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Le couperet est tombé. Face à ses difficultés, le groupe Auchan a présenté ce mardi un plan social qui pourrait déboucher sur la suppression de 2.389 emplois en France. Du jamais vu pour le groupe, longtemps fleuron de la galaxie Mulliez. Ce n'est pas le seul plan social massif. Michelin de son côté annonce la fermeture de deux usines.

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Transcription
00:00Oui, c'est Auchan qui vient tout juste de l'annoncer dans un communiqué. On sait donc ce que les responsables ici sont en train d'expliquer aux élus syndicaux qui découvrent ce plan.
00:10Il y avait un mélange de sentiments très particulier ce matin pour ces nombreux élus. D'abord, c'était l'attente de savoir combien de postes risquaient d'être supprimés.
00:19On sait donc que c'est plus de 2 300 postes qui vont être supprimés dans les prochains mois.
00:24Et puis, il y a aussi la fermeture de trois hypermarchés à Clermont-Ferrand, à Wapi et aussi à Bar-le-Duc. Donc, réorganisation du groupe.
00:32Le sentiment d'attente qui est un peu passé ici. Il y a aussi un autre sentiment. C'était vraiment l'incompréhension pour tous ces syndicats.
00:41Pourquoi il n'y avait aucune info qui avait vraiment fuité dans le groupe Auchan ? Pourquoi toutes les informations dont ils bénéficiaient ce matin, ils les ont quasiment toutes apprises dans la presse ?
00:50Et puis, c'est surtout une colère froide pour ces représentants des syndicats. Ils pointaient du doigt des erreurs de stratégie ces dernières années au sein du groupe Auchan.
00:58Écoutez notamment Franck Martineau. Il est délégué FO à Auchan au micro de Pauline Delevoye.
01:04Inquiets, on est dans l'attente et aussi en colère. En colère parce qu'encore une fois, ça va être un gâchis.
01:10Ces mesures, c'est les conséquences encore des erreurs de la direction Auchan.
01:14Ils ont fait de multiples erreurs, que ce soit sur les caisses automatiques qui génèrent beaucoup de vols en magasin, sur les Auchan piétons qui sont un échec commercial sans précédent,
01:26sur le modèle organisationnel. C'est un modèle qui a été mis en place dans les magasins, qui a dégradé fortement les conditions de travail et qui n'a rien apporté.
01:35Et on a perduré dans l'erreur pendant des mois, des mois et des mois. Et on a une direction qui est sourde.
01:42Alors aujourd'hui, c'est vraiment une réunion zéro. Les syndicats vont d'abord écouter les annonces. Les négociations, elles, elles viendront plus tard.
01:49Et c'est le deuxième plan social en moins de 4 ans pour le groupe Auchan, puisqu'en 2020, c'était plus de 1 400 postes qui avaient été supprimés.
01:55Merci beaucoup, Vincent Vieillard. On suit évidemment avec vous les premières réactions après cette annonce de 2 389 postes supprimés chez Auchan.
02:03Yves Puget, bonjour. Merci d'être avec nous. Vous êtes directeur des rédactions du magazine LSA, le magazine des professionnels de la consommation.
02:11On a un peu plus de détails. On a ceci, 2 389, trois hypermarchés qui vont fermer. Oui, il y aura, je crois, dix magasins au total qui vont fermer.
02:19Il y a trois hyper. Il y a également quelques super et de la proximité. Effectivement, environ, on va dire 2 400 suppressions de postes.
02:26Pas encore de licenciements parce que tout est en négociation. Et dans la grande distribution, il y a un outil utile pour les dirigeants, entre guillemets,
02:33et sans cynisme, c'est le turnover qui est à peu près de 20 %. Et après, il y aura quelques créations de postes qu'ils ont annoncées également.
02:40Je crois que c'est environ 300 ou 400 essentiellement sur le digital. Et j'oubliais, il y a également quelques fermetures d'entrepôt.
02:46C'est un coup dur. C'est la chronique d'une catastrophe annoncée. Ça fait des années qu'Auchan va mal.
02:52Oui, j'étais étonné. Il y a des éléments qui sont juste dans les propos qu'on vient d'entendre. Il y en a un qui, pour moi, est inexact. C'est la surprise.
02:58Malheureusement, non. Tout le monde le savait depuis des mois. C'est sans surprise. C'est douloureux pour les personnes concernées, bien évidemment, mais malheureusement, c'est sans surprise.
