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Au cours d'une visite en Chine, Claude Abeille, sculpteur français et académicien en sculpture de l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France, a vu une sculpture en bronze à l'Académie nationale de peinture de Chine. Il s'agissait de la statue d'un vieil homme regardant au loin. Impressionné par l'imagisme et l'expression vivante de la sculpture, Claude Abeille a sorti immédiatement son carnet pour faire le croquis et noter le nom de l'œuvre - Huang Binhong - en caractères chinois. Peu après son retour en France, il a rencontré à Paris par hasard le créateur de l'œuvre, le sculpteur chinois Wu Weishan. Tous deux ont rapidement trouvé un langage commun dans l'art et sont devenus amis. Dans cet épisode de « Art en Miroir », écoutons l'histoire d'amitié sincère de ce grand maître français avec le sculpteur chinois Wu Weishan. #ArtEnMiroir #60ansChineFrance #ChineFranceEtMoi

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Transcription
00:00L'écriture chinoise, elle est très, très, très vieille.
00:03Les philosophes chinois, ils ont inventé une façon d'écrire.
00:10Moi, je l'ai vu à l'exposition, justement.
00:13Au début, ce sont des petits dessins,
00:15puis ensuite, de plus en plus, c'est devenu des groupes de traits,
00:21puis ensuite, de plus en plus, c'est devenu ce qu'on appelle les caractères chinois.
00:26Bon, mais tout ça, c'est venu avec du temps, avec des siècles.
00:35Et l'écriture chinoise, elle est sortie depuis très, très longtemps.
00:40Et la culture européenne, c'est la même chose.
00:44Ça se ressemble, il y a une ressemblance entre nos deux cultures,
00:50qui vient de très loin.
00:55Ce n'est pas quelque chose qui est apparu comme ça.
00:59L'art chinois, en France, on le connaît quand même pas mal,
01:03depuis assez longtemps, depuis au moins le 18e siècle.
01:07Parce qu'au 18e siècle, on aimait beaucoup la porcelaine chinoise.
01:14Donc, ce n'est pas un pays vraiment étranger.
01:19C'est quelque chose qui a été apprécié par les Français
01:23depuis très, très longtemps.
01:26Et moi, je me suis intéressé à la culture chinoise et surtout à l'écriture chinoise.
01:33Il y a une relation entre la main qui tient le pinceau et le papier,
01:41et l'encre, qui sont des choses tout à fait précises et tout à fait extraordinaires.
01:48Je me suis intéressé à ça parce que j'ai étudié beaucoup la peinture chinoise,
01:56les grands maîtres, la manière dont les peintres chinois regardaient la nature,
02:04qui n'est pas tout à fait la même que notre façon à nous.
02:08Parce qu'il y a justement une sorte de rapport qui est curieux,
02:13qui est un peu énigmatique entre le papier, le pinceau, l'encre et les paysages.
02:21C'est-à-dire que les montagnes chinoises, les arbres, tout le monde avait un rapport presque matériel
02:32avec les instruments qu'on utilisait pour en rendre compte.
02:39Donc c'était quelque chose de très profond, de très particulier et qui, moi, me passionnait.
02:46J'appréciais plus peut-être la peinture que la sculpture chinoise,
02:51sauf quand j'ai découvert la sculpture de Wu Wai-shan.
02:56Ou alors c'était quelque chose d'un peu différent, parce que c'est naturellement une sculpture tout à fait chinoise,
03:03mais aussi qu'il connaît également l'art européen.
03:10Donc, de ce point de vue, on s'est trouvé peut-être avoir des choses à se dire, je crois.
03:18Nos deux sculptures ont un rapport, en tout cas, entre elles.
03:28C'est une histoire un peu curieuse.
03:31C'était le moment où, moi, j'étais président, on a voulu renouer des relations avec l'académie qui est à Pékin.
03:41Donc je suis parti avec une délégation et l'académie à Pékin se trouve dans un jardin et il y a des sculptures.
03:49En passant, j'avais repéré une sculpture qui était tout à fait du style chinois,
03:55mais en passant comme ça, en regardant, j'avais noté quelque chose d'un peu particulier qui m'avait plu.
04:04Et puis, en ressortant, je revois cette sculpture et je me dis « tiens, c'est curieux quand même, elle m'intéresse beaucoup ».
04:14Donc j'avais un petit carnet et je fais un croquis en passant, pour me souvenir de ce que j'avais vu.
04:25Et je demande le nom à l'interprète qui était à côté de moi, mais elle me donne le nom du personne représentée et non pas le nom du sculpteur.
