• il y a 2 mois
Chères lectrices, chers lecteurs,

Enregistrée le jeudi 24 octobre 2024, voici la captation de la rencontre de Rachel Binhas autour de son essai Victimes françaises du Hamas : leur histoire, notre silence ; paru aux éditions de l'Observatoire.

Cette rencontre est animée par François Heilbronn, professeur à Sciences Po et vice-président du Mémorial de la Shoah.

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume

La Quatrième :

"Le 7 octobre 2023, en Israël, lors d’une attaque terroriste menée par le Hamas, quarante-deux ressortissants français ont perdu la vie, et huit d’entre eux ont été enlevés. Un an plus tard, deux otages – Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon – demeurent dans la bande de Gaza.

En France, le sort de ces victimes et otages est marqué par le silence et l’oubli. Peu de villes ont affiché leurs portraits et aucune grande campagne de soutien n’a vu le jour, contrastant avec les réactions nationales suscitées naguère par d’autres enlèvements de Français.

À travers des rencontres poignantes avec les familles des victimes et des otages, Rachel Binhas plonge au cœur de ce drame humain, ce qu’a été pour eux ce « samedi noir ». Elle raconte leurs histoires au plus près de la réalité, donnant voix à leur douleur et à leur espoir.

L’auteure met en lumière l’indifférence coupable face au calvaire des victimes et des otages français. Elle explore les mécanismes de ce déni, s’interrogeant sur la persistance d’un antisémitisme sous couvert d’antisionisme à gauche et la difficulté à reconnaître les Juifs comme victimes. Un appel à l’éveil pour que la société française ne détourne pas le regard et considère que les victimes et otages de Gaza sont les siens. Car le 7 Octobre est aussi un événement français."

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Transcription
00:00:00Bonsoir à toutes et à tous, je suis ravi d'être avec vous ce soir et je voudrais remercier le directeur de la librairie, Loïc, qui est derrière vous à la caméra,
00:00:10et qui nous accueille dans cette superbe librairie, le Saint-Germain-des-Prés, mythique, l'écume des pages, qui est une de mes librairies préférées.
00:00:17Je suis un client fréquent et je suis très heureux pour la première fois d'animer une soirée littéraire, politique et d'actualité,
00:00:26ce soir avec notre invité qui est Rachel Binas, que je vais vous présenter pour parler de son livre qui vient de paraître aux éditions de l'Observatoire,
00:00:36« Victimes françaises du Hamas, leur histoire, notre silence ». Le titre est fort, le sous-titre encore plus.
00:00:45Alors pourquoi j'ai accepté, à la demande de la présidente de l'écume des pages, d'animer cette soirée, mon amie Félicité Herzog ?
00:00:53C'est parce que ce sujet me touche de manière très personnelle. Je suis François Lebrun, je suis professeur dans une école tout près d'ici qui s'appelle Sciences Po,
00:01:05où je vis une actualité mouvementée depuis quelques mois, mais ça c'est une autre histoire, c'est le passage de ce soir.
00:01:12Cette histoire m'émeut particulièrement parce que je suis membre du comité directeur du CRIF,
00:01:19et au comité directeur du CRIF, évidemment, nous avons tous été sidérés, choqués, bouleversés, horrifiés par les massacres islamistes du Hamas
00:01:32commis sur la terre d'Israël le 7 octobre 2023. Le président du CRIF, Yonatan Harfi, a monté un voyage de solidarité les 22, 23 et 24 octobre 2023,
00:01:43donc deux semaines après ces massacres. On était une trentaine devant le comité directeur du CRIF.
00:01:48On nous est rendus en Israël. Nous avons fait plusieurs choses en Israël. Nous sommes rendus sur la base militaire de Shourya,
00:01:55où étaient gardés les corps et les restes des habitants du sud d'Israël qui avaient été massacrés le 7 octobre.
00:02:02C'était une vision assez terrible puisque c'était deux semaines après ces massacres. Il y avait une odeur de putréfaction, c'était terrible.
00:02:09Nous sommes rendus ensuite dans les kibbouts du sud. Nous sommes allés notamment au kibbout de Kharaza.
00:02:15Nous avons visité une par une toutes les maisons. Il y avait encore les traces des corps, les traces des balles, les douilles des balles au sol.
00:02:22Les soldats qui avaient libéré ce kibbout nous ont témoigné de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont découvert en Israël.
00:02:27Ils sont rentrés dans maison après maison. Et enfin, c'est là le lien avec le très beau livre de Rachel.
00:02:33Nous sommes rendus à Jérusalem, au ministère des affaires étrangères. A Jérusalem, pour rencontrer des familles des otages français.
00:02:43Et là, nous avons rencontré un certain nombre de familles dont deux dont tu parles dans ton livre.
00:02:51Adas Jaoui Kaderon et Daniel Toledano. On va revenir sur ces deux personnages qui sont importants dans cette histoire.
00:02:59Et c'était une rencontre très forte parce que c'était deux semaines après. Vous ne savez pas si leurs proches étaient vivants ou pas vivants.
00:03:07Daniel Toledano venait juste d'apprendre que son frère Elia Toledano, âgé de 27 ans, où il y avait un doute, il pensait peut-être qu'il était mort.
00:03:15Parce qu'il y avait beaucoup qui ont été tués. Il ne savait pas. Il venait juste d'apprendre que son frère était otage.
00:03:21Tu raconteras la suite. Et c'était assez absolument bouleversant. Le lendemain, le président Emmanuel Macron est arrivé en Israël.
00:03:29Il a rencontré ces mêmes familles d'otages. Il y a eu une prise de conscience très forte chez lui. On y reviendra aussi parce que c'est un des thèmes de ton livre.
00:03:35Sur cette prise de conscience des autorités de l'État, en tous les cas de la spécificité des victimes françaises des massacres du 7 octobre
00:03:44et des otages français capturés par le Hamas et emmenés dans les tunnels de Gaza ce jour-là. Et donc c'était important.
00:03:53Donc maintenant, parlons de Rachel et parlons de son livre. Rachel Binas est une journaliste que vous connaissez peut-être.
00:04:00Les journalistes, on ne les connaît pas forcément quand ils signent. Mais quand on les passe à la télé, on les connaît.
00:04:04Donc elle passe sur LCI. Vous l'avez peut-être déjà vue sur LCI. Mais avant ça, elle a fait des études de juriste.
00:04:10Elle a fait des études de sciences politiques. Elle a travaillé un an à Jérusalem, au Jérusalem Post. Un peu moins.
00:04:17Et donc elle a une expérience de la vie en Israël il y a 10 ans. Elle a été ensuite journaliste freelance pour un certain nombre de journaux.
00:04:24Causeur, L'Express, Le Point. Elle a été d'autoréaliste à France Télé et à LCI. Et surtout journaliste dans le magazine Marianne depuis presque 6 ans.
00:04:34Et donc elle s'est intéressée à ce sujet très particulier qui est celui des victimes françaises du Hamas.
00:04:40Elle raconte quelque chose de très important qui n'a pas été assez souligné dans la plupart des médias français.
00:04:46C'est qu'il y a eu 48 français, je dis bien français, qui ont été assassinés sur la terre d'Israël par le Hamas.
00:04:55C'est le plus grand crime terroriste après le Bataclan et après Nice.
00:05:02Le Bataclan ça fait 130 morts, Nice si je ne me trompe pas c'est 86. Donc là on est à 48 morts.
00:05:08C'est beaucoup plus de morts que Charlie Hebdo, c'est beaucoup plus de morts que Duterte-Acher, c'est beaucoup plus de morts que les morts de janvier 2015.
00:05:15C'est beaucoup plus de morts que les attentats terroristes déjà provoqués par les Hezbollah dans les années 80.
00:05:22Donc c'est un nombre de morts absolument considérable.
00:05:27Il y a aussi eu 7 otages français en Gaza, 5 sont morts.
00:05:33Il y en a 2 dont on peut espérer qu'ils soient encore vivants.
00:05:38Ofer Kaderon et Oad Ya'aloni espérons qu'ils soient vivants.
00:05:44Et surtout Ofer Kaderon et Oad Ya'aloni.
00:05:47Puis on parle très très bien entendu de ces deux hommes qui sont assez remarquables.
00:05:52Ce qui est intéressant c'est qu'on a un des plus grands crimes terroristes au contour des français.
00:05:58On en parle un peu, mais au bout d'une semaine, deux semaines ça disparaît.
00:06:03On a des otages français à Gaza.
00:06:08On n'en parle pas, vous vous rappelez à une époque,
00:06:12Christian Cheneau, Georges Magruneau, Jean-Paul Kauffman, une franco-colombienne,
00:06:18on avait son portrait à la télé tous les soirs,
00:06:23on ressassait son nom tous les soirs.
00:06:26Leur portrait était sur toutes les mairies de France.
00:06:29Là il y a certaines mairies dont la mairie de Paris, la mairie de Montpellier,
00:06:33la mairie du 17ème, qui affichent leur portrait.
00:06:37Mais sinon c'est l'occultation, c'est le silence et l'invisibilisation.
00:06:41Et donc c'est pour ça que j'aime beaucoup le sous-titre,
00:06:45et c'est une des réflexions que Rachel prend.
00:06:49J'en ai fini de ma trop longue introduction,
00:06:51si vous êtes surtout venus pour écouter Rachel.
00:06:54Donc première question, Rachel, pourquoi tu éprouvais le besoin
00:06:58de conduire cette enquête, c'est une vraie enquête journalistique, bien faite,
00:07:03et de conduire cette enquête et ensuite d'en publier un livre ?
00:07:07Merci, je vais commencer par ne pas répondre à ta question.
00:07:11Déjà pour te remercier François d'avoir été présent ce soir-là,
00:07:15et également la librairie.
00:07:17Ce n'est pas simplement de ma part une espèce de courtoisie habituelle,
00:07:22c'est qu'une autre librairie, la première qui avait été sollicitée,
00:07:25a refusé pour des questions de sécurité.
00:07:28Elle ne se sentait pas capable d'accueillir cet événement.
00:07:32Et donc je remercie vraiment, sincèrement, l'écume des pages
00:07:36qui fait preuve d'encourage, il faut le dire,
00:07:39aujourd'hui, en nous accueillant ici et en assurant également notre sécurité,
00:07:43parce que oui, en 2024 en France, on en est là, mais on pourra en revenir.
00:07:48Pour répondre cette fois-ci à ta question, ce qui a été, on va dire,
00:07:53l'élément déclencheur, outre la rencontre et la discussion avec mon éditeur
00:08:00aux éditions de l'Observatoire Laurent Munez, ça a été ce que je qualifie
00:08:05d'invisibilisation, c'est-à-dire, c'est parti d'un malaise en réalité.
00:08:09D'un malaise que j'avais, je me rendais compte autour de moi,
00:08:12aussi bien auprès de mes proches que dans mon milieu journalistique,
00:08:17que personne ne connaissait les noms à la fois des Français tués en Israël
00:08:25le 7 octobre, ou en otage, puisque certains le sont encore,
00:08:30comme tu l'as souligné, mais même pas le nombre.
00:08:33Et là, je me suis dit que ça signifiait quelque chose de notre pays.
00:08:38Pourquoi cette espèce de malaise ? Pourquoi ce malaise à lier le 7 octobre
00:08:43au terrorisme ? Alors ensuite, on peut débattre,
00:08:45est-ce que c'est un pogrom, est-ce que ça n'en est pas, etc.
00:08:47Mais toujours est-il que, normalement, la notion d'acte terroriste
00:08:51devait être reconnue, donc de quoi ce malaise était-il le nom ?
00:08:56Pourquoi le « on vous croit » ne s'avéressait pas aux Israéliens
00:09:00et aux Israéliennes, avec une remise en cause perpétuelle
00:09:03des récits qui étaient faits, des histoires ?
00:09:05Et puis, comment expliquer cette difficulté à imprimer ce récit-là,
00:09:12social, dans notre paysage français, ce récit politique,
00:09:16dans notre culture à nous, à la fois médiatique, politique, etc.
00:09:21On aurait dû à un moment, je le dis, suspendre, interrompre
00:09:27le temps politique pour un temps d'empathie, de compassion.
00:09:31On a à peine réussi à le faire, réellement.
00:09:35Tout de suite, on a voulu politiser la chose en expliquant que,
00:09:38finalement, le 7 octobre n'était pas un acte initiateur,
00:09:42mais le fruit de conséquences, de conséquences qui avaient,
00:09:47justement, pour objet, l'armée israélienne, la politique israélienne.
00:09:51Et donc, finalement, tout ça devait se comprendre
00:09:54dans un récit un petit peu plus large, celui de forces s'affrontant,
00:09:59l'une très faible, et donc victime, et l'une puissante,
00:10:02donc appartenant, entre guillemets, au mal.
00:10:05Et à ce titre-là, pour ne pas remettre en question ce récit-là,
00:10:09ce récit emprunt d'idéologie, on n'a pas accordé la place nécessaire.
00:10:13Et donc, par ces rencontres que j'ai pu faire dans le pays,
00:10:17j'ai voulu fixer leur mémoire à un moment, raconter leur histoire,
00:10:21montrer que ces Français, littéralement,
00:10:24avaient un véritable lien avec la France, à des degrés différents.
