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Voici la captation de la rencontre de l'écrivain Michael Rosen autour de son nouvel album, Un Jour (paru aux éditions Gründ Jeunesse), à l'occasion des 80 ans de la Libération du camp d'Auschwitz-Birkenau par l'Armée Rouge.

Discussion animée par Éduardo Castillo.

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume

La Quatrième :

Un message d'espoir face à la tragédie de la Shoah.

Un jour, à Paris, durant l'Occupation nazie, un juif franco-hongrois et son père sont arrêtés par les nazis et emmenés au camp de prisonniers de Drancy.

Un jour, en creusant un tunnel, ils ont tenté de s'échapper, en vain.

Un jour, ils ont essayé de s'échapper et ont réussi en sautant du train qui les conduisaient vers les camps de la mort, vers Pitchipoï, d'où personne ne revient.

Ce livre d'images puissant, raconté simplement et magnifiquement, raconte une vraie et rare histoire de survie pendant l'Holocauste. Elle résonne avec l'héritage de la propre famille de Michael Rosen, s'inspirant du récit de la vie réelle d'Eugène Handschuh, qui s'est échappé avec son père du convoi 64 allant de Paris occupé par les nazis à Auschwitz.

Accessible pour un jeune public, parlant de la résilience de l'espoir, Un jour est illustré par l'artiste primé Benjamin Phillips.

Une note historique de l'auteur replace ce récit dans le contexte historique de l'époque de l'Occupation alors qu'on célèbre en 2025, le 80e anniversaire de la libération des camps.

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Éducation
Transcription
00:00à l'invitation de Julie Balch, qui elle aussi a écrit des livres tant pour l'illustration que pour le texte.
00:11Un format assez original et qui pour les enfants de 8 ans est extrêmement agréable
00:19et on espère qu'il va y avoir une longue vie dans les rayons de l'UPR.
00:24Ça va devenir un classique de la maison.
00:27Merci beaucoup Chantal, merci beaucoup.
00:30Surtout merci beaucoup à vous tous et merci d'avoir fait confiance.
00:37Et surtout pour moi c'est un véritable plaisir et un honneur de vous interroger ce soir.
00:43Merci Eduardo.
00:44Et surtout parce que vous savez, je vous expliquais tout à l'heure que depuis moins de 25 ans
00:51j'ai travaillé beaucoup autour de la Shoah, beaucoup autour de l'Holocauste.
00:55Et puis il y a des choses aussi parfois on oublie que transmettre la transmission,
01:00et c'est le cas aux jeunes aujourd'hui, c'est essentiel.
01:04Et simplement c'était ma première question.
01:08Depuis quand avez-vous pris conscience que cette transmission envers la jeunesse était si importante ?
01:16Je crois que c'est assez récent parce qu'il faut dire que quand j'étais petit,
01:23mon père il a parlé des oncles disparus, comme ça.
01:29C'était un mystère pour lui.
01:31Et il a parlé, j'avais les oncles en France avant la guerre,
01:36on parlait de la guerre, pas de la Deuxième Guerre Mondiale comme ça quand j'étais petit.
01:42Alors ces oncles disparus, ils connaissaient leur nom, Oscar et Martin, comme ça.
01:51Et comme petit, quand j'avais peut-être 10 ans, comme ça, toujours je disais
01:57« Alors papa, comment ? » ou « Comment ça s'est passé ? »
02:03Et il a dit « Je ne sais pas, peut-être c'était les camps. »
02:06Comme ça, les camps.
02:08Et nous n'avions pas de télé, alors quand j'avais 10 ans,
02:12vraiment je ne savais pas ce que ça veut dire, les camps, comme ça.
02:17Mais alors, il faut rouler peut-être 30 ans, 40 ans,
02:23et je n'étais pas tout à fait satisfait avec cette réponse.
02:29Et j'ai commencé à faire des recherches.
02:32Et en train de faire ces recherches, j'ai commencé à parler de ces choses dans les écoles,
02:40parce que j'ai fait les shows dans les écoles, et j'ai parlé de ça.
02:44Et il y avait un moment dans une école où il y avait les jeunes hommes de la première classe,
02:54alors de 17 ans, 18 ans, et j'ai commencé à raconter l'histoire de ce qui s'est passé avec mes grands-oncles.
03:01Et il y avait un type là qui m'a dit « Alors, ce ne s'est pas passé, n'est-ce pas ? »
03:10J'ai dit « Quoi ? » Il a dit « Alors, ce que vous racontez, monsieur, ce n'est pas vrai. »
03:17Et j'ai dit « Non, non, non, c'est vrai. »
03:20Et à ce moment-là, j'avais un sens d'urgence, que je voulais l'écrire, expliquer aux jeunes.
03:30Et c'était là, alors peut-être c'est à peu près il y a 30 ans maintenant.
03:35Et vous dites, j'ai bien lu ce que vous avez répondu à ce moment-là, vous dites que ça s'écouait,
03:42qu'au début, ça a été très dur pour vous de trouver les mots.
03:46Oui, oui, trouver les mots et trouver les faits, les deux, à la fois.
03:50Comment expliquer quelque chose si énorme, si atroce, et à la fois très difficile,
03:57à trouver exactement ce qui s'est passé avec ses oncles français, polonais, exactement ce qui s'est passé.
04:03Et finalement, le moment très important, c'était que, qu'est-ce qu'on dit, un deuxième cousin, second cousin.
04:12Une autre partie de la famille.
04:14Oui, oui. Alors, il a trouvé les lettres qui venaient de la France et de Pologne à leurs frères aux États-Unis.
04:28Et quand j'ai trouvé ces lettres, les lettres françaises venaient de New York, 11 rue Mélez, New York,
04:36parce qu'il venait de l'Est de France, Oscar, il venait de l'Est de France,
04:43et il arrivait à New York parce qu'il était dans l'exode, oui, après l'invasion des Allemands.
04:53Et comme ça, avec ces mots, les lettres et une adresse, j'ai commencé à trouver.
05:02À tirer le fil.
05:03Oui, c'est ça. Et à la fois, j'ai trouvé les mots.
05:07Quand j'ai trouvé les choses, je pouvais faire une espèce d'écriture documentaire.
05:15Comme un documentaire.
05:17Mais cette écriture est tout à fait particulière parce que vous ne vous adressez pas aux adultes.
05:25Vous vous adressez aux jeunes, à la jeunesse.
05:28Donc, là, il faut, la méthode que vous utilisez, c'est des phrases très, très courtes qui touchent tout de suite.
05:36Oui, courtes et assez simples. Il faut compliquer les choses.
05:41Mais vous voyez, il y a les modèles, si vous voulez, dans l'écriture pour les adultes aussi,
05:48d'être très court, très simple, comme ça.
05:52Et de temps en temps, ça donne plus de puissance d'écrire beaucoup de mots,
06:00beaucoup d'adjectifs, beaucoup d'adverbes.
06:04Si on écrit les phrases plus simples, comme ça, de temps en temps, ça a plus de...