03:06Oui, Auchan, la part de marché d'Auchan est passée en 4-5 ans de 11 % à 8,7 %. C'était une lente érosion d'un modèle qui ne va pas disparaître parce qu'à côté,
03:17Leclerc va très bien, par exemple, et c'est également de l'hypermarché, mais d'un modèle qui est arrivé, on va dire, à maturité si on va être optimiste.
03:25Qu'est-ce qu'a raté Auchan ?
03:27Qu'est-ce qu'a raté Auchan ? C'est tout simplement la modernisation de son outil de travail. L'outil de travail dans la distribution, c'est le magasin.
03:36Pour moi, l'erreur de beaucoup de distributeurs, c'est 96, c'est la loi Galland. La loi Galland, M. Galland était un ministre de l'industrie, mais a favorisé le commerce.
03:46Et beaucoup de distributeurs, notamment les groupes intégrés, se sont dit « on a de l'argent qui tombe » pour l'expression, et on va investir à l'international.
03:53Donc, ils sont partis dans une course folle pour dire « plantez leur drapeau, on est en Chine, on est en Amérique du Sud, etc. »
03:59Mais ils ont oublié d'investir dans leurs magasins, tout simplement. Donc, vous avez des magasins qui ne sont plus à niveau.
04:05Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, il est évident que la concurrence n'est plus la même. Oui, bien évidemment, il y a l'e-commerce.
04:12L'e-commerce avec Amazon, mais également avec Chine, Tému. Oui, il y a les enseignes spécialisées qui ont fait un beau job.
04:19Donc, effectivement, si j'ai envie d'acheter un téléviseur, ce n'est plus forcément chez Auchan, mais peut-être à la FNAC d'Artie Boulanger.
04:25Et puis après, ça c'est « Auchan n'y peut rien », il y a la conjoncture qui n'est pas bonne.
04:29Mais il y en a qui s'en sortent mieux. On a là la part de marché des grands distributeurs en France. Leclerc, 24,1%, haut du podium.
04:37Carrefour, 21,4%. Intermarché, 17,4%. Auchan est à la traîne, très très loin derrière.
04:45Est-ce qu'aussi les manières dont ils avaient pensé la distribution, c'est-à-dire ces grands hypermarchés, très vastes, très grands, ne sont plus à la mode ?
04:52Aujourd'hui, on n'a plus envie de ça, donc on n'y va plus.
04:54Le problème sur le mot « hypermarché », c'est que personne ne sait ce que ça veut dire. Il y a une définition quand même qui est quasi juridique.
05:00C'est-à-dire que c'est un magasin de plus de 2 500 m² à prédominance alimentaire.
05:05Ça veut dire qu'un hypermarché en centre-ville de 2 500 m², c'est un hypermarché.
05:10Et les grosses usines à vendre de 20 000 m² en lointaine périphérie, ce sont également des hypermarchés.
05:16Donc sous le même mot, on parle de deux magasins totalement différents.
05:19Le premier, il va bien. Regardez encore une fois Leclerc, Sistemu, enfin Cooperativu maintenant, et Intermarché, ils vont bien.
05:30Les très grands magasins vont mal. C'est pour ça que dans le plan d'Auchan annoncé aujourd'hui,
05:35je crois qu'effectivement, ils ont 115 hypermarchés, il y en a 69 qui vont être rabiotés, c'est-à-dire que la surface de vente va être réduite de 25 %.
05:44Ça permet de réduire les coûts, de répondre à une demande consommateur qui est de perdre moins de temps,
05:50mais ça ne répond pas à la question, c'est quel sera le positionnement, quel sera l'offre d'Auchan.
05:56Parce que réduire les coûts, c'est bien, ça marche une ou deux années, mais après vous avez les mêmes coûts que tout le monde.
06:00Donc la vraie question, c'est qu'est-ce que les dirigeants d'Auchan veulent-ils faire de la marque Auchan ?
06:05C'est quoi le positionnement et pourquoi je vais aller chez eux plutôt que chez un autre ?
06:10Ce qui marche aujourd'hui au regard de l'inflation, c'est les low cost, c'est-à-dire les supermarchés qui vont offrir des produits les moins chers.
06:17C'est la stratégie de Leclerc, c'est le moins cher possible, c'est d'où les négociations très très dures qu'il peut mener avec les producteurs, avec les industriels.
06:25Effectivement, le prix bas est toujours la demande première.
06:27Alors on peut avoir tous des grands discours à Paris en disant qu'il faut de la valorisation.
06:30Oui, il faut absolument sauver le monde agricole et c'est une certitude.
06:34Mais oui, les consommateurs sont les premiers à se précipiter sur des prix bas.
06:38Et là aussi, ça demande beaucoup d'investissement parce que les distributeurs ne vont plus pouvoir taper Ad vitam aeternam sur leurs fournisseurs.
