• l’année dernière
Ces engrenages se manifestent de différentes façons au regard des conflits de plus en plus violents qui instabilisent le concert des nations avec de la part de certains Etats une volonté de puissance et de conquête : aspirer toujours à ce qu'on n'a pas ! Pour parvenir à leurs fins ,les pays autoritaires déploient une tentation impériale qui se veut corréler à une civilisation, qui bien souvent n'est qu'un avatar de ressentiment et de religion, cette dernière perçue dans certaines contrées comme la force centrale de la civilisation. Dans le monde conflictuel qui est le nôtre, et où déjà Jacques Delors pronostiquait « les conflits à venir seront provoqués par des facteurs culturels plutôt qu'économiques ou idéologiques », c'est-à-dire de texture civilisationnelle, nous observons un ordre international rythmé par quelques grandes tendances : l'érosion du christianisme et de l'Occident, la résurgence de l'islam, un multiculturalisme agressif souvent conjugué de wokisme et de ferveur décoloniale, la démographie et l'immigration perçues comme arme identitaire, une globalisation du terrorisme... Bref, même si nous savons que l'histoire est faite de civilisations et d'empires effondrés, le monde est arcbouté autour de ces engrenages, des effondrements idéologiques et d'une tentation impériale de certaines grandes puissances autoritaires regroupées autour d'un Sud Global avec en ligne de mire un Occident affaibli par des fractures démocratiques. Émile Malet et ses invités vont chercher à comprendre cette multiconflictualité.

Émile Malet reçoit :
- Édouard Guillaud, amiral, chef d'État-major des armées (CEMA) de 2010 à 2014,
- Jean-Michel Blanquer, universitaire, ancien ministre de l'éducation nationale,
- Sylvie Bermann, ambassadrice de France, en poste en Chine et en Russie,
- Galia Ackerman, historienne, essayiste, spécialiste de la Russie,
- Pierre Lellouche, ancien ministre, spécialiste des questions internationales.

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:25Engrenage et crise civilisationnelle.
00:30Ces engrenages se manifestent de différentes façons
00:33au regard des conflits de plus en plus violents
00:36qui instabilisent le concert des nations,
00:39avec, de la part de certains Etats,
00:41une volonté de puissance et de conquête,
00:44aspirée toujours à ce qu'on n'a pas.
00:47Pour parvenir à leur fin, les pays autoritaires
00:50déploient une tentation impériale
00:53qui se veut corrélée à une civilisation
00:55qui, bien souvent, n'est qu'un avatar
00:57de ressentiments nationalistes et de religions,
01:01cette dernière perçue dans certaines contrées
01:04comme la force centrale de la civilisation.
01:07Dans le monde conflictuel qui est le nôtre,
01:09déjà Jacques Delors, à l'époque pronostiquait,
01:12les conflits à venir seront provoqués
01:15par des facteurs culturels
01:17plutôt qu'économiques ou idéologiques,
01:20c'est-à-dire de textures civilisationnelles.
01:23Nous observons un ordre international
01:26rythmé par quelques grandes tendances.
01:28L'érosion du christianisme et de l'Occident,
01:31la résurgence de l'islam,
01:34un multiculturalisme agressif,
01:37souvent conjugué de wauquismes et de ferveurs décoloniales,
01:41la démographie et l'immigration
01:44perçues comme armes identitaires,
01:47une globalisation du terrorisme.
01:49Bref, même si nous savons, avec Paul Valéry,
01:52que l'histoire est faite de civilisations
01:55et d'empires effondrés,
01:57le monde est arc-bouté autour de ces engrenages,
02:01de ces effondrements idéologiques
02:03et d'une tentation impériale
02:05de certaines grandes puissances autoritaires,
02:08notamment la Chine, la Russie, avec l'Iran,
02:11regroupées autour d'un Sud global
02:13avec en ligne de mire un Occident affaibli
02:18par des fractures démocratiques.
02:20Avec mes invités que je vous présente,
02:23nous allons chercher à comprendre cette multi-conflictualité.
02:27Edouard Guillot, vous êtes amiral.
02:29Vous avez été chef d'Etat-major des armées
02:31de 2010 à 2014.
02:34Jean-Michel Blanquer, vous êtes universitaire,
02:36ancien ministre de l'Education nationale.
02:39Sylvie Berman, vous êtes ambassadrice de France.
02:42Vous avez été en poste à la fois en Chine et en Russie.
02:46Pierre Lelouch, vous êtes ancien ministre,
02:48spécialiste des questions internationales.
02:51Galia Ackermann, on vous a en visioconférence.
02:54Vous êtes historienne, essayiste, spécialiste de la Russie.
02:59Nous allons écouter un extrait du président Zelensky
03:03à la tribune de l'Assemblée nationale.
03:07En 2019, quand je suis devenue président,
03:10il y avait déjà un format pour les négociations
03:13avec la Fédération de la Russie, c'était un format normandie.
03:16Le format des négociations qui devrait mettre fin à la guerre
03:20dans le Donbass, la guerre à l'est de l'Ukraine
03:23qui dure depuis huit ans, malheureusement.
03:28Et quatre États ont participé au format normandie,
03:31l'Ukraine, la Russie, l'Allemagne et la France.
03:34Quatre, mais ils représentaient tout le monde,
03:37le monde haïtien, les positions du monde haïtien.
03:41Toutes les positions.
03:43Quelqu'un le soutenait et quelqu'un essayait
03:45de retarder le processus et il voulait le perturber,
03:49mais il semblait important que le monde soit toujours
03:53à cette table normandie.
03:59Et quand il y avait des résultats des négociations,
04:02quand nous avons réussi à libérer les gens de la captivité,
04:06quand nous avons pu négocier certaines décisions en 2019,
04:11c'était une bouffée d'air frais,
04:14comme une lueur d'espoir,
04:16l'espoir que les conversations avec la Russie peuvent aider,
04:20que les dirigeants de la Russie peuvent être persuadés
04:23par les paroles de Moscou de choisir la paix.
04:28Mais le 24 février est venu,
04:31le jour qui a barré tous les efforts.
04:39Et même le concept du mot dialogue,
04:43il a barré l'expérience européenne
04:46des relations avec la Russie
04:47et les décennies de l'histoire en Europe.
04:50Tout cela a été bombardé par les troupes russes,
04:53écrasé par l'artillerie russe
04:55et brûlé après les tirs de missiles russes.
04:59Nous venons d'écouter le président Zelensky.
05:02Cette crise ukrainienne est une crise européenne,
05:06voire mondiale, pour l'analyser.
05:08D'après l'historien Ferdinand Brodel,
05:10qui veut agir sur ce monde doit savoir reconnaître
05:13les civilisations, je le cite,
05:15leurs frontières, l'air qu'on y respire,
05:18sinon, il y a le risque
05:20d'une catastrophique confusion de perspectives.
05:23Vous allez nous dire ce que vous en pensez.
05:26Concernant notre politique et notre diplomatie,
05:29est-ce que vous considérez que l'émotion
05:31l'emporte sur la réalité ? Pierre Lelouch.
05:34Moi, j'ai écrit tout un livre là-dessus,
05:36qui m'a occupé ces deux dernières années,
05:39presque, depuis le début de ce conflit,
05:41et je pensais complètement évitable.
05:46Nous avons raté toutes les occasions
05:49d'éviter ce conflit.
05:51Le thème de mon livre, c'est vraiment ça,
05:54c'est ce que vous venez de dire,
05:56un conflit d'identité.
05:57La caractéristique de ce monde, aujourd'hui,
06:00c'est la ressurgence, malgré la mondialisation
06:03qui était supposée fabriquer des peuples
06:05de consommateurs interchangeables,
06:07on s'aperçoit que les identités restent
06:10extrêmement fortes.
06:11Et dans cette affaire, en fait,
06:14de guerre d'indépendance de l'Ukraine,
06:17c'est ça qu'il s'agit,
06:18c'est une histoire très longue,
06:21de près de neuf siècles,
06:22une union très, très proche
06:24entre deux peuples slaves,
06:26qui parlent quasiment des langues très voisines,
06:31et qui divorcent
06:33avec l'implication de forces extérieures,
06:37notamment des Etats-Unis.
06:39Donc, je raconte cette histoire
06:41avec un infini regret,
06:44parce que je pense que tout ça aurait pu être évité.
06:48Alors, cette guerre, elle est centrale,
06:50d'abord parce qu'elle marque un tournant.
