Mathieu Meffre, Directeur Général de LEADERS LEAGUE revient sur le rapport entre Private Equity & développement durable avec les intervenants du panel Tech et Santé, secteurs porteurs : paroles d'experts, qui s'est déroulé le 14 novembre au Pavillon d'Armenonville à Paris lors du Private Equity Exchange.
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00:00Et nous continuons cette série d'interviews sur le plateau BeSmart4Change que nous avons
00:10délocalisé au Private Equity Exchange, vous le savez, vous nous suivez depuis un peu
00:14plus d'une heure maintenant, nous interviewons celles et ceux qui font le marché du private
00:18equity en France.
00:19On fait tout de suite un focus sur le secteur de la santé, un secteur qui a été extrêmement
00:24attractif, on va faire le point sur ce qui se passe en ce moment sur le secteur avec
00:27deux investisseurs, à ma gauche Catherine Boulle, bonjour Catherine, vous êtes managing
00:31partner au sein de Carista et vous avez dédié votre carrière à l'investissement dans
00:35la santé.
00:36Exactement, depuis 20 ans.
00:38Merci d'être avec nous, on sera ravis d'entendre vos retours.
00:41A ma droite, Mounia Chahoui, bonjour Mounia, vous êtes directrice associée responsable
00:45du Pôle Santé au sein de Turène Santé, c'est ça, j'allais dire Turène Capital.
00:49C'est bien Turène Capital et moi je gère l'activité santé.
00:53Donc Turène Santé au sein de Turène Capital, que nous connaissons bien par ailleurs évidemment.
00:58Vous venez de parler pendant près d'une heure sur scène du segment santé, des tendances,
01:03des trends, du transactionnel, de l'accompagnement de ces entreprises, peut-être pour le mettre
01:08en contraste avec d'autres secteurs dont on a pu parler aujourd'hui, la tech subit une
01:13énorme correction depuis 18 mois, le venture accuse le coup, bien qu'évidemment on a un
01:17super secteur du venture et on salue tous les fonds qui y évoluent, est-ce que dans
01:21la santé c'est pareil ou est-ce que vous vous êtes dans un segment plus haussier,
01:25plus sympa, vivre au quotidien ? Catherine peut-être pour commencer.
01:28Alors je pense qu'il faut distinguer la dynamique du secteur des difficultés un peu macro
01:36que subit en ce moment le secteur du venture, en particulier même de la finance plus globalement
01:41avec des levées de fonds un peu grippées.
01:43Je pense que le secteur de la santé reste ultra dynamique et énergique, on a un deal
01:48flot de dossiers qui ne tarit pas, plus de 3000 dossiers par an et on ne sent pas de
01:53ralentissement.
01:54Par contre les levées de fonds, les deals sont plus difficiles, sont plus longs, les
01:59syndications aussi et les levées de fonds de fonds également puisque malheureusement
02:03on est dans un contexte macro géopolitique compliqué, on est aussi depuis plus de 24
02:09mois avec des taux d'intérêt élevés qui marquent un peu le désamour des allocataires
02:14d'actifs pour des segments comme le nôtre un peu risqués.
02:17Sans vouloir faire la stratégie de portefeuille de Enpis, la crise de l'IMO n'aide pas parce
02:22qu'elle alourdit le poids du PE en plus dans leur portefeuille.
02:24Bref, c'est l'ensemble d'un système qui fait qu'au-delà des taux d'intérêt, au-delà
02:29de plein de choses, c'est compliqué en ce moment.
02:30Mais tout le monde nous l'a dit depuis hier, pas facile de lever des fonds en ce moment.
02:35Votre lecture pour la partie santé également Mounia ?
02:38Alors moi je pense que ça dépend du secteur de la santé dont on parle et également du
02:44stade de développement des sociétés.
02:46Il est effectivement, comme pour le secteur de la tech, il est aujourd'hui impossible
02:50de s'introduire en bourse.
02:51Donc toutes les sociétés qui avaient pour véléité de s'introduire en bourse, donc
02:54là je parle des sociétés innovantes, elles ne peuvent pas le faire.
