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Deux câbles sous-marins de fibre optique reliant la Suède à la Lituanie et la Finlande à l'Allemagne, ont été endommagés ces derniers jours. Six pays européens, dont la France, accusent la Russie. Faut-il craindre les sabotages et une guerre hybride de la part de la Russie ? Écoutez Guillaume Lagane, spécialiste des questions de défense, maître de conférences à Sciences Po Paris.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 20 novembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:03RTL 18h43, bonsoir, Guillaume Laganne.
00:06Vous êtes spécialiste des questions de défense, maître de conférences à Sciences Po Paris.
00:11Merci de nous rejoindre sur RTL.
00:12Risible et absurde, c'est avec ces mots que la Russie a balayé les accusations de sabotage dont elle fait l'objet.
00:19Deux câbles de télécommunication ont été abîmés en mer Baltique en 48 heures.
00:22L'un entre la Finlande et l'Allemagne, d'une part, l'autre entre la Suède et la Lituanie.
00:27Au milieu de tout ça, un bateau chinois que l'on soupçonne d'avoir pu arracher les câbles.
00:31Guillaume Laganne, à quoi servent ces câbles déjà ?
00:34Ce sont les câbles qui permettent d'alimenter tout le réseau mondial d'Internet.
00:39Et donc, une bonne partie de notre vie aujourd'hui passe par ces câbles sous-marins.
00:42Comment on sanctionne et on sanctionne par la même occasion un câble au fond des mers ?
00:49Alors, il y a des sortes de machines pour le faire.
00:51On peut aussi utiliser de l'explosif.
00:53C'est finalement pas si compliqué que ça.
00:56Et c'est une fragilité qui a bien été identifiée par tous les services de sécurité et les armées.
01:01Il sert, vous nous le disiez, à nos communications dans la vie quotidienne.
01:06On parle également d'outils, à la limite du secret, voire du militaire ou pas ?
01:11Alors, il y a bien sûr des câbles qui peuvent être utilisés pour les communications secrètes.
01:16Maintenant, la plupart des services de sécurité et les armées
01:20essaient d'avoir des systèmes qui ne passent pas par ces câbles transatlantiques ou transocéaniques
01:25parce qu'ils savent que c'est une fragilité.
01:27Mais encore une fois, il y en a énormément.
01:29Et donc, il est possible que certains services importants souffrent d'une interruption de communication.
01:35Parce que ça fait des semaines qu'on voit passer des informations sur ces problèmes de câbles au fond des mers.
01:39On peut quand même dire que ce sont des enjeux militaires derrière ?
01:43Honnêtement, c'est principalement un enjeu économique et pour la vie sociale.
01:48Maintenant, il peut y avoir des aspects militaires.
01:50Mais les communications militaires, elles évitent d'utiliser ces systèmes transatlantiques.
01:59Tout simplement pourquoi ?
02:00Parce qu'en général, les armées sont déployées dans un pays, elles ont leur propre système national.
02:05Elles n'ont pas besoin de ces systèmes transocéaniques.
02:08Mais il y a quand même une forme de guerre sous la mer au moment où nous parlons,
02:14où les uns et les autres, pauvres, peuvent, au-delà des sous-marins et de tous les outils qu'on peut utiliser,
02:20s'affronter non-directement ?
02:25C'est-à-dire que là, on est dans ce que vous disiez tout à l'heure, c'est ce qu'on appelle la guerre hybride.
02:29C'est-à-dire que vous avez des adversaires,
02:31bon là, on va peut-être en parler parce que tous les regards se tournent évidemment vers la Russie.
02:35Vous avez des adversaires qui vont essayer de vous ennuyer, de vous gêner, de vous porter des coups.
02:42Mais sans que ce soit d'abord identifiable et sans que ce soit nécessairement des cibles militaires.
02:47Là, typiquement, on est dans des cibles qui sont plutôt techniques, économiques,
02:51qui donc ne justifient pas qu'on se dise, écoutez, je vais frapper militairement celui qui a fait cela.
02:56Mais en même temps, ça vous porte un vrai préjudice.
03:00Et évidemment, un des aspects de cette guerre hybride, c'est de ne jamais avouer qu'on a porté le coup.
03:05D'accord, donc ce sont des attaques silencieuses, si je puis dire.
03:08Les Danois peuvent-ils raisonner un bateau chinois parce qu'on le soupçonne d'avoir rompu un câble entre la Finlande et l'Allemagne ?
03:14Je précise que pour l'instant, rien ne l'incrimine officiellement.
03:17Mais ça faisait partie des informations qui étaient diffusées aujourd'hui sur les différentes agences de presse.
03:22Alors, le droit de la mer, il est régi par la Convention de Montégobay.
03:26Et vous avez encore une distinction entre les eaux territoriales,
03:30les eaux qui sont dans l'espace de souveraineté des États et puis la haute mer.
03:35Sur la haute mer, non, normalement, il y a une souveraineté de chaque pavillon.