00:10:28Certains avaient quitté notre pays, pas réellement par choix,
00:10:32mais pour fuir l'antisémitisme.
00:10:34Je pense que dans ce cas-là, on ne peut pas réellement parler de choix ou d'options.
00:10:38Et je voulais pouvoir raconter leur histoire, les fixer à un moment donné,
00:10:42et proposer tout simplement aux Français
00:10:46quels sont ces compatriotes qu'on a trop souvent oubliés.
00:10:51Merci. Donc justement, j'aimerais que tu nous parles
00:10:55de certains des exemples que tu prends parmi les nombreuses victimes.
00:10:59Tu ne parles pas de toutes les victimes de 48.
00:11:02Il y a des portraits très bien faits, très sensibles,
00:11:05parce que tu as rencontré leur famille, de ces victimes.
00:11:08J'aimerais que tu nous parles de Céline, jeune mère de famille,
00:11:12qui est venue d'avoir un bébé.
00:11:15Qui est Céline et que lui a-t-il à lui donner ?
00:11:18Céline Ben David-Nagar, une jeune femme qui avait quitté la France
00:11:24à l'âge de 15 ans environ, ville urbaine plus précisément,
00:11:27pour fuir l'antisémitisme dont elle était l'objet, notamment à l'école.
00:11:31Ses parents ont décidé de fuir leur valise et de partir s'installer en Israël,
00:11:36espérant davantage de sécurité.
00:11:38Elle a été assassinée le 7 octobre dans des conditions atroces.
00:11:42On dit que c'est une victime du festival Nova.
00:11:46En réalité, elle était sur la route de Nova,
00:11:49mais pas à Nova même au moment de son exécution.
00:11:52Elle accompagnait des amis.
00:11:54C'était sa sortie, sa dernière sortie,
00:11:56puisque sa petite avait six mois avant de reprendre le travail.
00:11:59C'était ce plaisir-là.
00:12:01Elle voulait aller écouter un DJ français qui allait jouer à Nova.
00:12:06Avec des amis, ils prennent la route.
00:12:09Elle laisse sa petite à Ido, bien qu'elle l'allaite.
00:12:12Ido, son mari, et ils prennent la route.
00:12:15Ils font partie de ces gens qui ont dû se réfugier
00:12:18à un moment dans un abri face aux terroristes.
00:12:21Bien sûr, les abris en Israël sont faits pour les missiles,
00:12:26pour faire face aux roquettes, mais pas pour les attaques humaines.
00:12:29Elle est morte par balle.
00:12:32Il faut savoir que Céline entretenait un lien extrêmement fort avec la France.
00:12:37Elle voulait que sa petite soit française.
00:12:41Elle l'a laitée.
00:12:44Elle l'a laitée.
00:12:46Pour tout vous dire, Ido s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile.
00:12:51Ils ont appris une semaine après que Céline était morte,
00:12:55puisqu'il a fallu du temps pour identifier les cadavres.
00:12:58Des archéologues ont été dépêchés pour trier les restes
00:13:01et identifier les restes humains.
00:13:04Il y a une solidarité qui s'est mise en place dans la communauté.
00:13:08Les femmes de la communauté,
00:13:10apprenant que la petite fille était allaitée,
00:13:13le bébé était allaité,
00:13:15ont décidé de tirer leur lait,
00:13:18de le mettre dans des bouteilles et dans des glacières,
00:13:21et d'apporter à Ido leur propre lait
00:13:23pour que la petite puisse continuer à être allaitée par du lait maternel.
00:13:27Ido et sa fille vont recevoir,
00:13:31on aura l'occasion d'en parler,
00:13:33après le 7 octobre, la nationalité française,
00:13:37c'est quelque chose que je révèle,
00:13:39Emmanuel Macron va les appeler et va leur dire
00:13:41« Qu'est-ce que la France peut pour vous ? »
00:13:43La France qui les avait un moment oubliés,
00:13:45puisque Céline n'avait pas pu être protégée par la France.
00:13:48Ido a demandé au moins pour la petite,
00:13:51la nationalité française,
00:13:53les démarches qu'aurait voulu pouvoir faire sa mère.
00:13:56C'est ce qui s'est passé.
00:13:58Mais en effet, on a une petite qui va grandir sans sa mère
00:14:04et seulement avec son père qui se retrouve à devoir l'élever.
00:14:07J'aimerais que tu parles d'une autre jeune femme,
00:14:11Karine Journeau.
00:14:13J'ai rencontré la famille Journeau.
00:14:19Chez eux, ils habitent une ville pas très loin de Réauvote,
00:14:23pour ceux qui connaissent,
00:14:25une ville, on va dire, plutôt laïque,
00:14:28dans le centre du pays.
00:14:31C'est des juifs qu'on dirait traditionnalistes,
00:14:34c'est-à-dire qu'ils font les grandes fêtes,
00:14:36mais ils ne sont pas plus religieux que ça.
00:14:38J'ai rencontré notamment Doron,
00:14:40Doron qui est eu français par sa mère
00:14:44et qui est le père de Karine Journeau.
00:14:46Karine Journeau, âgée d'une vingtaine d'années,
00:14:50comme beaucoup de victimes,
00:14:53elle décide, il y a plusieurs mois avant l'événement,
00:14:57de prendre des places pour Nova.
00:14:59Et puis, elle se casse la jambe
00:15:01et donc elle décide de revendre son ticket.
00:15:03Et au dernier moment, ses amis ont insisté en lui disant
00:15:07« Allez, rejoins-nous, certes, tu as le pied dans le plâtre,
00:15:10mais tu t'en seras assise. »
00:15:12Et donc, ils vont la chercher,
00:15:14ils chargent une chaise en plastique à l'arrière de la voiture,
00:15:18ils vont jusqu'au bout de leur idée
00:15:20et ils prendront la route de Nova.
00:15:22Et puis, 7h30, les sirènes, les bombardements, etc.,
00:15:26elle se retrouve, les terroristes qui arrivent,
00:15:28avec un pied dans le plâtre,
00:15:30c'est très difficile pour elle d'avancer.
00:15:32On retrouvera des images où elle était près d'une ambulance à Nova.
00:15:36Il se trouve que les terroristes ont visé directement,
00:15:40ont fait exposer cette ambulance,
00:15:42tuant donc toutes les personnes qui étaient autour.
00:15:45On retrouvera trois dents de Karine.
00:15:48Les parents sont dans un état...
00:15:50sont extrêmement touchés,
00:15:52comme vous pouvez le deviner,
00:15:54notamment sa mère,
00:15:56sa mère qui a été la dernière à recevoir son coup de fil.
00:15:59Karine lui disait « Maman, s'il te plaît, sauve-moi. »
00:16:03La mère s'est donc fait tatouer, 8h12,
00:16:05la dernière heure à laquelle elle a eu un message de sa fille.
00:16:08Je ne vais pas rentrer davantage dans les détails,
00:16:12vous pourrez les retrouver dans l'ouvrage,
00:16:15mais les liens, encore une fois,
00:16:17d'Auronne Journaux, de Karine, avec la France,
00:16:20ils sont réels.
00:16:22Par exemple, la grand-mère de Karine,
00:16:25lorsqu'elle est arrivée en France,
00:16:27toutes les semaines, c'était son rituel,
00:16:30c'était aller acheter le nouveau détective.
00:16:32En Israël, elle arrivait à le trouver.
00:16:34Je ne sais pas si c'est encore possible.
00:16:36Mon erreur, c'est de ne pas avoir vérifié
00:16:38si aujourd'hui on pouvait encore trouver le nouveau détective en Israël.
00:16:40Mais c'était sa lecture.
00:16:42Pas sûr qu'on le trouve en France.
00:16:44Oui, il y a le nouveau détective.
00:16:46Je crois que ça existe.
00:16:48Fondé notamment par Joseph Kessel.
00:16:51C'était la lecture de cette mère.
00:16:54D'Auronne parlait français.
00:16:56Bien sûr, pas extrêmement bien, mais il le parle.
00:16:58Beaucoup d'ailleurs de ses familles,
00:17:00ont voulu, au moins pour le premier enfant,
00:17:03ont choisi le français comme langue maternelle.
00:17:06Pour leur enfant.
00:17:08Ils se sont rendus compte que le français,
00:17:10c'était bien à la maison,
00:17:12mais dans l'espace public, c'était un peu plus compliqué
00:17:14parce qu'ils se sont retrouvés avec des enfants
00:17:16qui arrivant dans le jardin d'enfants,
00:17:18n'avaient pas de copains,
00:17:20parce qu'ils ne parlaient que français et pas hébreu.
00:17:22Donc à ce moment-là, ils se sont dit,
00:17:24ça serait bien de leur apprendre également l'hébreu.
00:17:26Mais pour beaucoup, le choix du cœur,
00:17:28le choix instinctif, a été le français.
00:17:30Je pense que derrière une langue,
00:17:32c'est une civilisation, c'est une culture,
00:17:34c'est une manière de voir le monde.
00:17:36Et ça dit beaucoup, la langue que l'on choisit
00:17:38d'apprendre à ses enfants.
00:17:40Je voudrais justement,
00:17:42ce qui sera le dernier exemple,
00:17:44parce qu'il y a plein d'exemples dans le livre,
00:17:46qui a été acheté et dédicacé par Rachel
00:17:48à l'issue de cette conférence,
00:17:50une famille qui est assez emblématique
00:17:52de cet esprit des kibbutzniks de gauche,
00:17:54de cet esprit altruiste,
00:17:56pacifique, humaniste,
00:17:58qui espérait une cohabitation
00:18:00civilisée et cordiale
00:18:02avec l'envoisin arabe israélien
00:18:04et l'envoisin arabe de Gaza.
00:18:06C'est la famille d'Anjaoui,
00:18:08qui a été particulièrement victime
00:18:10de ce qui s'est passé le 5 octobre
00:18:12et qui l'est toujours aujourd'hui.
00:18:14Je voudrais que tu nous parles de son lien
00:18:16avec la France et de ce qui leur est arrivé le 5 octobre.
00:18:18La famille d'Anjaoui,
00:18:20le nom Jaoui
00:18:22doit vous dire quelque chose, puisqu'ils sont de la famille
00:18:24d'Agnès Jaoui,
00:18:26la plupart vous le savez.
00:18:28La famille d'Anjaoui,
00:18:30c'est une famille en effet
00:18:32intimement liée
00:18:34à la France.
00:18:36La grand-mère Ginette,
00:18:38il faut que je vous dise
00:18:40quelques mots de Ginette.
00:18:42C'est une femme qu'on rêverait
00:18:44de rencontrer, de connaître.
00:18:46Ginette,
00:18:48elle grandit
00:18:50dans un milieu catholique.
00:18:52A la mort de sa mère,
00:18:54on l'envoie comme beaucoup à l'époque
00:18:56chez les sœurs,
00:18:58mais c'est pas du tout fait pour Ginette.
00:19:00Ginette, ce qu'elle veut, c'est faire du vélo,
00:19:02de la bicyclette
00:19:04et fumer à bicyclette.
00:19:06Et donc,
00:19:08Ginette va grandir,
00:19:10va,
00:19:12comme beaucoup,
00:19:14s'engager à ce moment-là dans le communisme.
00:19:16C'est quelque chose qui est très important.
00:19:18C'est comme une femme d'action,
00:19:20une femme de poigne.
00:19:22Et puis elle a un faible pour les Arabes.
00:19:24Et elle va rencontrer au cours
00:19:26de ses études, un homme
00:19:28qu'elle imagine Arabe,
00:19:30William, William Jaoui.
00:19:32Et...
00:19:34C'est un vrai musulman.
00:19:38Il se trouve que
00:19:40ils ont une relation.
00:19:42Et puis à un moment, quelques semaines, quelques mois après,
00:19:44elle ne le trouve pas, elle ne sait pas où il est.
00:19:46Et donc elle décide d'aller frapper à sa porte.
00:19:48Elle frappe. Et là, elle se rend compte
00:19:50qu'il ouvre la porte,
00:19:52qu'il est surpris de la voir,
00:19:54qu'en fait, il est en tenue
00:19:56de prière.
00:19:58C'est qui pour, si je ne me trompe pas.
00:20:00Et...
00:20:02Exactement.
00:20:04Il n'est pas Arabe musulman,
00:20:06mais il est juif.
00:20:08William Jaoui,
00:20:10c'est quelqu'un d'assez réservé,
00:20:12qui est passionné par ses études
00:20:14de médecine, notamment par la recherche,
00:20:16qui finira gynécologue.
00:20:18La recherche, c'est vraiment quelque chose qui est très important pour lui.
00:20:20Ils vont donc
00:20:22continuer, ils vont se marier.
00:20:24Ils vont jusqu'à se marier.
00:20:26C'est dans les années 30.
00:20:28C'est pas dans les années 50,
00:20:30c'est dans les années 30.
00:20:32Et puis arrivent
00:20:34les lois anti-juives.
00:20:36Et il faut
00:20:38que William Jaoui aille s'inscrire,
00:20:40aille s'identifier
00:20:42à la mairie comme juif.