02:56Par contre, nous on a eu beaucoup de sessions d'entreprises du monde de la santé dans
03:01le domaine de l'innovation parce que les grands groupes pharmaceutiques ont beaucoup
03:04d'argent qui a été amassé pendant la période Covid notamment.
03:07Et donc nous par exemple, on a fait trois sessions industrielles l'an dernier sur d'excellents
03:10multiples.
03:11Et donc le secteur innovant de la santé lorsqu'on parle de sessions industrielles marche plutôt
03:16bien.
03:17Alors évidemment, on a des soucis pour lever des nouveaux fonds.
03:21Pourquoi ? Parce que les fonds lavent moins d'argent et parce que certaines sociétés
03:24qui devraient se coter en bourse n'arrivent pas à se coter en bourse.
03:26Dans le domaine des sociétés rentables, là aussi c'est différent.
03:30Les sociétés comme par exemple les sociétés du monde des EHPAD, les sociétés dans le
03:36domaine des centres de soins, des labos d'analyse ont des difficultés.
03:39Les labos aussi ?
03:41Les labos aussi ont des difficultés parce que beaucoup ont levé beaucoup de dettes
03:46avec une dette qui correspondait à des revenus qui étaient liés au Covid.
03:49On était au-dessus de quatre fois ?
03:50On était…
03:51Dans les leviers ?
03:52Ça dépendait de la taille des sociétés mais parfois on était au-dessus de quatre
03:56fois et surtout ils comptaient sur un EBITDA sur lequel ils avaient tablé sur une baisse
04:01qui a été beaucoup plus rapide que prévu.
04:04Donc certains ont du mal, pas tous, mais certains ont du mal dans le domaine des EHPAD, on connaît
04:09le scandale hors PA.
04:11Les deux leaders et d'ailleurs on n'entend pas parler les numéros 3, 4, 5 du marché
04:14qui sont sous LBO.
04:15Oui mais qui…
04:16Pour tout cela on ne les entend pas trop mais on salue et voilà.
04:19Mais en tout cas pour hors PA et Clariane maintenant, on est sur des codes divisés
04:25par 100 ou par 10 pour les acteurs respectifs.
04:28Exactement, donc ces secteurs-là ont des difficultés, par contre vous avez d'autres
04:31secteurs qui vont très très bien dans le monde de la santé, moi je pense notamment
04:34aux logiciels santé.
04:35C'est les secteurs les plus booming, alors logiciels santé…
04:38En ce moment c'est très booming avec des très jolies valorisations.
04:41Il y a aussi tout ce qui est le secteur du dispositif médical.
04:45Dans le hardware.
04:46Alors c'est petit hardware, c'est des dispositifs qui peuvent être même vendus
04:51de l'ordre de 100 euros aux praticiens.
04:53En fait ça va être par exemple des implants dentaires, ça va être par exemple des prothèses
04:58dentaires, ça va être par exemple des prothèses de hanche, ça va être des prothèses de
05:02genoux etc.
05:03Donc ça c'est un secteur qui va plutôt bien.
05:06On a aussi tout ce qui est secteur de la télémédecine par exemple qui se porte plutôt bien, tout
05:12ce qui est secteur des services à l'industrie pharmaceutique qui aussi se porte plutôt
05:17bien puisque les clients ont de l'argent.
05:20Ça nous filera bientôt beaucoup d'argent.
05:23Voilà, il y a aussi tout ce qui est les secteurs dans le domaine du réglementaire, du conseil
05:29en réglementaire, du conseil sur tout ce qui est études cliniques qui va aussi plutôt
05:34bien.
05:35Donc je dirais que la situation est contrastée suivant les secteurs.
05:39C'est marrant, la polarisation du marché c'est quelque chose qu'on retrouve énormément
05:43dans les différentes industries mais ce qui est normal en période de crise, il y a les
05:46winner, winner take all.
05:48Votre lecture Catherine sur ce qui est booming, est-ce qu'il est moins dans la santé ?
05:52Je rejoins le point de Mounia sur des secteurs plutôt autour du digital et de la medtech
05:59qui sont très présents encore.
