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Dans son essai "L'art de la paix", Bertrand Badie propose des pistes de réflexion afin que la paix ne soit plus qu'un temps calme entre deux guerres, mais un espace pérenne dans lequel nous aurions appris à nous reconnaître. S'agit-il d'une douce rêverie ?... Exemples et références à l'appui, ce texte porte en tout cas en lui la trame d'un espoir.

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00:00Nous trouvons à présent notre invité au cœur de l'info.
00:03Bertrand Baddy est venu nous parler de paix, fort d'une longue carrière en relations internationales.
00:08Professeur émérite à Ascienspo Paris, il propose dans son essai l'art de la paix.
00:13Vous voyez le lapsus est très intéressant, ça commence.
00:16L'art de la paix, des pistes de réflexion afin que la paix ne soit plus un temps calme entre deux guerres,
00:21mais un espace pérenne dans lequel nous aurions appris à nous reconnaître.
00:25Alors s'agit-il d'une douce rêverie ?
00:27Eh bien non, exemple et référence à l'appui, ce texte porte en lui la trame d'un espoir.
00:33Bonsoir Bertrand.
00:34Bonsoir.
00:35Merci d'avoir répondu à notre invitation.
00:37Alors je fais un lapsus, c'est terrible parce que ce qui fait du bien avec votre ouvrage,
00:41c'est ce choix que vous faites de parler de paix et non de guerre.
00:45Merci beaucoup.
00:46Choisir ces mots, c'est choisir la réalité dans laquelle on veut vivre en somme.
00:51Oui, parce que d'abord avez-vous remarqué qu'il sort un nombre incalculable d'ouvrages sur la guerre,
00:57pratiquement jamais sur la paix.
00:59Et pourquoi cela ?
01:00Parce que nous sommes installés dans une culture qui est maintenant multiséculaire,
01:05qui plaide l'antériorité de la guerre sur la paix.
01:08Et la paix c'est la non-guerre.
01:10On ne vous dira jamais que la guerre c'est la non-paix.
01:12On ne vous parlera jamais d'avant-paix, d'après-paix ou d'entre-deux-paix
01:17quand on nous parle d'avant-guerre, d'après-guerre ou d'entre-deux-guerres.
01:20Il faut remettre la paix à l'endroit,
01:23c'est-à-dire reconstruire son intériorité par rapport à la guerre, pour deux raisons.
01:28La première, c'est que dans ce monde globalisé que nous connaissons,
01:32la paix couvre un champ de réflexion et d'action
01:36qui va bien au-delà du seul secteur de la guerre.
01:40Il inclut le climat, l'économie, la santé, l'électricité, l'alimentation.
01:46Vous savez que la faim dans le monde tue dix millions d'êtres humains par an,
01:50presque dix millions, c'est-à-dire pratiquement huit attaques par jour
01:53sur le World Trade Center pendant toute une année, pendant toute l'année.
01:57Et donc, il est important de montrer que la paix n'est possible
02:02que si on couvre un champ de réflexion et d'action qui va bien au-delà de la guerre.
02:08Et deuxièmement, et peut-être est-ce là la lueur d'espoir
02:12ou en tous les cas la raison de se mobiliser,
02:14la guerre, hélas, il faut bien le dire, avait sa rationalité autrefois.
02:19Et c'est la raison pour laquelle elle s'est si bien mariée avec l'État.
02:23L'État avait besoin de la guerre, la guerre avait besoin de l'État.
02:26Une rationalité économique, c'est ce que vous voulez dire ?
02:28Pas seulement. Grâce à la guerre, l'État a pu développer l'impôt,
02:34a pu développer sa bureaucratie, a pu avoir ce socle militaire
02:38qui renforçait son pouvoir et surtout avait cette prise sur sa population,
02:46son opinion, à travers les phénomènes de mobilisation.