06:53Il y a 30 ans, au moment de la chute du mur de Berlin
06:55et de la dislocation de l'URSS,
06:57on pensait être entrés dans des décennies de paix.
07:00C'était la fin de l'histoire, la réconciliation,
07:03les bonnes nouvelles venues du Moyen-Orient, etc.
07:06Là, on rentre dans un autre cycle, 30 ans après,
07:08qui sera un cycle de guerres,
07:10de pressions identitaires...
07:12-"On va rentrer..."
07:14-...c'est ce que vous disiez tout à l'heure.
07:16Il y a un changement, l'émergence d'un Sud global
07:19qui veut travailler à la fin du monde occidental
07:22ou à la post-occidentale.
07:25Derrière ces quatre cavaliers de l'apocalypse,
07:28comme je les appelle,
07:29qui sont le résultat aussi de cette guerre d'Ukraine,
07:32c'est-à-dire la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran.
07:36Et puis, pour nous, Européens, et je termine là-dessus,
07:38cette guerre va laisser un énorme point d'interrogation,
07:42qui a toujours été là, d'ailleurs,
07:44qui est qui s'occupera de l'Ukraine après la guerre ?
07:47Quelles sont les garanties de sécurité ?
07:49Où sera l'Ukraine ?
07:51Est-ce qu'elle sera à l'ouest, à l'est ?
07:53Elle sera probablement en partie démembrée,
07:56elle sera amputée,
07:58elle va sortir de là extrêmement instable
08:00sur le plan politique, détruite sur le plan économique,
08:03mais très forte sur le plan militaire.
08:06Il va falloir que les Européens prennent ça en charge.
08:08Les Américains, eux, partant vers la Chine.
08:11Voilà, on est dans cette équation-là.
08:13Merci. Alors, écoutez, on fait un ping-pong
08:16entre situation internationale,
08:18situation politique française.
08:20Jean-Michel Blanquer, avec La Citadelle,
08:23vous avez été au coeur de la politique française
08:28en gérant pendant de nombreuses années
08:31son noyau identitaire, l'école.
08:33Est-ce que vous diriez
08:35que cette question de l'émotion
08:38l'emporte, notamment lorsque vous avez été remplacé,
08:43est-ce que l'émotion l'emporte sur la réalité ?
08:46L'émotion, elle fait partie de la vie humaine,
08:49heureusement, et c'est ce qui fait que le facteur humain
08:52reste important dans nos sociétés.
08:54Il y a une perméabilité des enjeux internationaux
08:57et puis ensuite avec les enjeux nationaux,
09:00et à l'intérieur des enjeux nationaux,
09:02entre les problèmes de l'école et de la société.
09:05Et ces problèmes, évidemment, sont constitués d'émotions,
09:09peut-être davantage que de raisons.
09:11L'école a comme rôle au sein de la société
09:13de développer la raison.
09:14Elle a notamment, pendant les premières années
09:17de la vie de l'enfant, développé la logique et la culture,
09:21ce qui se traduit notamment par les mathématiques et le français,
09:24mais pas seulement.
09:26Et dans un monde qui est toujours plus caractérisé
09:29par la post-vérité,
09:31par l'avalanche d'informations
09:33dans laquelle il est difficile de discerner le vrai du faux,
09:37nous avons une mission éducative
09:39encore plus forte que par les temps passés,
09:42et ça touche aussi, évidemment,
09:44la façon dont l'enfant, puis l'adolescent,
09:47perçoit la société telle qu'elle est,
09:49mais aussi son environnement géopolitique.
09:52C'est pourquoi les questions dont nous parlons
09:54ont fait une entrée assez importante
09:56dans le système scolaire français ces dernières années,
10:00rarement soulignée dans les médias,
10:02par exemple, dans le cadre de la réforme du lycée,
10:05vous avez une matière qui s'appelle
10:07histoire, géographie, géopolitique, science politique,
10:10où le genre de questions qu'on traite aujourd'hui sont traitées.
10:13Donc, vous avez raison de relier la question interne
10:16à la question internationale, parce qu'aujourd'hui,
10:19beaucoup plus qu'auparavant, que dans les temps passés,
10:22et notamment du fait de l'évolution de la société d'information,
10:26il y a une perméabilité des secteurs.
10:28Et ça aide aussi à réfléchir sur l'avenir de l'école,
10:31parce qu'on demande beaucoup à l'école,
10:33elle absorbe, par exemple, les enjeux de terrorisme,
10:36d'islamisme, de radicalisme.
10:39Tous ces enjeux-là viennent, en quelque sorte, assaillir l'école,
10:43et ça signifie que c'est dans une alliance
10:46entre l'école et la société qu'on peut résoudre les problèmes,
10:49et pas seulement au travers des missions de l'école.
10:52Alors, post-vérité, post-modernité,
10:56est-ce que vous avez le sentiment
10:59que dans la diplomatie, ça vient polluer la diplomatie,
11:03ça vient polluer la défense ?
11:08Sylvie Berman.
11:09Est-ce qu'on est dans une diplomatie de l'émotion ?
11:13D'ailleurs, vous pouvez prendre le cas de la diplomatie française,
11:17si vous le souhaitez.
11:18Oui, tout à fait, on est dans une diplomatie de l'émotion,
11:21qui est exprimée par les opinions publiques,
11:24souvent par les médias,
11:25et qui empêche parfois de voir la réalité
11:28sur le terrain.
11:29Bon, il y a, évidemment, le Moyen-Orient,
11:33qui polarise la société française,
11:35la société américaine et beaucoup d'autres sociétés également,
11:39qui sont des prises de position, en fait,
11:42émotionnelles, comme ça ne se dit pas en français, d'ailleurs,
11:46et vous avez, pareillement, pour la guerre en Ukraine,
11:50l'expression d'affect,
11:52non pas que la Russie, évidemment,
11:56a raison dans sa guerre d'agression,
11:58c'est une guerre d'agression avec des crimes de guerre,
12:02c'est tout à fait illégal,
12:04mais de répéter en permanence que l'Ukraine doit et peut gagner
12:08ne correspond pas à la réalité sur le terrain.
12:11Et donc, si un jour, on doit trouver une solution,
12:15il faut regarder ce qui se passe sur le champ de bataille
12:20et quels sont les rapports de force dans le monde.
12:22Ce qui domine le monde, c'est les rapports de force,
12:25ce n'est pas la vertu, la morale,
12:28même le droit international, malheureusement,
12:31mais je pense, effectivement,
12:33qu'on est trop dominés par nos émotions.
12:37C'est votre avis, Amiral ?
12:39Je crois que c'est tout à fait exact.
12:42Souvenons-nous des réactions de l'Occident,
12:45je parlerais presque de l'Occident global,
12:47puisque le Sud global ne se définit que contre l'Occident global,
12:51sinon, il n'existe pas par lui-même.
12:53Lors des printemps arabes,
12:55les surréactions d'un certain nombre de capitals,
12:58sans doute Paris également, d'ailleurs,
13:02mais nous sommes tous à mettre, je dirais, dans le même panier,
13:05également l'émotion sur les affaires africaines.
13:08On a eu le Darfaud il y a quelques années,
13:10on oublie un peu, en ce moment, ce qui se passe au Soudan,
13:13mais c'est tout à fait dramatique.
13:15Le problème de l'émotion, c'est qu'elle vous fait faire,
13:19dans les prises de décision,
13:21un des grands coups de nageoire qui vous freinent,
13:24en réalité,
13:25et du coup, vous passez d'un extrême à l'autre
13:28et vous finissez par ne plus savoir très bien
13:30quel est le cap...
13:32Vous voulez dire, Amiral,
13:33que certaines interventions françaises,
13:35militaires, ont été prises sous le coup de l'émotion ?
13:38Non, je ne crois pas qu'elles aient été décidées
13:41sous le coup de l'émotion, mais je sais que l'émotion...
13:44Et sous certaines prises de position...
13:46Certaines prises de position, inévitablement,
13:49et l'émotion a été partie prenante.
13:53Un exemple très connu, maintenant, aujourd'hui,
13:56c'est l'intervention française en Libye,
13:59puisque l'émotion était telle
14:01que tout le monde craignait à l'époque,
14:04il faut se remettre dans le contexte,
14:06que de voir aux journaux du soir
14:09des grandes capitales européennes
14:11des scènes d'égorgement en direct
14:13par les sbires de Kadhafi contre la population de Maghazi.