06:01On a beaucoup de dossiers qui nous arrivent sur ce qu'on appelle la pharmathèque, les
06:07solutions finalement digitales qu'on propose aux laboratoires pharmaceutiques pour améliorer
06:11leur développement de médicaments.
06:13Aujourd'hui c'est ce qui tire le marché des investissements, c'est là où il y a le plus
06:18de deals dans les financements mais aussi dans les sorties avec des très gros tours
06:23et des assez grosses valorisations.
06:25Ce qui nous arrange bien parce que les pharmas on les connaît bien, on sait comment ils
06:28résonnent et on sait qu'ils ont de l'argent et que quand il y a une solution qui leur
06:32plaît, il faut mettre un gros chèque et puis les autres sujets sont aussi autour de
06:37tout ce qui est optimisation finalement, des workflows, des procédures déjà existantes
06:44dans l'hôpital ou dans les process de soins avec de l'IA évidemment, il y a de l'IA
06:49absolument partout mais sans forcément révolutionner la prise en charge du patient, juste en améliorant
06:54un petit peu et donc en combinant un effet clinique qui est positif avec un gain de temps,
07:02un gain de coût, des choses comme ça qui permettent d'accélérer finalement la prise
07:06en charge et ça, ça marche assez bien aujourd'hui et encore une fois, il y a des sujets plus
07:12compliqués, tout ce qui est infrastructure hospitalière, mettre des tuyaux on va dire
07:17pour que les données circulent bien entre l'hôpital et la ville, ça relève presque
07:22pas du niveau de la start-up ou de la PME et c'est compliqué à financer et pour
07:27repoindre sur le point du levier, tu mentionnais des sociétés un peu plus établies qui avaient
07:34peut-être mal géré la dette, il y a aussi tout l'accord des sociétés qui ont été
07:38aidées par les PGE qui aujourd'hui souffrent beaucoup parce que c'est le moment de rendre
07:43l'argent et c'est compliqué en termes des fois de chiffre d'affaires ou de marge
07:47et donc on se retrouve dans une situation où finalement les sociétés qu'on a aidées
07:51il y a 2-3 ans à grands renforts de soutien bancaire et étatique sont en train de s'étrangler.
07:57Le darwinisme a été gelé pendant 2-3 ans du fait des PGE.
08:00Mais ça, c'est pas que dans la santé, c'est globalement aussi.
08:03Et nos amis du restructuré ont pas eu beaucoup de travail pendant 2-3 ans.
08:06Là, c'est le cas.
08:07Là, ça revient, malheureusement.
08:08Qu'est-ce qui va, vous parliez de télémédecine, on parle de ce qui marche, ce qui marche pas,
08:17peut-être la dernière question, il nous reste quelques minutes, qu'est-ce qui a changé
08:20depuis le Covid, et c'est pour ça que je parle notamment de télémédecine,
08:23parce que la télémédecine, on en a parlé pendant des années, sans jamais que ça s'impose,
08:27malgré des DMP, c'était le DMP, c'est ça, l'acronyme ?
08:31Dossier médical patient.
08:33Il y a longtemps pour parler de dossier médical qu'on pouvait retrouver d'un praticien à l'autre.
08:39Mon espace santé.
08:40Mon espace santé, est-ce qu'on est rentré dans un autre monde avec le Covid
08:45et ses impacts dans la façon de débloquer des moyens,
08:48peut-être des façons de faire avec le public qui était peut-être sclérosé,
08:54parce qu'on ne voulait pas changer les choses ou que ça n'avançait pas assez vite ?
08:56Est-ce que c'est excitant comme moment à vivre pour vous ce post-Covid ?
09:01Je pense qu'il y a vraiment eu un avant et un après Covid, même si la tendance était lancée
09:05il y a 5 ou 10 ans, et même plus aux Etats-Unis,
09:09mais le Covid a fait prendre conscience qu'on pouvait faire des choses à distance,
09:14pas tout, mais un certain nombre de choses,
09:16qu'on avait des moyens technologiques maintenant pour pouvoir le faire dans des coûts acceptables.