06:12De poids.
06:13Oui, c'est ça, de poids.
06:15Oui, il y a de plus en plus de poids, mais là, c'est une bande dessinée, on dit en français.
06:23Et là, vous ne travaillez pas tout seul, vous travaillez avec quelqu'un qui fait les dessins.
06:29Donc il faut trouver l'équation entre les récits et les dessins.
06:33Ça dépend. Il y a un livre, avant ce livre, un jour, par exemple,
06:39j'ai écrit ce livre à propos de mes cousins, mes grands-oncles, de mes singes voyants.
06:48Alors comme ça, c'est écrit sans illustration, c'est plutôt les lettres dont j'ai parlé.
06:56Vous voyez là, comme ça, alors, et des photos, oui, comme ça.
07:03C'est moi en faisant les recherches.
07:05Alors c'est ça où j'ai commencé.
07:10Mais quand j'ai écrit les mots pour ce livre,
07:14c'était en train de faire les ateliers pour les enfants dans les écoles en Cambridge,
07:21ou à côté de Cambridge, pour le professeur Helen Weinstein.
07:27Et c'était une espèce de poème pour les jeunes, pour faire une espèce de danse,
07:35danse contemporaine.
07:38Alors c'est comme ça l'évolution de ce livre.
07:42Et dans Missing, dans ce que vous avez montré, c'est aussi une partie de l'histoire de votre famille,
07:47mais c'est une histoire où ces personnes-là ne sont pas revenues des camps.
07:51Exactement, oui.
07:53Ça raconte l'histoire, comment Oscar et sa femme Rachel étaient saisies à Nice,
08:01finalement, et déportées sur le train, le convoi, le convoi 62.
08:09Oui, et c'est Nice, cette histoire, c'est tout à fait incroyable,
08:12parce que c'est la pénélation libre en France, et c'est à deux jours près,
08:18ils auraient pu être sauvés.
08:20Oui, exactement, ça c'est l'histoire de Nice, parce que Nice était occupée par les Italiens,
08:26et les Italiens ont refusé de donner les Juifs aux Allemands.
08:38Oui, alors ils ont protégé les Juifs à Nice.
08:43Alors pour un moment, les Juifs croyaient qu'ils étaient saufs à Nice,
08:52mais les alliés ont battu les Italiens au mois de septembre 43,
09:00et en ce moment-là, les Italiens, qu'est-ce qu'on dit, se sont retirés en Italie,
09:09et les Allemands, les nazis, sont venus à Nice, et tout de suite,
09:13il y avait cette bête, Alois Brunner, et il a commencé tout de suite à arrêter les Juifs,
09:22et les Juifs, à ce moment-là, étaient dans les hôtels.
09:26Bien sûr, pas de touristes pendant la guerre, alors les Juifs se sont réfugiés dans les hôtels à Nice,
09:34dans l'hôtel Judith, on dit, et l'hôtel Excelsior, par exemple.
09:39Et c'était là que Brunner, il a commencé à torturer les Juifs, et il les a envoyés à Drancy.
09:50Et mon grand-oncle Oscar, son autre nom était Yeshe, en Yiddish,
09:55avec sa femme Rachel, l'a envoyé tout de suite à Drancy.
10:01Et on revient toujours à Drancy, parce que c'était là, pour ceux qui ne savent pas,
10:07qui partaient tous les convois vers les camps de la mort.
10:10Et vous connaissez très bien Drancy, vous pouvez dire quelques mots si vous voulez.
10:15Oui, en fait, Drancy, ça a été créé justement, juste après qu'il y a eu la rafle du Belgique,
10:23donc il fallait trouver un endroit, et Drancy, au départ, c'était des bâtiments
10:29qui étaient destinés à l'habitation, c'était quelques milliers de personnes qui pouvaient habiter là,
10:34et c'est une forme de hue, donc c'était très facile de les fermer.
10:39Et on montre, lorsque vous allez à Drancy, vous allez voir un wagon de l'SNCF,
10:45en fait, il n'y a jamais eu de train à Drancy, ils partaient de Bobigny.
10:50Mais pour montrer comment les gens partaient, on a mis ces wagons,
10:55pour montrer, et d'ailleurs, on va y revenir par rapport à ça.
10:58Et c'est un wagon de bestiaux.
11:00De bestiaux, et vous racontez cette histoire incroyable dans ces livres.
11:03Par contre, je connais pas mal des choses qui se sont passées à Drancy,
11:07mais vous me connaissez complètement cette histoire.
11:10Comment est-ce que vous vous êtes tombé, c'est vrai, c'est l'histoire de votre famille,
11:13c'est l'histoire des gens proches de vous,
11:15parce que la première histoire que vous racontez, la Missing, elle est tragique,
11:22mais celle-ci, ça donne quand même, et vous l'avez dit, un peu d'espoir dans l'humanité aussi.
11:26Oui, certes. Alors, en faisant les recherches, en lisant les livres,
11:32je n'ai pas découvert, ce n'est pas un bon mot,
11:35j'ai commencé à trouver une histoire de la famille, en allemand on dit Handschuh,
11:41je crois qu'en français on dit Handschuh, la famille Handschuh,
11:45ça veut dire un gant en allemand, Handschuh, c'est un gant,
11:50Schuh c'est chaussure, Handschuh.
11:52Alors, la famille Handschuh et leurs copains qui vraiment,
11:58bon, on commence à Drancy, où avec leurs copains, ils ont creusé un tunnel à Drancy.
12:06Alors, il y avait une espèce de poulouse, si vous voulez, devant les appartements,
12:12c'était très moderne, Le Corbusier, je crois, c'était un dessin par Le Corbusier à Drancy.
12:19Alors, il y avait une espèce de poulouse, et ils ont creusé un tunnel, les copains,
12:26alors Handschuh, Eugène Handschuh, c'est écrit dans la voix d'Eugène Handschuh,
12:33alors son père et ses frères ont creusé ce tunnel.
12:38Alors, c'était très, très courageux, très, très dangereux,
12:42parce que vraiment avec, ou les gendarmes françaises, ou les allemands,
12:51les SS, si on découvre les gens qui essaient d'échapper,
12:56normalement, le prix était la mort, on tire tout de suite dessus, oui.
13:03Alors, ils ont presque réussi.
13:07À trois mètres près.
13:08Oui.
13:09Alors, un grand tunnel jusqu'à la clôture qui entourait Drancy,
13:18Les bâtiments, oui.
13:19Oui, les bâtiments.
13:20Mais en découvrant les gens, d'abord, ils ont découvert un pantalon,
13:28un pantalon avec un...
13:31De la terre dessus.
13:32Oui, un chiffon ou quelque chose avec un nom.
13:35Alors, bien sûr, comme Norma, comme on fait à ce moment-là,
13:40on a arrêté ce type-là, commencé à le torturer,
13:45et il leur a donné les noms des gens qui n'avaient pas d'enfants ou de femmes.
13:51Ils ont dit, alors, c'était nous qui ont fait le tunnel.