02:49Et bien au-delà, grâce à la guerre, le vainqueur, c'est la grande idée de Clausewitz,
02:54le grand stratège du 19e siècle, la guerre permettait de réaliser des fins politiques,
03:01gagner des territoires, assurer un leadership, contrôler l'ordre mondial.
03:07Ce que je plaide dans ce livre, c'est que depuis 1945, les choses se sont inversées.
03:12C'est-à-dire que la guerre est de plus en plus fréquente, destructrice, meurtrière, coûteuse,
03:17mais elle n'a plus de finalité politique.
03:19Quelle guerre a rapporté quelque chose au puissant depuis 1945 ?
03:24Regardez les États-Unis, ce calvaire martial, Vietnam, Irak, Afghanistan,
03:32Panama, Nicaragua, Afghanistan, Irak, Yougoslavie.
03:38Vous nous dites que la paix gagne à être pensée pour soi comme principe premier
03:41et non comme un effort désespéré d'endiguement d'une tragédie.
03:45On l'entend, la paix n'est pas un état de non-guerre.
03:48On va aborder la question de la paix hégémonique qui est essentielle,
03:51vous l'avez évoqué avec les États-Unis, c'est l'exemple le plus typique en somme.
03:56Oui, c'est d'ailleurs le paroxysme, je dirais, de l'idée de guerre.
04:02C'est-à-dire que l'idée de guerre est là pour offrir cette prime décisive au vainqueur.
04:08Le vainqueur, c'est celui qui, à l'occasion justement de la bataille décisive,
04:13prend le dessus, peut dicter ses conditions, refaçonner l'ordre régional ou international,
04:20et imposer sa vision.
04:23Et enfin, dernière station, ça a été l'idée dominante de la science politique
04:27pendant des décennies et des décennies, celui qui a l'hégémonie et le leadership
04:33est le grand gendarme du monde, le stabilisateur,
04:36ce que les anglo-saxons appellent le benign leader, c'est-à-dire ce leader bienveillant
04:42qui permet à la circulation mondiale de se faire harmonieusement.
04:46Ça, c'est fini.
04:47Oui, sauf que les chinois, par exemple, ont trouvé une autre manière de le faire,
04:50ils ont installé une stabilité économique.
04:52C'est pour ça qu'on les voit assez peu sur les questions guerrières,
04:55parce qu'ils ont plutôt intérêt à maintenir un climat de confiance
04:58pour maintenir leur niveau économique élevé, leur puissance économique.
05:03L'auteur de l'art de la guerre, précisément, Sun Tzu,
05:06il y a de cela plusieurs millénaires, expliquait,
05:11et c'est, je crois, une des marques de la culture du politique en Chine,
05:16que la meilleure des guerres est celle que l'on gagne sans la faire.
05:21Et je cite aussi cette interview que le grand journaliste égyptien avait obtenue,
05:28le journaliste égyptien Hassan Heikal, avait obtenue de Chu Enlaï au début des années 70,
05:34et Heikal dit à Chu Enlaï, en pleine guerre du Vietnam,
05:37alors bientôt c'est la Chine qui remplacera les États-Unis comme gendarme du monde.
05:41Et Chu Enlaï, qui était la sagesse même, a répondu,
05:45mais vous n'y pensez pas, regardez les États-Unis, regardez l'hégémonie américaine,
05:49elle leur est extrêmement coûteuse, elle ne leur apporte rien.
05:53Si vous me permettez cette formule, c'est le contraire du loto, en quelque sorte.
05:56Alors il ne peut y avoir de paix s'il y a désir du pouvoir.
05:59Il faut, pour les États, savoir se transcender, aller au-delà des aspirations individuelles,
06:06tendre vers une rencontre, vers l'autre, c'est ce que vous nous dites.
06:10Et là on a l'exemple de l'Afrique du Sud, qui a su effectivement rencontrer ces divisions.
