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Elle s'appelle Liz Gomis et elle organise pour la première fois à Paris le forum Création Africa, consacré aux industries culturelles africaines. Une initiative, qui, dans le contexte actuel, lui a valu quelques critiques. Pour Brut, elle explique sa démarche.
Transcription
00:00Alors c'est ça qui est marrant, c'est que tout le monde me dit
00:02l'événement surgit là maintenant, alors que...
00:05et en fait il faut quand même savoir qu'on met au moins un an pour monter un événement
00:08donc ça fait plus d'un an qu'on travaille,
00:10ça fait plus d'à peu près 6-7 mois qu'on parle avec tous ces artistes
00:14et nous en fait on s'est même pas posé la question de l'actualité politico-médiatique
00:19autour du sujet Afrique versus France,
00:22on a juste continué de travailler,
00:24et je dois quand même le préciser, tous les artistes ont tous une conscience politique,
00:28ils sont tous bien au courant de ce qu'il se passe,
00:30mais ce qui prime aujourd'hui c'est la circularité entre nous,
00:33et c'est les échanges qu'on peut avoir entre artistes, producteurs, réalisateurs,
00:38et ce qu'on va pouvoir créer au bout du compte, oui.
00:40Et ils ont aussi tous eu un visa ?
00:42Et ils ont tous eu un visa !
00:46C'est qui Lise Gomis ?
00:47Lise Gomis c'est un peu un ovni,
00:49elle fait plein de choses,
00:51j'ai commencé comme journaliste,
00:54ensuite j'ai été JRI, donc caméra à la main,
00:57puis ensuite j'ai fait des documentaires,
00:59et ensuite j'ai créé un magazine,
01:01et aujourd'hui je suis assise au ministère de la Culture,
01:03et je m'occupe entre autres du forum Création Africa.
01:06Alors Création Africa c'est un événement, je dirais, fédérateur,
01:09autour de la création numérique et de l'audiovisuel,
01:11donc des industries culturelles et créatives,
01:13c'est également 323 invités de tout le continent,
01:1835 pays représentés, plus de 120 speakers,
01:21et 3 jours de célébrations et de découvertes d'oeuvres,
01:24d'artistes, de producteurs, d'avant-premières aussi.
01:27Alors les participants ils ont majoritairement moins de 40 ans,
01:30on a une forte densité même je dirais de moins de 33 ans,
01:35j'ai fait le compte et j'ai fait exprès de faire 33 ans,
01:37donc 40% de moins de 33 ans, 70% de moins de 40 ans,
01:41ils sont artistes, ils sont créateurs, ils sont producteurs,
01:44certains sont les 3 à la fois, d'autres sont directeurs de festivals,
01:47et je dirais c'est la nouvelle génération de la création contemporaine.
01:51Le but c'est de mettre en relation toutes ces personnes-là,
01:53le but pour moi évidemment c'est de commencer
01:56avec une première base d'acteurs africains,
01:59ce que j'appelle entre guillemets mon réseau social
02:01pour la future maison des mondes africains,
02:03et le but c'est de nouer effectivement des collaborations
02:06et éventuellement amorcer des partenariats.
02:09Il y a aujourd'hui tellement de forums, de rencontres,
02:12d'événements autour de l'Afrique, autour de la culture africaine,
02:16en quoi est-ce que ton événement à toi il est différent,
02:18en quoi il est original au final ?
02:20Alors effectivement il y a beaucoup d'événements, de forums, de conférences,
02:23mais je vais vous dire la vérité, je déteste ça.
02:25Je déteste ça parce qu'en fait j'ai toujours le sentiment
02:27qu'une fois qu'on a parlé on ferme la porte
02:29et on attend l'année prochaine et il ne s'est rien passé.
02:31La différence avec cet événement, je pense qu'il tient dans la...
02:35parce qu'il est au carrefour de l'entrepreneuriat et de l'artistique,
02:38c'est-à-dire qu'à la fin de cet événement,
02:40on doit pouvoir se dire, pour que l'événement soit réussi,
02:43il faut que je puisse quantifier le nombre de collaborations
02:46qui ont été amorcées pendant le forum,
02:48il faut que je puisse me dire le nombre de jeunes
02:51qui ont connecté avec des producteurs,
02:53de producteurs qui ont dit qu'ils partiraient sur le continent.
02:55Voilà, j'ai besoin de résultats concrets.
02:57Et là je te dirais qu'effectivement,
02:59Création Africa c'est un événement différent de toutes les autres conférences.
