Lundi 27 janvier, le monde commémore les 80 ans de la libération d'Auschwitz-Birkenau en Pologne, où des cérémonies, sur le site même de cet ancien camp nazi allemand, doivent réunir une cinquantaine de survivants.
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00:00C'est-à-dire que quand je suis arrivé au camp, j'ai été déporté le 2 septembre 1943, je suis donc arrivé au camp et trois mois après,
00:12trois mois après évidemment, peut-être un peu plus tard de comment fonctionnait le camp, j'ai retrouvé ma sœur qui avait été déportée avant moi,
00:24que je ne savais pas parce qu'on s'était séparé au moment de la rafle du Veldiv et on avait un endroit où on allait le soir qu'on appelait la latrine
00:34et là on avait l'opportunité de rencontrer d'autres déportés qui étaient dans d'autres barraques et j'ai vu arriver ma sœur, évidemment je ne m'y attendais pas,
00:44elle avait été arrêtée en novembre 1942, envoyée à Drancy et elle a été déportée le 8 février 1943 et moi je suis arrivé le 2 septembre 1943,
00:58ma sœur, ça faisait déjà presque huit mois qu'elle était au camp, moi je ne l'ai pas reconnue, elle était méconnaissable, ça faisait trois mois que j'étais là,
01:07donc physiquement je n'avais pas encore trop diminué, alors évidemment les retrouvailles ont été assez pénibles, alors tous les matins j'allais la voir dans les commandos,
01:19on avait chacun une baraque qui correspondait au commando dans lequel on travaillait, donc comme elle, elle travaillait tous les matins entre l'appel et tout ce qu'on avait à faire,
01:28j'allais la voir pendant cinq minutes pour voir et je la voyais dépérir de jour en jour jusqu'à ce que je sois arrivé un jour au début du mois de mars 1944,
01:39ma sœur n'était pas dans la baraque, alors je demandais aux autres femmes, mais où elle est, parce que dans le camp de Schwitz, de l'instant où vous n'alliez pas à l'appel,
01:48la charrette passait l'après-midi et emmenait les gens au crematoire, de l'instant où vous n'alliez pas à l'appel, c'est que vous ne pouviez plus travailler,
01:55alors quand j'ai vu que ma sœur n'était plus là, je me suis précipité à l'infirmerie, je l'ai trouvé allongé sur une paillasse, enfin, couverte de plaies ouvertes,
02:05qui saignait de partout, elle crachait des enfants, elle était dans un état déplorable, alors je lui dis, Fanny, tu ne peux pas rester là, tu sais ce qui va arriver,
02:13parce que les gens qui ne t'allaient pas au travail, on ne les retrouvait pas le soir, alors elle m'a dit, écoute, pour moi c'est fini, j'ai fait le maximum pour rester, pour survivre,
02:23elle m'a dit, toi t'es jeune, la guerre va bientôt finir, parce que comme les transports arrivaient de l'Europe entière à partir de 1943,
02:30évidemment ils avaient toujours de la main d'œuvre plus fraîche, si vous voulez, pour faire le travail, alors je lui dis, écoute, je vais t'aider à te lever, viens à l'appel,
02:40elle m'a dit, non, pour moi c'est terminé, elle s'est soulevée de sa paillasse, elle m'a pris dans ses bras, elle m'a dit, toi t'es jeune, la guerre va bientôt finir,
02:47tu me promets, tu me promets que si t'as une chance de revenir, de raconter, de témoigner, de raconter tout ce qu'on a supporté, tout ce qu'on a subi ici,
02:57tout ce que ces œuvres ont pu faire à d'autres personnes, elle me dit, et surtout tu me promets qu'on ne soit pas les oubliés de l'histoire,
03:05et puis elle s'est renversée de sa paillasse, j'ai été obligé de partir travailler.
03:11– Et vous ne l'avez jamais revue ?
03:13– Vous savez pourquoi ça a été catastrophique ? Parce que pendant la rafle du Veldiv, toute ma famille a été arrêtée, 17 personnes,
03:22et je me disais toujours l'illusion de dire, ils sont dans un autre camp, c'est peut-être différent,
03:27mais là d'avoir vu ma soeur, c'était vraiment l'évidence.