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BRUT MENTAL. Pendant ces jeux #paris2024, Alice Finot a vécu une finale du 3000 mètres steeple complètement folle. D'un côté, la joie et la pression d'une finale à la maison. De l'autre, sa demande en mariage à l'issue de la course. Et au milieu, son objectif perso et un record d'Europe. Alors comment on gère tout ça mentalement ? Elle nous raconte cette course de l'intérieur.

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Transcription
00:00Ça, je pense que ça fait aussi partie de la préparation mentale,
00:02d'avoir des objectifs clairs, mesurables, atteignables, réalisables et temporels.
00:08Donc ça, je l'ai appris au travail, dans le management et dans la gestion de projet,
00:14mais ça se retranscrit aussi dans mon sport, dans ce que je vais viser.
00:17C'est-à-dire que viser une médaille, quand sur le papier je suis sixième mondiale,
00:22quand il y a des filles qui sont toujours médaillées sur ce genre d'événement,
00:26c'est ambitieux.
00:28Mais mon objectif à moi, premièrement, c'était de valider ce que je pense être capable de faire.
00:34Et donc j'ai construit cette course autour d'un objectif réalisable pour moi et atteignable,
00:38ce qui était courir sous les neuf minutes.
00:39Et jusqu'à maintenant, on a toujours vu au niveau international des podiums
00:44quand on courait sous les neuf minutes.
00:46La finale du 3000 steps des Jeux Olympiques,
00:49je l'ai gérée avec beaucoup de contrôle, comme d'habitude.
00:52Mais il y a un moment donné où je savais qu'il allait falloir que je déconnecte de ma montre
00:59que j'avais démarrée en même temps que le starter,
01:03pour ne pas me brûler les ailes et ne pas partir sur des rythmes qui n'allaient pas être les miens,
01:07parce que je savais qu'il y a toujours un groupe qui se détache.
01:11Et si je me fais happer par ces filles-là,
01:14il y a un moment donné où je ne vais plus être sur mes bases physiologiques.
01:16Qu'est-ce qui se passe dans votre tête ?
01:17Est-ce que vous calculez en permanence le chrono, le temps ?
01:21Comment ça se passe ?
01:25C'est un peu bizarre, parce qu'il y a un peu d'amnésie aussi pendant la course.
01:28Il y a des moments où on oublie un peu ce qui se passe,
01:34mais qu'on est aussi très engagé dans l'effort.
01:37Je découpe plutôt par kilomètre.
01:38Donc je sais qu'il y a un premier kilo qui se passe très rapide, pour moi, 3'57.
01:42Il y a encore deux ans, quand je passais en 3'01, j'explosais derrière.
01:46Là où je tombe par exemple dans la rivière Eugene,
01:48c'était une grosse erreur de ma part parce que j'étais partie sur des rythmes
01:50qui n'étaient pas les miens.
01:51De 1'400 à 2'000, il y a un vide.
01:55Il y a un vide où je me retrouve toute seule et j'essaye de reconnecter deux mondes.
01:59Ça veut dire les Africaines au plateau qui étaient devant,
02:02et puis les Occidentales, les Américaines.
02:05Et donc c'est là où il y a une prise de décision,
02:08mais il y a aussi une solitude.
02:12Je me suis retrouvée seule dans cette course.
02:15Donc beaucoup de fierté d'avoir eu le courage d'aller chercher, de regarder de l'avant,
02:19mais aussi un endormissement à un moment donné.
02:22Et donc c'est là, c'est cette partie.
02:23C'est ces 600 mètres de 1'400 à 2'000 qui me donnent beaucoup d'espoir.
02:27En fait, je me dis là, il y a encore un truc à aller chercher.
02:29– Tu parlais de débrancher le cerveau.
02:32Est-ce que tu peux nous expliquer un peu ce que tu entends par là ?
02:35T'arrêtes complètement de réfléchir et tu te focuses sur ton chrono à ce moment-là ?
02:41– Justement, j'arrête de penser au chrono et je me reconnecte vraiment à l'effort.
02:46C'est comme une espèce de méditation.
02:50Alors la méditation, attention, on a l'impression que c'est quelque chose
02:53où on est vraiment calme et tout.
02:55Et en fait, la méditation, c'est aussi quelque chose
02:56où on fait qu'un avec le corps et l'esprit.
02:59Et du coup, c'est à chaque appui, je pense à en remettre, en remettre, en remettre.
03:05Et en fait, je suis vraiment dans l'action, dans le moment présent et dans l'effort.
03:09Je savais aussi que le public allait me pousser
03:11et je ne voulais pas partir, je ne voulais pas répondre au rythme
03:15que le public allait impulser.
03:17Je me suis un peu fermée et puis je me suis rouver.
03:19En fait, il était là et il fallait savoir composer avec lui.
03:22Je pense que c'était nécessaire pour performer sur ces JO,
03:25d'être capable de prendre l'énergie au bon moment,
03:27mais de se recentrer sur soi au moment clé aussi.
03:30Il y a eu des moments où c'était Alice, Alice, Alice.
03:34C'est énorme, genre comme si c'était devenu une nouvelle chanson.
03:36J'avais dit à mon coach, à moins de deux tours,
03:38si je passe en 6'42, je ferai moins de neuf minutes.
03:40Je passe à la cloche, je vois 6'42.
03:43Et donc, je me reconnecte à la promesse que je m'étais faite.
03:45Et donc, je pense à mon copain, à qui j'avais pensé demander en mariage
03:50si je courrais sous les neuf minutes.
03:51Je portais un pin's que j'ai trouvé la veille de ma course
03:54sur lequel il était écrit, l'amour est à Paris.
03:58Et je me suis dit, oui, mais c'est évident, en fait.
04:01Ça va être ton objet de demande si tu cours sous les neuf minutes.
04:05Et donc, tout ça, c'était dans ma tête.
04:07Je l'avais gardé vraiment privé.
04:08Et je me dis, je vais courir avec ce pin's que j'avais mis sous mon transpondeur.
04:13Et je m'étais dit, il va me donner de la force.
04:16Quand je vois à peu près moins de neuf minutes sur la ligne,
04:20je me dis, c'est bon, on l'a fait.
04:23Voilà, je prends mon temps, je célèbre avec les filles sur la ligne.
04:26Je vais regarder le chrono et là, je vois le record d'Europe.
04:29Là, c'était le cadeau.
04:31Ce n'est pas ce que je visais parce que je voulais faire étape après étape aussi.
04:35Je m'étais dit neuf minutes, mais je savais que le record n'était pas loin.
04:38Et je me dis, là, on va aller fêter plein de choses ensemble.
04:41Il a bien réagi.
04:42Je me suis dit, il ne va pas comprendre ce qui se passe parce que c'est lunaire.
04:48Après, on en avait un peu parlé.
04:51Ça devait arriver à un moment donné.
04:52Et en fait, je m'étais dit que tout s'alignait parce que neuf minutes,
04:58c'était très important pour moi.
05:00Ça faisait neuf ans qu'on était ensemble.
05:02Comme par hasard, le neuf, c'est mon chiffre préféré.
05:06Il m'a vraiment accompagnée.
05:07J'ai senti un bouclier qu'il a fait autour de moi dans cette dernière ligne droite
05:11où il m'a protégée, où c'était les jeux, les jeux, les jeux, Alice.
05:14Et puis, je me suis dit, en fait, c'est une évidence.
05:17Et je me suis dit, c'est aussi ma manière de le remercier.

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