04:35Mais comme je ne connaissais pas non plus, bref, je ne connaissais pas la chose.
04:44Donc une fois rentré en France, j'ai reçu un coup de téléphone d'un sculpteur chinois qui voulait me dire bonjour.
04:52J'étais tout à fait sympathique, mais il m'a demandé ce qui m'avait intéressé en Chine.
04:57Je lui ai dit, bien sûr, les choses habituelles, mais à un moment, il me dit « oui, mais il parait que vous êtes intéressé à une sculpture ».
05:04Alors j'ai dit « ben oui » et je lui ai montré mon dessin et il m'a dit « mais c'est moi qui ai fait cette sculpture ».
05:13Alors aussitôt, bref, on s'est embrassé et puis on a dit « écoutez, il faudrait qu'on se voie ».
05:20Et il m'a dit « mais on pourrait peut-être s'exposer ensemble » parce qu'il devait s'exposer au Centre culturel de la Chine à Paris.
05:29Alors il m'a proposé d'exposer avec lui et c'est ce que j'ai fait.
05:33Et je me suis aperçu d'ailleurs que sa sculpture et la mienne avaient des points communs.
05:42Malgré la différence quand même entre… on n'a pas le même âge, je suis plus vieux et puis il a son style à lui et j'ai mon style à moi,
05:52mais il y a quelque chose qui nous rassemble, c'est-à-dire qu'il y a à la fois un désir, un respect pour la sculpture qui existe,
06:03la sculpture traditionnelle, une connaissance de ça et un respect.
06:09Et en même temps, le désir d'aller plus loin ou d'aller autre chose ou de la brutaliser un peu ou de la reprendre en main
06:19et de faire quelque chose qui soit actuel, qui corresponde à ce qu'on aime.
06:26Et c'est le cas de sa sculpture qui a des caractéristiques que l'on peut caractériser comme chinoises,
06:35mais en même temps il y a sa personnalité qui est évidente.
06:39Et avec ma femme Marion, qui est architecte-décorateur, peintre aussi, mais aussi architecte-décorateur,
06:48donc on a fait le plan de cette exposition.
06:52Et on l'a fait avec des maquettes de mes sculptures et des photos,
06:58des photos découpées des sculptures de Wu Haishan que je ne connaissais pas très bien.
07:06Et on s'est aperçu qu'on pouvait assez facilement les grouper
07:13parce qu'elles se répondaient comme des amis qui se parlent et que les sculptures se parlaient aussi.
07:23C'était une chose étrange qui ne m'est jamais arrivée avec quelqu'un d'autre,
07:27mais d'une sorte de gens qui ne se connaissaient pas et qui s'aperçoivent qu'ils ont beaucoup de rapports entre eux.
07:38Ça je me souviens, ça m'avait tout de même beaucoup étonné.
07:43Et donc cette exposition a été au fond l'expression que les gens très différents,
07:50parce que nous sommes très différents,
07:52très différents peuvent travailler tout à fait dans le même sens.
07:58Le même sens, c'est-à-dire un respect du passé ou d'une connaissance du passé
08:05et en même temps un désir d'aller plus loin ou même d'aller un peu ailleurs
08:12et de faire quelque chose qui n'a pas été fait jusqu'à présent.
08:21Et ce qu'en fait Bovalchan est quelque chose d'assez merveilleux
08:27parce qu'il arrive à exprimer ce que les sculpteurs en général essaient de dire,
08:32c'est-à-dire que de ce qui ne bouge pas, de ce qui est matériel et qui ne bouge pas,
08:40peut au contraire exprimer la vie, exprimer ce qui bouge.
08:46Donc le mouvement peut être exprimé par une traduction de l'immobilité.
08:53Et moi je sais que je n'ai pas eu besoin d'apprendre le chinois
08:58pour comprendre la sculpture de Bovalchan parce que c'est une langue universelle.
09:04Ça m'intéresse beaucoup, notamment la sculpture africaine,
09:08qui est très différente de celle de l'Europe.
09:12Mais voilà, c'est un langage universel.
09:18Et le langage de la Chine en sculpture me parle comme si c'était un voisin.
09:27L'art est beaucoup plus direct que la langue, c'est sûr.
09:33Donc pour nous c'est un plaisir et un grand intérêt
09:40de pouvoir proposer au public chinois ce que nous pensons
09:47et voir peut-être que ça les intéresse.
09:50Ça peut aussi leur donner des idées, soit de faire le contraire, soit de s'en inspirer.

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