14:17Ca a participé.
14:18Souvenons-nous, il y avait un porte-parole célèbre,
14:21qui était Bernard-Henri Lévy,
14:23mais oui, ça a participé.
14:25Ca n'est sans doute pas la seule et unique raison,
14:28mais c'est indubitablement important,
14:32et par ailleurs, ça freine la résolution des conflits,
14:36et c'est ce qu'on voit, effectivement,
14:38c'est ce que rappelait Pierre Lelouch sur l'Ukraine.
14:41Oui, Pierre Lelouch.
14:43Quand l'émotion remplace la réflexion stratégique,
14:46on risque de grands malheurs.
14:49Clausewitz disait
14:51que le dessin politique est le but,
14:54la guerre est le moyen,
14:56et un moyen sans but ne se conçoit pas.
15:00Ce que je dis dans ce livre,
15:02mais l'exemple libyen le montre aussi,
15:04et même dans les Balkans, ça a été la même chose,
15:07on a fait tuer les soldats à Sarajevo.
15:09Je suis allé sur leur tombe pour rien,
15:11parce qu'il fallait, parce que Kouchner,
15:14parce que Bernard-Henri Lévy, parce que...
15:17Cette guerre a été très vite...
15:19Tout le monde s'attendait à ce que ce soit plié en trois jours,
15:23aussi bien les Russes que les Américains,
15:25les Ukrainiens ont résisté,
15:27et là, on est rentrés dans un processus
15:29d'aspiration des opinions publiques occidentales,
15:32qui ont, avec Ursula von der Leyen en tête,
15:36avant même que l'Amérique se réveille,
15:39pour faire en sorte que nous participions
15:41à ce qui devenait la guerre du bien contre le mal.
15:44C'est une expression de Biden.
15:46Le bien contre le mal.
15:48Avec un Churchill d'un côté, contre Hitler de l'autre,
15:52et les références permanentes à Munich,
15:54alors que ça n'a rigoureusement rien à voir.
15:57Mais peu importe, la campagne européenne de cette année
16:01a été menée sur ce thème.
16:03Valéry Hayer disait que c'est Munich.
16:05Et quand on rentre dans des discours pareils,
16:08il est vrai que Zelensky est un acteur,
16:11et que tout son job, c'est d'internationaliser la guerre
16:14le plus possible, d'aspirer tout le monde jusqu'à aujourd'hui.
16:17Je veux rentrer dans l'OTAN, donnez-moi des armes à longue portée,
16:21pour faire en sorte que cette guerre de sécession
16:24devienne une guerre globale.
16:25Nous, on a suivi les Américains,
16:27qui ont changé d'avis 20 fois sur la question ukrainienne,
16:31comme je le démontre dans le livre, depuis 1991.
16:33Entre le père Bush et le fils Bush,
16:35qui voulaient faire rentrer le prédateur...
16:38Il y a Galea German, qui n'est pas tout à fait d'accord.
16:41Je sais que Galea...
16:43Très bien, mais j'ai écrit un livre
16:45contre le politiquement correct général,
16:47qui consiste à dire que c'était le bien et le mal,
16:50Churchill contre Hitler.
16:51On n'est pas du tout dans cette histoire-là.
16:54On est rentrés dans quelque chose qui nous dépasse,
16:57puisque c'est en train de changer le monde.
16:59On est en train de métastaser cette guerre ailleurs,
17:02notamment au Proche-Orient, et je prétends que les conséquences
17:06de la guerre vont rester avec nous pendant très longtemps,
17:09au-delà de Zelensky.
17:10Ce n'est pas nécessairement notre faveur.
17:13Merci. Galea German voulait intervenir là-dessus.
17:16Oui.
17:17Comme je suis la dernière pour ce tour de table,
17:21je voudrais d'abord réagir sur les propos de Pierre Lelouch,
17:27avec qui, de temps à autre, on se confronte
17:30sur différents plateaux.
17:32C'est au sujet du lien
17:35prétendument extrêmement fort
17:38et sur la proximité extrêmement forte
17:41même de deux langues, de l'ukrainien et du russe.
17:45Je voudrais rappeler que, bon,
17:48on ne va pas parler de la Russe ancienne.
17:53C'est une question complexe
17:56et qui demande encore beaucoup d'études.
17:59Il y a maintenant notamment des thèses assez révolutionnaires
18:03d'un nouveau groupe sous direction de Timothy Snyder,
18:07qui revise l'histoire de l'Ukraine.
18:09Mais il faut quand même rappeler
18:11que les destins des deux peuples
18:14n'ont pas toujours été liés,
18:16que l'Ukraine avait appartenu à la République des Deux Nations,
18:21c'est-à-dire l'unité,
18:23enfin, on peut dire royaume lituano-polonais.
18:29En 17e siècle,
18:32on enseignait en latin à Kiev,
18:35et ce n'étaient pas seulement les catholiques
18:37qui allaient à l'académie de Moïla,
18:40mais essentiellement des orthodoxes
18:43et même des cossacks.
18:44Il y avait des Etats cossacks
18:46qui n'ont pas connu l'esclavage,
18:49qui étaient une démocratie militaire.
18:51On ne peut pas entrer dans tout le détail historique.
18:55Où je viens,
18:57c'est pour dire que l'histoire de l'Ukraine,
19:00du peuple ukrainien, est très complexe,
19:03qu'il y a en effet la proximité rapprochée avec Moscou,
19:09mais il y a aussi une très grande aspiration
19:14à la liberté, à l'indépendance,
19:17aux valeurs occidentales.
19:19Et c'est ça qui explique cette séparation,
19:25parce qu'aujourd'hui, les Ukrainiens,
19:28et je pense qu'ils ont raison,
19:31considèrent que c'était quand même une colonisation,
19:36et il ne faut pas avoir peur de ce mot.
19:38Maintenant, deuxième point, c'est pour le réalisme.
19:42J'ai toujours été contre la réelle politique,
19:47dont Pierre Lelouch et Sylvie Berman sont adeptes,
19:52parce que je crois que, justement,
19:55le facteur d'émotion joue un rôle énorme dans l'histoire.
20:00Quand le général de Gaulle a quitté la France
20:03avec l'instauration du régime Vichy,
20:06il n'était qu'une poignée.
20:08Il disait qu'il représentait la France,
20:11mais il était nobody à l'époque.
20:14Il était un colonel qui a quitté sa patrie.
20:19Même quand Churchill a décidé
20:22que la Grande-Bretagne n'allait pas se rendre,
20:26mais va combattre,
20:27l'issue de la bataille n'était pas certaine du tout.
20:32Donc, on peut parfois s'éliger
20:36contre une force beaucoup plus grande...
20:39Attends.
20:40Alors...
20:41Et donc...
20:42De Gaulle et Churchill avaient...
20:44Galia, on va essayer sur cette question.
20:48Manifestement, il y a des dissensions de position,
20:52mais...
20:53Bon, et de toute manière,
20:56l'histoire et l'actualité
20:58sont faites aussi de dissensions,
21:00mais je voudrais qu'on ne reste pas, si vous voulez,
21:03sur cette polémique Jean-Michel Blanquer.
21:06Est-ce qu'on peut la trancher par le haut ?
21:08L'érosion de l'Occident fait l'objet d'un constat consensuel.
21:13Je crois que dans votre ouvrage,
21:15vous citez Valéry Giscard d'Estaing,
21:17qui disait, à son époque,
21:18qu'il ne voit pas ce qui peut empêcher le déclin de l'Occident.
21:23Comment vous expliquez ce déclin de l'Occident
21:26et est-ce qu'il vous paraît lié à l'effacement du christianisme ?
21:30Ca rejoint tous ces conflits.
21:32Je vais essayer de le relier.
21:34Je pense que dans la distinction raison-émotion,
21:39il y a quelque chose de plus complexe que cette simple distinction.
21:43Qu'est-ce qu'on a mis depuis tout à l'heure
21:45sous le chapitre émotion, la référence à la morale,
21:48mais aussi le fait que les choses soient sous les projecteurs.
21:52Il y a plusieurs éléments de ce qu'on peut appeler l'émotion.
21:55Forcément, les choses sont à cheval sur ces différents éléments.
21:59Si c'était si simple entre raison-émotion,
22:02ça se saurait.
22:04Premier exemple,
22:06sur quoi met-on les coups de projecteur d'un conflit ?