13:56Et c'était comme ça, et ils étaient immédiatement emmenés à Paris-Bobigny,
14:07et sans doute avec mon grand-oncle et sa femme.
14:10Et d'ailleurs, c'était une promesse qui s'était faite.
14:14Votre oncle.
14:15Oui.
14:16C'était quoi cette promesse, qu'il n'irait jamais où ?
14:19Oui, c'est ça.
14:20Les gens, les Juifs, à ce moment-là, bien sûr, ils ne savaient pas,
14:25ils ne connaissaient pas d'Auschwitz, de Treblinka, de Majdanek,
14:30et tous ces camps ou en incarcer, ou même élimine les Juifs.
14:38Tout ce qu'on savait en ce moment, en 1943, en France,
14:42c'était un peu différent en Pologne, mais en France,
14:45tout ce qu'on savait, c'est que les gens ont commencé à disparaître,
14:50et ils ne reviennent pas.
14:53C'est tout ce qu'ils savaient à ce moment-là.
14:56Alors, ils n'avaient pas un nom pour ça.
15:00Ils n'avaient pas un nom.
15:01Qu'est-ce que c'est, là-bas ?
15:03Alors, ils ont inventé un nom absurde.
15:06Un nom, c'est Pitchipoy.
15:08C'était comme, sans doute, vos enfants ont inventé les noms absurdes.
15:15Alors, c'était la même chose avec eux.
15:17Ils ont dit, nous n'irons pas à Pitchipoy.
15:21Comme ça.
15:22C'était répété, répété tout le temps.
15:24Et c'était, oui, c'était Defiant.
15:29Qu'est-ce qu'on dit en français ?
15:32Oui, oui.
15:34Alors, c'était, oui.
15:37En face de la peur.
15:40Oui.
15:42Ils craignaient le pire, mais ils disaient un mot absurde
15:46pour, si vous voulez un peu, évanouir la peur.
15:50Oui.
15:51Faire le disparaître.
15:52Oui.
15:53Est-ce que je l'ai expliqué ?
15:54Oui, parfaitement.
15:56C'est très, très clair.
15:57Mais par contre, j'étais étonné de quelque chose.
15:59Parce qu'il y a un peu d'histoire.
16:01Comment se fait-il qu'ils soient avant allés à Compiègne ?
16:04Parce qu'à Compiègne, il n'y avait pas beaucoup, la plupart des Juifs
16:08allaient directement à Drancy.
16:10Oui, je crois, il faut, je n'ai pas tout à fait compris exactement
16:15parce que c'est difficile à trouver l'histoire.
16:17Mais en France, en ce moment-là, il y avait beaucoup de camps.
16:22Par exemple, j'ai un livre sur le camp à côté de Poitiers.
16:25Oui.
16:26J'ai oublié le nom.
16:28Mais il y avait beaucoup de camps.
16:30Il y avait même un camp sur l'île de Paris dans ce bâtiment chancelier,
16:36ça s'appelle ?
16:38C'était où ?
16:40Comment ?
16:41La chancelerie.
16:42La chancelerie.
16:43Oui, c'est ça.
16:44Il y avait un camp dedans.
16:46Partout, partout en France, il y avait des camps.
16:48Parce qu'on a arrêté les Juifs.
16:52Et si on arrêtait 50 Juifs, où est-ce qu'on pouvait les mettre ?
17:03Alors, on avait ces camps partout, partout.
17:06Alors, Compiègne, comme je comprends, c'était un de ces camps.
17:11Mais pas le grand camp Drancy.
17:14Compiègne, je ne sais pas si vous avez vu, il y a un documentaire
17:18de Hans Sinclair qui a été fait il n'y a pas trop longtemps.
17:21C'est une journaliste française.
17:23Normalement, on mettait à Compiègne les gens qui appartenaient à la haute bourgeoisie
17:30qu'on n'essayait pas à envoyer tout de suite dans les camps.
17:33Ils sont tous morts.
17:35Mais il y a une chose importante, je parle de Compiègne, à signaler.
17:40Vous savez, au mémorial de la Shoah à Paris, il y a les murs des noms.
17:44Oui, je l'ai vu.
17:45Il est à 70 000, non ?
17:4876 000.
17:49Oui.
17:50Par contre, on n'avait pas pensé à quelque chose.
17:52On parle de Compiègne, on parle de Drancy et d'autres camps.
17:56Il y avait près de 5 000, 6 000 Juifs qui devaient être déportés,
18:00qui n'ont pas été déportés parce qu'ils sont morts en France.
18:03Et ces gens-là, leur nom n'était nulle part.
18:06Ah non.
18:07Oui, et maintenant, ils vont être quelque part parce que ça n'a pas été déporté.
18:11Mais aujourd'hui, c'est important.
18:14Et c'est ça qui est important, je fais le lien avec votre livre.
18:16C'est un carnet.
18:17Un carnet, donner un nom aux personnes, à celles qui sont disparues.
18:21Et c'est important, lorsqu'on transmet à travers votre art, à travers la poésie,
18:26de donner le nom des gens.
18:27Je pense que pour vous, c'est quelque chose d'essentiel aussi, dans votre travail.
18:30Oui, oui, oui.
18:31Bien sûr, j'ai vu le mur des noms avec François et avec un autre fils que j'ai, Isaac.
18:40Oui, et les deux oncles dont mon père a parlé, Oscar et Martin, leur nom est là.
18:49Et aussi Rachel est là.
18:51Oui, parce qu'il y a des gens, bien sûr, qui disent que ce n'était pas vrai.
18:55Et il faut sortir les noms.
18:58Il faut dire que ces noms, c'était les gens qui étaient tués.
19:02C'est tout simple.
19:04Mais à la fois, il y a des gens qui disent, oui.
19:10Encore, encore, encore, ils disent, non, non, ce ne s'est pas passé.
19:14Au Royaume-Uni aussi, en Angleterre aussi ?
19:16Ah oui, oui, oui.
19:17Comme ce type à l'école.
19:20Oui, alors, il y en a, oui.
19:22Qu'est-ce qu'on fait ?
19:23Justement, la question importante, parce qu'il y a eu ces jeunes qui vous ont dit ça.
19:26Oui.
19:27Quelle est pour vous la réaction qu'il faut avoir ?
19:31Parce qu'en France, je dis, moi, j'ai travaillé maintenant souvent dans des lycées, des banlieues en région parisienne.
19:36Il y a beaucoup de jeunes qui peuvent tenir ces noms.
19:38Mais comment est-ce qu'on fait avec ces jeunes-là pour qu'ils puissent comprendre ce qui s'est réellement passé ?
19:44Est-ce qu'on les met à l'écart ou on essaye de les convaincre ?
19:48Ah oui, question difficile.
19:51Question très difficile.
19:54Parce que, qu'est-ce qu'on peut dire à part de dire, c'est passé ?
19:59C'est passé avec ma famille.
20:03Et il y a les listes des gens, c'est vrai.