00:20:44Et Ginette
00:20:46n'a pas envie qu'il le fasse.
00:20:48Mais lui insiste, il y va.
00:20:50Et là, arrivé au bureau, la dame qui le reçoit
00:20:52lui dit même, ne le fais pas.
00:20:54Fuis, pars, ne le fais pas.
00:20:56Et lui, lui est bon élève.
00:20:58Il ne comprend pas en fait.
00:21:00Il lui répond, mais si on nous demande de le faire, il faut le faire.
00:21:02Ginette sent très vite
00:21:04qu'il y a quelque chose de pourri
00:21:06au Royaume de France.
00:21:08Et elle lui dit, on part.
00:21:10Il s'enfuit à bicyclette.
00:21:12Alors elle, vous l'avez compris, elle roule très bien.
00:21:14Lui, bien loin. Il dort, il s'arrête dans des champs, direction le sud.
00:21:16Il s'arrête dans des champs de fraises.
00:21:18Finalement, ils prennent le train
00:21:20parce que c'est un petit peu compliqué pour William.
00:21:22Et puis, ils arrivent à Marseille, ils prennent le bateau
00:21:24et ils retrouvent en Tunisie
00:21:26la famille de William.
00:21:28L'état d'Israël est en train de se créer.
00:21:30Ginette se convertit
00:21:32et se marie religieusement.
00:21:34Exactement, merci.
00:21:36Elle se marie religieusement en Tunisie
00:21:38puisque les parents de William
00:21:40découvrent que
00:21:42c'est une goye.
00:21:44Donc elle se marie, mais
00:21:46elle continuera, je ne pense pas briser
00:21:48un secret, mais continuera à manger
00:21:50du jambon et du calembert.
00:21:52Elle a bien raison.
00:21:54Olivier, vous...
00:21:56Ils décident
00:21:58de partir, surtout elle,
00:22:00en Israël. Ils font partie
00:22:02de ses premiers pionniers
00:22:04à arriver en Israël, dans des kiboutz
00:22:06et à faire leur vie.
00:22:08Ils ont donc
00:22:10des enfants, notamment Carméla.
00:22:12Et Carméla
00:22:14a elle-même des enfants.
00:22:16On parle là de Gamit
00:22:18et de Hadass, les deux filles.
00:22:20Carméla, sans rentrer dans les détails,
00:22:22qui a 80 ans au moment
00:22:24du 7 octobre,
00:22:26sera retrouvée morte
00:22:28chez elle,
00:22:30dans un kiboutz.
00:22:32Et dans ses bras, quasiment,
00:22:34l'une des filles de Gamit,
00:22:3612 ans,
00:22:38qui sera également retrouvée
00:22:40morte avec sa grand-mère. Elle avait demandé
00:22:42une exception, c'est de pouvoir passer la nuit
00:22:44chez mamie. Exception
00:22:46qui lui a été donnée.
00:22:48Merci, je peux t'interrompre ?
00:22:50Bien sûr.
00:22:52Et sa petite-fille
00:22:54avait des troubles autistiques légers.
00:22:56Elle avait 12 ans.
00:22:58Et quand j'étais
00:23:00avec le Trif à Jérusalem,
00:23:02le 23 octobre,
00:23:04Hadass venait juste d'apprendre.
00:23:06Quelques heures avant,
00:23:08on avait retrouvé sa mère
00:23:10et sa nièce assassinées.
00:23:12Parce qu'elle pensait
00:23:14juste à ce moment, entre le 7 octobre
00:23:16et le 23 octobre,
00:23:18qu'elles avaient été enlevées.
00:23:20Mais en fait, elles ont été retrouvées
00:23:22assassinées à quelques centaines de mètres
00:23:24du kiboutz, près de la frontière.
00:23:26C'est toute la...
00:23:28L'horreur
00:23:30de cet événement, c'est que
00:23:32la situation était telle
00:23:34que les services ont mis
00:23:36beaucoup de temps à identifier les corps,
00:23:38il faut le dire, avec parfois des erreurs
00:23:40dramatiques.
00:23:42Et cette attente était à la fois une torture,
00:23:44mais aussi un espoir.
00:23:46Quand vous attendez, vous espérez encore.
00:23:48Alors peut-être que vous quittez l'espoir,
00:23:50mais vous rentrez dans l'espérance, quelque part.
00:23:52Et c'est cette attente-là
00:23:54qui nourrissait aussi des familles
00:23:56avec l'espoir, oui, terrible,
00:23:58que leur enfant,
00:24:00leur proche, leur soeur, soient otages.
00:24:02Parce qu'être otage, c'était
00:24:04la possibilité d'être encore en vie.
00:24:06Et tous me l'ont dit,
00:24:08on espérait, s'il était otage,
00:24:10si elle était otage, que la double nationalité
00:24:12serait une possibilité
00:24:14de poser sur les négociations.
00:24:16Et voilà,
00:24:18l'attente a été terrible,
00:24:20mais l'attente était aussi celle
00:24:22d'un espoir de retrouver son proche.
00:24:24Ça s'est révélé pour certains,
00:24:26notamment pour les enfants
00:24:28de Hadass,
00:24:3012 ans et 16 ans,
00:24:32qui ont pu revenir, mais leur père, par exemple,
00:24:34offère Calderon
00:24:36et serait en vie.
00:24:38On n'a pas de preuves pour le moment.
00:24:40Mais lui est toujours, en tout cas,
00:24:42retenu
00:24:44à Gaza.
00:24:46Tout à fait.
00:24:48Donc ça, c'est en fait
00:24:50toute la première partie de ton livre
00:24:52qui est bouleversante.
00:24:54C'est justement, comme vous l'avez compris,
00:24:56Rachel, avec beaucoup de sensibilité
00:24:58et de finesse, retrace ses parcours de vie,
00:25:00ses parcours d'Alia
00:25:02vers Israël, à un moment donné,
00:25:04de ce lien avec la France,
00:25:06qui est plus ou moins fort, mais qui reste réel
00:25:08avec la culture française.
00:25:10Et comment ils ont été assassinés
00:25:12ou comment ils ont été enlevés.
00:25:14Donc ça, c'est la première partie
00:25:16que tu as appelée, d'ailleurs,
00:25:18Nos victimes, leur histoire.
00:25:20Il y a une deuxième partie
00:25:22où tu parles des effets
00:25:24du 7 octobre en France.
00:25:26Et là, tu distingues deux choses
00:25:28qui étaient intéressantes.
00:25:30C'est à la fois un très grand silence
00:25:34dans plein de milieux.
00:25:36J'aimerais que tu l'abordes.
00:25:38Ce qui est moins connu, aussi,
00:25:40c'est quand même une prise de conscience
00:25:42des pouvoirs publics et diplomatiques français,
00:25:44assez fort, de cette spécificité
00:25:46et de l'intervention réelle
00:25:48de la France,
00:25:50à la fois pour rendre hommage aux victimes
00:25:52et agir pour la libération des otages.
00:25:54Et donc, il y a une sorte de dichotomie
00:25:56entre un grand silence
00:25:58médiatique, culturel, sportif,
00:26:00universitaire, etc.
00:26:02Et beaucoup de gens le savent très bien.
00:26:04Et une prise de conscience
00:26:06et une intervention des pouvoirs politiques
00:26:08quand même significative et auquel,
00:26:10malgré
00:26:12les retours
00:26:14de notre président sur certains sujets,
00:26:16il faut quand même lui rendre hommage sur ce point-là.
00:26:18Donc, j'aimerais que tu parles d'abord
00:26:20du silence
00:26:22rencontré, que tu as observé, que tu décris
00:26:24et que tu décryptes
00:26:26dans ton texte sur différents milieux.
00:26:28Oui, alors, je vais dire
00:26:30au mieux un silence, d'ailleurs.
00:26:32Parce que quand ce n'était pas un silence,
00:26:34certaines prises de position
00:26:36étaient au mieux critiquables,
00:26:38voire même ont entraîné des poursuites
00:26:40judiciaires. On a encore
00:26:42des députés qui sont sous le coup
00:26:44de poursuite pour des propos
00:26:46jugés antisémites.
00:26:48En tout cas, on les accuse d'antisémitisme.
00:26:50Et aussi, il y a quelque chose
00:26:52qui s'est passé, qui est très intéressant.
00:26:54C'est que, moi,
00:26:56je connais bien les thèmes de négationnisme.
00:26:58Le négationnisme sur la Shoah
00:27:00a mis quelques années à apparaître.
00:27:02Là, le négationnisme
00:27:04sur la réalité des crimes
00:27:06du 7 octobre a été quasi immédiat.
00:27:08Malgré le fait, en plus,
00:27:10que, pendant la Shoah,
00:27:12les nazis ont tout fait pour cacher leurs crimes.
00:27:14Là, le main, ça a tout fait au contraire
00:27:16pour instrumentaliser,
00:27:18médiatiser leurs crimes.
00:27:20Donc, on a la négation, en direct,
00:27:22d'un crime médiatisé.
00:27:24Comment tu expliques ça, en plus, toi
00:27:26qui connais bien le monde à la fois
00:27:28journaliste de la presse écrite que audiovisuel ?
00:27:30En effet, on ne pouvait pas dire qu'on ne savait pas.
00:27:32C'était peut-être possible
00:27:34à d'autres époques de l'histoire,
00:27:36mais pas cette fois-ci.
00:27:38Tout a été fait, comme tu le dis bien,
00:27:40pour le rendre public
00:27:42et les victimes étaient trophées.
00:27:44Et le « on vous croit »,
00:27:46le fameux « on vous croit »
00:27:48que l'on entend dans beaucoup de milieux
00:27:50féministes ou néo-féministes,
00:27:52selon l'expression, ne s'est pas appliqué
00:27:54aux victimes juives.
00:27:56Que ce soit les femmes, par exemple,
00:27:58les premières images qui nous sont revenues,
00:28:00souvenez-vous, c'était des images
00:28:02de femmes à l'arrière
00:28:04de pick-up qui étaient ensanglantées
00:28:06au niveau du bassin.
00:28:08On devinait ce qui leur
00:28:10était arrivé, mais
00:28:12en effet, on a vu aussi bien
00:28:14dans le milieu politique que même
00:28:16au journalistique, il faut le dire,
00:28:18je réussis sur mon milieu,
00:28:20des prises de position
00:28:22soit niant la véracité,
00:28:24soit même la justifiant,
00:28:26en expliquant que, par exemple, ces femmes
00:28:28étaient des soldats de Tsahal.
00:28:30Non seulement, ils trouvent qu'elles ne l'étaient pas,
00:28:32et même si elles l'avaient été,
00:28:34normalement, on est censé partager une espèce d'humanité commune
00:28:36qui fait que ces actes-là
00:28:38sont en dehors
00:28:40de toute forme d'humanité.
00:28:42Donc le « on vous croit » ne s'est pas adressé ni aux femmes,
00:28:44ni même aux hommes, puisque là, je parle
00:28:46des femmes victimes, mais il y a eu aussi des hommes,
00:28:48il faut le dire, j'insiste vraiment là-dessus,
00:28:50des hommes victimes, on le sait,
00:28:52de ces vies sexuelles.
00:28:54Cette invisibilisation
00:28:56que je décris,
00:28:58elle n'est pas là pour
00:29:00tenter d'expliquer que finalement
00:29:02ce conflit aurait dû être
00:29:04importé et que nous sommes tous des Israéliens
00:29:06de substitution ou des Palestiniens de substitution.
00:29:08Certainement pas.
00:29:10L'angle du livre est très clair,
00:29:12je parle là des victimes
00:29:14françaises.
00:29:16Mais, encore une fois,
00:29:18ce qu'on a vu au lendemain
00:29:20de certains actes, de certains attentats,
00:29:22que ce soit à Londres,
00:29:24à Madrid, à Nice,
00:29:26ou à New York, cette espèce d'élan,
00:29:28un moment de solidarité, de compassion,
00:29:30on ne l'a pas retrouvé, on n'a pas voulu, encore une fois,
00:29:32interrompre ce temps politique
00:29:34pour un moment d'empathie.
00:29:36Ça n'a pas eu lieu, oui, ça a eu lieu
00:29:38vraiment de manière très brève.
00:29:40Pourquoi ? Parce que je pense que dans certains milieux,
00:29:42j'en parle,
00:29:44politiques, culturels,
00:29:46milieu du sport, on pourra y revenir éventuellement,
00:29:48il y a une espèce de récit
00:29:50qui prévaut, selon lequel
00:29:52l'israélien,
00:29:54pour ne pas dire le juif, et là, on renoue
00:29:56avec un antisémitisme qui trouve ses origines
00:29:58au moins au XIXe siècle,
00:30:00finalement, il ne peut être qu'oppresseur.
00:30:02Il est le symptôme
00:30:04d'un Occident malade,
00:30:06voire même, en fait, de ce qu'on déteste
00:30:08dans le monde occidental,
00:30:10conquérant, qui serait génocidaire,
00:30:12et, en ce sens, il ne peut pas
00:30:14être victime, ou même s'il l'est, quelque part,
00:30:16ce n'est que la répercussion et la conséquence de ses actes.
