Gonéri Le Cozannet, du BRGM d'Orléans, expert climatologue du GIEC
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00:00Vous recevez maintenant le chercheur orléanais, spécialiste du climat et de la prévention des espèces, Gonéri Le Cozanné.
00:06Bonjour, Gonéri Le Cozanné, chercheur au BRGM, ici ingénieur au BRGM, spécialiste du climat.
00:13On le disait, la conférence des Nations Unies sur la biodiversité, la plus grande conférence mondiale sur la nature,
00:18qui durait depuis deux semaines en Colombie, vient de se terminer, consacrée à la disparition des plantes et des espèces animales.
00:27Il n'y a pas eu d'accord financier sur les 200 milliards de dollars annuels nécessaires pour sauver la nature, est-ce que c'est un échec ?
00:35Alors je dirais qu'il y a quelques succès, il y a des succès par exemple sur la représentation des populations indigènes dans les négociations,
00:42qui font partie de la solution, des succès également sur la protection de la haute mer, mais qui devront être confirmés.
00:47Mais globalement, effectivement, c'est très décevant qu'il n'y ait pas d'accord financier,
00:52qu'on n'ait pas réussi à se mettre d'accord pour vraiment financer et mettre en oeuvre toutes les mesures sur lesquelles on est globalement d'accord,
00:59pour protéger la biodiversité.
01:01Donc aujourd'hui, c'est important de rappeler qu'on a un effondrement de la biodiversité,
01:05que ce n'est pas uniquement les coraux, les éléphants, les girafes, c'est également en France, c'est à côté d'Orléans,
01:12on a perdu à peu près 70% des oiseaux des champs en fait.
01:15Ici dans le Loiret, très concrètement.
01:17Et c'est lié en fait au fait qu'on a moins d'insectes, beaucoup moins d'insectes,
01:20parce qu'on utilise en fait des pesticides qui sont faits pour tuer ces insectes en fait.
01:24Parce qu'on détruit des haies qui sont des habitats pour ces insectes.
01:28Donc aujourd'hui en fait, on a vraiment à la fois un enjeu au niveau des négociations internationales,
01:32mais on a aussi des choses à faire au niveau des Etats en fait.
01:36Et on a la main en France, dans le département, et puis dans les communes en fait.
01:41Vous parliez donc de cette COP16, préservation des océans et des aires marines protégées,
01:48ça c'est une des avancées qu'on peut citer.
01:51Et la France en la matière fait déjà pas mal on va dire.
01:55Effectivement, c'est là qu'il faut rentrer dans le détail en fait.
01:58C'est à dire que quand on regarde en fait la feuille de route qui a été déposée par la France à la COP16 pour la biodiversité,
02:04en fait on a plein de mesures qui sont plutôt positives.
02:06On a ces aires marines protégées, donc il y a un objectif d'avoir 30% d'aires marines protégées.
02:10Mais en fait le problème c'est pas uniquement d'avoir un label aires marines protégées,
02:14c'est aussi qu'elles soient effectivement protégées.
02:16Et en France, les 30% d'aires marines protégées, on en a 2% seulement qui sont effectivement protégées.
02:21Le reste c'est malheureusement uniquement un label.
02:24Donc en fait le problème c'est que les bons élèves de la COP de la biodiversité,
02:27en fait ce sont des bons élèves parce qu'ils remettent un plan,
02:30mais le contenu du plan est faible ou peu crédible.
02:32Et en fait là on parle des aires marines protégées.
02:34Et ils font seulement une quarantaine ces Etats sur presque 200.
02:37Et la France fait partie des bons élèves, mais son plan est peu crédible.
02:40Ça concerne les aires marines protégées, mais ça concerne aussi le zéro artificialisation net.
02:44C'est la mesure 2.
02:45Et bien en fait il est contesté aujourd'hui.
02:47Ça concerne par exemple le plan EcoFITO 2030 qui est contesté également.
02:50Et non seulement il est contesté, mais c'est également un plan qui en fait
02:54est la reproduction d'un plan qui existe depuis 15 ans et qu'on n'arrive pas à mettre en oeuvre.
02:58Donnery Le Cozen.
02:59Et l'Espagne a connu des inondations d'une rare violence la semaine dernière.
03:03C'est à cause du dérèglement climatique très clairement.
03:06Cet événement aurait existé de toute manière.
03:08En fait c'est un événement qui existait, mais il a été renforcé par le changement climatique
03:12pour deux raisons.