03:03Est-ce qu'il y a des artistes maliens, burkinabés, nigériens, etc ?
03:07Alors, on va débunker tout de suite cette histoire.
03:10Il y a des artistes maliens.
03:12Il n'y a pas d'artistes burkinabés et nigériens.
03:14En revanche, je vais vous expliquer pourquoi.
03:17Les commissaires ont fait leur sélection d'artistes.
03:20Et dans leur sélection, il n'y avait ni burkinabés, ni nigériens.
03:23En revanche, il y avait des maliens.
03:25Les maliens sont invités, ont eu leur visa.
03:27Les burkinabés, comme nous n'en avions pas sur la feuille de route,
03:30il n'y en a pas.
03:31La France et certains pays du Sahel, notamment,
03:33ont une relation qui est aujourd'hui très...
03:36qui est au plus mal, on va dire les choses clairement.
03:39Est-ce que...
03:41on ne te dit pas parfois que ce genre d'événement,
03:44c'est un peu une sorte de manière
03:46d'éviter les problèmes,
03:48d'aller sur le domaine artistique et culturel,
03:50parce que là, c'est gentil,
03:52alors que tout le reste va mal ?
03:54Effectivement, on me fait cette critique
03:56de l'événement Tombapik.
03:58C'est une manière
04:00d'effacer
04:02ce qui se passe en ce moment au Sahel.
04:04Mais en fait, ça fait six ans que je travaille sur ce projet.
04:07Ça fait six ans que c'est même plus...
04:10En fait, ce n'est pas de l'événementiel que je fais là.
04:12C'est un travail de fond.
04:14Ce n'est pas qu'on ne se soucie pas
04:16de la dimension politique, pas du tout.
04:18C'est juste qu'à un moment donné,
04:20on est artistes, on est producteurs,
04:22et nous, là, on se dit,
04:24en fait, quel est notre objectif ?
04:26Notre objectif, c'est de faire en sorte
04:28que cette création qui vit dans,
04:30je dirais, dans ces frontières africaines,
04:32elle a parfois du mal à passer la porte.
04:34La musique l'a fait de manière...
04:36En fait, elle a fait un braquage, tout simplement,
04:38le Nigeria et l'Afrique du Sud.
04:40En fait, nous, la relation qu'on a,
04:42c'est vraiment une relation entre artistes, entre producteurs
04:44et entre personnes qui ont envie
04:46de consolider un écosystème qui est encore fragile.
04:48Donc, ceux qui me disent
04:50oui, c'est pour essayer
04:52de cacher ceci, cela, je leur dis OK.
04:54Mais la critique est aisée
04:56et l'art est un peu plus difficile.
04:58Je leur demande juste de s'y mettre
05:00et ils verront à quel point c'est un travail de longue haleine
05:02et comme je l'ai rappelé tout à l'heure,
05:04oui, il y a une question de visa qui est importante
05:06et qui est difficile, mais on la règle
05:08autour de tables et autour de discussions
05:10et une fois qu'on a ces discussions
05:12et que tout le monde a compris les enjeux,
05:14on continue de travailler sereinement.
05:16C'est un événement qui a vocation
05:18à être organisé de manière alternative
05:20sur le continent et en France.
05:22Donc, la prochaine édition, ce sera sur le continent
05:24et j'espère qu'on pourra vous révéler
05:26la ville assez rapidement.
05:28Ça fait quoi de bosser aujourd'hui pour Macron
05:30quand on est jeune et africaine ?
05:32Ça fait quoi de bosser pour Macron quand on est jeune et africaine ?
05:34J'ai envie de dire que
05:36je travaille comme n'importe quel agent
05:38d'un ministère.
05:40Je travaille pour la France, il faut le dire.
05:42Je suis français, je suis né en France
05:44et je travaille à faire avancer mon pays
05:46et ma génération. Donc oui, pour moi,
05:48c'est un sujet qui me tient à cœur et je me dis
05:50que ce serait très dommage de ne pas prendre la place
05:52quand on nous la propose sur ce genre
05:54de sujet-là. C'est pas simple.
05:56Ce sont des sujets qui sont complexes.
05:58Parfois, on est effectivement torturé parce qu'on a
06:00l'appel, je dirais,
06:02un peu l'appel de la famille
06:04et l'appel des origines.
06:06Et en même temps, il faut quand même garder en tête
06:08qu'on est français, donc on travaille pour la France.

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