00:30:18Et
00:30:20la figure du palestinien,
00:30:22pour ne pas dire même de l'arabe
00:30:24dans certains milieux,
00:30:26c'est celle, forcément, que de la victime.
00:30:28Alors, je passe sur la vision quand même
00:30:30assez paternaliste,
00:30:32parce que l'idée, finalement, qu'un arabe
00:30:34ou un palestinien ne pourrait pas se défendre
00:30:36par lui-même et ne serait, par essence,
00:30:38que victime, elle est questionnable,
00:30:40tout au moins, mais c'est,
00:30:42je pense, ça, l'origine même
00:30:44qui nous a empêchés
00:30:46de réfléchir réellement
00:30:48à ce qu'il se passait et à l'appréhender
00:30:50de manière sereine.
00:30:52Très vite, en fait, un antisémitisme,
00:30:54notamment de gauche
00:30:56et pas à gauche,
00:30:58a renoué avec une partie sombre,
00:31:00avec une passion triste,
00:31:02que l'on pensait appartenir aux marges,
00:31:04que l'on pensait régler. Quelque part,
00:31:06c'était le cas, c'était marginal,
00:31:08c'était à l'extrême droite, mais ça n'existait plus,
00:31:10ou pas, à gauche.
00:31:12Et là, on l'a vu, en effet,
00:31:14renouer. Et c'est ça que j'ai voulu
00:31:16questionner.
00:31:18Et c'était un petit peu savoir, voilà, en quoi
00:31:20le 7 octobre est aussi un événement français.
00:31:22Qu'est-ce qu'il nous dit de notre époque ?
00:31:24Qu'est-ce qu'il nous dit de notre pays ?
00:31:26Pourquoi, au lieu d'avoir un moment de compassion,
00:31:28on a vu les actes, je ne vais pas, en plus, vous connaissez les chiffres,
00:31:30mais pourquoi on a vu les actes antisémites
00:31:32augmenter de 1000% entre le dernier trimestre
00:31:342022 et le dernier trimestre
00:31:362023 ? Pourquoi on en est
00:31:38arrivés jusqu'à cet été ?
00:31:40Cette jeune fille,
00:31:42cet enfant de 12 ans à courbe voie,
00:31:44qui se fait, il se trouve que je me suis entretenue
00:31:46avec les familles,
00:31:48avec les avocats,
00:31:50qui se fait violer parce que juive.
00:31:52Et donc, si tu es juive,
00:31:54tu es
00:31:56ostionniste, et tu es contre les palestiniens, je cite.
00:31:58On lui demandera à la fin de se convertir.
00:32:00Je passerai sur les détails
00:32:02de ce viol qui sont terribles,
00:32:04vraiment. La famille est d'une
00:32:06grande résilience. Ils sont encore en France.
00:32:08La jeune fille,
00:32:10ils ont déménagé, après, ils ont changé d'établissement.
00:32:12Elle est encore dans un établissement scolaire.
00:32:14Elle tenait à y être.
00:32:16Ça montre encore que le lien à la France
00:32:18n'est vraiment pas totalement
00:32:20rompu. Et je vais
00:32:22ajouter une petite chose qui n'est pas dans le livre,
00:32:24parce que ça m'est arrivé hier.
00:32:26J'ai été, il se trouve, hier
00:32:28au procès de ce militant
00:32:30dont vous avez certainement entendu
00:32:32parler, qui a appelé Alinti Fada
00:32:34en septembre dernier
00:32:36à Paris,
00:32:38aux côtés notamment de député
00:32:40de la France Insoumise. Merci à Soudé.
00:32:42Il s'est même allé le voir lorsqu'il était en garde à vue
00:32:44pour lui apporter son soutien.
00:32:46Je passe sur les propos.
00:32:48Au moment des questions, s'il voulait y revenir,
00:32:50il n'y a pas de problème. Mais là,
00:32:52il n'est pas l'objet de mon intervention.
00:32:54Il y a eu un temps,
00:32:56on était dans l'enceinte du tribunal
00:32:58qui était,
00:33:00si vous voulez, on va dire que 90% des spectateurs
00:33:02étaient des militants dits pro-palestiniens
00:33:04ou pro-Hamas, parce que je crois que
00:33:06l'expression pro-palestinienne, parfois,
00:33:08est utilisée de manière un peu arbitraire.
00:33:10Oui, arbitraire. Sur pro-Hamas.
00:33:12Et là,
00:33:14je n'ai pas sondé tout le monde,
00:33:16mais vous aviez les keffiers,
00:33:18l'équipe en forme de pastèque, puisque le pastèque,
00:33:20bien sûr, vous le savez, il est signe de la résistance
00:33:22palestinienne. Les boucles dorées en pastèque,
00:33:24on avait tout le costume, toute la tiraille.
00:33:26Et au moment,
00:33:28à la fin, où l'une des avocates,
00:33:30Muretni, a fait sa plaidoirie,
00:33:32avocate de la partie civile,
00:33:34en expliquant qu'elle faisait
00:33:36face à un nombre absolument
00:33:38incalculable de faits
00:33:40antisémites, dont un enfant
00:33:42à qui on a mis à l'école la tête dans les toilettes
00:33:44en criant « salle juive ».
00:33:46À ce moment-là, et d'expliquer les retentissements
00:33:48du 7 octobre en France, une partie
00:33:50de la salle a décidé de se mettre
00:33:52à tousser extrêmement fort pour
00:33:54recouvrir son récit.
00:33:56C'est-à-dire qu'il était hors de question de raconter
00:33:58qu'il y avait des faits d'antisémitisme
00:34:00en France.
00:34:02Elle a dit « ne vous inquiétez pas,
00:34:04Madame la Présidente, j'ai l'habitude ». Alors la Présidente
00:34:06a trouvé que c'était une habitude qu'on n'allait certainement pas prendre
00:34:08dans sa salle, et elle a intervenu
00:34:10en expliquant aux gens que
00:34:12soit ils étaient malades et dans ce cas-là, il fallait quitter
00:34:14la salle, soit si les propos
00:34:16étaient trop durs, c'était la même chose, il fallait aussi quitter.
00:34:18Ces gens se sont
00:34:20« repris », mais
00:34:22je passe sur l'éric Allemand, on les sourit quand on évoquait
00:34:24les actes antisémites.
00:34:26Tout ça pour vous dire que
00:34:28on ne peut pas faire comme si
00:34:30le 7 octobre n'était pas aussi un événement
00:34:32français. Bien sûr, il n'est pas
00:34:34un événement comparable à ce qui est arrivé
00:34:36en Israël. Bien sûr, encore une fois, on n'est pas
00:34:38des Israéliens, on n'est pas des citoyens de substitution.
00:34:40Mais il faut comprendre que les mots
00:34:42qui ont été prononcés, les définitions
00:34:44qui ont été données parfois, ont des conséquences
00:34:46et se matérialisent, ont des conséquences
00:34:48matérielles et se transforment
00:34:50ensuite en actes.
00:34:52Je veux en revenir sur
00:34:54le seul aspect un peu positif de ton
00:34:56travail.
00:34:58Comme vous le voyez, Rachel
00:35:00brosse un portrait lucide,
00:35:02un portrait noir de ce qui s'est
00:35:04passé en Israël et de ce qui se passe en France.
00:35:06Mais c'est vrai que j'étais
00:35:08mauvaise élève, il faut le dire,
00:35:10d'une phrase ou deux. En effet,
00:35:12la question que tu m'as posée et que j'ai éludée...
00:35:14Oui, c'est le non-attaché chapitre,
00:35:16le chapitre 3 de ta deuxième partie,
00:35:18« L'effort du gouvernement français ».
00:35:20Alors ça, j'en étais un petit peu témoin
00:35:22quand j'étais en Israël, justement,
00:35:24le 23 octobre 2023,
00:35:26l'ambassade de France et le consulat
00:35:28de France se sont mobilisés tout de suite.
00:35:30Et chose qu'on ne sait pas trop,
00:35:32c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup
00:35:34de français d'Israël, de franco-israéliens
00:35:36qui ont demandé de rentrer en France.
00:35:38Il y a eu des avions affrétés, parce qu'il n'y avait plus de vols
00:35:40à ce moment-là, il y a eu des avions affrétés spécialement
00:35:42pour le gouvernement français, ils ont ramené gratuitement
00:35:443000 français ou franco-israéliens en France.
00:35:46C'est un des rares
00:35:48pays occidentaux à l'avoir fait.
00:35:50Et puis,
00:35:52il y a d'autres aspects que je te laisse développer,
00:35:54que tu as développés dans ton livre.
00:35:56Oui, tu l'as parfaitement résumé.
00:35:58En effet,
00:36:00la France, à un moment, n'a pas réussi à protéger
00:36:02ses enfants. On peut parler
00:36:04de Céline Ben David,
00:36:06on peut parler de Ginette.
00:36:08Mais la France, à partir du 7 octobre,
00:36:10les a reconnues comme telles.
00:36:12Et ça, il faut le dire. En effet,
00:36:14il y a eu une mobilisation extrêmement forte.
00:36:16Toutes les familles que j'ai rencontrées me l'ont dit.
00:36:18On recevait des appels quasiment
00:36:20tous les jours du consulat
00:36:22ou de l'ambassade. On n'a pas eu
00:36:24un appel du gouvernement israélien.
00:36:26La France a été, à ce jour,
00:36:28je crois, toujours le seul pays à avoir rendu en hommage.
00:36:30Certains ont trouvé que l'hommage est arrivé
00:36:32un peu tardivement, en fait, pour entrer dans des
00:36:34détails un peu
00:36:36macabres. Il s'agissait aussi
00:36:38d'identifier, de savoir exactement
00:36:40quelles étaient toutes les victimes,
00:36:42savoir un petit peu où en étaient les otages, etc.
00:36:44À ce jour, on le sait, il y a 48
00:36:46victimes françaises.
00:36:48Certaines, en fait,
00:36:50ont eu, en effet, la nationalité à Posteriori.
00:36:52Vous ne l'avez pas demandé à ce moment-là,
00:36:54donc on a régularisé tout ça.
00:36:56Et deux otages. Et il faut dire que, oui,
00:36:58le gouvernement, par le biais
00:37:00du Quai d'Orsay, également
00:37:02le chef d'État.
00:37:04Il y a eu des rencontres qui n'ont pas été médiatisées, secrètes,
00:37:06mais avec les familles. Et puis, cette nationalité
00:37:08qu'on a donnée à Posteriori
00:37:10a reconnu
00:37:12ces Français comme étant les siens
00:37:14et a apporté un soutien à la fois
00:37:16matériel et également
00:37:18émotionnel,
00:37:20affectif, symphonique.
00:37:22Le fonds de garantie
00:37:24des victimes du terrorisme,
00:37:26qui est un fonds qui n'est pas extrêmement connu,
00:37:28il faut le savoir. C'est un fonds dont peuvent bénéficier
00:37:30toutes victimes françaises
00:37:32d'un acte terroriste,
00:37:34où qu'elles soient dans le monde.
00:37:36À ma connaissance, c'est le seul
00:37:38pays, la France, à le proposer.
00:37:40Et ces fonds-là,
00:37:42cet argent-là,
00:37:44peut servir aussi à ces familles
00:37:46qui évoluent dans un milieu, en réalité,
00:37:48assez anglo-saxon.
00:37:50On est loin des racines d'Israël
00:37:52et de son socialisme.
00:37:54C'est un État qui n'est pas totalement
00:37:56providence, c'est le moins qu'on puisse dire.
00:37:58C'est un argent qui est important.
00:38:00C'est pas de l'argent, pour battre
00:38:02en brèche certains mythes, c'est l'argent
00:38:04d'assurance.
00:38:08C'est l'argent des compagnies d'assurance.
00:38:10Et c'est un fonds dont peuvent
00:38:12bénéficier, encore une fois, tous les Français.
00:38:14Et en cela, en effet, il y a une espèce
00:38:16de dichotomie
00:38:18entre l'action
00:38:20à ce moment-là d'un État
00:38:22et d'un président, qui se voulait certainement sauveur,
00:38:24qui a en tout cas ce costume-là,
00:38:26mais tant mieux pour ces victimes-là,
00:38:28et puis d'une société, d'une partie de la société,
00:38:30qui n'est certainement pas la majorité,
00:38:32mais qui est une espèce de minorité agissante,
00:38:34qui, elle, en effet,
00:38:36s'est montrée beaucoup plus réticente
00:38:38à accepter que cette histoire-là
00:38:40soit aussi une histoire française.
00:38:42Tout à fait. Et pour parler de la cérémonie
00:38:44du 7 février dans la cour des Invalides,
00:38:46qui m'a rendu hommage à l'époque à 42
00:38:48victimes françaises,
00:38:50ce qui était très fort,
00:38:52j'ai parlé à quelques Israéliens
00:38:54des victimes, franco-israéliens,
00:38:56c'est que les gardes républicains
00:38:58qui se sont arrivés portaient chacun le portrait
00:39:00d'un franco-israélien assassiné.
00:39:04Et à ce moment-là, j'étais à côté de Camille,
00:39:06justement, j'étais assis à côté d'eux, ils pleuraient.
