"La chimio c'est la thérapie des médecins, le sport ça a été ma thérapie."
Championne de France de marathon à deux reprises, Anaïs Quemener a dû lutter contre un cancer du sein. Une maladie diagnostiquée à ses 24 ans qui a brutalement remis en question ses objectifs sportifs. Pendant ses traitements, elle n'a jamais arrêté la course. Elle raconte.
Championne de France de marathon à deux reprises, Anaïs Quemener a dû lutter contre un cancer du sein. Une maladie diagnostiquée à ses 24 ans qui a brutalement remis en question ses objectifs sportifs. Pendant ses traitements, elle n'a jamais arrêté la course. Elle raconte.
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00:00J'ai beaucoup comparé les traitements de chimio et de radiothérapie à un marathon.
00:04Quand j'étais dans le dur des traitements, genre la 7 ou 8e chimio,
00:09et que j'en avais marre, que je voulais que ça se termine,
00:11j'avais un peu cette impression d'être au kilomètre 32, 33, 34 du marathon,
00:16et que je me disais, ok, là c'est dur, mais je prends le mur.
00:19Je suis en train de prendre le mur du marathon, mais c'est bientôt l'arrivée.
00:22Allez, allez. T'endors pas sur tes appuis, regarde. J'entends moins fort, là.
00:26Ça pousse pas, là.
00:27C'est mon oncle, quand j'étais en traitement, avec qui je m'entends très bien.
00:30Il le dit directement, il dit, la chimio, c'est la thérapie des médecins,
00:33le sport, ça a été ma thérapie.
00:34Je me disais, tant que je peux continuer à courir, tant que je peux continuer à faire du sport,
00:38c'est que je suis vivante et que tout va bien.
00:40Et je disais toujours aux gens, vous inquiétez pas quand vous me voyez courir.
00:44Par contre, inquiétez-vous le jour où vous ne me verrez plus courir.
00:48Django, tu vas pas aller dans le canal, quand même ?
00:50Ici, c'est mon lieu d'entraînement, donc moi, j'adore courir ici.
00:53Je peux passer ici, où c'est un peu du chemin,
00:55de l'autre côté, où c'est du bitume.
00:56C'est l'endroit où je promène mon chien,
00:58et de l'autre côté, c'est aussi l'endroit où je pars pour aller au travail.
01:02La course à pied, ça a commencé...
01:04Je devais avoir 7 ans, mais réellement, au club, à l'âge de 9 ans.
01:08Mon entraîneur, c'est mon père.
01:09Et c'est vrai qu'il m'a jamais forcée à courir.
01:11Ça a toujours été une passion qu'on a pu partager,
01:13parce que moi, je le voyais courir,
01:14et je pense que finalement, j'avais envie de reproduire ce que lui faisait.
01:20L'esprit de compète, il est venu un peu plus tard.
01:22C'est venu vers l'âge de 14-15 ans.
01:23Je me rends compte que s'entraîner, ça fait la différence.
01:27Je commence à m'entraîner un petit peu plus sérieusement.
01:29Je crois que je passe de peut-être 3 à 4 entraînements en semaine.
01:33Et à l'âge de 15 ans, je bats le record de France du 10 km en cadette, en 38 minutes.
01:40Et à ce moment-là, je me rends compte qu'il y a des choses à faire.
01:50À 24 ans, je travaille dans le milieu hospitalier.
01:52Je fais du sport de haut niveau.
01:53Je n'ai pas d'antécédents connus.
01:55Il n'y a rien qui pouvait laisser imaginer que je pouvais avoir un cancer du sein.
01:58Et pourtant, j'en avais un.
01:59Ça m'est tombé dessus un peu comme une météorite.
02:02On m'annonce que j'ai un cancer du sein en août 2015.
02:06Et moi, j'avais un objectif, c'était de participer au championnat de France de marathon en 2015.
02:10Et donc, du coup, je tombe de haut.
02:12Non seulement parce que j'ai un cancer à 24 ans,
02:14mais en plus de ça, la première chose à laquelle je pense,
02:16c'est comment je vais pouvoir participer à mon championnat.