22:09Pourquoi, par exemple, on met tant le projecteur sur Gaza
22:12et en même temps, le Kurdistan syrien
22:14continue à être bombardé par les Turcs,
22:17avoir des intrusions iraniennes,
22:19dans l'indifférence générale, sans parler d'autres théâtres...
22:22Elle effimait l'accent sur le conflit palestine
22:25sans parler des Ouïghours.
22:27C'est ça, c'est ça.
22:28Où le Sud-Soudan.
22:29Cette première question,
22:31comment l'opinion publique et derrière les gouvernants
22:34se déterminent, notamment en raison de distorsions d'informations,
22:38je ne parle pas de vérité ou de mensonge,
22:40mais même du fait de mettre l'accent sur certaines choses.
22:43C'est déjà une problématique en soi
22:45qu'on peut mettre sous le chapitre émotion,
22:47ou sous le chapitre subjectivité.
22:49En tout cas, ce problème-là était déjà un problème en soi.
22:53Ensuite, sur à quoi fait-on référence pour faire la guerre ?
22:56C'est certes à une fin, en effet, il faut qu'il y en ait une,
22:59mais cette fin peut avoir une dimension morale.
23:01Il ne faut pas avoir peur de ce mot.
23:03Si c'est exclusivement moral et que ça vient écraser
23:06la façon d'envisager les rapports de force,
23:09c'est un problème.
23:10Mais s'il n'y a que les rapports de force
23:12et pas derrière des buts moraux, c'est non moins absurde.
23:15C'est pour ça qu'évidemment que, par exemple,
23:20quand un pays en a envahi un autre,
23:22il y a un problème de droit international et public,
23:25il y a un problème moral aussi,
23:26ce qui fait qu'en effet, il y a plutôt à défendre
23:29celui qui est agressé que l'agresseur.
23:31Donc, quoi qu'on pense ensuite des enjeux historiques
23:34en effet complexes dont il vient d'être question.
23:37Il y a un mélange qui est complexe.
23:39Pour relier ça directement à votre question,
23:42vous faites référence, dans mon livre,
23:44l'entretien que j'ai avec Valéry Giscard d'Estaing,
23:47qui se finit ainsi, où il dit,
23:48après avoir beaucoup parlé de religion,
23:51il se pose la question de savoir,
23:53au fond, est-ce que des peuples complètement sécularisés,
23:56comme le sont de plus en plus les peuples européens,
23:59peuvent encore, finalement, porter quelque chose,
24:02porter une civilisation ?
24:05Et évidemment, il est très difficile
24:07d'apporter une réponse à ça,
24:08mais moi, je crois que le besoin humain de métaphysique,
24:12le besoin humain d'un sens, y compris au-delà de la mort,
24:15n'est pas du tout incompatible
24:16avec la démocratie sécularisée telle que nous l'avons
24:19et qu'au contraire, elle a encore beaucoup de sens,
24:22cette démocratie sécularisée.
24:24Je lutte contre l'expression sud-globale
24:26parce qu'elle ne veut rien dire
24:28et qu'on a, justement, dans le Sud,
24:30des pays ou des oppositions à certains régimes
24:33qui font référence à nos valeurs,
24:35lesquelles ne sont pas nécessairement en recul.
24:38Je pense aux femmes iraniennes, aujourd'hui,
24:40je pense aux Kurdes syriens auxquels je faisais référence.
24:44Ce sont des personnes qui aspirent à ce que nous portons.
24:48C'est parce que nous doutons de nous-mêmes
24:50que nous allons vers le déclin,
24:52mais si nous portions davantage nos valeurs,
24:54il n'y aurait pas forcément de déclin.
24:56Par ailleurs, nos sociétés sont parfaitement compatibles
25:00avec, évidemment, la liberté religieuse
25:03et, évidemment, la recherche de sens.
25:05Donc, je pense que, là aussi,
25:06il faut que nous posions mieux les problèmes,
25:09que nous ne laissons pas imposer une lecture du monde
25:12par ceux qui veulent mettre à bas les démocraties libérales.
25:15Pour moi, ce n'est pas une opinion spécialement originale,
25:18mais le XXIe siècle a commencé avec le 11 septembre 2001
25:22et le fait qu'en effet, cet attentat gigantesque
25:25a créé une sorte de doute sur nous-mêmes
25:28et sur, notamment, le déploiement de la démocratie,
25:31et nous devons ne pas accepter cette logique
25:33et savoir porter nos valeurs.
25:35Alors, Sylvie Verma,
25:37Sud Global, on dit que c'est une nébuleuse,
25:39mais vous ne pensez pas que le Fildarian,
25:42c'est l'antioxydant, certains trouvent,
25:44qui a une revanche de civilisation ?
25:47Est-ce que vous la trouvez légitime ?
25:49Je voudrais d'abord réagir sur le terme de réelle politique.
25:53Ce n'est pas une idéologie, la réelle politique,
25:55c'est simplement la prise en compte du principe de réalité
26:00et on ne peut pas, effectivement, s'en exclure.
26:03Deuxième chose sur l'histoire,
26:04l'histoire, elle est écrite au présent, toujours,
26:07c'est-à-dire par les contemporains,
26:09et je me souviens du dernier porte-parole de Gorbatchev
26:12qui disait que le passé de la Russie est imprévisible.
26:15Effectivement, ça a été réécrit constamment,
26:18mais le passé de l'Ukraine aussi, en réalité.
26:21Moi, quand je vivais en Union soviétique,
26:23l'Ukraine, où j'ai beaucoup voyagé,
26:26était très fière d'être le berceau de la Russie.
26:29Aujourd'hui...
26:31Aujourd'hui, l'Ukraine est indépendante,
26:33elle a une histoire présente, 30 ans d'indépendance,
26:36mais elle réinvente un petit peu son histoire passée également.
26:39Pour répondre à votre question...
26:41Vous savez, pardonnez-moi de prendre position sur ce point,
26:45moi, j'ai rencontré Václav Havel.
26:48Et...
26:50Il a considéré, avec Milan Kundera,
26:54que l'Occident avait négligé
26:59le corpus européen
27:01qu'il y avait dans ces nations européennes
27:04d'Europe centrale et orientale,
27:06parce qu'elles ont toujours été sous la botte
27:08de la Russie ou de l'Allemagne.
27:11Et qu'aujourd'hui, elles se libèrent.
27:13Et que là, il y avait un phénomène de libération
27:17auquel la réelle politique a été un assomoir.
27:21Vous voyez, donc, on peut lire l'histoire aussi
27:23de manière différente, non ?
27:25Chacun lit l'histoire de manière différente.
27:28Effectivement, chacun réécrit son histoire
27:31et elle n'est pas la même en fonction des siècles.
27:34On n'écrivait pas la même histoire de la France
27:37au XIXe siècle qu'au XXIe siècle.
27:39Maintenant, pour revenir au sud global,
27:41c'est vrai que ces pays sont hétérogènes,
27:43mais il y a une chose qui les regroupe,
27:46c'est ce ressentiment vis-à-vis de l'Occident.
27:48Donc, discuter du fait que c'est global ou pas global,
27:52à mon avis, c'est un peu une perte de temps.
27:54Ce qu'il faut, c'est voir comment on gère ces pays
27:57et on les gère, pour le coup,
27:59non pas comme un ensemble global, mais bilatéralement.
28:02Et pendant des années, parce que le problème, quand même,
28:06c'est que l'Occident a essayé d'imposer ses valeurs
28:09par la force, que nous défendions nos valeurs,
28:12bien évidemment, mais essayer de les imposer militairement,
28:16la Libye a été une catastrophe,
28:18parce que l'amiral a commencé à en parler.
28:20Mais pourquoi ? Parce qu'en réalité,
28:22on n'a pas respecté la résolution du Conseil de sécurité
28:25en faisant du changement de régime.
28:27Changement de régime...
28:29Mais quand est-ce qu'on respecte les résolutions ?
28:32Ecoutez, regardez, on parle beaucoup de la résolution...
28:35C'était nos résolutions.
28:36On parlerait d'une résolution 1701, par exemple, au Liban,
28:40qui n'a jamais été respectée.
28:41Je la connais bien.
28:43Mais elle n'a pas été respectée.
28:44Elle n'a pas été respectée, effectivement.
28:47Mais par le Hezbollah, oui, tout à fait.
28:50Et par le Liban dans son ensemble.
28:53Mais à quoi aboutit le changement de régime
28:55au nom des valeurs de l'Occident,
28:58finalement, à l'explosion du terrorisme,
29:01y compris au Sahel, dont on paie le prix aujourd'hui ?