20:07Aussi, il y a les témoignages des camps, tout ça.
20:10Il y a les sites internet de NISCOR et les autres,
20:14où on décrit ce qui s'est passé.
20:18Les déportations de la France, de l'Allemagne, bien sûr,
20:23de Tchécoslovaquie, de l'Hongrie, de Pologne, bien sûr.
20:28Tout ce qu'on peut dire.
20:31Mais vous savez, ce qui est difficile, c'est que c'est trop énorme à comprendre.
20:40Le génocide, c'est toujours comme ça.
20:42Parce que quand on commence à parler des millions,
20:46comment c'est possible ?
20:48Parce que, quand il y a un accident dans la rue,
20:51ou dans un bus ou un train,
20:54et 40 gens sont morts,
20:59on dit c'est une atroce, c'est affreux, bien sûr, on pleure,
21:02les gens sont désolés, tout ça.
21:05Mais quand on dit un million, six millions,
21:08c'est impossible à comprendre.
21:11Mais ce qui est difficile à comprendre,
21:14c'est ce qui s'est passé à travers l'Europe.
21:19On voit Bordeaux jusqu'à Moscou.
21:24Alors, c'est assez simple, en virgule,
21:29de prendre ce qu'on veut prendre,
21:33les gens, les Juifs en ce moment,
21:35prendre les Juifs, et c'est caché, quoi.
21:38Par exemple, Martin, le frère d'Oscar,
21:42le frère qui était sur le convoi 68,
21:45alors l'autre oncle,
21:47il était tout seul dans un appartement,
21:50dans un petit village, Saint-Hermine, en Vendée.
21:54Et tout d'un coup, au milieu de la nuit,
21:57quatre gendarmes français,
22:00sur la porte, on vous arrête,
22:04et le jour après,
22:07il était avec une trentaine,
22:10dans une ville à côté,
22:13je ne me souviens plus le nom,
22:16nous y étions.
22:18Alors, à côté, tout de suite,
22:21donnés aux nazis, grancis, déportés.
22:25Alors, ça, c'est un homme.
22:28C'est facilement fait, n'est-ce pas?
22:30Parce que quand il est arrivé à la porte,
22:34dans ce qu'ils ont écrit,
22:37qui portait sans doute son pyjama
22:42et ses pantoufles.
22:46Et comme ça, bon, au milieu de la nuit.
22:50Alors, de temps en temps, c'était beaucoup plus vicieux,
22:53beaucoup plus ouvert, si vous voulez.
22:56Mais, en effet, c'était assez facile.
23:00Ce n'est pas facile, mais ce que les nazis ont essayé de faire,
23:05c'est de cacher ce qu'ils ont fait.
23:07Et de temps en temps, ils ont réussi à le faire.
23:11Et quand il y avait la collaboration,
23:14bien sûr, ceux qui l'ont faite,
23:17la collaboration, bien sûr,
23:20ça leur convient,
23:25de ne pas parler de ce qui exactement s'est passé,
23:29comment ces gens étaient arrêtés.
23:32Par exemple, on parle de Ville d'Hiver.
23:35Oui, de Ville d'Hiver.
23:38Et il y en a en France, je sais, qui pensent que ça, c'est tout.
23:42Et que ça ne s'est pas passé en Grenoble,
23:45en Avignon, à Nice, comme j'ai dit,
23:49même dans les petits villages,
23:52les enfants des yeux, comme ça.
23:54On croit, parce que toujours, bien sûr,
23:56on parle de cette atrocité, Ville d'Hiver.
24:00Mais c'était partout en France.
24:02Mais de temps en temps, par exemple, dans le petit village,
24:06M. Le Maire, un brave type qui s'appelle Philippe Barret,
24:10il ne savait pas que Martin était enlevé,
24:14était arrêté dans son village.
24:17C'était une histoire tout à fait cachée.
24:21Mais dans votre livre, qui s'appelle Un jour aussi,
24:24vous rendez hommage à ceux qui, aussi,
24:28n'étaient pas concernés, apparemment,
24:30et qui ont pris des risques,
24:32et qui ont sauvé la vie des Juifs.
24:34Et c'est le cas de cette famille des paysans
24:37qui a caché Eugène.
24:40Oui, le père.
24:42Oscar, oui.
24:44Oui, c'est incroyable.
24:46Quand j'ai lu ce petit moment,
24:49vraiment, j'ai presque pleuré.
24:51Ce qui s'est passé, c'est le père d'Eugène Anjou.
24:54Oui.
24:56Qui avait sauté aussi.
24:58Oui, il a sauté du train, le convoi,
25:01et il s'est cassé la tête.
25:04Sur le...
25:06Sur un tunnel.
25:08Oui, sur le tunnel.
25:10Et la règle de la résistance,
25:15c'est de ne pas rester avec ceux qui tombent.
25:19Il faut continuer à se sauver.
25:23D'aller, de courir.
25:25Alors, le père reste,
25:27et puis il se réveille,
25:29et il a couru vers un ferme.
25:34Et là, il y avait la famille Médard.
25:37Monsieur et madame Médard.
25:39Et sans doute, il a expliqué ce qui s'est passé,
25:42et ils ont...
25:46Qu'est-ce qu'on dit?
25:49Ils l'ont soigné.
25:51Soigné, oui.
25:53Donné de la nourriture.
25:56Et puis, le fils de monsieur et madame Médard,
26:00l'ont mené à Paris,
26:02où ils pouvaient se rencontrer,
26:05se rejoindre,
26:07sa famille, la résistance,
26:09Eugène, et tout ça.
26:11C'était un moment très émouvant.
26:14Et bien sûr,
26:16comme vous dites,
26:18un risque énorme,
26:20parce que si le SS est venu à la ferme...
26:23Les interroger.
26:25Oui, et ils ont dit non, non, il n'est pas ici.
26:28Alors, ils ont menti.
26:30Et bien sûr, si la SS...
26:32La SS, le SS.
26:34Le SS l'a trouvé,
26:36tout de suite, bien sûr, tiré.
26:39C'était toujours ce qu'ils ont fait.
26:43Alors, c'était un risque énorme,
26:45et c'était une famille ordinaire,
26:48si vous voulez.
26:50Et je crois,
26:52dans le...
26:54Ce que Eugène a dit
26:57à la libération,
26:59quand on a fait un interview avec Eugène,
27:03je crois qu'il a dit
27:05qu'il restait toujours ami
27:08avec la famille Médard, bien sûr,
27:10parce que c'était un moment incroyable
27:13de faire ça,
27:15au milieu de tous les trahisons,
27:17collaborations, tout ça.
27:19Il faut se souvenir qu'il y avait des gens
27:21qui faisaient les choses comme ça.
27:23Même dans le film,
27:25Le chagrin et la pitié,
27:27on voit quelqu'un aussi qui fait les choses comme ça.
27:29Orfus, le film.
27:31Marcel Orfus.
27:33Il y avait des gens partout, partout.
