32Chaque formation devient libre
10:34de ses mouvements.
10:36Au-delà, moi j'aimerais...
10:38Je reconnais que c'est une réforme constitutionnelle,
10:40mais elle peut très facilement
10:42s'adopter par congrès.
10:44Rapidement, je pense
10:46qu'on devrait mettre en place
10:48le système
10:50allemand ou espagnol
10:52de la censure
10:54constructive.
10:56C'est quoi la censure constructive ?
10:58Ça consiste à dire
11:00si une majorité
11:02de députés choisit
11:04un leader comme
11:06candidat, chancelier, président
11:08du Conseil et en France, premier ministre,
11:10si une majorité le choisit,
11:12et si cette personne
11:14peut s'appuyer sur la majorité,
11:16elle remplace le gouvernement en place.
11:18Ça voudrait dire concrètement...
11:20C'est proposer une alternative.
11:22C'est ne pas détruire, mais proposer une alternative.
11:24C'est une censure positive
11:26et pas une censure négative.
11:28Et ça, je pense qu'un
11:30congrès à Versailles,
11:32en une demi-journée, est capable d'adopter
11:34quelque chose comme ça. Et je pense que
11:36dans les mœurs, ça changerait énormément,
11:38mais je ne suis pas hypocrite.
11:40Je suis conscient du fait que, d'une part,
11:42ça va dans le sens d'une parlementarisation
11:44de la Ve République.
11:46Mais ça, je crois qu'il y a beaucoup de Français
11:48qui le souhaiteraient, ça.
11:50La parlementarisation, plus de pouvoir
11:52à l'Assemblée, moins de pouvoir au Président.
11:54– Je voudrais qu'on écoute les mots du Président de la République
11:56hier soir sur les extrêmes.
11:58L'extrême droite, l'extrême gauche,
12:00et que vous nous disiez ce que l'on peut en faire. Écoutez.
12:02– J'ai laissé le Premier ministre gouverner,
12:04le Parlement légiférer.
12:06Et hier donc,
12:08le gouvernement a été censuré.
12:10Et cela, malgré les concessions
12:12faites par Michel Barnier
12:14à l'ensemble des groupes parlementaires.
12:16Il a été censuré,
12:18ce qui est inédit depuis 60 ans,
12:20parce que l'extrême droite
12:22et l'extrême gauche se sont unis
12:24dans un front
12:26anti-républicain.
12:28Et parce que des forces qui, hier encore,
12:30gouvernaient la France ont choisi
12:32de les aider. – Ce sont-elles,
12:34depuis lors, exclues,
12:36en quelque sorte, l'extrême droite et l'extrême gauche,
12:38de ce centre
12:40qui peut gouverner ?
12:42– Je pense que leur vocation
12:44n'est pas d'entrer dans ce que
12:46j'essayais de décrire. – Ni l'un ni l'autre,
12:48c'est-à-dire ni à Rennes ni à la FI ? – Non, je pense que non.
12:50Et d'ailleurs, je pense qu'ils n'en auraient
12:52pas envie eux-mêmes, ni d'un côté
12:54ni de l'autre. Alors, cela dit,
12:56est-ce qu'ils sont anti-républicains
12:58parce qu'ils ont additionné
13:00leur vote négatif pour arriver
13:02à la censure ? Je veux dire,
13:04que ce soit une alliance contre-nature
13:06et totalement artificielle, ça va de soi.
13:08Mais en même temps, c'est une alliance
13:10stérile,
13:12dans le lendemain possible, ils ne vont pas
13:14se rapprocher. Et je dirais,
13:16c'est dommage,
13:18sans doute, ça ajoute
13:20de l'instabilité à l'instabilité,
13:22mais peut-être que justement ça obligera
13:24à être plus imaginatif,
13:26et puis en tout cas, c'est leur droit.
13:28– C'est parfaitement constitutionnel,
13:30c'est-à-dire la censure est dans la Constitution.
13:32Ce procès-là
13:34est un mauvais procès. – Oui, alors, en même temps,
13:36il ne faut pas être naïf, on voit très bien
13:38que ça n'est pas un hasard,
13:40si du côté
13:42des Insoumis et du côté du Rassemblement
13:44national, leur grande idée
13:46c'est quand même d'obliger Emmanuel Macron
13:48à démissionner. – J'allais y venir,
13:50Alain Duhamel, dans cette déclaration
13:52hier soir, Emmanuel Macron a affirmé
13:54qu'il ne démissionnerait pas,
13:56qu'il irait au bout de son mandat et qu'il restait
13:5830 mois qui devraient être utiles pour la nation.