09:21Et donc, autant quand on a lancé notre fonds santé digital il y a 5 ans,
09:25les gens me disaient « Ah bon, vous êtes sûrs de la digitalisation ? »
09:27Autant aujourd'hui ça n'est plus une question.
09:30En revanche, en parallèle de ça, il faut que les mentalités des utilisateurs évoluent,
09:35et ça c'est en train d'arriver, mais les modèles économiques surtout existent.
09:39Et c'est aussi en train de se passer, puisqu'il y a des initiatives qui ont été prises en France
09:46et en Allemagne, par exemple, pour rembourser de manière plus rapide,
09:49de manière anticipée des dispositifs médicaux digitaux,
09:53pour pouvoir trouver des solutions plus rapides pour aller sur le marché,
09:56parce qu'à la fin, si on n'a pas de modèle économique, on a quand même un problème.
10:00Et donc, je pense qu'on est dans une meilleure posture aujourd'hui pour ces sujets-là
10:05qu'il y a 5 ans, très clairement, même si beaucoup de questions demeurent,
10:08et qu'à la fin, qui paye quoi, ça s'éclaircit, on a des sujets remboursement,
10:14on a des sujets hôpitaux, et puis on a des sujets corporate finalement.
10:19Après, c'est plutôt les usages et l'efficacité réelle sur le terrain quotidien
10:25de ces solutions digitales, et est-ce que vraiment la promesse de gagner du temps,
10:30de suivre bien les patients, va être tenue sur le long terme,
10:33et de ne pas créer encore plus de disparités ?
10:35Même si, intuitivement, on se dit que c'est une façon de résoudre
10:39une partie des problèmes des déserts médicaux, on ne pourra quand même pas tout faire à distance.
10:43Merci beaucoup Catherine Mounia, le mot de la fin, justement,
10:46sur ce nouveau paradigme depuis le Covid.
10:49Alors effectivement, je suis complètement d'accord avec Catherine,
10:52il y a d'abord la digitalisation de la santé qui s'est beaucoup accélérée depuis le Covid,
10:56parce qu'on a été obligés de faire beaucoup de choses à distance.
10:59Le deuxième aspect, je dois dire, c'est aussi la souveraineté,
11:02parce que c'est vrai que pendant le Covid, on a souffert d'un manque de masques,
11:06d'un manque de certains médicaments, et on s'est rendu compte avec le Covid
11:10qu'il fallait réintégrer une partie de la production en France.
11:14Nous, on a personnellement fait des investissements sur ce secteur-là.
11:17Moi, je pense que c'est un secteur qui doit continuer à se développer,
11:20parce que c'est un moyen aussi de garder notre souveraineté sur le monde de la santé,
11:25et c'est aussi un moyen qui doit nous permettre de faire face à nos besoins futurs
11:29dans ce domaine-là, et nous permettre d'accéder encore à la santé facilement.
11:35Et pour cela, malheureusement, après le Covid, il y a eu la guerre en Ukraine,
11:40les problèmes énergétiques, etc.
11:42Ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est des sociétés qui souffrent,
11:45mais c'est des sociétés qui, pour moi, ont beaucoup de sens,
11:47et il serait intéressant de développer cette vision industrielle en France,
11:52dans le monde de la santé, comme d'ailleurs dans d'autres secteurs,
11:54mais surtout dans le monde de la santé,
11:56parce que c'est ce qui nous assure quand même cette souveraineté de demain.
11:59Et nul doute que Carista, Turen Santé et même le Coq Blanc, qu'on salue,
12:05travaillent quotidiennement au soutien de ces boîtes qui en ont tant besoin.
12:08Merci infiniment Catherine, merci infiniment Mounia
12:10pour ces éclairages sur le secteur santé.
12:12On vous retrouvera l'année prochaine pour refaire le point.
12:14D'ici là, je vous souhaite beaucoup de beaux investissements.
12:16Merci.
12:17Merci.
12:18On vous retrouve dans un instant pour la suite des programmes sur Bismarck for Change.
12:21Merci à tous.