03:13Parce qu'une atmosphère plus chaude transporte plus d'humidité.
03:15Et parce qu'avec le réchauffement climatique, on a une Méditerranée qui est beaucoup plus chaude
03:19aujourd'hui qu'elle ne l'était à la fin du XXe siècle.
03:224 degrés plus chaud.
03:23Donc ça, ça renforce ce type d'événement.
03:25Et il y a eu des inondations aussi le mois dernier en France dans le Sud-Est.
03:29Ce genre de phénomène, il va se répéter régulièrement ?
03:33Oui, effectivement.
03:34En termes d'inondations, on peut distinguer les inondations par débordement de cours d'eau
03:38et puis par ruissellement.
03:40Il y a également les remontées de nappes.
03:42Celles qui inquiètent beaucoup au regard du réchauffement climatique,
03:45c'est celles qui sont liées aux précipitations intenses.
03:47Donc typiquement, dans le Loiret, ce serait un événement de type 2016.
03:50Et ce type d'événement, malheureusement, on sait qu'il va se prolonger.
03:54Et on sait que c'est difficile de s'adapter à ce type d'événement.
03:56Parce qu'aujourd'hui, la cartographie des risques d'inondation,
03:59elle ne regarde pas de manière exhaustive
04:01toutes les zones qui sont exposées à ce type d'inondation par ruissellement.
04:04Dans le Loiret, c'est un exemple.
04:06Ce sont des secteurs qui ont été inondés.
04:07Ce n'était pas forcément très bien anticipé.
04:09Le plan national d'adaptation au changement climatique,
04:11une cinquantaine de mesures,
04:13il vient d'être publié,
04:15soumis à consultation publique pendant deux mois.
04:18C'est important d'avoir cette présence ?
04:20C'est très important.
04:21C'était un document qui était très attendu.
04:23Ça fait presque deux ans qu'il était attendu.
04:25Et c'est très bien qu'il ait été publié.
04:27Maintenant, ce plan,
04:29il y a beaucoup de mesures qui doivent être renforcées, clarifiées.
04:32Il y a beaucoup à assurer la cohérence globale.
04:35Est-ce qu'il répond aujourd'hui à l'enjeu ?
04:37La réponse est plutôt non.
04:39Il n'y a pas assez d'obligations ?
04:41C'est quelque chose qui est plutôt excitatif.
04:43Et si vous regardez à nouveau dans le détail,
04:45parce que les mesures, c'est toujours le détail qu'il faut regarder,
04:48vous voyez qu'il y a des renforcements du financement du fonds de prévention des risques,
04:52mais en réalité qui sont insuffisantes,
04:54qui sont de 75 millions d'euros.
04:56Or, on sait que par exemple, au 1er janvier,
04:58on a une taxe sur la surprime catenat qu'on paye sur les assurances d'habitation
05:04qui va rapporter une nouvelle recette fiscale de 180 millions d'euros.
05:07Donc toute augmentation du Fonds de prévention des risques inférieure à 180 millions d'euros,
05:11et aujourd'hui le gouvernement propose 75,
05:13en réalité, ce n'est pas vraiment un effort.
05:16C'est même plutôt une recette fiscale supplémentaire qui va au budget général de l'État.
05:20La COP 29 sur le climat va démarrer à Bakou en Azerbaïdjan lundi prochain.
05:24Est-ce qu'il y a de quoi être optimiste ?
05:26On a un peu compris le sens de la réponse que vous avez nous donnée,
05:29mais est-ce que ça sert encore à quelque chose ces grandes conférences ?
05:32Je pense que c'est très important qu'il y ait ces conférences
05:34parce qu'elles mettent ces sujets climat et biodiversité dans l'actualité.
05:37Elles permettent également de constater ce que font les États.
05:40Et effectivement, c'est vrai qu'aujourd'hui,
05:42on doit constater que les États font peu d'efforts
05:44et c'est lié au fait qu'on a des gouvernements qui sont peu sensibles à ces questions.
05:48Malgré tout, il faut que ce soit là
05:50et il ne faut pas oublier qu'il y a des accords qui sont toujours possibles.
05:52Et pour la COP sur la biodiversité,
05:54le début d'un accord sur la haute mer, c'est quand même positif.
05:57Et la représentation des populations indigènes également.
05:59Merci beaucoup, Gonéri Lacosanit, ingénieur au BRGM,
06:02membre du Haut climat et spécialiste de toutes ces questions.
06:06Au plan mondial, on l'a bien compris. Bonne journée.
06:08Merci à vous.