00:39:08Ils pleuraient de voir,
00:39:10dans la cour d'honneur des Invalides,
00:39:12avec le président de la République,
00:39:14tous les corps constitués,
00:39:16voir marcher,
00:39:18pas lent,
00:39:20avec le rythme de la garde républicaine,
00:39:22en rendant hommage
00:39:24à chacun des visages,
00:39:26chacun portait vraiment une grande photo,
00:39:28dans un beau cadre,
00:39:30et c'était un superbe hommage.
00:39:32C'est un hommage qui n'a été rendu dans aucun pays au monde,
00:39:34et qui n'a pas été rendu en Israël.
00:39:36C'est un hommage collectif,
00:39:38mais individuel, puisque vous voyez le visage de chacun.
00:39:40Et ça, c'est très fort.
00:39:42Et ce qui est frappant, là aussi,
00:39:44c'est qu'on peut dire que la France,
00:39:46à travers ses autorités,
00:39:48a fait son bruit.
00:39:50Mais ce qui est bizarre,
00:39:52c'est que certaines parties de la société
00:39:54ne l'ont pas fait.
00:39:56Mais ce qui est intéressant aussi,
00:39:58c'est que dans beaucoup d'entrées d'opinion,
00:40:00le CRIF en fait très régulièrement,
00:40:02avec l'IPSOS,
00:40:04la majorité des Français à Israël
00:40:06dans son combat contre la masse
00:40:08reste majoritaire.
00:40:10Il y avait une première enquête qui a été faite par le CRIF
00:40:12en novembre
00:40:141923,
00:40:16où la question a été posée
00:40:18« Est-ce que vous soutenez Israël dans son bout de guerre de détruire la masse ? »
00:40:20Une question très explicite.
00:40:22C'était 63%.
00:40:24La même question a été posée en juillet dernier,
00:40:26après des mois de guerre,
00:40:28des combats très durs,
00:40:30beaucoup de morts civiles,
00:40:32il y a eu beaucoup de morts,
00:40:34aussi de combattants du Havre à Gaza.
00:40:36Le soutien des Français
00:40:38était toujours de 57%.
00:40:40Ce qui est intéressant,
00:40:42c'est qu'il y a ces différentes dichotomies,
00:40:44c'est toujours important, et ça tu le fais très bien,
00:40:46parce que souvent tu fais la part des choses entre
00:40:48ce qui va pas,
00:40:50c'est le monde universitaire,
00:40:52ce qui va pas c'est le monde journalistique,
00:40:54dans sa grande majorité,
00:40:56ce qui va pas c'est le milieu sportif,
00:40:58le milieu culturel,
00:41:00il y a un certain nombre de milieux spécifiques,
00:41:04où c'est compliqué,
00:41:06mais globalement,
00:41:08la société française tient.
00:41:10Pourquoi à ton avis elle tient ?
00:41:12Justement dans sa solidarité avec les Israéliens
00:41:14face au terrorisme islamiste.
00:41:16Déjà parce que je crois que
00:41:18les Français sont intelligents.
00:41:20Vraiment, sincèrement.
00:41:22On est un peuple intelligent,
00:41:24il faut le dire.
00:41:26Lucide, exactement.
00:41:28Il y a un bon sens.
00:41:30Il y a un bon sens français.
00:41:32Et je pense que le mot
00:41:34d'universalisme,
00:41:36ça veut dire quelque chose
00:41:38vraiment pour les Français.
00:41:40On a tous une histoire, en réalité,
00:41:42soit avec
00:41:44le monde juif,
00:41:46avec
00:41:48la notion de guerre,
00:41:50elle nous est pas inconnue tout ça.
00:41:52Alors certes, on l'a peut-être quitté,
00:41:54mais le monde de la guerre
00:41:56nous est pas inconnu.
00:41:58On a forcément un grand-parent,
00:42:00ça fait partie de notre imaginaire.
00:42:02Et on sait ce que c'est que de se battre.
00:42:04Je pense.
00:42:06Les Français, on n'a pas peur d'avoir des ennemis.
00:42:08Alors peut-être qu'il y a
00:42:10certains milieux assez privilégiés
00:42:12qui opèrent
00:42:14une espèce de décalage entre
00:42:16ce qu'ils vivent et ce que l'on est.
00:42:18Mais je pense qu'il y a réellement une intelligence
00:42:20française là-dedans.
00:42:22Et que cet universalisme-là,
00:42:24les Français y sont attachés.
00:42:26Et ils ne veulent pas que quelque chose
00:42:28d'extérieur puisse être brisé.
00:42:30Leur valeur, c'est un mot qui peut sonner creux,
00:42:32ça dépend ce qu'on met à l'intérieur,
00:42:34mais ça correspond, je crois,
00:42:36à des choses dans lesquelles vraiment les Français
00:42:38se retrouvent. Et en effet,
00:42:40ces enquêtes sont plutôt optimistes.
00:42:42Elles viennent aussi, il ne faut pas oublier
00:42:44non plus, je pense par exemple,
00:42:46à la radiographie de l'antisémitisme
00:42:48de l'organisation AJC,
00:42:50qui est particulièrement impressionnante.
00:42:52C'est un travailleur énorme qui a battu...
00:42:54C'est encore élevé par mes collègues de Sciences Po,
00:42:56Dominique Reynier, de Fondapod,
00:42:58c'est une science politique qui vient de sortir.
00:43:00L'IFOP, si je ne me trompe pas.
00:43:02C'est l'IFOP qui fait les sondages,
00:43:04mais c'est Fondapod qui fait les analyses.
00:43:06Et c'est une organisation
00:43:08qui produit un travail,
00:43:10qui est un outil absolument essentiel
00:43:12pour pouvoir lire ce qu'il se passe.
00:43:14Et on voit bien qu'il y a des fractures quand même.
00:43:16Alors certes, on peut parler du milieu
00:43:18culturel, du milieu sportif,
00:43:20du milieu politique, mais il y a aussi une fracture générationnelle
00:43:22qui est assez forte. Et ça, je ne t'apprends
00:43:24rien là-dessus.
00:43:26Mais toujours est-il que
00:43:28il y a pas mal de choses
00:43:30qui sont là pour nous forcer
00:43:32à l'optimisme.
00:43:34Et pour reprendre la formule de tout à l'heure,
00:43:36on n'est pas obligé de rentrer dans l'espérance forcément.
00:43:38On peut juste faire preuve d'espoir
00:43:40et se dire que
00:43:42tout ça n'est qu'un cycle et que
00:43:44quelque chose de plus grand
00:43:46va permettre de freiner ces espèces de pulsions,
00:43:48de passions tristes qui sont
00:43:50aujourd'hui en jeu.
00:43:52Tout à fait. Et c'est une très belle manière de conclure.
00:43:54On va s'arrêter là et surtout
00:43:56vous laisser poser les questions.
00:43:58C'est une très belle
00:44:00manière de conclure. C'est une manière d'espérer.
00:44:02Il faut toujours espérer. Et je pense
00:44:04qu'effectivement, je partage ce que tu dis
00:44:06sur l'universalisme et l'humanisme.
00:44:08Et puis il y a aussi le fait que les Français,
00:44:10eux aussi, ont été victimes du terrorisme islamique.
00:44:12Nous avons été victimes du terrorisme islamique.
00:44:14Ça n'a pas commencé comme
00:44:16certains le pensent en 2015 avec
00:44:18Charles Hebdo et Hubert Tachère.
00:44:20Ça a commencé dans les années 80.
00:44:22Et justement, le fonds de garantie des victimes
00:44:24a été créé
00:44:26suite à l'attentat de 85
00:44:28devant, ou pas d'ici,
00:44:30rue Dren,
00:44:32devant le magasin Pati à l'époque,
00:44:34pas loin de la Pnac,
00:44:36qui était une bombe posée par l'Hezbollah.
00:44:38Et donc, je pense que
00:44:40beaucoup de Français le savaient,
00:44:42le sont rappelés, se rappelaient aussi que
00:44:44l'Hezbollah avait tué 58 parachutistes français
00:44:46en 1954
00:44:48du 1er régiment de chasseurs-parachutistes
00:44:50et 4 du 9e régiment de chasseurs-parachutistes
00:44:52le 23 octobre 1983.
00:44:54Et que ce
00:44:56même responsable du Hezbollah
00:44:58qui avait fait assassiner les Français à Paris
00:45:00comme à Beyrouth s'appelait Nasrallah.
00:45:02Et que quand Nasrallah était éliminé,
00:45:04contrairement, là,
00:45:06aux chefs de l'État et à la diplomatie
00:45:08française, les Français se sont réjouis
00:45:10de cette élimination de quelqu'un
00:45:12qui avait
00:45:14porté atteinte à la vie
00:45:16de Français et
00:45:18à l'image de la France.
00:45:20Moi, j'ai eu la chance de servir
00:45:22comme officier parachutiste à cette époque-là, en plus,
00:45:24mais je n'ai pas été pardonné.
00:45:26J'ai reçu beaucoup de messages d'anciens copains
00:45:28officiers parachutistes qui m'ont écrit
00:45:30« Remercie tes copains israéliens
00:45:32d'avoir fait notre boulot. »
00:45:34Et donc, c'est quelque chose
00:45:36qui reste, et je pense
00:45:38qu'à cette haussature et cette force
00:45:40de la société française. Et tu le racontes très bien.
00:45:42Et juste une dernière
00:45:44toute petite question.
00:45:46C'est le dernier chapitre, un chapitre que j'aime beaucoup,
00:45:48parce que
00:45:50tu as tout à fait raison.
00:45:52L'oubli de l'Histoire et ses conséquences.
00:45:54Pourquoi trouves-tu
00:45:56qu'en oubliant l'Histoire
00:45:58ou, je dirais même plus loin,
00:46:00en ignorant l'Histoire,
00:46:02c'est un risque pour la société française
00:46:04et un risque pour la jeunesse française ?
00:46:06Alors,
00:46:10je crois qu'Ilas,
00:46:12on a la parfaite illustration,
00:46:14notamment Ilas à Sciences Po,
00:46:16si je peux me permettre.
00:46:18François également,
00:46:20enseignant, pour ceux qui sont arrivés plus tard.
00:46:22Je donne un cours
00:46:24qui s'appelle, je le donne plein de fois,
00:46:26mais il y a un cours qui s'appelle
00:46:28« Les Juifs en France, une présence oubliée, 2 000 ans d'Histoire ».
00:46:30On le raconte, 2 000 ans
00:46:32d'Histoire juive en France.
00:46:34Bon, j'ai 20 élèves sur 15 000.
00:46:36Donc, il faudrait que j'aie les 14 980.
00:46:38L'autre aussi.
00:46:42Contrairement à ce que
00:46:44certains, peut-être influencés aussi
00:46:46par une espèce de multiculturalisme
00:46:48anglo-saxon présente,
00:46:50je pense déjà que,
00:46:52déjà, la notion de l'expression
00:46:54de « juif français »
00:46:56m'a toujours un peu dérangé.
00:46:58Mais ça, c'est peut-être parce que j'ai trop écouté Dominique Schnapper.
00:47:00Il faut parler
00:47:02de « français juif ».
00:47:04« Juif » étant une qualification,
00:47:06mais ce n'est pas une nationalité.
00:47:08C'est important de le redire,
00:47:10parce qu'on a vu, notamment,
00:47:12à la Suisse...
00:47:14C'est vrai.
00:47:16Nous sommes en France.
00:47:18C'était une blague à Kissinger.
00:47:22Mais il y a vraiment une histoire,
00:47:24et en ce sens,
00:47:26les juifs
00:47:28ne sont pas une minorité
00:47:30en France, parmi d'autres,
00:47:32qui aurait un lien
00:47:36assez discutable avec la France.
00:47:38Je ne vais pas remonter ici
00:47:40à Rachy et à son apport
00:47:44au Moyen-Âge avec la France.
00:47:46D'ailleurs, la France s'est nourrie de Rachy
00:47:48et Rachy s'est nourrie de la France.
00:47:50Jusqu'à ce qu'aujourd'hui, on le retrouve,
00:47:52les linguistes,
00:47:54leurs études, aujourd'hui, sont faites,
00:47:56notamment, sur des textes de Rachy,
00:47:58que l'on veut lire en ancien français.
00:48:00Rachy a vécu
00:48:02de 1040 à 1105.
00:48:04À Troyes.
00:48:06C'est le plus grand traductrice au monde,
00:48:08mais c'est aussi
00:48:10un vigneuron français, je crois.
00:48:12Ce que vous pouvez voir, éventuellement,
00:48:14les fameuses colonnes de commentaires
00:48:16autour des textes
00:48:18religieux, c'est lui.
00:48:22En ce sens,
00:48:24je crois que l'histoire, là,
00:48:26il faut se rendre compte,
00:48:28garder ça à l'esprit,
00:48:30c'est ne pas oublier que
00:48:32on parle dans le français juif
00:48:34et non pas dans le juif français,
00:48:36et que
00:48:38l'origine culturelle ou religieuse
00:48:40ne doit pas prendre le pas, forcément,
00:48:42sur la nationalité. Or, c'est ce qui a été fait
00:48:44dans certains milieux, on l'a dit, à partir
00:48:46du 7 octobre.
