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LA GRANDE HISTOIRE. C'est un pays où la capitale est contrôlée à plus de 80 % par des gangs armés… Cette semaine dans La grande histoire, Hugo raconte comment Haïti, l'un des pays les plus pauvres de la planète, a sombré dans la violence des bandes criminelles.

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00:00Si Ayala n'a pas démissionné, il a débauché son génocide.
00:03C'est un pays où la capitale est contrôlée à plus de 80% par des gangs armés.
00:08Nous sommes terrorisés par les gangs.
00:10Nous arrivons difficilement à dormir le soir.
00:14Nous avons affaire aujourd'hui à un mouvement d'un type nouveau
00:17qui emprunte ses façons de faire aux gangsters les plus sanguinaires de la planète.
00:23Cette semaine dans La Grande Histoire, je vous raconte comment Haïti,
00:26l'un des pays les plus pauvres de la planète,
00:28a sombré dans la violence des bandes criminelles.
00:39Depuis le début du mois de mars, Haïti traverse une vague de violence inédite.
00:43Les gangs qui contrôlent une grande partie de la capitale
00:46ont pris d'assaut la principale prison du pays pour libérer des milliers de prisonniers.
00:51Jimmy Chérisier, un puissant chef de gang surnommé Barbecue,
00:55menace de plonger le pays dans la guerre civile.
00:58Et le premier ministre Ariel Henry,
01:00dans l'incapacité de regagner Haïti après un voyage diplomatique,
01:04a fini par démissionner.
01:06Pour comprendre comment on en est arrivé là,
01:08il faut revenir un petit peu en arrière.
01:16En novembre 2018, plusieurs milliers de personnes défilent dans les rues de Port-au-Prince.
01:22Les manifestants protestent contre la Vichère,
01:25qui dénonce la corruption et réclame la démission du président Jovenel Moïse.
01:37Ces manifestations font suite à la publication d'un rapport du Sénat
01:41accusant d'anciens membres du gouvernement de détournement de fonds et d'abus de pouvoir.
01:46C'était des jeunes qui avaient pris les rues.
01:49C'était des revendications de justice sociale.
01:52Ils demandaient des formations professionnelles,
01:56ils demandaient des soins de santé,
01:58ils voulaient aller à l'école et ils demandaient des emplois.
02:02Dans le bidonville de La Saline,
02:03d'où partent traditionnellement les manifestations contre le pouvoir,
02:0771 personnes sont assassinées.
02:09Les organisations de droits humains ont fait savoir que c'était un crime contre l'humanité
02:16et il y a eu des viols collectifs, des fois devant les conjoints et les enfants.
02:22Les Nations Unies et les États-Unis pointent l'implication dans ce massacre
02:25de fonctionnaires du ministère de l'Intérieur et d'un chef de gang, Jimmy Chérisier.
02:30Les gens ont achevé à la machette certains démembrés.
02:35Il y a des détails macabres qui ont justifié la postériorité du nom de barbecue
02:39parce que certains ont même été passés au grill.
02:42Il faut savoir que Jimmy Chérisier a d'abord été un policier,
02:45membre d'un corps d'élite chargé justement de la répression,
02:49des manifestations contre le gouvernement à l'époque du président Jovenel Moïse.
02:58Par la suite, il y a eu plusieurs massacres.
03:00C'était le début de ce genre de massacre pour nous faire taire.
03:05C'est à ce moment-là que l'on a vu entrer en lice justement les supplétifs
03:10des groupes armés au service du pouvoir,
03:12qui ont d'abord commencé par réprimer les manifestations
03:15et qui, après avoir fait de sales travails, on va dire,
03:19se sont autonomisés, sont devenus des violences en maître
03:22et ont continué à réprimer, à tuer, à massacrer, mais pour leur propre compte.
03:26Il y a eu toute une construction de cette violence.
03:30Il y a les gangs qui sont à cravate et dans leurs voitures blindées
03:35qui ont créé des gangs, qui ont armé des gangs et qui ont validé ces gangs.
03:44Le 7 juillet 2021, aux alentours d'une heure du matin,
03:47un commando lourdement armé s'introduit au domicile du président Jovenel Moïse.
03:52Au milieu de la nuit, des gens sont rentrés dans la chambre
03:57d'un président de la République et l'ont tué.
04:00Il n'y a aucun membre de la sécurité du président
04:04qui a tiré, ne serait-ce qu'une balle, pour le défendre.
04:09Le président Jovenel Moïse est retrouvé mort,
04:12l'œil gauche crevé, avec 12 balles dans le corps.
04:15La mort du président, son assassinat,
04:18est le symbole même de la transformation d'Haïti en un narco-État.
04:22C'est une exécution sur un mode théâtral
04:24qui illustre, je dirais, une certaine tradition mafieuse.
04:28Deux jours après l'assassinat, la police annonce l'arrestation
04:31de 17 personnes soupçonnées d'avoir appartenu au commando d'exécution.