03:38On ne peut pas arrêter un navire comme ça parce qu'on le souhaite, sauf pour des cas bien particuliers,
03:43par exemple quand il a pratiqué la piraterie ou quand on peut le soupçonner de crimes très graves.
03:52Là, je ne suis pas certain que ce soit le cas.
03:56Donc, vous parliez tout à l'heure d'un navire chinois.
03:59Alors, il n'est pas un pavillon chinois.
04:01Mais d'après les informations qui commencent à sortir, il aurait été récemment immatriculé en Chine.
04:07Au départ, ce serait plutôt un navire russe et son commandant serait d'ailleurs russe.
04:13Pour le reste de l'équipage, je ne sais pas.
04:14Pardonnez-moi, ça veut dire qu'on peut avoir un bateau qui n'est donc pas déclaré clairement
04:19avec un pavillon russe et qui était auparavant entre les mains des Chinois et réciproquement ?
04:24En fait, la souveraineté des pavillons, ça dépend de leur propriétaire.
04:28Et le principe qui régit ce système, c'est que vous êtes déclaré immatriculé dans un pays
04:34Généralement, il y a énormément de bateaux avec des compositions très variées
04:39qui choisissent d'avoir des pavillons qu'on appelle de complaisance.
04:43Par exemple, Panama étant très connu.
04:47Tout simplement parce que derrière, les régimes fiscaux, les régimes sociaux
04:50sont beaucoup plus accommodants que dans les pavillons occidentaux.
04:55Donc là, typiquement, on est en mer Baltique avec des navires.
05:00Il faut quand même que pour les auditeurs, ils se remettent en question.
05:03Enfin, la carte de la mer Baltique en tête, c'est-à-dire que là, ce qu'il se passe,
05:05c'est que la mer Baltique, si vous voulez, ça a été une mer qui était en gros
05:10très largement dominée par l'URSS et le pacte de Varsovie jusqu'à il y a une trentaine d'années.
05:14Et puis est arrivée la chute de la RDA, la transformation de tous ces pays communistes en démocratie.
05:21Et petit à petit, l'URSS qui était sur la côte allemande,
05:25elle est revenue à Saint-Pétersbourg où elle est aujourd'hui, la Russie.
05:28Et puis tous les autres pays sont petit à petit passés dans le pacte atlantique.
05:33Et là, si vous voulez, la grande modification de la Baltique sur les deux dernières années,
05:38c'est que la Finlande et la Suède, qui étaient deux États neutres,
05:40sont rentrés dans l'Alliance Atlantique.
05:42Donc aujourd'hui, à part la petite partie de la Russie autour du port de Saint-Pétersbourg
05:47qui reste un accès russe à la mer Baltique,
05:50tout le reste de la mer Baltique est entièrement formé d'États
05:54qui sont dans l'Alliance Atlantique, dans l'OTAN.
05:57Et ça, si vous voulez, ça a été vécu par la Russie comme un véritable échec stratégique.
06:04Rapidement, Guillaume Lagann, on a bien compris,
06:06il s'en passe des choses sous la mer Baltique et en mer du Nord,
06:09c'est la vraie guerre qu'on ne voit pas ?
06:11En tout cas, si vous voulez, on parle de guerre,
06:14mais en fait aujourd'hui, il y a une espèce de conflit multidimensionnel
06:17entre la Russie et les Occidentaux.
06:19Et ces câbles, alors on verra, il est très probable que c'est la Russie
06:24qui est derrière leur rupture.
06:26Pourquoi elle a fait ça maintenant ?
06:28Il y a plein de raisons.
06:29On vient d'autoriser des frappes avec des missiles de longue portée en Russie,
06:33les attaques MS américains, ça peut être une première raison.
06:35Et puis moi, j'observe qu'au moment où on est en train de parler,
06:38vous avez pour la première fois de l'histoire de la Finlande,
06:40puisqu'elle vient de rentrer dans l'OTAN,
06:42vous avez des manœuvres militaires qui viennent de commencer
06:45avec des troupes de l'OTAN, de divers pays de l'OTAN en Finlande
06:49et des démonstrations d'artillerie.
06:50Donc là, si vous voulez, pour la Russie,
06:53ça peut être un message qu'elle envoie à la Finlande.
06:56Absolument, c'est la réponse du berger à la bergère.
06:59Mais bon, formule à part, ça pose quand même un grave problème
07:03parce que si ça se multiplie, qu'est-ce qu'on peut faire ?
07:06Est-ce qu'on doit répondre militairement ou pas ?
07:09On a la hantise de l'escalade avec la Russie
07:11et en même temps, on ne peut pas rester sans rien faire.
07:12Merci infiniment.
07:13Guillaume Laganne, spécialiste des questions de défense
07:15et maître de conférences à Sciences Po Paris.
07:17Dans un instant, un homme totalement câblé lui aussi,
07:20Marc-Antoine Lebray.

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