27:35Des gens de tous les milieux,
27:37même dans le milieu intellectuel,
27:39qui pouvaient résister,
27:41mais dans les mêmes milieux,
27:43des gens qui pouvaient collaborer,
27:45dans les milieux populaires,
27:47des gens qui pouvaient collaborer
27:49et pouvoir résister.
27:51Donc ça montre aussi toute la diversité
27:53de la nature humaine.
27:55Oui, oui.
27:57Et bien sûr, au milieu de cette chose énorme,
27:59à trouver ces moments,
28:01il faut les trouver
28:03pour dire, voilà,
28:05c'est possible à faire des choses
28:07courageuses
28:09et aussi, comme vous dites,
28:11ça donne l'espérance,
28:13dans l'esprit humain.
28:15Au fait, j'aurais dû poser
28:17peut-être la question de le départ.
28:19Pourquoi Un jour ?
28:21Un jour,
28:23c'était une phrase
28:25qui était donnée à moi.
28:27Il y a plusieurs fois
28:29Un jour, au fait.
28:31Un jour, c'était le motto
28:33on dit ça en français ?
28:35Oui, oui,
28:37les moteurs de l'intrigue.
28:39Oui.
28:41Holocaust Memorial Day.
28:43Oui, le jour de
28:45souvenir de l'Holocauste.
28:47C'est le 27 janvier, bien sûr.
28:49C'est quand les Russes
28:51ont libéré
28:53le camp d'Auschwitz.
28:55Alors,
28:57chaque an, on change
28:59la phrase.
29:01Et il y a deux ans, la phrase
29:03qu'ils ont choisie, c'était
29:05Un jour. Alors, c'était,
29:07si vous voulez,
29:09le truc
29:11qui m'a poussé
29:13d'écrire quelque chose,
29:15de piquer cette phrase,
29:17parce que, vraiment, quand on écrit,
29:19ou poète,
29:21si on écrit des romans,
29:23on cherche des phrases
29:25qui expriment
29:27ce qu'on veut.
29:29Alors, Un jour, c'est un peu
29:31existentialiste.
29:33Un jour. Alors, comme ça,
29:35je répète cette phrase.
29:37Un jour,
29:39nos vies ont basculé,
29:41survivre à un jour,
29:43puis braver
29:45le jour suivant.
29:47Et vraiment, c'est quelque chose
29:49que je crois. C'est très
29:51difficile à vivre
29:53en un temps
29:55plus long qu'un jour.
29:57Vraiment, on vit
29:59dans un jour. C'est quelque
30:01chose que je crois. Demain, je vais
30:03vivre dans ce jour.
30:05Et le jour après, dans ce
30:07jour. Vraiment, c'est quelque chose que
30:09je pense.
30:11C'est un peu à cause de cette phrase,
30:13mais aussi à cause de, comme on parle,
30:15de Jean-Paul Sartre.
30:17On ne peut pas vivre dans le
30:19passant. On ne peut pas vivre dans le
30:21futur, dans l'avenir.
30:23On peut...
30:25Le seul endroit où on peut vivre,
30:27c'est ici, maintenant.
30:29Et comme ça, un jour, ça exprime
30:31cette idée. Et ces gens,
30:33c'est ce qu'ils ont fait.
30:35Ils savaient que
30:37tout ce qu'on peut faire, c'est
30:39maintenant, creuser un tunnel
30:41et échapper du train.
30:43Vous savez, ça me rappelle, il y a deux semaines,
30:45je fais une autre rencontre
30:47à Drancy
30:49sur les résistants
30:51juifs communistes.
30:53Et il y a un des personnages
30:55tout à fait essentiels. C'est
30:57quelqu'un de très connu en France,
30:59qui a dirigé la CGT, qui est le
31:01grand syndicat français,
31:03Henri Krasucki. On a passé
31:05l'interview de lui.
31:07Et c'est tout à fait étonnant. À un moment donné,
31:09toute sa famille a été prise. Ils sont
31:11arrivés
31:13par deux, par trois, par quatre
31:15à Drancy. Mais
31:17il raconte dans le film,
31:19l'interview, on était
31:21tous contents d'être réunis
31:23à nouveau à Drancy.
31:25En sachant...
31:27Bon, justement, en ne sachant pas ce qu'il
31:29allait devenir. Et c'est ça
31:31que vous montrez aussi dans le livre.
31:33Il y a des gens qui sont ensemble,
31:35qui ont envie de s'en sortir
31:37et qui croient quand même
31:39à cette possibilité d'être
31:41libre et d'être libéré.
31:43Et c'est ça, un peu, l'essence de ce livre.
31:45Oui. Oui, oui.
31:47On parle de l'esprit
31:49humain. Aussi,
31:51il y a quelque chose
31:53d'être libre.
31:55C'était ça.
31:59Vous le saviez,
32:01beaucoup plus que nous,
32:03en Angleterre, en Grande-Bretagne,
32:05c'est que les gens
32:07qui étaient dans la résistance
32:09ou qui ont résisté,
32:11c'était parce qu'ils voulaient être
32:13libres. C'était ça.
32:15Pour un tas de raisons.
32:17Et je ne l'ai pas dit.
32:19Vous l'avez dit dans le livre.
32:21Oscar et Eugène,
32:23ils étaient aussi résistants
32:25avant d'être arrêtés.
32:27Lorsqu'ils se sont échappés,
32:29ils sont redévenus des résistants.
32:31Oui. Ils pouvaient
32:33recommencer quand ils se sont
32:35revenus
32:37dans la marée.
32:39Et on n'a rien dit,
32:41mais il faut aussi
32:43parler de Benjamin Phillips.
32:45Incroyable.
32:47Oui, oui, oui.
32:49C'est un type magnifique.
32:51Oui, oui, oui. Au début,
32:53quand il a dessiné
32:55le couvert comme ça,
32:57tous les visages étaient
32:59les mêmes.
33:01Et on lui a dit,
33:03mais c'est pas très bien parce que
33:05les gens étaient bien sûr différents.
33:07Il a dit, ah oui, aucun problème.
33:09Je crois qu'il y a une centaine de visages
33:11ici.
33:13Il est comme ça.
33:15C'est un type très, très intéressant.
33:17Il a fait un livre.
33:19Le titre, c'est quelque chose
33:21en allemand.
33:23Big things
33:25en allemand.
33:27Alors, oui, oui.
33:29Il va aller loin.
33:31Comment est-ce que vous travaillez avec lui?
33:33De quelle manière? Vous discutez
33:35beaucoup?
33:37Bonne histoire. Oui, oui.
33:39Moi, normalement,
33:41ce que je pense,
33:43c'est que j'écris
33:45un livre, mais je ne le fais pas.
33:47J'écris un livre.
33:49Et je
33:51les donne
33:53à un illustrateur,
33:55un éditeur,
33:57un dessinateur,
33:59et cette équipe
34:01fait le bouquin, fait le livre.
34:03Et moi, normalement,
34:05quand je reçois un mail
34:07ou un coup de téléphone, je dis, non, non, non,
34:09allez-y, vas-y,
34:11faites comme
34:13vous devez, comme ça.