00:48:48On a décrété, finalement, qu'il y avait quelque chose
00:48:50plus fort que le passeport.
00:48:52C'était l'origine religieuse et culturelle
00:48:54pour ne pas dire ethnique.
00:48:56Et il y a autre chose
00:48:58que je voulais vous dire et qui me semblait
00:49:00important et que j'ai oublié
00:49:02sur l'histoire...
00:49:04Il y a l'histoire
00:49:06d'Israël, aussi. Apparemment, l'histoire
00:49:08d'Israël est méconnue, même jusqu'au plus haut sommet de l'État.
00:49:10C'est ça.
00:49:12C'est le fameux
00:49:14en même temps, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas demander
00:49:16à la fois un soutien aux victimes.
00:49:18Je pense que c'est vraiment l'ignorance.
00:49:20C'est l'ignorance, peut-être.
00:49:22C'est pas que le roi David
00:49:24a dirigé un État
00:49:26il y a
00:49:283 200 ans.
00:49:303 000 ans.
00:49:32Il me semble que la déclaration
00:49:34Balfour, 1917,
00:49:36au lycée, on en parle.
00:49:38Oui, la déclaration de Napoléon
00:49:40à Saint-Jean d'Acre,
00:49:42appelant tous les juifs du monde
00:49:44à le rejoindre pour libérer la Palestine et la rendre
00:49:46à son peuple souverain.
00:49:48C'est en ça que...
00:49:50La question, c'est pas d'ailleurs
00:49:52simplement l'histoire, parce que pour tout vous dire,
00:49:54je m'en suis rendue compte,
00:49:56même dans mon milieu,
00:49:58il y a un moment, les faits et l'histoire ne peuvent
00:50:00pas grand-chose aux gens qui ne veulent pas
00:50:02entendre.
00:50:04Et là, vous pouvez pas rivaliser face
00:50:06à la mauvaise foi. Vous pouvez donner tous les
00:50:08cours d'histoire que vous voulez, à partir du
00:50:10moment où,
00:50:12je vais fermer la boucle,
00:50:14où l'on voit ces images
00:50:16terribles de femmes, j'insiste
00:50:18dessus, qui ont été
00:50:20violées,
00:50:22qui ont été torturées.
00:50:24Et que vous expliquez, comme ça a été fait
00:50:26encore un an après,
00:50:28que tout ça est du pinkwashing,
00:50:30c'est-à-dire la volonté
00:50:32d'Israël de mettre en avant
00:50:34des crimes supposés
00:50:36pour laver son image.
00:50:38Là, je pense que
00:50:40on sort de l'humanité et que toute discussion
00:50:42devient stérile.
00:50:44Tout à fait. Rochelle,
00:50:46merci beaucoup. Bravo.
00:50:54Nous attendons vos questions.
00:51:06Est-ce qu'on propose un micro ?
00:51:12Tu évoquais longuement dans ton livre
00:51:14l'absence de prise de position
00:51:16du monde culturel
00:51:18des sportifs.
00:51:20Quand, dans le même temps,
00:51:22on a eu des prises de position
00:51:24pro-palestinienne, même pro-hamas,
00:51:26je pense à un sportif qui, d'ailleurs,
00:51:28a payé cher, puisqu'il a été condamné
00:51:30et exclu de son club.
00:51:32Selon toi, s'il n'y a pas eu de prise
00:51:34de position, est-ce que c'est
00:51:36par manque de conviction
00:51:38ou c'est par peur du boycott,
00:51:40ou c'est par méconnaissance
00:51:42de l'antisémitisme, tout simplement ?
00:51:46Merci, Lucas, de ta question.
00:51:48Un peu d'étroit.
00:51:50Pour argumenter, pour te l'expliquer,
00:51:52je vais te donner une illustration
00:51:56que j'aborde dans le livre.
00:51:58Le CRIF
00:52:00avait décidé, bien avant le CET,
00:52:02d'organiser un voyage
00:52:04à Auschwitz
00:52:06avec notamment la chaîne
00:52:08RMC, très engagée,
00:52:10pour venir faire un documentaire
00:52:12sur les sportifs à Auschwitz,
00:52:14puisqu'à Auschwitz, des grands sportifs
00:52:16ont été déportés, ont perdu la vie.
00:52:18C'était organisé avant le 7 octobre.
00:52:20Un avion a été affrété
00:52:22avec, si je ne me trompe pas, une centaine de places,
00:52:24150, si je ne dis pas de bêtises.
00:52:26Eh bien,
00:52:28juste après le 7 octobre,
00:52:30petit à petit, le téléphone de l'un des organisateurs
00:52:32s'est mis à sonner
00:52:34et les annulations sont venues
00:52:36à l'appel. Plus ou moins motivés,
00:52:38mais soit venant des sportifs
00:52:40directement, soit de leurs agents,
00:52:42sur conseil de leurs agents, certains expliquant
00:52:44qu'ils n'avaient pas pour leur image
00:52:46que c'était un engagement
00:52:48trop fort, comme s'il y avait
00:52:50un lien direct
00:52:52entre les crimes d'Auschwitz
00:52:54et la situation
00:52:56au 7 octobre,
00:52:58et post-7 octobre, c'est-à-dire l'intervention
00:53:00militaire, la guerre à Gaza.
00:53:02Il y avait un peu
00:53:04de tout. Il y avait des sportifs pour tout le monde dire
00:53:06Je ne vais pas vous donner forcément les identités,
00:53:08ça ne servirait pas à grand-chose, mais
00:53:10pas seulement du monde du foot,
00:53:12pas seulement des gens, on va se parler franchement,
00:53:14arabo-musulmans, comme on dit.
00:53:16Et ce sont donc des gens
00:53:18qui ont préféré des athlètes,
00:53:20pas de rugbyman,
00:53:22mais athlètes footballeurs,
00:53:24président de fédération,
00:53:26qui ont décidé de faire
00:53:28machine arrière et
00:53:30de ne pas venir, d'annuler
00:53:32leur présence. Ça allait plus loin
00:53:34que même le président
00:53:36ou directeur de l'INSEP,
00:53:38qui devait envoyer certains
00:53:40lycéens, des lycéens
00:53:42de l'INSEP, le centre sportif,
00:53:44a décidé d'annuler,
00:53:46sans motiver d'ailleurs
00:53:48réellement son
00:53:50retour, mais a décidé de ne pas
00:53:52envoyer d'étudiants
00:53:54à Auschwitz.
00:53:56Il se trouve que le voyage quand même a pu
00:53:58avoir lieu, qui s'est extrêmement bien passé,
00:54:00mais tout ça est le symptôme
00:54:02de ce monde-là qui est assez
00:54:04malade. Et dernier exemple,
00:54:06alors je ne donne pas son prénom,
00:54:08mais dans le livre que je vais vous donner,
00:54:10vous avez bien vu le livre,
00:54:12une ancienne
00:54:14ministre des sports,
00:54:16championne olympique,
00:54:18à qui on a été proposé
00:54:20de participer à la cérémonie
00:54:22d'hommage
00:54:24des, on a soufflé le nom,
00:54:26d'hommage
00:54:28aux victimes de
00:54:30Munich, des JO de Munich,
00:54:32a préféré décliner, il s'agit donc
00:54:34de l'horreur flesselle, je vous l'ai contacté
00:54:36pour, mais elle n'a pas souhaité
00:54:38répondre à mes sollicitations, au motif que cela
00:54:40allait heurter, troubler
00:54:42l'unité des jeux
00:54:44paralympiques.
00:54:46Des exemples comme ça,
00:54:48en fait, on en a à la pelle,
00:54:50je vais vous dire, hélas,
00:54:52c'est pas la seule.
00:54:54C'est
00:54:56le symptôme, pour répondre à la question,
00:54:58d'un monde politique,
00:55:00d'un monde sportif, qui est en effet
00:55:02malade, qui à la fois
00:55:04certainement a une méconnaissance totale
00:55:06de l'histoire, manque de courage,
00:55:08et peut-être a des convictions,
00:55:10pour certains,
00:55:12je ne sombre pas les âmes, mais qu'il va
00:55:14passer sous un vernis en effet
00:55:16polémique.
00:55:18Est-ce que je peux apporter
00:55:20un élément ? Bien sûr.
00:55:22Je suis absolument personnellement fanatique du fait que
00:55:24les sportifs se taisent sur tout sujet,
00:55:26celui-là comme les autres, les gars
00:55:28avec leurs faibles compétences pour en parler.
00:55:30Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas
00:55:32quand même un problème qui a trait
00:55:34à l'organisateur de ce type de voyage ?
00:55:36C'est-à-dire que des associations,
00:55:38j'ai aucun doute, il faudra aller acheter
00:55:40le banque de conscience.
00:55:42Ils avaient accepté avant.
00:55:44Je peux vous poser ma question ?
00:55:46Le fait d'adhérer à un voyage
00:55:48organisé par une institution
00:55:50juive française, que beaucoup
00:55:52de gens, sans être très informés,
00:55:54pour absolument soutenant
00:55:56les positions d'un gouvernement
00:55:58qu'ils réprouvent, seraient-ils
00:56:00même pro-israéliens, peut poser des
00:56:02problèmes de participation. Est-ce que ça ne peut pas compter
00:56:04aussi ?
00:56:06Je veux compléter quelque chose, parce que
00:56:08le voyage était co-organisé par le CRIF
00:56:10et le mémorial de la Shoah. Oui, mais il suffit
00:56:12qu'il soit organisé par le CRIF pour que mon raisonnement fonctionne.
00:56:14J'ai pas encore la réponse de Rachel.
00:56:16Ils avaient accepté
00:56:18avant le 7 octobre, et ils ont
00:56:20commencé à annuler à partir du 8 octobre.
00:56:22Vous êtes en train de faire le propre procès de ces gens.
00:56:24Dans la mécanique,
00:56:26ce qui est intéressant,
00:56:28c'est que
00:56:30l'offensive israélienne à Gaza
00:56:32commence le 29 octobre.
00:56:34Les annulations ont commencé à arriver,
00:56:36comme les condamnations d'Israël, d'ailleurs,
00:56:38à la riposte israélienne, qui n'avait pas encore commencé,
00:56:40ont commencé à arriver dès le 8 octobre.
00:56:42Je ne suis aucunement convaincu. Ce que je veux dire,
00:56:44c'est qu'il me semble
00:56:46que le fait de rendre
00:56:48des milieux qui ne sont pas
00:56:50naturellement sensibles,
00:56:52qui sont même généralement hostiles
00:56:54à l'état d'Israël,
00:56:56est peut-être, peut-être, rendu plus
00:56:58difficile lorsque ces initiatives passent
00:57:00par le truchement d'une organisation nationale
00:57:02qui passe pour soumise aux intérêts
00:57:04de tel gouvernement israélien en particulier.
00:57:06C'est ça ma question.
00:57:08Peut-être. Peut-être il se trouve qu'elles ne l'ont pas
00:57:10justifié comme ça, mais ce n'est pas impossible.
00:57:12Ceci dit, même si c'est le cas,
00:57:14partons de cette idée qu'ils ne sont pas à l'aise
00:57:16avec
00:57:18ce mouvement.
00:57:20Enfin, ce n'est pas une association. C'est une association
00:57:22qui regroupe plusieurs associations. C'est une fédération.
00:57:24C'est une fédération d'associations. Avec la fédération.
00:57:26Et qu'en ce sens, ils ne veulent pas être
00:57:28associés parce que ça serait
00:57:30une espèce, si je comprends bien,
00:57:32mais par ricochet, ils seraient associés à Israël.
00:57:36Le thème quand même du voyage,
00:57:38c'était simplement
00:57:40Auschwitz. Et je crois
00:57:42qu'à aucun moment, le criff,
00:57:44puisque c'est du criff dont on parle,
00:57:46ne devait apparaître
00:57:48de manière ostentatoire. Peut-être qu'à la fin,
00:57:50il y a une mention.
00:57:52Mais ça ne tournait
00:57:54qu'autour d'Auschwitz.
00:57:56Et ce qui a été
00:57:58plutôt mis en avant dans ceux qui se sont montrés
00:58:00un peu plus bavards,
00:58:02et notamment les agents,
00:58:04c'est
00:58:06qu'en ce moment, ce n'est pas la bonne période.
00:58:08Pour tout vous dire, ça a été repoussé.
00:58:10Ils l'ont repoussé de quelques mois,
00:58:12mais ça n'a toujours pas été
00:58:14le bon moment.
00:58:16Je pense que
00:58:18criff ou pas criff, il y avait déjà
00:58:20plusieurs organisateurs,
00:58:22et plus que le criff, c'était RMC.
00:58:24Avec tout le respect que j'ai pour Noël Lachaud,
00:58:26c'était RMC qui était vraiment
00:58:28à l'origine, et c'était le documentaire de RMC
00:58:30qui était l'objet même
00:58:32de ce voyage. Et certains
00:58:34ne voulaient pas apparaître à l'image
00:58:36d'Auschwitz.
00:58:40J'interrète juste un petit
00:58:42élément de réponse. Peut-être que la question
00:58:44à se poser n'est pas...