06:16Oui, alors l'Afrique du Sud et ce personnage extraordinaire,
06:20l'un de ces leaders de la paix que constituait Nelson Mandela,
06:24et Nelson Mandela avait compris quelque chose d'extrêmement fort,
06:28c'est que, d'une part, disait-il au chef de l'armée sud-africaine de l'Apartheid,
06:34peut-être que vous nous vaincrez sur le terrain,
06:37mais vous ne nous vaincrez jamais dans notre conscience, dans notre volonté,
06:42et dans la sympathie qu'a pour nous l'opinion publique internationale.
06:45Ce qui veut dire que l'énergie sociale joue dans les relations internationales
06:49un rôle presque supérieur au canon, il faut savoir en tenir compte.
06:52Et puis, Mandela avait pressenti que la paix c'est pas seulement la trêve et la non-guerre,
06:59il avait ajouté cette formule reprise par Desmond Tutu, rappelez-vous, qui consiste à dire
07:05que si on ne se réconcilie pas avec l'adversaire, on n'atteindra jamais la vraie paix.
07:11La preuve que la paix ce n'est pas la trêve ou l'arrêt des combats,
07:16c'est un travail de reconnaissance de l'autre.
07:19Reconnaissance de l'autre, c'est faire l'effort, non pas de penser à sa place,
07:25mais de deviner ce qu'il pense, d'essayer de comprendre ce qu'il pense de moi,
07:31et enfin de deviner ou de tenter de deviner comment lui pense que je pense de lui.
07:40C'est ces trois éléments qui créent cette dimension subjective de la paix.
07:45Vous savez, la grande faiblesse de l'Occident depuis, en tous les cas, la Renaissance,
07:51c'est d'avoir cru qu'il avait inventé la compréhension universelle.
07:58Or, il ne peut pas y avoir de paix sans l'intercompréhension,
08:04c'est-à-dire admettre l'autre dans sa différence de perception.
08:09Nous vivons une bataille de sens, pas seulement une bataille des armes, mais une bataille de sens.
08:13On le voit, les accords de paix ne mettent plus fin aux guerres.
08:16Les exemples dans l'histoire contemporaine sont nombreux, les accords d'Arrucha par exemple.
08:21Faire ce constat, c'est peut-être faire le constat de l'échec de l'ONU, des Nations Unies ?
08:28Alors, d'abord, je frissonne toujours un peu quand on parle de l'échec de l'ONU,
08:33parce qu'il y a des aspects formidables des Nations Unies.
08:36Vous savez, on ne regarde jamais ce qui est bien.
08:38Rendons hommage au multilatéralisme social que Kofi Annan avait supposé,
08:42rendons hommage au programme alimentaire mondial,
08:45rendons hommage au commissariat pour les réfugiés,
08:47rendons hommage à l'UNICEF, à l'OMS et continuons.
08:50Donc ça, c'est justement un des chemins de la paix.
08:54Kofi Annan avait compris, et Boutros-Ghali juste avant lui,
08:58l'un et l'autre avaient compris que la paix se trouve dans une forme d'intégration sociale mondiale.
09:04Nous sommes des piétons de la mondialité.
09:06Et donc, il se dessine une société mondiale,
09:08si elle ne dispose pas d'un minimum d'intégration, il n'y aura jamais la paix.
09:12Oui, mais est-ce que ça part du haut ?
09:14Alors voilà, ça c'était une petite restriction,
09:18vous avez fondamentalement raison, on le voit à travers l'échec du conseil de sécurité
09:22qui n'a pratiquement jamais pu arrêter une guerre depuis 1945.
09:28Mais le conseil de sécurité, ce n'est pas l'ONU, c'est l'édition de puissance,
09:33et notamment de ces cinq puissances dotées d'un droit de veto.
09:37C'est ce que vous écrivez, la puissance a été érigée en jus suprême,
09:40en oubliant qu'elle était aussi le premier acteur de guerre,
09:43d'où l'erreur conséquente du droit de veto.
09:46Exactement.
