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Face aux débats autour des récentes décisions du gouvernement Barnier — hausse des taxes foncières et droits de mutation — il est légitime de s’interroger : la quête de possession, séduisante en apparence, ne cache-t-elle pas un revers parfois nuisible à la stratégie individuelle et collective ? [...]

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00:00Les débats autour des récentes propositions du gouvernement Barnier, hausse des taxes
00:13foncières et des droits de mutation en particulier, rendent légitime de réinterroger certains
00:18des concepts les plus fondateurs sur lesquels résonnent d'un côté les sciences économiques,
00:23de l'autre les sciences de gestion et du management.
00:26Cette quête de possession, séduisante en apparence, ne cache-t-elle pas un revers parfois
00:32nuisible à la stratégie individuelle comme collective ?
00:36Le droit de propriété privée constitue la pierre angulaire du capitalisme et des
00:41démocraties libérales.
00:43Associant liberté économique et liberté politique, il agit en théorie comme un levier
00:49d'inégalités positives, un moteur pour l'ambition, la compétition et idéalement
00:56au moins en théorie l'innovation.
00:59Pourtant, ce fondement du système peut aussi devenir un frein lorsque l'obsession pour
01:05la possession prend le pas sur la souplesse stratégique.
01:10Longtemps érigée en idéal, l'accession à la propriété immobilière a ainsi été
01:17présentée comme une voie vers l'émancipation.
01:20Des figures politiques comme Margaret Thatcher ou Nicolas Sarkozy en ont fait un axe majeur
01:28de leur politique, vantant une société de propriétaires.
01:32Niall Ferguson, historien à Harvard, rappelle dans L'irrésistible ascension de l'argent
01:40que rendre les citoyens propriétaires présentait d'abord l'intérêt politique de nourrir
01:46un conservatisme naturel.
01:48Une fois propriétaire, on privilégie ses acquis personnels plutôt que le bien commun.
01:55On protège plutôt qu'on innove.
01:58Les récentes mesures fiscales, comme la hausse des taxes foncières, soulignent cependant
02:05les coûts de cette liberté supposée ou postulée.
02:08Les propriétaires sont loin d'être souverains, leur dépendance aux décisions de l'État
02:13et leur exposition financière révèlent la face cachée de la possession.
02:19De plus, posséder un bien réduit souvent la mobilité.
02:24Résilier à un bail de location, c'est plus simple que vendre une propriété.
02:30Ce frein structurel à l'adaptation est d'autant plus problématique dans des environnements
02:37économiques ou personnels volatiles.
02:40Les entreprises ne sont pas épargnées par cette problématique.
02:44Beaucoup tombent dans le piège de l'accumulation d'actifs, qu'il s'agisse d'immobilier,
02:52d'équipement ou tout simplement d'une structure d'entreprise finalement trop
02:55lourde.
02:56Cette rigidité, évidemment rassurante en période stable, devient un handicap en cas
03:03de crise ou de retournement de conjoncture.
03:05La possession excessive peut même transformer des dirigeants en des sortes de gestionnaires
03:12fusionnels, trop attachés à leur entreprise, pour adapter leur stratégie avec l'agilité
03:23requise.
03:24A l'inverse, les acteurs qui privilégient l'accès sur la possession ont souvent
03:31mieux su tirer parti des évolutions, en particulier technologiques.
03:35Airbnb, par exemple, a révolutionné l'industrie de l'hôtellerie en misant sur la location
03:41et le partage et non pas sur la possession d'un parc immobilier.
03:45Cette approche, fondée sur l'économie de l'usage, démontre qu'accéder à des
03:52actifs peut suffire à générer de la valeur.
03:55Les recherches en stratégie « business model » montrent clairement qu'une accumulation
04:01d'actifs n'est pas toujours nécessaire pour innover, créer, capturer de la valeur.
04:09Il ne s'agit donc pas ici de nier l'importance du droit de propriété, fondement de la liberté,
04:16mais de réfléchir à ses implications pratiques et symboliques.
04:21La possession offre évidemment des avantages, mais elle s'accompagne de responsabilités
04:28qui sont lourdes et qui peuvent devenir handicapantes.
04:31Ce paradoxe, largement analysé depuis Pierre-Joseph Proudhon, qui qualifiait la propriété
04:39de vol, invite à réévaluer nos priorités.
04:45La véritable liberté économique passe peut-être moins par une accumulation frénétique que
04:54par une capacité à s'affranchir d'abord du poids de nos biens matériels.

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