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Xerfi Canal a reçu Diego Landivar, professeur à ESC Clermont Business School & Origens MediaLab, pour parler des organisations face aux crises.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00Bonjour Diego Landivar. Bonjour Jean-Philippe. Les organisations sentinelles pensaient le devenir
00:13stratégique des organisations dans l'anthropocène. On va rappeler que l'anthropocène c'est l'influence
00:18de l'humain sur le climat, notamment sur la planète Terre. Article co-écrit avec Emmanuel
00:25Bonnet. Vous êtes professeur à l'ESC Clermont Business School, comme Emmanuel Bonnet,
00:28Origins Media Lab. Les stations de ski, ça ne va pas fort. C'est ça que vous avez étudié dans
00:37le cadre de ce papier. Et vous nous dites que ce sont des organisations sentinelles. Alors,
00:42qu'est-ce qu'on doit entendre par là ? Qu'est-ce qu'il y a ? D'abord, la notion de sentinelles
00:47nous provient des sciences écologiques, des sciences du climat, de l'océanographie également,
00:53mais aussi de l'étude des pandémies par exemple. Ça renvoie à cette idée d'une sentinelle comme
00:58dans le domaine militaire. Vous savez, ces soldats qui sont placés aux avant-postes d'une menace et
01:04qui sont les premiers à alerter, à surveiller et qui vont envoyer un signal au reste des troupes,
01:10en quelque sorte. Et en fait, depuis très longtemps maintenant, les sciences écologiques,
01:15du climat, étudient les premiers basculements dus aux changements climatiques, les premiers
01:21effondrements écologiques, de biodiversité. Et ces espaces sont aussi occupés par des
01:28organisations, c'est-à-dire des collectivités territoriales, des entreprises, des associations,
01:33qui en fait sont les premières, celles qui sont dans une situation précoce de changements,
01:39de subissants changements climatiques et qui vont être les premières justement à envoyer une alerte
01:44écologique aux autres organisations. Et donc, les stations de ski effectivement, notamment les
01:49stations de ski de moyenne montagne, sont typiques de ce que nous appelons donc des
01:55organisations sentinelles. Sentinelles. Alors, très intéressant dans votre papier, vous opposez,
01:59entre guillemets, les organisations citadelles et les organisations sentinelles. Oui, tout à fait,
02:05parce qu'effectivement, les organisations sentinelles sont celles qui décident de se
02:12laisser troubler, de se laisser perturber par la finitude de la neige, en l'occurrence pour
02:18les stations de ski, mais aussi de tous les changements climatiques en général et vont
02:25rediriger, vont reconcevoir, reconfigurer leur raison d'être, leur stratégie pour vraiment
02:31prendre en considération cela. Alors que les organisations citadelles, elles vont plutôt
02:36avoir tendance à camper, à se rassurer et à aussi entrevoir cette menace climatique ou écologique
02:44sous l'angle d'un risque, d'une perturbation, qu'il s'agit de diversifier, de dompter,
02:49de canaliser, mais pas forcément de laisser venir reconfigurer en fait l'ensemble de l'organisation.
02:56C'est ça la grande différence, c'est là que c'est très intéressant en termes de... pour
03:01projeter aussi pour d'autres organisations, c'est que la citadelle, on fait tout pour freiner des
03:06cas de fer, on va faire de la neige artificielle, de culture, etc., etc., pour maintenir l'existant,
03:11là où les sentinelles finalement disent l'existence est finie, c'est un autre devenir
03:16qu'il faut concevoir. Oui, voilà. Quand on veut le projeter sur d'autres organisations,
03:20précisément, quels enseignements on en tire ? Alors je dirais deux choses principalement. La
03:24première chose qui est intéressante avec les organisations sentinelles, c'est qu'on pourrait
03:29avoir tendance à dire bon ben, c'est des organisations qui sont effectivement situées
03:34dans une géographie particulière, moyenne montagne. Elles n'ont pas de chance, tant pis pour elles.
03:37Elles n'ont pas de chance, il y a un darwinisme organisationnel qui fait que ces entreprises vont
03:42mourir, dû au changement climatique, et basta. Là, en l'occurrence, les organisations sentinelles,
03:48pour nous, elles nous invitent en fait à nous poser la question, que mon collègue Emmanuel
03:52Monnet résume avec une métaphore que j'adore, qui est celle de se dire, mais finalement dans
03:57votre organisation, quelle qu'elle soit, quelle est la neige en fait ? C'est quoi l'actif, la
04:02ressource, l'entité qui est menacée en fait de fondre comme une neige, mais qui peut revêtir
04:11en fait des formes d'une dépendance à une ressource stratégique, d'une dépendance matérielle très
04:17forte, extractive très forte aux énergies fossiles, etc. Donc il n'y a plus cette distinction qui
04:23consisterait à dire, les organisations sentinelles vont mourir, tant pis pour elles. En fait, nous
04:28sommes tous dans un devenir sentinelle potentiel. Extrêmement intéressant, donc organisation,
04:34dirigeant, posez-vous la question, quelle est votre neige ? Voilà, et la deuxième petite chose que
04:38j'avais oublié d'évoquer, mais la deuxième chose, c'est qu'elle nous invite aussi à considérer que
04:43l'environnement n'est plus quelque chose d'extérieur, c'est quelque chose qui est fait irruption au sein
04:47de l'entreprise, au sein de l'organisation, et ça, ça renvoie à un présupposé très important du
04:52monde des organisations, qui est l'environnement, c'est nécessairement externe, et qu'on peut
04:56canaliser, qu'on peut dompter. Là, l'anthropocène révèle que l'environnement, il est plutôt au sein
05:02même, au centre des organisations, et ça, c'est quand même un apprentissage assez important à
05:07prendre en considération. C'est une des grandes avancées des sciences de gestion aussi, ça,
05:10cette prise en compte du fait que l'environnement n'est pas forcément extérieur, mais qu'on
05:14influe sur lui. Tout à fait. Parfois pour le pire, c'est le cas de l'anthropocène, en tout cas,
05:18c'est de ces effets qu'on constate malheureusement et qui sont au cœur de l'agenda. Merci beaucoup.
05:24Merci. Article à retrouver dans la revue française de gestion numéro 315,
05:27Organisations et sciences de gestion à l'épreuve de l'anthropocène. Merci.

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