09:47La fiction de la vieille idée multiséculaire d'équilibre de puissance,
09:51parce que vous savez, quand quelque chose est en équilibre,
09:53une mouche vient tout faire tomber,
09:55et c'est la raison pour laquelle on a été en danger perpétuel
09:58depuis que cette idée a été inventée,
10:00l'équilibre de puissance qui est devenu l'équilibre de terreur pendant la guerre froide,
10:04et puis aussi le jeu de puissance, et c'est ça qui est important.
10:09C'est-à-dire que les princes de ce monde,
10:12et en particulier ceux qui sont à la tête des grandes puissances,
10:16se croient encore dans le monde d'hier.
10:18C'est-à-dire font encore confiance à leur puissance pour résoudre tous les problèmes.
10:23Regardez, Poutine n'a pas pu une seule seconde imaginer
10:27la résistance sociale ukrainienne face à la troisième armée du monde.
10:32Il n'a pas compris que la puissance n'est plus toute puissante.
10:37Face à lui, il y a une culture surtout.
10:39Ce n'est pas seulement dans son esprit que c'est un pays rustrophobe.
10:42Il y a un pays qui a une culture et qui s'attache à cette culture et qui la défend.
10:45Oui, mais ça, ça s'appelle la résistance sociale.
10:48Et cette résistance sociale, on la voyait germer, bien sûr,
10:52tout au long du XXème siècle,
10:54mais elle a éclaté après 1945, à travers les guerres de décolonisation,
10:59qui ont toujours vu la victoire du faible sur le fort,
11:02parce que le faible avait cette énergie sociale
11:05et cette culture de résistance face à un canon désormais impuissant.
11:10Alors si vraiment le canon est impuissant,
11:12essayons une autre économie que l'économie de la guerre.
11:15Parmi les solutions, vous nous dites ouvrir la table à un ensemble non étatique.
11:19C'est ce que fait la COP.
11:21Arrêtons-nous sur cet exemple, parce que ce n'est pas concluant.
11:24Là, on l'a vu, les débats sont en train de terminer.
11:27C'est vrai que même si on ouvre,
11:29on voit toute la difficulté de s'intéresser à des sujets.
11:33D'ailleurs, vous citez ce délégué,
11:36je sais qu'il vous énerve, ce délégué russe à l'ONU,
11:39qui a déclaré que parler de changement climatique dans une telle enceinte,
11:43donc les Nations Unies,
11:45le Conseil de sécurité dédié à la sécurité du monde,
11:48était non seulement inacceptable,
11:50mais aussi détourner l'attention des vraies sources des conflits.
11:53C'est vrai que là, on est sur une lecture ancienne,
11:57ce que vous nous dites, de la sécurité mondiale.
12:00Oui, et alors, c'est très intéressant,
12:02parce que la COP que nous avons en ce moment,
12:05sous les yeux, à travers sa 29e incarnation,
12:08montre toute l'ambiguïté dans laquelle nous vivons.
12:11Les COP sont un progrès,
12:13parce qu'ils marquent la conscientisation de défis
12:16qui ne tiennent pas à la rivalité entre États.
12:20On pensait autrefois que le danger ne venait que de la compétition entre États,
12:24mais qui tiennent au dysfonctionnement global.
12:26Ça, c'est un progrès de l'avoir compris.
12:29Mais comment traite-t-on ce problème ?
12:31Par les méthodes anciennes, les vieilles thérapies.
12:34C'est exactement comme si, atteint d'une maladie nouvelle,
12:37votre médecin s'entêtait à vous donner de l'aspirine
12:40ou de vieilles thérapeutiques.
12:42Qu'est-ce qui fait que ces COP ne fonctionnent pas ?
12:46C'est que, pour traiter ces défis globaux,
12:49on utilise une méthode transactionnelle.
12:52La transaction, c'est le contraire du global.
12:54C'est-à-dire le bargaining, le compromis entre États.