06:45Ça a des limites qui sont des limites de rentabilité économique.
06:48Les seules solutions, si vous voulez être le moins cher, ce sont les gains de productivité.
06:53Les gains de productivité, automatisation, robotisation, avoir des camions bien pleins, avoir des rayons bien pleins.
06:59Et aujourd'hui, il y a 7% de rupture dans la grande distribution.
07:01Ce n'est pas normal.
07:02Donc le vrai chantier, il est là.
07:04Il y a deux chantiers qui demandent beaucoup d'argent pour les distributeurs.
07:07C'est tout simplement les gains de productivité avec le digital et le deuxième chantier qui est une obligation, c'est le développement durable.
07:13Dans les deux cas, ils ont besoin d'argent et ça aussi, ça va demander beaucoup d'investissement.
07:17Laurent, on est là sur un sujet qui va devenir extrêmement politique.
07:20Dans un moment de crise sociale qui commençait déjà à arriver, on se souvient que les agriculteurs vont se mobiliser mi-novembre.
07:27Là, on a 2389 emplois chez Auchan.
07:30On a plus de 1200 emplois chez Michelin.
07:33On entendait le syndicaliste de chez Michelin dire qu'on veut parler au gouvernement.
07:37C'est au gouvernement d'agir et d'empêcher ces fermetures éminents, minaments politiques.
07:42Oui, parce qu'évidemment, tout le monde a les yeux rivés sur ce qui se passe en ce moment aux États-Unis.
07:47Les yeux rivés aussi sur ce qui se passe.
07:48On en parle peut-être un peu moins en ce moment de ce qui se passe à l'Assemblée parce qu'on essaye de voter le budget avec une absence de majorité.
07:55Mais les deux sujets que vous venez d'évoquer vont être fondamentaux pour le Premier ministre, pour Michel Barnier.
08:00D'abord, la crise agricole parce qu'il y a dans quelques jours peut-être le retour au premier plan de la négociation sur le traité de libre-échange avec le Mercosur.
08:09Et là, effectivement, une rentrée sociale compliquée avec des plans sociaux absolument énormes.
08:15Auchan et Michelin, au-delà de leur domaine d'activité, ce sont deux marques que tous les Français connaissent.
08:21Donc c'est symbolique. C'est extrêmement symbolique.
08:24Deuxièmement, et la question se posera autant chez Michelin que chez Auchan, la non-anticipation des directions respectives.
08:33Pardon, ce que disait Yves Puget est très juste.
08:35Chez Auchan, on a changé 17 fois de patron en 24 ans. 17 fois.
08:41Avec à chaque fois des changements de stratégie. Vous parliez des très, très grandes surfaces.
08:46Il y a, à l'heure où on se parle, deux fois plus d'hypermarchés à plus de 8 000 ou 10 000 m² que chez tous les concurrents.
08:53Tout cela n'a pas été anticipé. On a fait le choix, par exemple, chez Auchan, des caisses automatiques.
08:58On s'est rendu compte, je parle toujours sous le contrôle d'Yves Puget, qu'on a assisté à une explosion de ce qu'on appelle la démarque inconnue, c'est-à-dire les vols en magasin.
09:07Ça, ça n'avait pas été anticipé. Effectivement, en période d'inflation, de fin de mois compliqués, ces caisses automatiques, ce sujet-là,
09:16moins de caissières, plus de caisses automatiques, on n'avait pas vu tout ça. Tout ça, ce sont des décisions d'entreprise.
09:22Et puis, il y a aussi un autre phénomène, c'est que dans ces hypermarchés, puisque vous avez beaucoup de surfaces,
09:27on vend de moins en moins d'alimentaires et de plus en plus de produits hors-alimentaires.
09:32On est en train de se rendre compte que c'est une erreur. Cette erreur-là, elle a été anticipée par d'autres enseignes.
09:37Auchan a mis plus de temps que les autres à l'anticiper. Toute cette question-là va être sur la table.
09:42Mais pour vous répondre, oui, le gouvernement ne pourra pas s'abstenir de dire des choses et peut-être même de prendre des initiatives,
09:49tant pour Michelin que pour Auchan, peut-être plus d'ailleurs pour Michelin que pour Auchan, parce que Michelin, c'est un symbole de l'industrie française
09:57et on ne peut pas, à Paris, tenir un discours sur la réindustrialisation et en même temps laisser un millier, 1200 emplois disparaître
10:07pour des pneus qui seront peut-être d'ailleurs fabriqués ailleurs à coût plus bas et donc avec une main-d'oeuvre moins payée.

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