02:19Pendant les traitements, j'ai quand même réussi à avoir un certificat médical
02:21où j'ai pu continuer à aller au club, à voir mes amis, à faire mes entraînements,
02:25à faire des compétitions.
02:26Pas du tout au même niveau qu'avant, mais à faire quand même des compétitions.
02:29Et surtout d'être en groupe, parce que quand j'allais courir avec tout le monde,
02:31je ne me sentais pas malade.
02:32C'était mon moment d'évasion où j'étais la analyse d'avant.
02:36Je n'étais pas la analyse malade et je ne pensais pas au traitement.
02:38Je pense que le plus difficile, c'était d'admettre que j'allais mettre de côté le haut niveau.
02:44Mais la difficulté, pour moi, elle a été moindre parce que j'ai pu continuer à courir.
02:48En plus, je ne pouvais pas travailler parce que j'étais dans le milieu hospitalier
02:51et que, du coup, je n'avais pas de défense immunitaire.
02:53Donc, j'étais en aplasie, je ne pouvais pas bosser avec des gens qui étaient malades.
02:57Et je n'avais que la course à pied.
02:59Donc, pour le coup, je me suis vraiment raccrochée à ça en me disant
03:02« puisque je n'ai que ça, je ne vais faire que ça ».
03:07C'est aussi pour ça que j'avais envie d'en parler et de pouvoir partager.
03:09Parce que je pense que ce que j'ai vécu, moi, à 24 ans,
03:12malheureusement, d'autres personnes peuvent passer par là aussi.
03:15Et c'est important de savoir qu'on n'est pas seul
03:17et qu'il y a des gens qui arrivent à s'en sortir.
03:21Un an après, à la fin de tes traitements, tu deviens championne de France de marathon.
03:24Oui.
03:25Il s'est passé 4-5 mois où j'étais en arrêt de travail
03:27et que je pouvais reprendre l'entraînement à fond.
03:29J'ai pu, comment dire, revenir à mon meilleur niveau.
03:32Et l'objectif, ce n'était pas de devenir spécialement championne de France
03:35parce que je savais qu'il y aurait des filles qui seraient bien meilleures que moi.
03:38Mais mon objectif à moi, ma victoire à moi, c'était de pouvoir battre mon record personnel
03:42et de me dire, ok, maintenant, c'est bon, j'ai fermé la parenthèse,
03:45j'ai tiré un trait sur la maladie et je suis revenue à mon meilleur niveau.
03:49Sauf que ce jour-là, ça ne s'est pas passé exactement comme prévu,
03:54c'était même encore mieux.
03:56Puisque du coup, j'améliore mon record de 2 minutes
03:59et en plus de ça, je gagne le championnat de France de marathon.
04:02Je ne sais pas quelle heure il est, je ne sais pas regarder.
04:04Oui, il est 19h, ça va.
04:06Là, je vais pouvoir aller me changer, partir au boulot
04:09et puis après, c'est parti pour l'année.
04:11J'ai la chance d'être sur les listes ministérielles depuis le 1er janvier 2024.
04:16Du coup, l'hôpital m'a accordé un aménagement de temps.
04:19Ça veut dire que tu es reconnue comme athlète ?
04:22Oui, c'est ça.
04:23C'est une vraie reconnaissance en tant qu'athlète de haut niveau,
04:25ce qui fait que je travaille à mi-temps.
04:27Donc c'est vraiment très chouette
04:30et ça me permet forcément de mieux adapter mon travail,
04:34mes entraînements, mes compétitions.
04:36J'ai plus de temps pour moi et pour récupérer aussi parce que c'est important.
04:41Là, je vais au boulot du coup.
04:42J'ai ma gamelle, mes affaires de rechange.
04:44Là-bas, je n'ai plus qu'à prendre ma douche et puis commencer mon service.
04:47Je travaille de 21h à 7h du matin.
04:49Quand je rentre chez moi, je dors un peu de 8h, peut-être 14h maximum.
04:53Du coup, après, j'ai tout mon après-midi.
04:55Donc de 15h à 17h, 18h, je peux retourner courir.
04:58Et après, je repars au travail pour 20h.
05:00Bon, du coup, bonne nuit de taf.
05:01Salut, merci pour la balade.
05:03Merci à toi.