14:00L'espoir,
14:02effectivement, de Marine Le Pen,
14:04sans doute de manière moins officielle,
14:06mais de Jean-Luc Mélenchon clairement,
14:08c'est la démission d'Emmanuel Macron.
14:10Il l'a d'ailleurs redit hier soir, écoutons-le,
14:12Jean-Luc Mélenchon.
14:16Jean-Luc Mélenchon
14:18qui disait hier soir
14:20que c'était Emmanuel Macron qui était
14:22responsable de tout cela et que c'était donc
14:24Emmanuel Macron qui devait partir.
14:26On l'écoutera peut-être tout à l'heure, mais vous l'avez entendu, en tout cas vous,
14:28Alain Duhamel, c'est tout à fait
14:30cohérent avec ce qu'il a dit jusqu'à présent. L'objectif n'est pas
14:32de gouverner dans ce cas, mais
14:34de prendre le pouvoir à l'Élysée. – Non, mais du côté de Jean-Luc Mélenchon,
14:36ce qu'il veut, c'est
14:38une élection présidentielle le plus vite possible.
14:40Et d'ailleurs, c'est aussi ce que souhaite
14:42Marine Le Pen, c'est pas un hasard.
14:44De ce point de vue, leur motion de
14:46censure commune est d'une
14:48certaine manière logique. Mais
14:50je dirais qu'elle est plus logique
14:52chez Jean-Luc Mélenchon que chez Marine Le Pen
14:54parce qu'on sait bien qu'au fond des choses,
14:56Jean-Luc Mélenchon
14:58voudrait être président de la République,
15:00je crois pas qu'il y arrive, mais il a le droit d'essayer,
15:02voudrait être président de la République
15:04pour changer
15:06la République. Lui, ce qu'il veut, c'est qu'on
15:08change de République. Il veut pas
15:10simplement changer à l'intérieur
15:12de la République, il veut une sixième République.
15:14– Et Marine Le Pen, elle souhaite
15:16également, pensez-vous, des élections
15:18anticipées ? – Ah ben ça, je suis sûr
15:20qu'elle souhaite des élections anticipées, notamment
15:22l'élection présidentielle, ça, bien sûr.
15:24– Est-ce que le calendrier judiciaire
15:26a pu accélérer sa volonté ? – Ah ben ça, j'en suis
15:28persuadé. Le calendrier judiciaire
15:30et surtout la proposition
15:32des procureurs d'application
15:34immédiate de l'inéligibilité.
15:36Évidemment, pour elle,
15:38c'était révulsif. – Alain Duhamel,
15:40vous avez évoqué tout à l'heure le nom de François
15:42Bayrou, c'est celui qui, au moment où l'on se parle,
15:44semble tenir la corde. Pourquoi ne l'a-t-il pas
15:46nommé plus tôt ?
15:48– Vous savez,
15:50il a longtemps espéré avoir
15:52son propre socle
15:54à vocation majoritaire, quitte à avoir
15:56des alliances, mais à vocation majoritaire.
15:58Là, depuis la dissolution,
16:00on n'en est plus là.
16:02Et il a fini par
16:04se résoudre à ce dont il n'avait
16:06pas envie depuis 2017.
16:08C'est-à-dire la constitution
16:10d'une coalition entre son
16:12centre ou ses centres, puisqu'il y en a
16:14plusieurs. – C'était plus des débauchages individuels
16:16qu'une véritable coalition du centre.
16:18– Oui, enfin, il y avait les deux.
16:20Il y avait les deux, mais
16:22ce que beaucoup lui
16:24recommandaient, à commencer par Nicolas Sarkozy,
16:26c'était une alliance en bonne
16:28et due forme, une coalition
16:30organisée avec les Républicains.
16:32– Mais avec François Bayrou, est-ce que ce serait
16:34une cohabitation ?
16:36– Avec François Bayrou, ça serait un vrai
16:38Premier ministre, mais avec d'autres aussi,
16:40il n'y a pas que François Bayrou. Je pense
16:42que celui qui va prendre,
16:44qui va être nommé à Matignon aujourd'hui
16:46aura plus
16:48de liberté d'action que
16:50ses prédécesseurs, pas simplement
16:52que Michel Barnier, mais que ses
16:54prédécesseurs, justement parce qu'on est
16:56au début du début
16:58d'un processus de parlementarisation
17:00avec un rôle accru de l'Assemblée nationale.