00:58:46Je m'excuse parce qu'en plus je suis arrivé
00:58:48en cours de route. Mais
00:58:50la question à se poser, c'est
00:58:52pourquoi une telle diabolisation
00:58:54du criff, et pourquoi est-ce que ça serait problématique
00:58:56que le criff, qu'il organise...
00:58:58Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas
00:59:00en fait, c'est-à-dire que c'est une question
00:59:02en cascade, on ne peut pas juste dire peut-être que c'est
00:59:04parce que c'est le criff qu'il organise
00:59:06que donc, en fait, c'est pour ça que
00:59:08les gens ne viennent pas à la question.
00:59:10En fait, il faut aller au fond
00:59:12de cette question-là,
00:59:14d'où vient cette diabolisation
00:59:16du criff, et je ne dis pas du tout
00:59:18que le criff est une organisation,
00:59:20une fédération exemplaire,
00:59:22ce n'est pas du tout ce que je dis. Ce que je dis, c'est
00:59:24une image...
00:59:26Ce que je veux dire,
00:59:28c'est que je n'en fais pas une critique,
00:59:30mais la question,
00:59:32en fait, c'est à quel moment, aujourd'hui,
00:59:34le criff a un symbole,
00:59:36est devenu un symbole
00:59:38qui charrie un certain nombre
00:59:40de préjugés et de haines.
00:59:42Pourquoi ? Et en fait,
00:59:44cette question-là,
00:59:46pour moi, elle se pose
00:59:48à ce niveau-là. Donc la question n'est pas
00:59:50est-ce que les gens ont refusé parce que c'est le criff,
00:59:52mais pourquoi est-ce que les gens
00:59:54arrivent à un tel niveau de diabolisation
00:59:56du criff qu'aucune autre
00:59:58organisation communautaire n'a aujourd'hui.
01:00:00Peut-être parce qu'il est difficile
01:00:02de soutenir un point de vue qui est celui
01:00:04que développe Rachel, et auquel je suis personnellement
01:00:06particulièrement sensible, qui est le point de vue
01:00:08de l'universalité, en rentrant dans les canaux
01:00:10du communautarisme. S'utilise-t-il celui-là
01:00:12auquel nous pourrons être plus sympathiques,
01:00:14pour des tas de raisons.
01:00:16C'est une organisation de culte.
01:00:18Je vais juste dire
01:00:20peut-être un mot,
01:00:22ce qui vous réconciliera.
01:00:26En réalité,
01:00:28je vais aller dans le sens
01:00:30de François pour finir
01:00:32dans le vôtre. Je pense que pour beaucoup
01:00:34de sportifs,
01:00:36eux-mêmes,
01:00:38en réalité, le diabolisme,
01:00:40c'est pas un sujet.
01:00:42Mais ils ont peur,
01:00:44notamment sur les réseaux sociaux,
01:00:46qu'on puisse leur reprocher.
01:00:48Ils ont peur de l'intimidation.
01:00:50Ensuite, on peut juger,
01:00:52est-ce qu'ils font preuve d'assez de courage ou pas,
01:00:54mais être aujourd'hui associé au criff,
01:00:56peut-être que ça les dérange.
01:00:58Pas tant pour eux, mais pour l'image
01:01:00que ça renverrait. Ce qui explique aussi
01:01:02que ce soit les agents, pour beaucoup,
01:01:04qui aient pris cette décision
01:01:06pour leur sportif.
01:01:10Je voulais préciser que ma question portait sur le fait
01:01:12que ce n'est pas de rendre hommage au criff,
01:01:14c'est de rendre hommage aux victimes.
01:01:16Donc là, tu as pris ça comme exemple,
01:01:18mais il y a 10 000 exemples.
01:01:20C'est pas obligé de parler du criff pour faire un message ?
01:01:22Non, je veux dire, en plus, le criff n'apparaissait pas,
01:01:24c'était juste l'organisateur.
01:01:26Et pour répondre,
01:01:28c'est François Suron.
01:01:30Le criff a été créé en avril 1943,
01:01:32à Grenoble, pour rassembler
01:01:34les organisations de la résistance juive.
01:01:36Et aujourd'hui, le criff est évolué.
01:01:38C'est le conseil représentatif des institutions juives de France.
01:01:40C'est effectivement une fédération.
01:01:42Toutes les associations juives de France
01:01:44sont membres du criff.
01:01:46Il y a 240 membres
01:01:48qui élisent un comité directeur,
01:01:50qui élit un président.
01:01:52C'est une sorte de syndicat du syndicat
01:01:54qui représente toutes les tendances
01:01:56de la droite à la gauche,
01:01:58religieuses,
01:02:00toutes tendances conflituent et toutes obéances confondues.
01:02:02Et c'est juste une organisation politique
01:02:04pour défendre,
01:02:06non pas des intérêts particuliers
01:02:08d'une communauté,
01:02:10mais pour défendre les Juifs français
01:02:12ou les Français juifs,
01:02:14face à un certain nombre d'exactions,
01:02:16et d'être un interlocuteur des pouvoirs publics
01:02:18dans la défense des Français juifs.
01:02:20Défense qui est hélas rendue nécessaire
01:02:22par la montée de l'antisémitisme.
01:02:24Et dans le rapport à Israël,
01:02:26effectivement, il y a une solidarité
01:02:28des Français juifs avec Israël, pour plein de raisons.
01:02:30Historique, mais comme on le voit
01:02:32d'ailleurs très bien dans le livre de Rachel, familiale.
01:02:34Parce qu'il faut savoir qu'aujourd'hui,
01:02:36pratiquement 70% des Français juifs
01:02:38ont de la famille
01:02:40plus ou moins proche en Israël.
01:02:42Et donc il y a une solidarité,
01:02:44et ce n'est pas non plus du communautarisme,
01:02:46mais c'est par contre une défense
01:02:48d'intérêts très spécifiques,
01:02:50pas pour avoir des pas de droite,
01:02:52pas pour avoir des avantages particuliers,
01:02:54mais simplement pour être protégés.
01:02:56Parce qu'un acte raciste en France sur deux
01:02:58est commis contre un juif,
01:03:00là où les juifs représentent 0,6%
01:03:02de la population française.
01:03:04Simplement pour sortir de...
01:03:06pas pour fuir,
01:03:08mais pour sortir de...
01:03:10du cri, j'entends,
01:03:12les critiques peuvent être...
01:03:14elles peuvent, elles doivent même
01:03:16être entendues, mais honnêtement,
01:03:18si par exemple
01:03:20une association, plutôt que la fédération,
01:03:22plutôt que le CRIF,
01:03:24si une association comme GOLEN, par exemple,
01:03:26qui est une association de juifs,
01:03:28d'étudiants,
01:03:30sionistes, d'extrême-gauche,
01:03:32pour faire vite, avait organisé,
01:03:34qui sont pour la solution à deux états, etc.,
01:03:36qui avaient organisé,
01:03:38étaient organisateurs
01:03:40de l'événement,
01:03:42je pense que les réactions auraient été
01:03:44les mêmes, hélas.
01:03:46Vous voyez donc, vous prouvez simplement l'expression
01:03:48d'une sorte de nostalgie, il ferait que j'aimerais
01:03:50que les juistes de Sénéma
01:03:52organisent ce type de manifestation.
01:03:54Nous aimerions aussi.
01:03:58Et beaucoup de professeurs
01:04:00de tous les lycées trans organisent des voyages à eux,
01:04:02vite, avec leurs élèves, et ça se passe très bien.
01:04:04Je voulais dire, il ne faut pas oublier
01:04:06que la notoriété du CRIF, elle est due
01:04:08en grande partie à la contre-culture
01:04:10avec Alka, à Soral,
01:04:12qui en a fait une sorte de fantasme,
01:04:14en reprenant les images
01:04:16des protocoles de sages de Sion,
01:04:18et que
01:04:20c'est révélateur
01:04:22plutôt du problème éducatif
01:04:24qu'on a en France, où
01:04:26la majorité de l'information
01:04:28pour les jeunes, passe,
01:04:30qu'on le veuille ou non, par des sites
01:04:32complotistes d'extrême droite.
01:04:34Et là-dedans, on a transformé le CRIF
01:04:36qui était vraiment une institution de,
01:04:38j'ai entendu tout à l'heure, de dentiste et d'expert comptable,
01:04:40en pouvoir occulte,
01:04:42parce que ça sert bien la cause
01:04:44antisémite, et qu'il est
01:04:46tellement bon de pouvoir, dans le
01:04:48complotisme, avoir un adversaire
01:04:50évitement reconnu
01:04:52ou identifié,
01:04:54que les gens se précipitent là-dedans,
01:04:56et malgré tous les efforts
01:04:58de la bonne société,
01:05:00le CRIF reste
01:05:02une sorte de déus ex machina
01:05:04ou de puissance occulte.
01:05:06Donc, le problème, il est celui
01:05:08d'éducation, et tout le travail qu'on
01:05:10ne fait pas en France, que ne font
01:05:12pas les professeurs, sur
01:05:14les petits jeunes, comme ça, qui se documentent
01:05:16ailleurs. Voilà. Je reprends
01:05:18la phrase qu'on voit dans
01:05:20les trucs, c'est « faites vos propres recherches ».
01:05:22Ça s'adresse, enfin ça
01:05:24concerne également le problème juif,
01:05:26le nôtre, mais
01:05:28le fait que tous ces gens vont
01:05:30chercher des informations, et se
01:05:32jettent dessus, parce qu'elles ne sont pas
01:05:34diffusées publiquement, ou qu'elles se leur
01:05:36paraissent du coup plus légitimes.
01:05:38Je dis ça en tant que dessinateur
01:05:40préféré du CRIF, quelqu'un m'a dit ça récemment,
01:05:42en le considérant comme une insulte.
01:05:46Je confirme que t'es le dessinateur préféré du CRIF,
01:05:48c'est Olivier Rançon qui dessine
01:05:50quotidiennement,
01:05:52mais aussi dans les qualités
01:05:54de vie, toujours avec
01:05:56beaucoup d'humour et de finesse.
01:05:58Et de légèreté aussi.
01:06:00Tu disais que l'exécutif
01:06:02et Macron,
01:06:04c'était impliqué
01:06:06auprès des familles, avait
01:06:08fait des rendez-vous secrets, mais pourquoi
01:06:10est-ce qu'ils sont restés secrets ? Pourquoi il n'y a pas eu
01:06:12de publicité de ces rendez-vous ?
01:06:14Je pense pour plusieurs raisons.
01:06:18Secrets...
01:06:20Discrets, si tu veux dire.
01:06:22La première rencontre, c'est quand il arrive en Israël
01:06:24le 24 ou le 25 octobre,
01:06:26deux ou trois semaines après, il les rencontre
01:06:28et c'est assez médiatisé.
01:06:30Mais d'autres n'ont pas été.
01:06:32D'autres n'ont pas été, ou des appels téléphoniques,
01:06:34comme ce que je vous révélais,
01:06:36comme la proposition
01:06:38de régularisation,
01:06:40si je puis dire, avec les guillemets que ça nécessite,
01:06:42et d'octroi de la nationalité française.
01:06:44Pour plusieurs raisons.
01:06:46Peut-être
01:06:48parce que ça aurait pu
01:06:50peser de manière négative dans les négociations.
01:06:54C'était quand même extrêmement délicat,
01:06:56notamment quelques semaines après
01:06:58le 7 octobre.
01:07:00Les otages français étaient
01:07:02assez nombreux, et des mineurs
01:07:04notamment, dans le lot.
01:07:06Donc, c'était peut-être pas,
01:07:08peut-être que stratégiquement, c'était pas intéressant
01:07:10de le médiatiser.
01:07:12Et puis, médiatiser le fait
01:07:14qu'on ait donné, après le 7 octobre,
01:07:16qu'on ait reconnu la nationalité
01:07:18française à certains,
01:07:20je crois qu'il valait mieux que le Hamas
01:07:22ne le sache pas.
01:07:24Il valait mieux que tout ça
01:07:26reste tu.
01:07:28Parce que, comme les familles
01:07:30le pensaient, et comme également le Quai d'Orsay
01:07:32et les autorités françaises et exécutives le pensaient,
01:07:34le double passeport
01:07:36pouvait être un moyen d'action,
01:07:38un moyen de levier,
01:07:40un levier pour obtenir
01:07:42la libération.
01:07:52Est-ce qu'il y a des questions ?
01:07:58Quelle est la nature,
01:08:00comment est-ce
01:08:02que tu as ressenti
01:08:04la nature des liens
01:08:06avec la France,
01:08:08les différents degrés
01:08:10d'intensité
01:08:12dans les liens avec la France que conservaient
01:08:14les Israéliens français ?
01:08:18C'est une des choses
01:08:20qui m'a surprise quand j'ai rencontré
01:08:22ces familles, ces proches,
01:08:24c'est que, même s'ils étaient
01:08:26à des degrés différents, puisque tout le monde n'a pas fait
01:08:28ce qu'on appelle son alia,
01:08:30c'est-à-dire son départ notamment de France
01:08:32vers Israël
01:08:34au même moment,
01:08:36alors il y a un franco-mexicain,
01:08:38mais tout le reste,
01:08:40ce sont des franco-israéliens,
01:08:42même si tout ça s'est fait
01:08:44à l'échelle familiale, à des moments différents,
01:08:46leur lien était très fort,
01:08:48n'était pas surjoué
01:08:50ou joué,
01:08:52et se cristallisait parfois
01:08:54sur des choses qui peuvent nous apparaître comme des détails
01:08:56mais qui étaient extrêmement importantes pour eux.