12:58Et de ce compromis entre États,
13:00il en dérive une sorte de marchandage perpétuel
13:03qui ne fait pas progresser la cause.
13:06C'est ce qu'on envisage encore pour l'Ukraine.
13:08C'est ce que Donald Trump était en train d'envisager avec la Russie.
13:11Vous pourrez conserver les territoires acquis.
13:15Mais ça, ça ne se fait plus.
13:17Alors, d'abord, quelque chose que tout le monde oublie.
13:21Vous savez, des vraies négociations de paix,
13:24ça n'existe plus depuis 1856.
13:26A la fin de la Première Guerre mondiale,
13:28il n'y a eu que des négociations entre vainqueurs.
13:30A la fin de la Seconde Guerre mondiale,
13:31il n'y a pas eu de négociations du tout.
13:32Comme vous le disiez tout à l'heure,
13:35n'ont pas abouti.
13:36Et donc, l'idée que Poutine et Zelensky allaient régler le problème
13:40par un nouveau partage,
13:42il n'y a pas eu depuis 1945 de partages territoriaux
13:45officialisés par la communauté internationale.
13:48Venons-en aux solutions, aux clés que vous proposez.
13:52Comment obtenir cette santé du monde ?
13:54Ça doit partir de l'individu, nous dites-vous.
13:58En faisant l'effort, je vous cite, de comprendre l'autre,
14:00on optimise les chances d'arrêter la dynamique du conflit
14:03avant qu'elle ne dégénère en violence.
14:05C'est ce que vous évoquiez tout à l'heure.
14:07C'est vrai qu'actuellement, avec la défense des particularismes,
14:10on semble un petit peu s'éloigner de cette piste-là.
14:13Faire primer le social, vous l'évoquiez,
14:15travailler avec tous ensemble.
14:17On parlait de Nelson Mandela.
14:19La Turquie aussi est actuellement un exemple,
14:21peut-être, récepte à Hyperdouane.
14:22C'est vrai que c'est un dirigeant qui fait un peu frissonner les Occidentaux.
14:26Mais il a cette stratégie-là d'essayer de parler avec tout le monde.
14:30C'est une nouvelle diplomatie.
14:31Et il faut y être très attentif.
14:32C'est une diplomatie qui est de plus en plus courante au Sud.
14:35C'est-à-dire dépasser les alliances, les blocs, les camps,
14:39pour créer des partenariats, des connivences,
14:45même ponctuelles, en fonction des aubaines,
14:49en fonction des enjeux, en fonction des défis.
14:52J'avais cette formule qui a pu un peu choquer.
14:55Le temps des alliances a été maintenant remplacé
15:00par le temps de l'union libre diplomatique,
15:02cette espèce de polyamour qui fait que, regardez,
15:06les chefs d'État du Sud global changent de partenaire
15:10presque tous les jours.
15:13Vous avez foi, Bertrand Baddy, en l'homme,
15:16en sa capacité de s'élever au-dessus de ce que Spinoza appelle
15:19les passions tristes ?
15:21Tout à fait.
15:22Et vous savez, ce qui m'a touché dans ce livre,
15:25c'est d'avoir redécouvert les vieilles sagesses,
15:28enfouies depuis le temps de Hobbes et de cette construction étatique.
15:33Aristote, qui nous disait que la paix est nécessaire
15:36à l'accomplissement du bonheur individuel
15:38et passe par une juste coexistence entre les individus.
15:42Saint-Augustin, vous vous rendez compte, au 5e siècle.
15:45Saint-Augustin, qui nous dit que la paix, c'est de pouvoir nourrir tout le monde
15:48et pouvoir boire de l'eau pure,
15:51écolo, déjà au 5e siècle.
15:54C'est Marcille de Padoue qui nous dit que la paix,
15:57c'est de pouvoir satisfaire les besoins fondamentaux des humains.