29:04Je pense qu'il faut faire attention
29:06dans la défense de nos valeurs, qui est justifiée,
29:09mais, encore une fois, pas par la force.
29:11Qu'est-ce que ces pays ne veulent plus aujourd'hui ?
29:14On leur donne des leçons, parce qu'ils considèrent
29:17que nous sommes en crise, et on le voit bien,
29:19le Capitole, le Brexit,
29:21et j'étais à Londres au moment du Brexit,
29:24et ils estiment qu'on n'a pas de leçons à leur donner.
29:27Alors, on pourra parler ensuite
29:30des retours d'empires,
29:32tentatives impériales de ces différents pays,
29:36mais pourquoi ils ont cette audience ?
29:38Pourquoi la Chine et la Russie ont une audience
29:41dans ces pays du Sud global ?
29:42Parce que, précisément,
29:44ils considèrent que l'Occident leur a donné des leçons
29:48pendant longtemps, alors qu'il n'est pas exemplaire.
29:51Edouard Guillaume, là-dessus, sur ces questions
29:54de politique de défense,
29:56face à cet anti-occidentalisme,
29:59est-ce que l'armée,
30:02vous considérez qu'elle doit être motivée aussi
30:05par des valeurs ?
30:07C'est la base.
30:09Une armée n'existe pas par elle-même.
30:11D'abord, une armée est au service d'un pays, d'une nation,
30:14et c'est le stade ultime d'une diplomatie, en plus.
30:17Ca veut dire qu'il ne faut pas inverser l'ordre des facteurs.
30:21C'est, là-dessus,
30:24les armées françaises, mais il y en a d'autres.
30:27Ca fait des décennies
30:30qu'elles se plaignent de l'arrogance
30:33qu'elles voient chez certains pays occidentaux
30:35vis-à-vis d'autres pays.
30:37Je pense aux continents africains,
30:39et on le paie.
30:40Aujourd'hui, ça s'appelle le panafricanisme,
30:43ce qui n'est pas tout à fait le panafricanisme
30:45que l'on imagine des années 60.
30:47On le voit dans un certain nombre d'interventions.
30:51On voit aussi, d'ailleurs, la différence de traitement.
30:54Ca, c'était clair quand nous étions en Afghanistan
30:57et que le gouvernement français s'était toujours opposé
31:00au changement de régime en Afghanistan,
31:02quelles que soient les couleurs politiques
31:05qui étaient au pouvoir à Paris.
31:07Et donc, oui, les armées françaises en sont très conscientes,
31:10mais d'autres armées en Europe également.
31:13Nous ne sommes plus messianiques comme nous avons pu l'être.
31:18Les Américains, à mon avis, le sont toujours.
31:21De temps en temps, nous avons encore des crises d'arrogance,
31:24nous, Français,
31:26même si ça a un peu baissé depuis...
31:30depuis les années 50,
31:32mais ça n'est plus supportable par les autres pays.
31:36Mais tout en obéissant aux pouvoirs politiques,
31:39est-ce que l'armée, en tant que telle,
31:42doit exprimer, si je puis dire, un chapelet de valeurs, etc. ?
31:47Est-ce qu'elle...
31:48L'armée, bien sûr.
31:49L'une des premières valeurs, ce qu'on oublie, d'ailleurs,
31:53c'est la fraternité qu'il y a dans les armées.
31:56Aujourd'hui, en France, les armées sont sans doute
31:59l'un des derniers ascenseurs sociaux qui fonctionnent.
32:03C'est aussi une forme de fraternité.
32:08Ca, c'est la première chose. La deuxième chose, bien sûr,
32:12c'est le respect des lois, donc le respect d'un cadre juridique.
32:15Ca va de soi.
32:16C'est une des premières choses
32:18que l'on enseigne aujourd'hui aux jeunes engagés,
32:21qu'ils soient dans l'armée de l'air et de l'espace,
32:24dans la marine ou dans l'armée de terre.
32:26Pierre Lelouch ?
32:27Oui, je veux venir sur cette discussion
32:30sur les valeurs, le Sud global, les valeurs occidentales.
32:35Une des choses qui se passent en ce moment,
32:39c'est que, même s'il est très hétérogène,
32:42ce fameux Sud global, qui va quand même représenter
32:4550 % de la richesse mondiale en 2050,
32:48contre 20 % pour les anciens riches, c'est-à-dire nous,
32:51malgré toute leur hétérogénéité,
32:54le point commun, c'est effectivement
32:56assez de domination occidentale,
32:59dans les valeurs, comme au plan militaire,
33:02comme au plan économique.
33:03Ce qui a permis à Poutine de survivre aux sanctions,
33:07c'est le contournement de ces sanctions
33:10par l'Inde, la Chine et quelques autres Etats du Sud,
33:14qui ont joué le point de passage
33:16et qui ont alimenté, qui continuent d'alimenter
33:19l'économie et la machine de guerre.
33:21Il faut savoir aujourd'hui que même les Américains
33:24commencent à s'interroger sur leurs sanctions.
33:27J'ai ouvert le débat dans cette maison
33:29à l'Assemblée nationale, quand j'étais député en 2016,
33:32en demandant une commission d'enquête
33:34sur l'extraterritorialité des lois américaines.
33:37Personne n'en avait entendu parler,
33:39sauf que nos banques étaient pillées par le trésor américain
33:42à hauteur de 9 milliards, par exemple, pour la BNP.
33:45Je me suis dit qu'un jour, il y a quelque chose.
33:47C'est des rapports de puissance.
33:49Aujourd'hui, vous avez 60 % des pays du Sud
33:53qui sont sous sanctions américaines.
33:55Donc, ça crée un besoin de contourner.
33:58Et on contourne comment ?
34:00On contourne en commerçant en Yuan,
34:02même Total le fait aujourd'hui,
34:04en s'ouvrant aux crypto-monnaies découvertes par la Russie, etc.
34:08Mais il y a un autre front de la bataille,
34:11qui est le front moral, le front des valeurs.
34:13Il s'est passé quelque chose de très important
34:16à la suite de la guerre en Ukraine et la métastase au Proche-Orient.
34:20C'était le deux poids, deux mesures.
34:22Pourquoi vous aidez l'Ukraine
34:23alors que vous bombardez les Palestiniens en même temps
34:27et que les Palestiniens sont les victimes de ce colonialisme ?
34:30Dans l'heure, la guerre des Blancs n'intéresse pas le Sud.
34:33Ce qui les intéresse, c'est de transformer le Palestinien
34:36en symbole de victime expiatoire
34:39d'un pays génocidaire blanc, super blanc,
34:43qui est le peuple d'Israël.
34:44Et donc, vous avez, à la pointe de ce combat,
34:48un pays qui s'appelle l'Afrique du Sud,
34:50auréolé de l'image de la lutte contre l'apartheid,
34:54auréolé de l'image de Mandela,
34:56et qui va à la Cour internationale de justice
34:59pour faire condamner Israël pour génocide.
35:03Quand vous avez en même temps des procédures
35:05devant la Cour pénale internationale
35:07qui mettent sur le même plan un Premier ministre élu
35:10et un terroriste salafiste qui vient de mourir
35:13et qui a sur la conscience la mort de 42 000 Palestiniens,
35:18qui sont au-dessus de sa forteresse souterraine,
35:21là, c'est là qu'on est en train de changer de monde.
35:24Il y a une bataille.
35:25Il y a une bataille idéologique.
35:27Il y a une bataille morale.
35:29Une bataille économique.
35:30Il y a une bataille militaire.
35:32Mais pourquoi chercher à défendre le point de vue anti-Occident ?
35:37Pourquoi ne pas camper
35:40sur les valeurs des Lumières, de la Renaissance
35:43et cet Occident à apporter ?
35:45Xi Jinping s'en fout complètement.
35:47Est-ce qu'on a à se préoccuper
35:50des désidératas valeureux de M. Xi Jinping ?
35:55Oui, par exemple, quand on a un territoire qui s'appelle Tahiti
35:58et que vous avez un antrisme chinois à Tahiti,
36:01vous avez intérêt à vous en occuper.
36:03Si vous avez l'Azerbaïdjan,
36:05nous embêtons l'Azerbaïdjan sur l'Arménie,
36:07qu'est-ce que fait l'Azerbaïdjan ?
36:09On n'est pas obligés d'accepter ça, justement.