17:02Donc, je pense que
17:04le futur Premier ministre, quel qu'il soit,
17:06il s'appelle Lecornu, il s'appelle Bayrou, il s'appelle
17:08Cazeneuve, il s'appelle autre chose,
17:10aura
17:12plus de marge vis-à-vis
17:14de l'Elysée, mais que, à mon avis,
17:16le problème numéro un, ça n'est pas
17:18d'avoir plus de marge vis-à-vis de l'Elysée
17:20puisque Emmanuel Macron n'est pas en position
17:22de force. – Non, la question c'est…
17:24C'est à l'Assemblée
17:26et à l'Assemblée de trouver un
17:28modus vivendi
17:30plus adapté aux situations, donc plus
17:32souple, donc plus empirique, et avec
17:34une règle du jeu, ce dont
17:36on parlait il y a trois minutes. – Vous nous aviez
17:38révélé, Alain Duhamel, et vous étiez venu
17:40d'ailleurs à ce micro au début de l'année,
17:42que c'était vraisemblablement votre dernière
17:44année. – Certainement. – Certainement.
17:46Vous auriez imaginé une année
17:48aussi pleine d'imprévus ?
17:50Est-ce que…
17:52Comment vous voyez la suite de cette année ?
17:54C'est-à-dire que… – C'est l'année…
17:56C'est dans ma vie professionnelle…
17:58– On vous a fait un peu d'artifice quand même.
18:00C'est une sorte de départ exceptionnel.
18:02– Ça, de ce point de vue, je ne peux pas dire que ce soit
18:04une année ennuyeuse. Que ce soit
18:06une année apaisante, c'est autre chose.
18:08Ça n'est pas une année apaisante, mais ça n'est pas une année
18:10ennuyeuse. Non, c'est l'année la plus
18:12nouvelle, la plus imprévisible,
18:14la plus spectaculaire, la plus dangereuse
18:16et la plus intéressante
18:18depuis 1968. Et d'ailleurs, moi,
18:20quand je fais mes comparaisons, c'est
18:22avec l'éclatement
18:24du gouvernement
18:26et de sa majorité en 1968,
18:28qui ensuite a été ressoudé par
18:30Georges Pompidou, mais qui, à un moment,
18:32c'était une éruption.
18:34Bon, pendant 48 heures,
18:36tout s'en allait. Les ministres
18:38quittaient leur ministère, les députés
18:40quittaient toutes leurs affinités.
18:42C'était fou. Eh bien, je pense
18:44qu'on est un peu dans une situation du même genre
18:46où il peut y avoir de
18:48vraies nouveautés qui surgissent
18:50d'une situation qui, aujourd'hui,
18:52est une situation totalement
18:54hors norme. Pour le meilleur,
18:56si je vous entends, puisque ça pourrait
18:58déboucher sur une culture du compromis que vous appelez
19:00de vos voeux, ou pour le pire, j'ai entendu le mot
19:02danger, malgré tout, dans vos mots. Vous avez dit que c'est une
19:04année très dangereuse. Êtes-vous inquiet,
19:06parfois, Alain Duhamel ? Oui, parce que je me dis
19:08que si on ne trouve pas une règle du jeu
19:10un peu novatrice à l'Assemblée nationale,
19:12donc ça
19:14signifie que s'il y a un
19:16enlisement gouvernemental, ce qui est
19:18une hypothèse, un gouvernement
19:20trop faible qui n'arrive pas à faire passer ce qu'il voudrait
19:22faire passer, donc
19:24la France qui se paralyse
19:26progressivement, à ce moment-là, bien sûr
19:28qu'il peut y avoir des réactions. On ne sait pas lesquelles.
19:30C'est peut-être l'anxiété qui l'emporte
19:32chez les Français. C'est peut-être la colère.
19:34On ne sait pas. Après tout
19:36ce qu'on a vu au moment des Gilets jaunes, c'était
19:38une fraction des Français qui sortaient
19:40des normes habituelles.
19:42Ça peut très bien se produire dans
19:44cette catégorie sociale, mais dans d'autres aussi.
19:46Donc je pense qu'on est à un moment
19:48où bien on fait preuve d'imagination
19:50à l'Assemblée nationale
19:52et on invente des règles
19:54qui ne sont pas utopiques, qui sont au contraire
19:56pragmatiques, ou bien on invente
19:58ça, on expérimente, on change
20:00et du coup on peut gouverner
20:02pas facilement en ce moment, parce que
20:04ça n'est pas facile, mais on peut gouverner
20:06ou bien alors, effectivement,
20:08les choses peuvent se passer très mal.
20:10– Merci Alain Duhamel. On a plus que
20:12jamais besoin de vous.