04:3615 Colombiens, des anciens militaires pour la plupart
04:39et deux Américains d'origine haïtienne.
04:41En tout, 28 personnes seraient impliquées.
04:44Quand on voit les personnes qui ont participé concrètement à son exécution,
04:50ce sont des Colombiens, des Vénézuéliens,
04:52des Haïtiens établis dans les milieux mafieux de la Floride,
04:58on va dire que la signature est manifeste.
05:00Deux hauts responsables de la police,
05:02directement chargés de la sûreté du président,
05:05sont également visés par les enquêteurs.
05:07Quant aux commanditaires, plusieurs personnes ont été arrêtées
05:10et condamnées en Floride, où l'opération a été fomentée.
05:13German Rivera, un ancien officier de l'armée colombienne,
05:17Rodolphe Jarre, un homme d'affaires haïtien nocilien
05:20et John-Joel Joseph, ancien sénateur haïtien,
05:24ont tous les trois plaidé coupable devant un tribunal américain
05:27et ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.
05:31Mais ce complot a des ramifications encore plus larges.
05:34Selon le procureur américain en charge de l'enquête,
05:37deux hommes à la tête d'une société de sécurité basée à Miami,
05:41planifiés de remplacer Jovenel Moïse par Christian Sanon,
05:44un pasteur américano-haïtien.
05:47Une fois que Sanon est devenu président,
05:50l'enquête s'est déroulée.
05:52Il a remporté des contrats lucratifs à la CTU
05:55pour des projets infrastructuraux en Haïti.
05:58Ça paraît difficile à croire, mais ce n'est pas encore fini.
06:00Car pendant ce temps-là, en Haïti, l'enquête patine
06:03parce que plusieurs juges en charge du dossier
06:05se sont désaisis de l'affaire.
06:07Parce qu'ils craignaient pour leur propre vie.
06:09Parce qu'il est évident que ce dossier
06:12est à la fois explosif et dangereux pour toute personne
06:16qui essaye de démêler les fils de sa complexité.
06:19Mais en octobre 2023,
06:21la justice haïtienne met la main sur un suspect-clé.
06:25Joseph Félix Badiot, un ancien fonctionnaire
06:28de l'Unité de lutte contre la corruption,
06:30est arrêté après deux ans de cavale.
06:33Proche du Premier ministre Ariel Henry,
06:35il est soupçonné d'être le cerveau de l'opération.
06:38Selon le New York Times, il l'aurait eu au téléphone
06:41avant et après l'assassinat.
06:44Fin février 2024, la justice haïtienne
06:47a mis en examen Martine Moïse,
06:49la veuve de Jovenel Moïse, pour complicité d'assassinat.
06:52Que aujourd'hui des brigands s'installent
06:56dans les lieux symboliques du pouvoir
06:58n'est que la suite logique de cet assassinat.
07:04La démocratie a reculé.
07:06L'avenir paraît sombre.
07:08Et le reste sera, si nous ne faisons rien pour poser,
07:11aujourd'hui, les bases pour un lendemain meilleur.
07:15Deux jours avant son assassinat,
07:17Jovenel Moïse nomme Ariel Henry au poste de Premier ministre.
07:21Depuis 2021, c'est lui qui est à la tête d'un pays
07:24en proie à la violence des gangs.
07:27La question de son illégitimité à la tête du pays
07:31est devenue patente.
07:32En trois ans, il n'y a eu aucun résultat,
07:35aucune consultation sérieuse faite du reste de la population.
07:39En Haïti, la dernière élection remonte à 2016.
07:43Et depuis janvier 2023,
07:45le pays ne compte plus de députés ni de sénateurs.
07:48Le monsieur était en train d'exécuter
07:50un mandat présidentiel plein de cinq ans
07:52sans la moindre légitimité,
07:54avec, je dirais, surtout un bilan extrêmement négatif.
07:58Et c'est pour cela que les bandits sont repassés à l'attaque
08:02pour occuper un trou, pour occuper un vide
08:05que l'incompétence du Premier ministre a rendu encore plus béant.
08:10Dans la rue, les gangs imposent leurs lois.
08:13Selon un rapport de l'ONU,
08:15200 gangs opèrent à travers tout le pays.
08:17Parmi eux, 23 grands gangs se partagent 80%
08:21de la capitale Port-au-Prince.
08:23Ils sont regroupés en deux coalitions principales,
08:26le GPEP et le G9, dirigé par Jamie Cherizier, alias Barbecue.
08:31Si Ariel Henry ne démissionne pas,
08:33si ces communautés internationales-là
08:35continuent à supporter Ariel Henry,
08:37il va nous emmener directement en guerre civile
08:41et qu'il va déboucher sur un génocide.
08:42Ariel Henry s'était engagé à quitter ses fonctions
08:45le 7 février 2024.
08:47Mais le Premier ministre n'a pas respecté sa promesse.
