Depuis l'élection de Donald Trump, une question se pose : les Etats-Unis vont-ils continuer de soutenir l'Ukraine, et si oui dans quelle mesure ? Que peuvent faire l'Europe et l'Otan sans le soutien américain ? Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 11 novembre 2024.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 11 novembre 2024.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00RTL Soir, il est 18h43, bonsoir Camille Grand.
00:08Monsieur Grand, vous êtes avec nous ?
00:09Oui, je suis.
00:10Oui, pardon, merci beaucoup d'être en direct de Bruxelles.
00:14Vous avez été secrétaire général adjoint, je le rappelle, de l'OTAN.
00:16Vous connaissez parfaitement les rouages de cette alliance entre l'Europe et les États-Unis.
00:21Les Américains ont donc élu leur 47e président, Donald Trump, de retour à la Maison Blanche,
00:25quatre ans après l'avoir quitté.
00:27En Europe, on souffre comme un vent de panique.
00:29Le milliardaire américain a prévenu à maintes reprises qu'il mettra fin en 24 heures aux conflits en Ukraine,
00:35sans préciser comment.
00:36Il menace d'ailleurs de réduire le soutien financier des Américains à l'OTAN.
00:39Notre défense est-elle menacée ou en tout cas affaiblie par cette réélection ?
00:44Alors Trump, sa première caractéristique, c'est d'être imprévisible.
00:47Donc c'est très difficile de savoir comment est-ce qu'il va gérer sa relation avec l'OTAN.
00:51Lors de son précédent mandat, il avait annoncé que l'OTAN était obsolète,
00:55puis que l'OTAN était plus obsolète quelques mois après avoir rejoint la Maison Blanche.
01:00Donc c'est ça qui est difficile et ce qui est très compliqué,
01:03c'est qu'évidemment il y a la guerre en Europe maintenant.
01:05Donc les risques sont plus importants pour les Européens
01:08et ça les préoccupe effectivement très directement
01:11parce que la sécurité de l'Europe se joue aussi en Ukraine
01:14et que c'est sur ce terrain que le président Trump a été le plus difficile à cerner.
01:21Mais alors concrètement, si les Américains décident de baisser leur aide financière à l'OTAN,
01:25il se passe quoi qu'à migrants ?
01:27Alors pour l'Ukraine, c'est très direct.
01:30C'est-à-dire que les États-Unis, c'est plus de la moitié de l'assistance militaire à l'Ukraine
01:34depuis le début de ce conflit.
01:35Et donc c'est pour les Ukrainiens une situation probablement très difficile sur le terrain.
01:40Alors l'aide européenne est montée en puissance dans les dernières années
01:44mais elle reste sans commune mesure avec celle des Américains.
01:49C'est une petite moitié, tous les Européens combinés,
01:52non seulement l'Union Européenne mais aussi les Britanniques, les Norvégiens, etc.
01:56Alors vous venez de nous dire, pardonnez-moi, que les Européens sont donc incapables
01:58d'assumer un soutien suffisant à l'Ukraine sans les États-Unis.
02:01Je veux dire un soutien durable.
02:03Alors je pense qu'ils sont capables de faire une vraie différence
02:06mais ce qui est dommage c'est qu'ils n'ont pas prévu,
02:09ou en tout cas ne se sont pas préparés suffisamment à cet arrivé potentiel de Donald Trump
02:13qui était pourtant assez prévisible juste au vu des sondages.
02:18Et donc on n'a pas, à ma connaissance, un plan européen
02:21pour dire voilà ce qu'on va faire pour l'Ukraine
02:23et voilà pourquoi notre perspective sur ce conflit ukrainien
02:27compte dans la négociation future, dans la discussion future.
02:30Dans ces cas-là, on trouve de l'argent ou il faut trouver un consensus ?
02:34Alors l'aide à l'Ukraine c'est à la fois beaucoup d'argent,
02:37c'est au total, aides civiles et militaires confondues,
02:41plus de 100 milliards depuis le début du conflit.
02:43Mais c'est de l'argent qui, à l'échelle de l'Europe,
02:47il faut prendre ça en compte en réfléchissant à ce qu'elles seraient les conséquences d'une défaite de l'Ukraine.
02:51Une défaite de l'Ukraine c'est probablement de devoir réinvestir massivement dans la défense,
02:55beaucoup plus qu'on le fait déjà,
02:57pour se prémunir des suites d'une victoire russe en Ukraine
03:01qui viendrait directement menacer des pays de l'Union Européenne.
03:06Il ne faut pas s'inquiéter sur le nouveau secrétaire général de l'OTAN,
03:09le néerlandais Mark Rutte, il a raison ?