36:12Il ne faut pas l'accepter.
36:13Il ne faut pas se laisser imposer un narratif seul.
36:16Tout le combat, il est là.
36:18Leur narratif...
36:19Il ne faut pas accepter, mais au moins définir le problème.
36:22Il faut comprendre que quand on met le doigt dans une situation,
36:26on peut arriver à fabriquer des réalités stratégiques
36:29qui ne sont pas positives pour nous.
36:32Ce que j'essaie d'expliquer dans ce livre,
36:35c'est que cette guerre faite au nom de l'émotion
36:37et des meilleures intentions du monde,
36:39c'est-à-dire, comme vous le disiez, aider un pays agressé
36:43à, comme une boule d'un neige, fabriquer d'autres problèmes.
36:46Pierre Lelouch, on vous a écouté.
36:49On vous a écouté.
36:50Alors, Galia Ackermann, je voudrais que vous réagissiez à ça
36:54et que vous nous disiez si l'objectif de Poutine,
36:59à travers le combat en Ukraine,
37:02mais aussi sa politique,
37:04est de foutre en l'air l'Union européenne
37:07par l'anti-occidentalisme.
37:09Justement, l'idéologie actuelle du régime russe
37:15est d'affirmer qu'il y a plusieurs types de civilisations,
37:19ce qui, en soi, n'est pas faux, peut-être,
37:21mais qu'il ne faut pas imposer les valeurs
37:24d'une civilisation à l'autre,
37:26ce qui veut dire qu'en fait, il n'y a pas d'unité de l'humanité,
37:32il n'y a pas d'une seule voix,
37:34il y a ce désordre où chaque scélérat et chaque potentat,
37:39comme un cordonnier, est maître chez lui.
37:43C'est quelque chose que l'Occident doit combattre,
37:47non pas avec des armes,
37:49mais justement avec la propagande,
37:52parce que s'il y a aujourd'hui ce sud global,
37:55c'est aussi la conséquence très directe
37:58d'une énorme propagande russe,
38:01essentiellement russe, partout dans le monde.
38:05C'était une propagande anti-occidentale
38:09de la période soviétique
38:11qui revient devant la scène.
38:15Bien sûr que l'objectif de Poutine
38:17est de détruire l'Union européenne.
38:20Souvenons-nous encore à l'époque
38:22où Primakov était plus ou moins aux commandes
38:25dans la politique étrangère.
38:27La thèse a toujours été de traiter
38:29avec chaque pays de l'Europe séparément
38:32en évitant de se référer à l'Union européenne.
38:37Pourquoi ? Parce qu'aucun pays européen, tout seul,
38:42ne peut s'opposer à la Russie, beaucoup plus grande, plus peuplée,
38:46avec un arsenal nucléaire énorme, etc.
38:49Donc, aujourd'hui, on continue à semer le trouble.
38:56Il y a un organe spécial
38:58au sein de l'administration présidentielle
39:01qui joue à peu près le même rôle
39:03que le comité central à l'époque soviétique.
39:10Et donc, il y a des moyens considérables
39:13qui sont employés afin de semer le désordre
39:17sur les réseaux sociaux,
39:18afin de produire des fake news,
39:21afin d'envoyer des agents d'influence ici,
39:25dont on dévoile tout le temps des réseaux.
39:30Donc, oui, l'objectif affiché
39:35est de détruire l'Europe dite décadente
39:40et de dire que c'est nous, la Russie,
39:44qui représentons les vraies valeurs chrétiennes.
39:47Merci, Galia.
39:49Pardonnez-moi de vous interrompre,
39:51mais c'est pour que chacun puisse parler.
39:54Jean-Michel Blanquer, vous vouliez réagir ?
39:56Je veux réagir à ça et à ce qui a été dit avant.
39:59Un peu comme tout à l'heure, pour raison et émotion,
40:01il ne faut pas être dans des choses complètement binaires.
40:04Là, pour le coup, je distinguerais la forme et le fond.
40:07Que l'Occident ait eu des torts passés, bien sûr,
40:11qui, d'ailleurs, quel pays n'en a pas dans son histoire passée ?
40:16Et que, par exemple, la question des sanctions
40:19extraterritoriales américaines soit un énorme problème,
40:22j'en suis tout à fait d'accord.
40:24Et le fait qu'on donne des leçons de morale
40:26qui soient exaspérantes, tout ça,
40:29en effet, je crois qu'il faut en être très conscient
40:32et passer à une sorte de phase d'humilité,
40:35notamment dans la forme.
40:36La forme étant très importante
40:38et concernant aussi bien la diplomatie que l'action militaire.
40:41Mais ça ne doit pas, pour autant,
40:44nous amener à une espèce d'abandon des questions de fond,
40:47c'est-à-dire de valeurs qui, en réalité,
40:48ne sont pas spécifiquement occidentales.
40:50Il y a, dans tous les pays du monde, y compris en Chine,
40:52des gens qui sont prêts à mourir pour les valeurs qui sont aussi les nôtres.
40:55C'est pareil en Iran, c'est pareil dans tout le Sud.
40:57C'est pour ça qu'il y a un grand danger,
40:59au nom du premier problème avec lequel je suis bien d'accord,
41:02d'envahir le deuxième problème avec lequel, pour le coup,
41:04je ne suis pas du tout d'accord,
41:06qui serait, en gros, de dire que nos valeurs sont exaspérantes
41:10et les autres ont d'autres valeurs
41:12qui, d'ailleurs, sont peut-être plus intéressantes que les nôtres,
41:15ce qui est, par exemple, le discours poutinien.
41:17Et cette question de l'asymétrie, l'apostrophe asymétrie,
41:22des moyens dont vient de parler Mme Ackermann
41:24est, à mes yeux, très juste.
41:25Je l'ai vu, pour le coup, compris dans mes responsabilités.
41:29C'est-à-dire que les régimes autoritaires
41:32utilisent des armes que nous n'avons pas
41:34et ils se permettent des choses que nous ne nous permettons pas
41:37pour faire passer des idées qui ne sont pas les nôtres,
41:39y compris dans nos propres sociétés.
41:41Et donc, si nous nous laissons envahir par le narratif,
41:43et notamment en utilisant des termes comme Sud global,
41:45nous sommes déjà dans un défaitisme.
41:48Le Sud global n'existe pas.
41:49Moi, écoutez, je connais très bien l'Amérique latine, par exemple.
41:51C'est le Sud que je sache.
41:52Je peux vous dire que ça n'appartient en aucun cas
41:54à ce qu'on appelle le Sud global.
41:56Certains l'ont même appelé l'extrême Occident.
41:58Alain Rouquier a utilisé cette expression à juste titre.
42:01Et donc, c'est un peu comme ce qu'on a dit tout à l'heure
42:03sur l'histoire.
42:04C'est une façon d'interpréter.
42:05Il y a des luttes d'interprétation du monde.
42:07Mais si nous, Français, aujourd'hui, nous disons
42:10oui, il y a un Sud global, et d'ailleurs, ils ont bien raison
42:12d'avoir du ressentiment contre nous,
42:14en fait, nous sommes déjà dans un défaitisme.
42:16Et ce qui est très important, c'est, un, en effet,
42:19respecter nos propres valeurs en étant beaucoup plus humbles
42:23dans notre expression internationale, ça, oui.
42:26Mais sur le fond, ne jamais reculer d'un pouce
42:29sur les enjeux de liberté, en particulier,
42:30de respect des droits de l'homme,
42:32qui sont des aspirations de tous les individus du monde.
42:35Quand on dit, si on met une équivalence
42:37entre ce qu'est le régime ukrainien aujourd'hui
42:40et le régime russe,
42:41il y a, évidemment, un problème de valeurs, en effet.
42:45On ne peut pas...
42:46Ce n'est pas la problématique.
42:48La problématique, c'est de savoir,
42:49pour un vieux gaulliste comme moi,
42:51c'est de savoir comment ou mieux servir les intérêts de la France.
42:55Ce qui est en train d'être décrit,
42:56c'est la réalité, aujourd'hui, du monde.
42:58Ce n'est pas que je soutiens le Sud global,
43:00je le vois émerger comme un problème.
43:03Ca ne défend pas...
43:04Un problème en partie qui dérive de nos propres actions.
43:09Quand on fait, par exemple, l'opération Barkhane, en Afrique,
43:12avec 5000 mecs sur un territoire
43:14qui est deux fois plus grand que l'Europe,
43:16on ne peut que se planter.