34:15Mais Benjamin
34:17a commencé à m'envoyer
34:19les
34:21dessins.
34:23Il y avait une fois, j'ai dit,
34:25mais Benjamin,
34:27vous savez, en France,
34:29sur les bâtiments
34:31à Paris, par exemple,
34:33normalement, il y a des volets.
34:35Et il m'a dit
34:37très, très patiemment,
34:39il m'a dit, oui,
34:41mais ce bâtiment
34:43n'a pas de volets.
34:45Et j'ai dit, comment?
34:47Et il m'a envoyé la photo.
34:49Et maintenant, entre nous,
34:51c'est une blague.
34:53Parce qu'il me dit,
34:55par exemple, nous avons fait une espèce de présentation
34:57et il
34:59a dit aux gens,
35:01comme vous, il a dit, Michael,
35:03je crois qu'il était un peu
35:05obsédé
35:07par les volets.
35:09Et j'ai dit, mais non, si, si, si,
35:11vous avez, vous m'avez,
35:13tu m'as écrit
35:15beaucoup, beaucoup de mails
35:17à propos des volets.
35:19Alors, bien sûr, il plaisantait.
35:21Oui, alors,
35:23aussi, on a parlé des uniformes.
35:25Oui, et il a
35:27les couleurs aussi qui sont importantes.
35:29Oui, on a parlé des uniformes de gendarmes,
35:31des uniformes de nazis
35:33ou c'était SS.
35:35Là, c'est les gendarmes français.
35:37Oui, il a bien sûr fait
35:39des bonnes recherches sur les gendarmes.
35:41Bien sûr,
35:43qui portaient des uniformes comme ça
35:45à ce moment-là.
35:47Mais aussi,
35:49ce qui est assez, je ne sais pas si c'est
35:51important, mais,
35:53bien sûr, il y avait une différence entre
35:55le SS et le Wehrmacht.
35:57Alors...
35:59Quoique parfois le Wehrmacht se comportait comme le SS.
36:01Oui, alors le Wehrmacht,
36:03c'était l'armée.
36:05Cette équipe de terreurs
36:07qui était
36:09directement sous
36:11la...
36:13la...
36:15Les ordres des...
36:17Oui, l'ordre de Himmler.
36:19Himmler était le chef, l'SS
36:21était direct avec lui.
36:23Le Wehrmacht était toujours
36:25l'armée allemande.
36:27Oui, alors
36:29c'était un peu différent.
36:31On a parlé des Brunner, mais on n'a pas dit que c'est lui qui a dirigé
36:33les Transils pendant quelques temps.
36:35Oui, c'est vrai.
36:37Donc,
36:39vous voyez, et tout à l'heure,
36:41vous avez
36:43parlé
36:45que vous savez prononcer les mots,
36:47les verbes, comprendre.
36:49Et à un moment donné, je crois que vous vous dites, je ne sais pas où,
36:51que plus on essaye
36:53de comprendre,
36:55moins on comprend.
36:57Oui, plus on essaye
36:59de comprendre ce qui s'est passé à l'époque,
37:01et puis moins on comprend
37:03parce que c'est tellement
37:05inimaginable ce qui s'est passé.
37:07Donc, même si
37:09on travaille dessus,
37:11on essaye de rendre ce qui s'est passé,
37:13on a du mal à s'imaginer
37:15vraiment ce qui s'est passé.
37:17Oui, mais aussi,
37:19j'ai le sens que
37:21il faut essayer.
37:23J'ai écrit,
37:25je pense que,
37:27bien sûr, on ne peut pas
37:29faire revivre
37:31ces gens, bien sûr.
37:33Ils sont morts.
37:35Mais, une des choses
37:37que Hitler et les nazis
37:39voulaient,
37:41c'était de
37:45de faire évanouir.
37:47Effacer.
37:49Effacer, exactement, effacer
37:51les Juifs de l'histoire.
37:53Oui.
37:55C'était leur projet.
37:57Par exemple, des livres,
37:59des galeries de l'art,
38:01effacer les Juifs, tout à fait.
38:03Et ce que j'ai pensé
38:05quand j'ai commencé à faire des recherches
38:07dans ma famille, c'était que
38:09les nazis ont réussi
38:11avec ma famille parce que
38:13tout ce que mon père savait,
38:15comme j'ai dit, leur nom
38:17et pas leur sort.
38:19Et vraiment,
38:21ce qui m'a
38:23motivated,
38:25ce qui m'a motivé,
38:27c'est de pousser
38:29contre ce fait,
38:31cette idée
38:33d'essayer d'effacer
38:35les Juifs.
38:37De trouver le fait
38:39de « bring to light ».
38:41Oui.
38:43Illuminer.
38:45Illuminer ce qui s'est passé.
38:47Avec les noms, avec les faits,
38:49ils étaient ici. Martin était dans
38:51cet appartement,
38:53dans ce village.
38:55Oscar, il était
38:57à New York, 11 rue Melaise,
38:59à Nice, dans l'hôtel Excelsior.
39:01Oui, exactement.
39:03Et comme ça, ça pousse.
39:05J'ai l'idée que ça
39:07pousse contre ce projet.
39:09Vous avez fait aussi quelque part
39:11un travail d'historien en allant chercher
39:13tous ces détails pour faire les livres
39:15parce que c'est une enquête assez importante
39:17pour faire ces livres.
39:19Et l'autre livre, il est sorti.
39:21J'espère, oui.
39:23Merci, vous savez, on peut continuer
39:25pendant quelque temps, mais si vous savez,
39:27vos questions sont...
39:29La première est toujours la plus compliquée.
39:33Allez-y.
39:35J'ai deux petites questions.
39:37Ce monsieur, il est anglais.
39:39Dans les deux langues, si vous voulez.
39:41C'est un personnage que Michael connaît,
39:43Michael, de réputation,
39:45parce qu'il est sympa.
39:47Il est archi connu en Angleterre.
39:49J'ai bien compris ça, oui.
39:53La première question, c'est, en fait,
39:55tu devais connaître que tu es célèbre
39:57pour tes petits livres
39:59pour les très jeunes enfants.
40:01Des histoires de lourds,
40:03d'ours, etc.
40:05Des livres très mignons.
40:07Oui, La chasse à l'ours en français.
40:09Est-ce que
40:11après ce livre,
40:13tu vas pouvoir
40:15recommencer à créer des petits livres
40:17pour les enfants?
40:19Toujours, je l'ai fait.
40:21Oui, oui.
40:23Cette fois-ci, c'est un petit
40:25qui essaie d'acheter quelque chose,
40:27mais elle n'arrive pas.
40:29Elle arrive à un magasin,
40:31une boutique,
40:33et elle dit...
40:41Carottes et perruquées.
40:43Perruquées, non.
40:47Est-ce que je veux ça? Non, je ne veux pas.
40:49Oui, vous comprenez.