03:13Alors Mark Rutte a l'expérience d'avoir été Premier ministre à l'époque où Trump était président,
03:18donc il a une bonne habitude de traiter avec lui.
03:22Il connaît le personnage ?
03:23Il connaît le personnage, il était dans la pièce au moment des sommets un peu difficiles de l'OTAN
03:27qu'il y a eu avec Donald Trump,
03:29et donc moi je lui fais confiance pour essayer de nouer avec lui une relation de confiance
03:33qui va l'amener à de meilleures dispositions vis-à-vis de l'OTAN et des Européens.
03:38La question en fait c'est quel est le message que les Européens veulent faire passer à Donald Trump,
03:43c'est-à-dire que nous sommes bien plus responsables de notre sécurité,
03:47on dépense beaucoup plus qu'à l'époque où Donald Trump était président la première fois,
03:50donc ça c'est un message positif et important d'une part,
03:53et d'autre part nous avons des priorités et des intérêts européens que nous souhaitons défendre,
03:57notamment en Ukraine.
04:01Quand le secrétaire général de l'OTAN nous dit qu'il ne faut pas s'inquiéter,
04:04il parle de la contribution américaine, de l'argent ou de la situation internationale ?
04:08Peut-être des trois, je vous laisse faire le tri.
04:10Alors sur la situation internationale je crois qu'il faut s'inquiéter,
04:13on voit bien que la situation est plutôt celle d'un environnement de sécurité très dégradé
04:20en Europe et autour de l'Europe,
04:22et donc je crois que là-dessus il faut être rigoureux et sérieux
04:25et savoir qu'on est dans une situation qui est moins favorable que celle qu'on a connue
04:29toute l'après-guerre froide en réalité.
04:32Donc on est vraiment dans quelque chose d'un moment très compliqué.
04:35Au plan militaire, les Européens font un effort considérable en matière de défense
04:40depuis en réalité 2022.
04:43Cet effort va porter ses fruits,
04:45il est important de conserver l'alliance américaine,
04:47mais cette alliance américaine doit être rééquilibrée,
04:50et donc il faut s'orienter vers une Europe qui soit plus responsable de sa défense
04:53et une Europe qui se rassemble plus européenne,
04:55parce que les États-Unis, en particulier sous Donald Trump,
04:58ne vont probablement pas être aussi engagés qu'ils l'étaient dans la sécurité européenne
05:01que dans les 80 dernières années en réalité.
05:04Vous le disiez, ces menaces de Donald Trump,
05:07ce ne sont pas les premières.
05:08Alors pourquoi ?
05:09Est-ce qu'il serait plus agressif maintenant finalement ?
05:13Alors c'est effectivement la grande discussion à Bruxelles dans les cercles proches de l'OTAN,
05:17c'est est-ce qu'on va avoir Trump 1 ?
05:21C'est-à-dire un moment pas forcément agréable,
05:24qui n'aura pas de conséquences directes sur l'avenir de l'alliance atlantique.
05:29Je crois que la différence fondamentale, c'est d'une part que le président Trump
05:33est entouré de gens qui pensent vraiment comme lui,
05:35alors que pendant sa première administration,
05:36il était entouré de gens qui freinaient plutôt ses instincts.
05:40Et la deuxième chose, c'est qu'il y a la guerre en Europe,
05:43et qu'on est donc dans une situation qui ne permet pas de mettre,
05:46je dirais l'OTAN un petit peu de côté pendant quelques années,
05:50en se disant qu'il faut traverser cette période compliquée,
05:53mais ce sera terminé dans quelques années.
05:57Une toute dernière question, excusez-moi de vous bousculer,
05:59mais je vous demanderai une réponse un peu plus courte.
06:02Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barraud,
06:05appelle à ne pas préjuger de ce que va faire la future administration Trump.
06:09Est-ce qu'on ne se voit pas la face ?
06:11Et je rappelle que selon nos confrères de Washington Post,
06:13les présidents Trump et Poutine se seraient parlé au téléphone la semaine dernière
06:16au sujet de l'Ukraine, ce que dément absolument formellement ce soir le Kremlin.
06:21Je crois qu'il faut arriver avec un agenda en quelque sorte positif,
06:28c'est-à-dire dire à l'administration Trump que nous sommes prêts à travailler ensemble,
06:31mais en même temps il faut être réaliste.
06:33On sait que ce sera un dialogue difficile, pas simple.
06:37On va voir qui va être nommé au poste clé,
06:39ça va être le premier élément de réponse à cette question compliquée pour les Européens.
06:43Merci beaucoup Camille Grand, ex-secrétaire générale adjointe de l'OTAN,
06:47d'avoir pris la parole en direct sur RTL dans un instant.
06:51Le Breaking News avec Marc-Antoine Lebret.