43:17J'ai été en charge de l'Afghanistan...
43:19Non, écoutez, permettez-moi.
43:22Permettez-moi.
43:23Les pays qui reçoivent la présence militaire
43:28américaine ou française,
43:29ils ont peut-être une autre opinion
43:31que ce que nous sommes en train de faire.
43:33On est d'accord.
43:34La question, c'est celle du narratif et de la sémantique.
43:37Les mots qu'on utilise et la lecture du monde
43:40qu'on accepte de la part de nos adversaires.
43:42Edouard Guillaume, un mot là-dessus.
43:44Je crois que nous devons faire très attention
43:47à ne pas passer d'un extrême à l'autre,
43:50à éviter l'acte de contrition pour un acte de contrition,
43:54parce que nous avons été trop arrogants.
43:56Oui, nous avons fait beaucoup d'erreur.
43:58L'animalité en Algérie, par exemple.
44:01Arrêtons ça.
44:02D'un autre côté, ne soyons pas naïfs.
44:04Je crois que, en fait, nous avons les mêmes armes que les autres.
44:08Nous ne sommes pas toujours d'accord pour les utiliser
44:11ou nous n'osons pas les utiliser.
44:12Et je pense très précisément à la désinformation.
44:15Nous sommes capables de le faire,
44:17mais nous avons un très mauvais souvenir de ce qui s'est passé,
44:20souvenez-vous, après la guerre d'Indochine et d'Algérie,
44:24où on parlait à l'époque d'actions psychologiques,
44:26c'était le terme employé à l'époque,
44:28et on n'ose plus en faire. On aurait peut-être dû en faire.
44:32L'examen de cette proposition de résolution
44:34nous amène à nous interroger sur l'affaiblissement
44:37de notre diplomatie.
44:38Comme le disait Dominique Davilpin,
44:40une diplomatie qui n'a pas de succès s'épuise.
44:43Or, nous n'avons pas eu suffisamment de succès
44:45au cours des dernières années.
44:47En effet, les maladresses élyséennes,
44:49les revirements, les changements de posture
44:51au gré des interlocuteurs ont conduit à une série de revers
44:55par l'Allemagne dans l'Union européenne,
44:57brouille avec le Maroc et l'Algérie,
44:59expulsion des pays africains, etc.
45:01Notre politique étrangère est aujourd'hui contaminée
45:04par le en même temps,
45:05ce qui lui ôte toute lisibilité et toute efficacité.
45:08Dans ce contexte, nous devrions avoir deux priorités.
45:11Un, lui redonner une ligne diplomatique claire.
45:13Deux, mieux respecter l'état de droit
45:16et les libertés fondamentales sur notre territoire.
45:18Cette proposition, on vient de le voir,
45:20ne répondant à aucune de ces deux priorités,
45:23ne participera pas au vote.
45:25Vous venez d'écouter le député LR Xavier Breton
45:29montrant...
45:32j'allais dire les linéaments infructueux
45:35de notre diplomatie.
45:37Mais pour continuer sur le champ des valeurs, etc.,
45:41et sur les questions de civilisation,
45:43est-ce que vous avez le sentiment
45:45que ce qu'on appelle le wauquisme, le décolonialisme,
45:49le tiers-mondisme, etc.,
45:51à ce sujet, le politologue Arthur Schlesinger
45:54disait que tous ces séparatistes ethnocentriques
45:59ne voient dans l'héritage occidental
46:01que les crimes de l'Occident.
46:03Est-ce que vous avez le sentiment
46:05que ces idées apparemment vertueuses,
46:08comme décolonialisme, tiers-mondisme, etc.,
46:12sont utilisées comme des avatars anti-occidentaux ?
46:15C'est-à-dire que les pays autoritaires
46:19utilisent, en quelque sorte,
46:21ces valeurs populaires
46:23pour affaiblir nos propres démocraties.
46:27Oui, nous en avons l'exemple tous les jours
46:29avec les trois dictatures militaires
46:31du Niger, du Burkina Faso et du Mali.
46:34Ca, c'est une démonstration.
46:36C'est ce que nous vivons tous les jours.
46:38C'est votre avis, Jean-Michel Blanc ?
46:40Oui, et il y a mille paradoxes et contradictions.
46:43Par exemple, un Poutine va dire
46:45que nous sommes décadents, wauquistes, etc.,
46:48tout en profitant, si je puis dire,
46:50d'affaiblissements qui sont justement liés
46:52à cette espèce de défaitisme occidental.
46:56Et donc, aujourd'hui, il y a une bataille des mots,
46:59une bataille du narratif.
47:01J'aime pas beaucoup ce mot, mais une bataille du récit.
47:05Et nous aurions bien tort de nous laisser imposer ces récits.
47:08C'est vrai que de l'intérieur de chaque pays,
47:11il existe des forces qui, d'une certaine façon,
47:14sont le relais de cela.
47:15Je pense qu'aujourd'hui, il faut être fier
47:18de ce qui nous constitue, fier de nos valeurs,
47:20humble dans les relations internationales,
47:23ce qui ne veut pas dire faible,
47:24et éviter, en effet, et là, on sera d'accord,
47:27l'interventionnisme débridé,
47:29qui est souvent mal fondé et inefficace.
47:32En revanche, ne pas se laisser imposer des discours.
47:35Par rapport à ce que disait l'amiral tout à l'heure,
47:37concrètement, ça signifie, par exemple,
47:40dans la guerre de l'information qui existe,
47:42nous devons être plus offensifs, c'est évident.
47:45C'est aussi quelque chose que j'ai vu,
47:47sur un plan interne et international.
47:49Pourquoi se laisser mener une guerre cybernétique
47:52contre nous sans jamais faire la même chose chez l'adversaire ?
47:56C'est évidemment quelque chose qui n'est pas possible.
47:59Ca rejoint des préceptes gaullistes
48:01dans l'œuvre du général de Gaulle des années 30.
48:03C'est-à-dire qu'il faut, évidemment,
48:06ne pas être uniquement sur la défensive,
48:08mais être à l'offensive sur les sujets,
48:10notamment du futur,
48:11que sont le spatial et le numérique, en particulier,
48:14où nous ne devons pas, encore une fois,
48:16nous laisser imposer quelque chose.
48:18Or, ça se joue beaucoup dans les têtes
48:21et donc dans les concepts et les mots que nous utilisons.
48:24Aujourd'hui, parler de Sud global et d'Occident,
48:26c'est évidemment une structure de la pensée
48:29qui est très mauvaise pour ce que nous défendons.
48:32Il y a, je le redis, et j'y tiens beaucoup,
48:34dans le Sud, des forces qui sont totalement convergentes
48:37avec ce que nous considérons notre socle de valeur.
48:41Vous voyez Sylvie Berman, là-dessus,
48:43sur ces valeurs qui sont défendues en Occident
48:47et qui viennent nous affaiblir.
48:49Non, mais d'abord,
48:50il ne faut pas être dans le déni de réalité.
48:53Il y a un monde qui a évolué,
48:54et ça, on l'a constaté au moment de la guerre en Ukraine
48:57et au moment du vote aux Nations unies.
48:59Un monde a évolué. Chaque pays défend.
49:02Je veux dire, l'impérialisme, chacun défend ses intérêts.
49:05C'est une révélation, en réalité,
49:07c'est-à-dire que la guerre en Ukraine
49:09n'est plus un révélateur que, bon, un changement de situation.
49:14Parce que ces forces anti-occidentales
49:16existaient avant. On ne les a pas perçues.
49:18On s'en est rendu compte au moment des différents votes,
49:22en voyant que les Africains,
49:24mais les Latino-Américains aussi,
49:27les pays du Moyen-Orient, l'Asie,
49:29n'avaient pas voté pour condamner la Russie.
49:32Non pas parce qu'ils soutenaient l'agression russe,
49:36mais parce qu'ils considéraient
49:38que ça ne correspondait pas à leurs intérêts
49:40et qu'ils voulaient maintenir des relations avec tout le monde.
49:44En fait, que cherchent ces pays individuellement
49:47dans le Sud dit global ?
49:49C'est la multipolarité
49:53et ce que les Indiens appellent le multialignement.
49:55C'est-à-dire, en fonction de leurs intérêts,
49:58d'avoir des relations avec les Etats-Unis,
50:00avec la Russie, avec la Chine, en fonction de leurs intérêts.