40:51Oui, alors, cette petite histoire,
40:53c'est la prochaine
40:55avec Helen Oxenbury
40:57qui a fait les dessins
40:59pour La chasse à l'ours.
41:01We're going on a bear hunt.
41:03We're going on a bear hunt, en anglais.
41:05Oui.
41:09Merci pour m'aider.
41:11Comme ça, c'est très bien.
41:13Je pense que
41:15Michael ne veut pas en parler
41:17parce qu'il est connu.
41:19Je voudrais le dire de façon
41:21très générale.
41:23Tu as vécu une expérience
41:25extrêmement grave
41:27et difficile
41:29il n'y a pas longtemps.
41:31C'était lié au COVID.
41:33Est-ce que cette expérience-là
41:35t'a aidé
41:37à être plus solide?
41:39Est-ce qu'il y a un lien entre...
41:41Oui.
41:43Ça a été très long.
41:45Deux ou trois semaines à l'hôpital?
41:47Ou même un mois à l'hôpital?
41:49Non, trois mois.
41:51Dans un coma pour 42 jours.
41:53Dans le soin intensif,
41:5547 jours.
41:57Oui, le soin intensif,
41:5947 jours. Dans un coma,
42:0142 jours.
42:03Et dans l'hôpital,
42:05trois mois.
42:07Je crois que c'était plus difficile
42:09que pour moi
42:11parce que j'étais inconscient.
42:13Je ne savais pas
42:15ce qui se passait.
42:17Comme ça, dans un coma,
42:19on ne sait rien.
42:21Après, c'était un peu difficile
42:23parce que je ne pouvais pas
42:25me mettre debout
42:27ou me promener, marcher.
42:29Alors, dans un hôpital
42:31de rehabilitation,
42:33on dit.
42:35Merci.
42:37On m'a appris
42:39de faire marcher.
42:41Alors, oui,
42:43c'est une expérience,
42:45mais je ne sais pas.
42:47Je ne peux pas parler de moi
42:49comme survivant exactement.
42:51Je sais, oui, c'est vrai
42:53parce que chez nous,
42:55on parle de 200 000.
42:57200 000.
42:59Oui, 200 000 de gens
43:01qui sont morts de COVID chez nous.
43:03Alors,
43:05oui, j'ai une idée
43:07que j'avais de la chance.
43:09Oui.
43:11Mais je ne crois pas
43:13qu'il y ait une comparaison
43:15entre ce qui s'est passé avec moi
43:17et COVID.
43:19Quand même, c'était affreux.
43:21On peut parler de pourquoi
43:23c'était...
43:25Je ne sais pas.
43:27C'était difficile.
43:29Ils l'ont mis en erreur.
43:31Oui, en Angleterre.
43:33J'avais lu.
43:35J'étais au courant
43:37que vous aviez eu le COVID.
43:39Mais je suis ici.
43:41Voilà, c'est important.
43:43Mais pour la famille,
43:45pour Emma, Emile et Elsie,
43:47c'était difficile
43:49d'être chez eux,
43:51chez nous.
43:53Alors, qu'est-ce qui se passe avec Michael?
43:55On ne sait pas. Il est toujours
43:57comme ça.
43:59Vous savez, leur soutien comme ça,
44:01ça doit être fondamental
44:03d'être derrière comme ça.
44:05Par les pensées, par tout ça.
44:07Ça aide beaucoup d'être entouré
44:09par la famille.
44:11Bien sûr.
44:13Allez-y.
44:15Est-ce que vous avez réussi
44:17à dire tout ce que vous vouliez
44:19dans un jour?
44:21Ou est-ce qu'il y aura un autre jour?
44:23Oui, il y a un autre jour.
44:25C'est à la fois
44:27plein d'espérance,
44:29mais à la fois,
44:31c'est un peu tragique.
44:33Alors, j'ai parlé
44:35d'Oscar et Rachel.
44:37Ils étaient à New York.
44:39Et je sais
44:41le moment
44:43quand
44:45ils ont échappé
44:47de New York pour aller à Nice.
44:49Mais il y a 18 mois
44:51entre New York
44:53et Nice.
44:55Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait?
44:57Comment c'était possible
44:59pour ces deux amants?
45:03Ils viennent d'être...
45:07Ils se sont mariés.
45:09Alors,
45:11comment c'était possible
45:13de traverser la France
45:15à presque
45:17un millier de kilomètres
45:19d'aller de New York à Nice
45:21en se disant peut-être
45:23nous n'irons pas à Pécine.
45:25Alors, j'ai essayé
45:27d'imaginer
45:29ce que c'était
45:31qui les familles
45:33comme la famille Médard,
45:35peut-être,
45:37les ont protégées.
45:39Qu'est-ce qu'ils ont fait
45:41avec leurs étoiles jaunes?
45:43Bien sûr, peut-être,
45:45je ne sais pas, mais sans doute
45:47ils l'ont caché.
45:49Oui,
45:51ils l'ont caché,
45:53les deux étoiles jaunes.
45:55Mais,
45:57comment est-ce
45:59qu'ils ont mangé?
46:01Comment c'est possible?
46:03Alors, à la fois, c'est quelque chose de...
46:05Alors, c'est difficile à dire.
46:07Romantique.
46:09C'est deux...
46:11Pas très jeunes, mais ils avaient
46:1340 ans, je crois.
46:15J'ai une photo, je crois que c'est dans
46:17mon livre.
46:19À l'arrière de la photo,
46:21c'est écrit
46:23fiançailles.
46:25Oui, c'est ça.
46:27Engagement.
46:29Oui, c'est très,
46:31très, très beau,
46:33comme image.
46:35Lui avec la moustache,
46:37elle est très belle.
46:39Alors,
46:41qu'est-ce qui s'est passé? J'ai commencé à créer
46:43quelque chose pour le professeur
46:45Helen Weinstein.
46:47Ainsi, pour
46:49une danse
46:51contemporaine.
46:53Oui. Alors,
46:55c'est quelque chose, peut-être,
46:57que je vais écrire, mais
46:59je dois
47:01être très, très clair
47:03pour le lecteur
47:05que c'est quelque chose que j'ai imaginé.
47:07Alors,
47:09mais à la fois,
47:11je veux écrire que
47:13ce qu'ils ont
47:15imaginé, c'est
47:17de s'échapper de Nice, parce qu'il y avait ce type,
47:19Angelo Donati, un Italien,
47:21qui avait,
47:23qu'est-ce qu'on dit,
47:25il avait trouvé,
47:27si vous voulez,
47:29quatre bateaux
47:31pour emmener les Juifs
47:33en Afrique du Nord.
47:35Mais c'était exactement
47:37le moment où
47:39les alliés, nous,
47:41avaient battu
47:43les Italiens.
47:45Alors,
47:47ils ne pouvaient pas les emmener.
47:49Alors, j'ai imaginé que
47:51Oscar et Rachel
47:53ont imaginé
47:55qu'ils seraient
47:57libres. Et
47:59déçus, bien sûr. Alors,
48:01c'est une espèce de réponse,
48:03monsieur. Et d'ailleurs, vous dites
48:05souvent dans le livre,
48:07une ou deux fois, c'est une histoire
48:09vraie, tout ce qui s'est passé.