16:01Et il y a l'éducation, il y a aussi les pédagogues,
16:03que vous pourriez citer, Maria Montessori, Le Père Fort, Steiner.
16:06La pédagogie, pardonnez-moi, à l'école,
16:10commencer à l'école par parler de paix
16:12et d'arrêter de raconter l'histoire à travers la guerre.
16:15Oui, parce que la petite française et le petit français,
16:18mais c'est pas propre à la France,
16:20c'est qu'ils entrent à l'école ou qu'elles entrent à l'école,
16:23eh bien, on leur apprend vers Saint-Gétorix, Louis XIV, Napoléon,
16:26on leur parle jamais de paix,
16:28on leur apprend pas les grands noms de la paix.
16:30Qui connaît en France l'abbé de Saint-Pierre,
16:32qui a été un grand apôtre de la paix ?
16:34Qui se souvient de Léon Bourgeois,
16:36qui a été le premier à penser une planète solidaire
16:40et un vrai, alors lui, multilatéralisme ?
16:43Ces noms doivent être appris,
16:45ces moments doivent être compris.
16:47Ces gens, pourquoi ne sont-ils pas au Panthéon ?
16:50Pourquoi aucun lycée ne porte leur nom ?
16:52Pourquoi on tient les enfants dans l'ignorance de ces grands noms ?
16:57Et d'ailleurs, Mandela, Luther King, Gandhi,
17:00ils sont en passe d'être oubliés.
17:02Et puis il y a cette dernière piste que vous citez,
17:05dans son interrogation sur la paix, Tolstoy rappelait
17:07que chacun cherche à changer l'humanité,
17:09mais personne ne songe à se changer soi-même,
17:12or tel est bien finalement l'enjeu,
17:14parier sur la capacité de chaque humain
17:16aidé ou contrarié par le politique de s'amender,
17:19de se rapprocher de l'idéal de paix
17:21en s'intégrant dans le monde.
17:23Il avait fait la synthèse Tolstoy aussi.
17:25Oui, et il avait compris,
17:27il n'était pas le seul d'ailleurs,
17:29que la paix, ça commence dans les comportements sociaux
17:32et non dans la tête du stratège.
17:34Le stratège est cynique, il recherche une utilité immédiate
17:37qu'il ne trouve plus aujourd'hui.
17:39Personne ne peut se vanter d'avoir gagné une guerre depuis 1945.
17:43C'est quand même quelque chose de remarquable
17:45et il a compris que si on veut arriver à la paix,
17:48il faut construire des comportements sociaux de paix.
17:52Il faut arrêter de vivre dans ce monde
17:56qui, fondé par Romulus,
17:59avait, père de Romulus et de Rémus,
18:03pour Dieu fondateur, Mars.
18:05Or, vous nous dites, nous sommes 8 milliards de diplomates,
18:08nous sommes en somme 8 milliards d'artisans de paix sur Terre.
18:12Oui, et commençons par exemple,
18:14c'est ce que je dis dans mon livre,
18:16par l'hospitalité, la vertu d'hospitalité.
18:18Cette hargne, cette rogne,
18:20cette grogne qu'on a contre l'étranger,
18:23que Fernand Reynaud, dans un fameux sketch,
18:25avait très bien su décrire,
18:27elle attise ce petit foyer de guerre dans le cœur de chacun.
18:32Nous avons besoin de migrants.
18:34Alors, ça ne veut pas dire liberté absolue de circulation,
18:37mais ça veut dire favoriser une migration harmonieuse.
18:41C'est la condition de notre bonheur.
18:43Je vous remercie beaucoup, Bertrand Baddy, d'être venu sur ce plateau
18:46nous présenter l'art de la paix, des propos essentiels.
18:50Je vous invite d'ailleurs à retourner voir une très belle interview
18:53qu'on avait faite aussi avec votre confrère, Frédéric Ramel,
18:56qui était venu nous parler de bienveillance.
18:58Merci à vous.
19:00Il est 20h26.

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