08:50Le G9 et le GPEP se sont alliés sous le nom de Vivre Ensemble
08:54pour réclamer sa démission.
08:55Je n'ai pas voulu voler,
08:57je n'ai pas voulu faire de kidnappings,
08:58je n'ai pas voulu faire de cadillacs.
09:00Je voulais juste faire une bataille sociale.
09:02Côté qui m'a prévendiqué tout le peuple sur la tête.
09:05Le paradoxe de la situation, c'est que Barbecue,
09:08aujourd'hui, se drape dans une posture de révolutionnaire
09:15pour nous dire qu'il voudrait un paradis pour tous en Haïti.
09:18Alors que c'est lui-même qui est le fauteur de troubles,
09:21c'est lui-même qui est l'agent de l'enfer.
09:24C'est comme si, aujourd'hui, Pablo Escobar,
09:27criminel notoire, se présentait sous les traits de Che Guevara
09:30en nous disant « Vive la Révolution ! ».
09:32C'est totalement, totalement insensé.
09:34Je ne veux pas qu'on s'arrête ici
09:36jusqu'au dernier jour de notre vie.
09:38C'est ce qu'il m'a dit.
09:39Je ne veux pas qu'on s'arrête ici
09:42jusqu'à ce qu'on ait une démission.
09:43Nous ne pouvons pas aller à Diab.
09:45Nous ne pouvons pas dormir de côté à Diab.
09:46Dans la nuit du 2 au 3 mars 2024,
09:49les gangs ont pris d'assaut la principale prison du pays,
09:52libérant ainsi des milliers de prisonniers.
09:55Parmi eux, des puissants chefs de gang
09:57ainsi que des personnes inculpées
09:59dans l'assassinat de Jovenel Moïse.
10:01La ville de Port-au-Prince est aujourd'hui assiégée
10:03par une centaine de gangs
10:06qui ont décidé d'attaquer les points névralgiques,
10:09les points stratégiques et surtout les centres du pouvoir.
10:12Le pénitentiaire national,
10:13le commissariat de police,
10:15le palais national,
10:17les principaux ministères,
10:18le rectorat de l'Université d'État d'Haïti
10:20pour lequel je travaille.
10:21Les gangs ont également attaqué l'aéroport de Port-au-Prince,
10:25empêchant le Premier ministre de regagner le pays.
10:28En voyage diplomatique au Kenya
10:30pour négocier l'envoi de 1 000 policiers,
10:32Ariel Henry se retrouve bloqué à son retour à Porto Rico.
10:36Depuis deux semaines,
10:37il n'a jamais pris la parole devant le peuple haïtien.
10:42Nous ne savons pas où il est, ce qu'il fait.
10:46Ce que nous savons,
10:47c'est que le gouvernement est quasi démissionnaire
10:50et ce sont les gangs qui ont pris quasiment le contrôle.
10:54Le 11 mars 2024,
10:56Ariel Henry annonce sa démission depuis Porto Rico.
10:59Que Dieu bénisse les Haïtiens.
11:03Merci.
11:04En 2023,
11:05plus de 340 000 personnes ont été forcées
11:08de quitter leur habitation face aux attaques des gangs.
11:11Plus de 5 000 personnes ont été tuées.
11:14Nous sommes un peu dans une impasse.
11:16Il faut organiser des élections
11:17pour donner de la légitimité au pouvoir,
11:19mais ces élections ne sont possibles que dans un climat de paix.
11:22Donc comment faire ?
11:23Par où commencer ?
11:24C'est un pays qui a gagné son indépendance
11:27très très très chère des troupes de Napoléon.
11:30Donc nous voulons, avec toute notre dignité,
11:32trouver notre chemin pour sortir de ce chaos qui nous tue.
11:39Voilà, j'espère que vous y voyez un peu plus clair
11:42sur ce qu'il se passe en ce moment en Haïti.
11:44Si cette vidéo vous a intéressé,
11:45n'hésitez pas à mettre un like
11:47ou à vous abonner à la chaîne de Brut
11:49pour ne pas rater les prochains épisodes de La Grande Histoire.
11:52Vous pouvez aussi me poser des questions en commentaire,
11:53j'y répondrai avec plaisir.
11:55Et n'hésitez pas aussi à me proposer des idées de sujets
11:57que vous aimeriez que je traite dans les prochains épisodes.
12:00Pour prolonger, je vous mets le lien vers d'autres vidéos que j'ai faites.
12:03Il y a celle sur l'Équateur
12:04qui a connu un épisode de violence assez inédit il y a quelques semaines.
12:08Je vous mets également celle consacrée à Naïb Boukele,
12:10le président salvadorien qui se surnomme lui-même le dictateur cool.
12:14Un dernier mot pour remercier toutes les équipes de Brut
12:17qui m'aident à réaliser ce format chaque semaine.
12:20Et sur ce, je vous dis à très vite pour une nouvelle Grande Histoire.

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