48:11Vous savez ce qu'est la part
48:13des fictions et la part des réalités,
48:15complètement?
48:17Ah, ça c'est difficile, parce que
48:21bien sûr, quand on lit
48:23quelque chose qui est fiction,
48:25on le lit comme c'est
48:27vrai. On lit
48:29Dumas, par exemple.
48:31Si on veut
48:33avoir ce que
48:35Roland Barthes a appelé
48:37la jouissance du texte,
48:39oui,
48:41on peut croire en ce type-là.
48:43Ah, mais c'est ridicule,
48:45quoi. Regarde
48:47leurs costumes, leurs
48:49bottes, les godasses, tout ça.
48:51C'est ridicule. Mais on le croit.
48:53Sinon, ça vaut
48:55pas la peine, quoi.
48:57Alors, la différence entre
48:59la réalité
49:01et la réalité
49:03du documentaire,
49:05c'est difficile. Surtout quand il y a un
49:07écrivain, le type
49:09qui écrit Robinson Crusoe,
49:11Daniel Defoe, chez nous,
49:13il a entouré ses livres
49:15avec les conneries,
49:17en disant, cette histoire est vraie.
49:19Et bien sûr, les gens
49:21du 18e siècle
49:23ont le croyé.
49:25Oui, bien sûr,
49:27ils l'ont croyé. Par exemple,
49:29Moll Flanders, c'était un autre livre
49:31par Daniel Defoe, comme Robinson Crusoe,
49:33elle demande
49:35au début du livre,
49:37ah, je suis
49:39désolé que j'étais une femme
49:41tombée, tout ça,
49:43j'espère que vous lisez
49:45ce livre
49:47et vous me forgive.
49:49Pardonnez.
49:51Pardonnez, oui, vous me pardonnez.
49:53Alors, c'est une blague, quoi.
49:55Mais on le croit.
49:57Et comme ça, j'espère,
49:59j'ai écrit, c'est vrai. J'espère
50:01que les gens qui disent
50:03est-ce que ces choses sont
50:05vraies, c'est vrai, je veux le dire.
50:07Et ce qui est vrai
50:09aussi, c'est que ça fait du bien
50:11que même dans
50:13ces contextes-là, pour
50:15certains, ce soit bien fini,
50:17qu'ils aient survécu.
50:19Oui.
50:21Ils ont survécu, oui.
50:23Eugène, je crois
50:25qu'il est mort
50:27en 2017,
50:29je crois.
50:31Et on pense que son grand-fils,
50:33peut-être,
50:35il est ici.
50:37Pardon, son petit-fils, pas grand-fils.
50:39Son petit-fils,
50:41il est ici, ce soir, monsieur Anjou ?
50:43Non.
50:45Il en a parlé, n'est-ce pas,
50:47François ? Je crois que
50:49j'ai envoyé son mail.
50:51Alors, peut-être il ne peut pas venir.
50:53Mais son, oui,
50:55le petit-fils
50:57d'Eugène,
50:59bien sûr,
51:01il vit toujours.
51:03Il est à Paris, quelque part, oui.
51:05Ah, ici, madame, pardon.
51:07Et donc, vous avez fait exprès de ne pas
51:09mettre des photos, par exemple,
51:11les photos que vous nous avez montrées dans l'autre livre.
51:13Là, est-ce que
51:15vous avez pensé peut-être en mettre
51:17une ou deux là-dedans pour montrer que c'était vrai ?
51:19Ou non ?
51:21Oui, comme j'ai dit,
51:23moi,
51:25je ne fais
51:27que l'écriture.
51:29Ça, c'est une décision
51:31pour les éditeurs.
51:33Alors, non, non, pas ici.
51:35À Walker Books, en Angleterre.
51:37Alors, magnifique, Jane Winterbottom,
51:39le dessinateur,
51:41tout ça.
51:43C'est quelque chose
51:45qu'ils ont
51:47décidé, oui.
51:49J'ai écrit un autre qui s'appelle
51:51Please Write Soon.
51:53Et c'est les lettres
51:55entre
51:57mon père et son cousin
51:59en Pologne.
52:01Et au début, il y a une image
52:03de son cousin, une photo.
52:05Michael Rechnick,
52:07il s'appelle.
52:09Et j'ai imaginé les lettres entre les deux
52:11quand ils étaient
52:13les ados.
52:15Alors, comme ça, exactement comme vous
52:17dites, il y a une photo
52:19de Michael Rechnick.
52:21C'est un peu surprenant parce que si on veut
52:23vraiment convaincre les jeunes...
52:25Oui, bonne idée, il faut écrire
52:27à Walker Books, il faut le dire.
52:29Allez-y, oui.
52:31Ça serait mieux.
52:33Walker Books.
52:35Oui, et puis on voit aussi
52:37à travers tout ce que vous avez raconté
52:39vos multiples
52:41liens avec la France aussi.
52:43C'est des liens avec tout
52:45ce qui est arrivé avec votre famille, mais aussi
52:47des liens intellectuels aussi, très forts.
52:49Pourquoi, j'ai l'impression que
52:51pour vous, la France compte beaucoup.
52:53Oui, ça c'est
52:55assez compliqué.
52:57Oui, il y a François ici.
52:59Quand j'étais très jeune, mes parents
53:01m'ont emmené
53:03en France
53:05en 1951.
53:07Par exemple,
53:09j'étais à l'Erosaire
53:11en Bretagne,
53:13dans les Pyrénées,
53:15quand j'avais sept ans.
53:17J'étais dans une colonie de vacances
53:19dans l'Ardèche,
53:21quand j'avais 16 ans.
53:23Et comme ça,
53:25j'ai étudié
53:27le français à l'école,
53:29j'ai lu Voltaire,
53:31La Fontaine,
53:33des choses comme ça.
53:35Comme ça,
53:37j'ai...
53:39Oui, j'ai...
53:41j'ai commencé à avoir
53:43un lien avec la France.
53:45Et en
53:471963
53:49ou 64,
53:51j'ai rencontré
53:53François qui est ici,
53:55et sa famille, la famille Miquel.
53:57Monsieur Miquel était
53:59maître assistant, oui c'est ça,
54:01à la Sorbonne en italien.
54:03Oui, monsieur Miquel.
54:05Oui.
54:07Et la famille,
54:09grande famille, alors
54:11je suis toujours lié avec
54:13cette famille. C'est magnifique que
54:15François est ici ce soir.
54:17Donc je tiens tout simplement à vous remercier.
54:19On n'a pas tous les jours
54:21le plaisir d'interviewer
54:23une vedette britannique.
54:25Ça c'est lui.
54:27Il ne fallait pas le dire, monsieur.
54:29Donc merci,
54:31vous pouvez l'applaudir.
54:33Merci.
54:35Merci beaucoup.
54:37Excusez-moi les fautes.

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