01:08:58Il y a, outre
01:09:00ce que je vous ai déjà raconté,
01:09:02il y a par exemple
01:09:04Galit, la soeur d'Adas,
01:09:06Galit a perdu sa fille
01:09:08de 12 ans qui avait un trouble spectre autistique
01:09:10et puis sa mère,
01:09:12Carmela, de 80 ans,
01:09:14dans les kibous,
01:09:16petite fille de Ginette,
01:09:18pour refaire l'arbre généalogique,
01:09:20elle parlait
01:09:22français mais pas extrêmement bien,
01:09:24à 20 ans, elle décide de partir en France,
01:09:26de partir à Paris
01:09:28pour devenir comédienne à Paris, c'était son rêve.
01:09:30Et elle va tenter dans les théâtres,
01:09:32je faisais partie de ces gens
01:09:34qui pensaient qu'on pouvait devenir comédienne à Paris,
01:09:36et elle va pendant
01:09:38tout son temps, son séjour
01:09:40à Paris, notamment à Montmartre,
01:09:42tenter de se faire un nom,
01:09:44elle va y arriver, de manière
01:09:46mitigée, elle va finir par rentrer,
01:09:48mais ça c'est quelque chose de très fort,
01:09:50elle m'explique qu'à la maison on écoutait Yves Montand,
01:09:52Edith Piaf,
01:09:54elle a été bercée là-dessus,
01:09:56sa fille, pour tout dire, après le 7 octobre,
01:09:58sa fille, celle qui est en vie,
01:10:00a eu à choisir
01:10:02à l'école
01:10:04un pays, si je ne me trompe pas,
01:10:06pour
01:10:08se déguiser dans le cadre
01:10:10d'une activité comme ça, mais elle a choisi la France,
01:10:12c'était pour elle, ça allait de soi,
01:10:14et sa fille lui demande aujourd'hui
01:10:16d'apprendre le français, d'aller en France, pas seulement pour
01:10:18Disneyland, les Israéliens en sont fans,
01:10:20mais vraiment parce que Paris, elle adore ça, etc.
01:10:22Il y a, je l'ai dit,
01:10:24Doron, dont la mère lisait Le Nouveau Détective,
01:10:26il y a
01:10:28Daniel Toledano,
01:10:30le frère d'Elior,
01:10:32qui parle français, le français c'est sa langue maternelle,
01:10:34et c'est le français sa langue maternelle,
01:10:36on lui a
01:10:38appris l'hébreu au moment
01:10:40où on s'est rendu compte qu'au jardin pour enfants,
01:10:42il n'avait pas d'amis parce qu'il ne parlait que le français,
01:10:44il y a ceux qui reviennent
01:10:46pour les vacances, etc., et puis surtout,
01:10:48ils le disent à leurs enfants,
01:10:50on était français, c'est vraiment très important.
01:10:52Ginette, bien qu'installée
01:10:54en Israël, continue de manger du jambon
01:10:56et du camembert, c'était ça,
01:10:58on était français.
01:11:00Donc un attachement vraiment très fort,
01:11:02et que je ne pensais pas si fort,
01:11:04vraiment, et au moins diffus,
01:11:06mais
01:11:08c'est quelque chose qui est très important pour eux,
01:11:10et qu'ils veulent faire vivre d'une manière ou d'une autre,
01:11:12alors que certains pourraient en vouloir
01:11:14à la France et auraient pu renier.
01:11:16Quand on fuit la France parce qu'on est victime,
01:11:18comme Céline d'antisémitisme à l'école à l'âge de 15 ans
01:11:20à Villeurbanne, ou comme Ginette pour fuir
01:11:22Vichy,
01:11:24on pourrait décider de couper
01:11:26tout lien. Eux, non.
01:11:28Alors, eux distinguent
01:11:30la France
01:11:32du gouvernement.
01:11:34Et aussi, ce que je débute
01:11:36dans mes rencontres,
01:11:38c'est une certaine reconnaissance à la France.
01:11:40Et justement, dans cette épreuve,
01:11:42dans cette tragédie,
01:11:44la Déclaration française a été là,
01:11:46les autorités françaises ont été là.
01:11:50Ils en sont reconnaissants,
01:11:52ils le disent très clairement,
01:11:54et je pense que c'est très important pour l'image de notre pays,
01:11:56pour nous-mêmes, mais aussi pour notre image
01:11:58de notre pays en Israël.
01:12:00Beaucoup d'Israélands en sont
01:12:02conscients, malgré
01:12:04les errements diplomatiques du Président,
01:12:06mais dans la réalité
01:12:08de la solidarité, c'est un fait,
01:12:10et tu l'exprimes d'ailleurs très bien.
01:12:12Oui, ça c'est quelque chose
01:12:14qui les a même surpris, certains.
01:12:16Et puis, sur le double
01:12:18passeport et sur l'effet levier
01:12:20que ça pourrait avoir dans les négociations,
01:12:22l'un des pères m'a dit
01:12:24qu'on se disait que la France, l'avantage,
01:12:26c'est qu'elle s'entend bien avec les pays arabes.
01:12:28Donc, elle pourra peut-être
01:12:30poser sur les négociations.
01:12:32C'est quelque chose
01:12:34de pragmatisme
01:12:36qui ressort.
01:12:38Merci.
01:12:42Pour rebondir sur la question
01:12:44que vous avez posée,
01:12:46moi j'ai constaté
01:12:48que des victimes
01:12:50que j'ai connues le 17 octobre
01:12:52sont venues en France
01:12:54et ont trouvé
01:12:56après les événements
01:12:58une vertu thérapeutique
01:13:00à passer un long séjour
01:13:02parfois d'une année
01:13:04en France
01:13:06et à un moment où ils ne pouvaient plus
01:13:08retourner en Israël parce qu'ils se sentaient
01:13:10au bord du suicide
01:13:12du fait des effets
01:13:14traumatiques, dévastateurs
01:13:16très très graves
01:13:18à l'événement 17 octobre. Je pense qu'il y a eu des gens qui étaient
01:13:20au Festival du Roi. Le fait de se retrouver
01:13:22en France avait un effet d'apaisement
01:13:24comme s'ils venaient renouer
01:13:26avec une
01:13:28vérité de leurs racines
01:13:30et un pays où l'hospitalité
01:13:32et l'accueil fait aux juifs
01:13:34garder un sens véritable
01:13:36et très apaisant pour eux.
01:13:38Je peux en témoigner parce que je l'ai vu
01:13:40ça ne m'a pas étonné
01:13:42et ça souligne
01:13:44peut-être ce qui peut rester
01:13:46des liens entre la France et
01:13:48ses juifs même après un départ long
01:13:50en Israël.
01:13:52Il y a ça en effet
01:13:54il faut savoir que
01:13:56beaucoup de ceux qui étaient victimes du 7
01:13:58et qui sont venus
01:14:00notamment dans le cadre du séjour
01:14:02c'était des séjours assez organisés.
01:14:06Il pouvait y avoir un encadrement
01:14:08il y avait des liens familiaux
01:14:10il y avait des...
01:14:12parce que
01:14:14c'est une espèce de bouffée d'oxygène
01:14:16et puis ils ont redécouvert la France à cette occasion.
01:14:18Mais je pense aussi
01:14:20je ne peux pas m'empêcher non plus
01:14:22d'avoir à l'esprit
01:14:24une des victimes du 7
01:14:26qui est
01:14:28revenue revivre
01:14:30en France
01:14:32alors elle veut rester anonyme
01:14:34donc je n'ai pas révélé son prénom
01:14:36j'ai utilisé
01:14:38un prénom de substitution
01:14:40et qui elle m'a dit
01:14:42pour s'installer c'était autre chose
01:14:44pour faire vite
01:14:46elle est au Kiboutz
01:14:48je vais remonter un tout petit peu
01:14:50c'est une Française
01:14:52sans aucun lien avec
01:14:54le judaïsme
01:14:56elle tombe amoureuse d'Israël lors d'un voyage
01:14:58également du Kiboutz
01:15:00et accessoirement de l'homme qui allait devenir
01:15:02son mari et le père
01:15:04de son enfant. Lui ne parle
01:15:06qu'hébreu c'est un Israélien
01:15:08elle ne parle que français et anglais
01:15:10c'est une Française donc surtout français
01:15:12et puis
01:15:14ils ont un enfant ensemble
01:15:16arrive le 7 octobre
01:15:18lui se trouve qu'il était censé
01:15:20garder
01:15:22le Kiboutz avec l'arme de service
01:15:24les terroristes
01:15:26arrivent
01:15:28il se trouve
01:15:30qu'il se cache dans un abri
01:15:32au moment où les sirènes arrivent
01:15:34qui est aussi une espèce de local à poubelle
01:15:36je vous passe les détails
01:15:38il se trouve que le Hamas va établir
01:15:40son QG autour de cet endroit là
01:15:42sans penser une seule fois à rentrer
01:15:44à l'intérieur pour voir s'il y avait quelqu'un
01:15:46il va rester jusqu'à 22 heures
01:15:48parce que l'armée va mettre un petit peu de temps
01:15:50avant d'aller le chercher
01:15:52dans cet abri là
01:15:54et elle et avec leur fils de 7 ans
01:15:56dans leur abri elle a de la chance
01:15:58son abri à elle dans la maison
01:16:00qui est souvent un chambre d'enfant se faire maquer
01:16:02c'était pas le cas de tous les abris
01:16:04et surtout le Hamas n'a pas mis
01:16:06c'était ça la technique
01:16:08c'était de mettre le feu pour que les gens sortent
01:16:10et de les finir à la Kalachnikov
01:16:12ça n'a pas été le cas pour eux
01:16:14ils ont survécu
01:16:16le père n'arrivait même plus à joindre sa femme et ses enfants
01:16:18et son enfant
01:16:20traumatisé par le 7
01:16:22dit je veux rentrer chez papy et mamie
01:16:24papy et mamie ce sont les parents maternels
01:16:26donc
01:16:28ils ont décidé de s'installer
01:16:30ou de se réinstaller en France
01:16:32lui bien sûr a suivi
01:16:34je vous dirai
01:16:36c'est pas nécessaire qu'ils soient installés
01:16:38ils veulent garder ça confidentiel
01:16:40c'est la seule qui m'a demandé l'anonymat
01:16:42dans le livre
01:16:44et l'un des premiers conseils qu'on lui a donné
01:16:46c'est de dire attention ne raconte pas ton histoire
01:16:48à tout le monde
01:16:50pour ne pas affronter un antisémitisme
01:16:52comme je le dis souvent
01:16:54à quelle victime de Nice
01:16:56du Bataclan
01:16:58on explique
01:17:00ne raconte pas à tout le monde que tu as été victime
01:17:02d'un attentat
01:17:04et elle de nous dire que
01:17:06à force de regarder
01:17:08c'était peut-être ce qu'elle n'aurait pas du faire
01:17:10mais de regarder les informations
01:17:12et d'entendre le discours
01:17:14notamment de la France insoumise
01:17:16elle va commencer
01:17:18à entrer dans une autre logique
01:17:20une espèce d'inversion accusatoire
01:17:22en se disant
01:17:24peut-être qu'on a notre paire de responsabilités
01:17:26finalement est-ce que c'est vraiment nous les victimes
01:17:28nous n'aurions pas dû vivre
01:17:30aussi près de la frontière Gazaoui
01:17:32on a provoqué ce qui nous arrivait
01:17:34heureusement depuis elle a changé
01:17:36mais
01:17:38voilà ce que peuvent produire les effets
01:17:40je dirais que oui pour beaucoup
01:17:42d'israéliens victimes
01:17:44venir en France est une espèce de bouffée d'oxygène
01:17:46on est nombreux je crois
01:17:48par exemple à conseiller
01:17:50à Daniel, Toné, Dano, le frère d'Elia
01:17:52de venir un peu pour
01:17:54pouvoir souffler, prendre un peu de hauteur
01:17:56comme vous le disiez très bien
01:17:58renouer avec les racines là
01:18:00et avec une part de leur histoire
01:18:02mais pour ceux qui décident de s'installer
01:18:04ils doivent aussi faire face
01:18:06à un antisémitisme
01:18:08qui s'exprime
01:18:10de manière différente qu'en Israël
01:18:12mais qui est virulent
01:18:14et qui peut déstabiliser aussi
01:18:16au moins dans les premiers temps
01:18:18très bien
01:18:20je vous propose de conclure
01:18:22on va arrêter là
01:18:24mais ce n'est pas totalement terminé
01:18:26parce que maintenant vous pouvez acheter
01:18:28ce livre que je vous conseille très vitement
01:18:30Victimes françaises du Hamas
01:18:32leur histoire, notre silence
01:18:34des éditions d'observatoire par Rachel Dinas
01:18:36et Rachel se fera le plaisir de vous le dédicacer
01:18:38avec plaisir
01:18:40merci

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