50:03Je crois que c'est le monde tel qu'il vient.
50:06Souvenez-vous que le président de la République
50:08a voulu se faire inviter au sommet des BRICS
50:11au moment où, précisément, les BRICS
50:13recevaient une quarantaine de candidatures.
50:16Ce n'est pas pour rien.
50:18Les BRICS, c'est totalement hétérogène aussi,
50:20mais parce que ça représente
50:23ce sentiment, effectivement, anti-occidental.
50:27S'il faut le combattre, c'est pas avec les mots.
50:30La désinformation, je me pose des questions.
50:33La Russie, le pratique allègrement, on sait tout ça.
50:36Est-ce qu'on doit faire quelque chose
50:38qui est un peu à l'encontre de nos valeurs ?
50:40Autant essayer de rétablir la réalité,
50:42d'ailleurs, comme ça a été fait au Mali
50:44par les forces militaires françaises
50:47quand il y a eu une tentative de Wagner
50:50de nous accuser d'avoir créé un charnier,
50:53c'est ça, je pense, qu'il faut le faire.
50:56Les mettre face, effectivement,
50:58à leur propagande,
51:01qui est évidemment de la propagande totalement hostile.
51:05Je pense qu'il faut le faire.
51:06Là aussi, il ne faut pas aller contre nos valeurs.
51:09Il ne faut pas oublier une chose,
51:11c'est qu'au sein de l'Union européenne,
51:13il y a des pays qui ne respectent pas totalement la démocratie.
51:16Avant d'essayer de le changer ailleurs,
51:20il faudrait peut-être qu'on ait une Union européenne
51:23qui soit effectivement plus homogène,
51:26et puis il va y avoir un élargissement,
51:29et ça ne va pas faciliter les choses
51:31parce qu'il y a un certain nombre de pays
51:33dans lesquels la corruption et l'absence de démocratie
51:36sont flagrants.
51:37Merci, là-dessus, Pierre Lelouch.
51:39L'émission arrive à la fin.
51:41Sur ces valeurs qui sont manipulées,
51:44valeurs occidentales manipulées en face
51:48pour affaiblir le camp occidental,
51:50vous adhérez à ça ?
51:52Nous, Français, et avec les Américains,
51:54puisque nous sommes deux républiques sœurs
51:57avec les mêmes influences, Thomas Paine et autres,
51:59et après, on vendait la même chose,
52:01même s'il y avait un roi en France,
52:03nous pensons que nos valeurs sont universelles.
52:06C'est ça, le débat de tout à l'heure de Jean-Michel Blanquer.
52:10Nous pensons que ces valeurs que nous avons inventées,
52:13nous, Français, nous, les Américains,
52:15sont applicables à tout le monde.
52:17Quand les Américains sont très forts
52:19et ils aiment bien les exporter avec des chars,
52:21en général, ça tourne mal, mais parfois, ça tourne bien.
52:24Par exemple, on a inventé la République fédérale allemande,
52:28on a inventé un Japon, entre guillemets, démocratique,
52:31avec des institutions démocratiques,
52:33toutefois, ça marche pas du tout.
52:35En Afghanistan, ça marche pas, dans les Balkans, ça marche pas.
52:38Il faut être un tout petit peu lucide
52:40et comprendre aussi que tous ces siècles...
52:43Là, je fais pas de contrition, c'est complètement clinique.
52:46Très peu de temps, pardonnez-moi.
52:48Tous ces siècles où nous avons dominé
52:50et utilisé la force avec ou sans l'ONU,
52:53ça nous fait boubrang aujourd'hui.
52:56Donc c'est pas se coucher que de dire ça, au contraire,
53:00c'est de dire, préparons-nous, soyons plus forts économiquement,
53:03ayons une défense adaptée, c'est ça que nous devons faire.
53:06On ne peut pas du tout rentrer dans cette...
53:09-"N'abandonnons pas ceux qui, dans le Sud,
53:11se battent pour la liberté."
53:13Je pense aux confrontations syriennes.
53:15-"Battons-nous contre le voile en France,
53:17au nom des Iraniens et des Afghans."
53:20Il nous reste peu de temps.
53:21Ghalia Kerman, très peu de temps sur cette question des valeurs
53:25et on doit... On arrive à...
53:28C'est pas trop long, il nous reste peu de temps, pardon, Ghalia.
53:31Oui. Je pense qu'il faut pas, bien sûr,
53:34exporter nos valeurs de façon militaire,
53:38à moins qu'il y ait une guerre, comme c'était le cas
53:41avec la République fédérale allemande et le Japon,
53:44mais nous avons des instruments
53:46sans avoir recours
53:49à des techniques basses russes,
53:52comme, par exemple, la création de comptes de trolls,
53:55fake news, etc.
53:58Mais nous devons former
54:01davantage d'étudiants étrangers de ce Sud global chez nous.
54:05Ça, c'est... La Russie l'a fait avec l'université Lumumba.
54:09Nous devons aussi donner plus d'argent
54:14et d'importance à, par exemple,
54:17des radios en langue étrangère,
54:22en destination à des grands pays,
54:26des sites qui seraient porteurs, etc.
54:31Nous avons des moyens tout à fait légitimes
54:34d'exporter les valeurs qui sont les nôtres
54:37parce que nous avons conviction que c'est la voie de l'humanité
54:41et la voie de l'unité de l'humanité. C'est tout ce que je voulais dire.
54:45Il me reste à vous présenter
54:48une brève bibliographie.
54:50Pierre Lelouch, vous publiez
54:52Engrenage, la guerre d'Ukraine et le basculement du monde.
54:57Jean-Michel Blanquer, vous avez publié
54:59La citadelle au coeur du gouvernement.
55:02Albin Michel,
55:04c'est à la fois un livre de mémoire, d'histoire,
55:09mais de votre travail gouvernemental.
55:12Est-ce que vous avez l'impression qu'il en reste quelque chose ?
55:15Sans polémique, mais...
55:17Vous avez été remplacé par votre antithèse, si je puis dire.
55:22En résumé, on peut dire ça, mais il faut lire le livre.
55:25Je manque de temps.
55:26Que j'ai lu et que j'ai apprécié.
55:28C'est un livre... On est plutôt sur de l'interne,
55:31mais c'est un livre optimiste sur la politique.
55:34C'est un livre qui parle des obstacles,
55:36un peu comme nous le ferons sur le plan international,
55:39mais qui n'est pas du tout fataliste ou défaitiste.
55:42Je prétends et j'espère le démontrer dans le livre
55:45que des choses importantes ont avancé,
55:47comme le rebond de l'école primaire en France,
55:50dont les médias parlent peu,
55:52mais il y a une augmentation.
55:53Sylvie Berman, on a déjà parlé de votre livre,
55:56Madame l'ambassadeur de Pékin à Moscou.
55:59Un mot sur le livre que vous préparez ?
56:01Je prépare un livre sur les relations
56:04entre la Chine et la Russie depuis Catherine II,
56:07parce que l'actuel ambassadeur de Russie à Pékin,
56:12qui était, à mon époque, directeur d'Asie,
56:15m'a dit que, grâce à Donald Trump,
56:17la Chine et la Russie n'avaient jamais eu
56:20d'aussi bonnes relations.
56:22Effectivement, c'est intéressant,
56:24parce qu'on considère que ça peut être une alliance...
56:27C'est pas une alliance. La Chine ne conclut pas d'alliance,
56:30mais que c'est un partenariat que certains considèrent
56:33comme contre nature,
56:34mais c'est un peu les conséquences d'un ennemi commun.
56:38Alors, Galia Ackermann, je rappelle
56:40que vous avez publié le livre noir de Vladimir Poutine.
56:44Nous avons eu l'occasion d'en parler,
56:47et donc, vous n'avez pas changé d'avis sur ce personnage.
56:52Non.
56:53Merci, mesdames, merci, messieurs,
56:57d'avoir participé à cette conversation
57:00combien éclairante sur les questions
57:02des valeurs de civilisation
57:04et comment elles influent à la fois sur la politique,
57:07la diplomatie, la société,
57:09et qu'aujourd'hui, comme je le rappelais en préambule
57:13il faut regarder ces choses-là dans cette perspective
57:17et non pas s'en tenir uniquement
57:19à des résultats qui ne sont pas toujours obtenus.
57:23Merci à l'équipe de LCP
57:26d'avoir permis la réalisation de cette émission.
57:28A bientôt.
57:29Merci.
57:31Je suis...

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