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Pierre Vermeren, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne et spécialiste du Maghreb, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.

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Transcription
00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'historien Pierre Wermeren.
00:05Bonjour Pierre Wermeren.
00:07Bonjour Dimitri Pavlenko.
00:09Bonjour à vous Pierre, bienvenue sur Europe 1, vous êtes spécialiste du Maghreb contemporain.
00:12Parmi vos livres récents, citons l'Histoire de l'Algérie contemporaine ou encore le Maroc en 100 questions paru chez Tallandier.
00:18Alors Emmanuel Macron, Pierre Wermeren se rend au Maroc ce lundi à l'invitation du roi Mohamed VI, visite d'Etat, c'est le plus haut niveau protocolaire.
00:26Ça fait 6 ans qu'Emmanuel Macron n'est pas allé au Maroc, autant dire une éternité.
00:30C'est que l'on sort de 3 ans de brouilles avec le royaume litant partout, 3 ans, peut-être même 10 ans.
00:37Que se passe-t-il avec le Maroc Pierre Wermeren ?
00:39Oui, 10 ans de brouilles, vous avez raison, depuis un événement qui s'est déroulé sous la présidence de François Hollande
00:47avec la mise en accusation d'un haut fonctionnaire marocain du ministère de l'Intérieur, ou en tout cas la tentative d'inculpation.
00:56En fait, c'est une brouille très ancienne qui remonte à la présidence de François Hollande qui, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, a voulu se réconcilier avec les Algériens, avec l'Algérie.
01:04Et cela, évidemment, a assombri les relations d'un coup avec le Maroc.
01:09Et puis ensuite, une succession d'affaires qui ont fait qu'on vient de traverser une période de 10 ans extrêmement mouvementée, très hâchée et qui s'est terminée, on se rappelle, l'année dernière,
01:20ou l'apothéose en quelque sorte, ça a été la période du tremblement de terre au Maroc, en septembre il y a un an, où pratiquement le roi et le président ne voulaient plus se parler et étaient extrêmement fâchés l'un envers l'autre.
01:32Voilà, donc on sort de cette période qui rappelle un peu la période d'Arcas ou de Gaulle, mais là, l'éponge est passée depuis cet été et on va expliquer pourquoi.
01:42Justement, pourquoi que s'est-il passé ? Comment expliquer ce retournement diplomatique Pierre Wermeren ?
01:48Le Maroc est extrêmement attaché au fait de voir reconnaître l'égalité de sa présence au Sahara occidental, l'ancienne province espagnole.
01:58Et le 30 juillet de cette année, le président Macron a adressé une lettre de réconciliation au Maroc et au roi en particulier pour sa fête du trône.
02:09Il faut expliquer Pierre Wermeren, qu'est-ce que c'est exactement ce Sahara occidental ?
02:13Vu de France, ça paraît anecdotique, mais pour les Marocains, c'est la pierre angulaire de toute leur diplomatie.
02:18Peut-être ce bout de territoire, quel est-il exactement Pierre Wermeren ?
02:21C'est un morceau de Sahara au sud du Maroc, à peu près 220 000 km², qui appartenait à l'Espagne, qui était une forme de colonie espagnole
02:34et qui a été occupée par le Maroc après la mort de Franco en 1975 et que depuis près de 50 ans, le Maroc essaie absolument de faire reconnaître par l'ONU.
02:45L'ONU est d'ailleurs sur place avec une mission permanente d'interposition parce que cette récupération a donné lieu à une guerre,
02:51d'une part avec les Sahraouis, qu'on a appelé le Front Polisario, et d'autres soutenus par l'Algérie.
02:57Le Polisario, aujourd'hui, existe toujours, il est basé dans le sud algérien, dans le désert,
03:04et c'est ça qui explique aussi la dégradation continue et permanente des relations entre le Maroc et l'Algérie, qui n'ont plus aucune relation aujourd'hui.
03:11Et donc pour son anniversaire, pour la fête du trône du 30 juillet, le président Macron a adressé une lettre en reconnaissant en gros la souveraineté du Maroc sur ce territoire.
03:24Alors c'est ce que voulait absolument le Maroc, et c'est ce qui a permis de passer l'éponge, même si, bien sûr, ça ne change rien au fond parce que c'est toujours l'ONU qui est responsable de ce dossier.
03:32Que va chercher aussi Emmanuel Macron au Maroc ? Parce que c'est un état particulièrement intéressant sur le continent africain, le Maroc.
03:42C'est un état, d'abord, qui parle à absolument tout le monde. Et qu'espère en tirer, d'après vous, Emmanuel Macron, sur le plan diplomatique ?
03:50Alors il y a beaucoup de raisons, mais c'est vrai que quand vous êtes brouillé actuellement comme la France avec beaucoup d'états à la fois dans le monde arabe et en Afrique, c'est bien d'avoir un relais d'influence, comme on dit.
04:01C'est quelque chose d'assez intéressant, d'ailleurs, que De Gaulle recherchait déjà dans les années 60 après la guerre d'Algérie.
04:07Et déjà, il s'était intéressé au cas du Maroc, même si c'est Pompidou qui l'a mis en œuvre.
04:11Les relations du Maroc, elles sont assez bonnes avec les pays du Sahel, avec lesquels aujourd'hui on a une relation très dégradée.
04:18Au Maghreb, on est fâché un peu avec tout le monde pour des raisons différentes et on n'a plus pied, notamment, par exemple, enfin, difficilement pied en Libye.
04:27Là aussi, il y a un conflit à résoudre et le Maroc pourra servir aussi éventuellement de partenaire pour cette affaire.
04:32Donc oui, il y a un intérêt diplomatique incontestable et on ne peut pas se permettre le luxe, vu nos relations très importantes avec l'Afrique pour plein de raisons, d'être fâché avec trop de pays.
04:43Et donc, il fallait renouer au moins avec ce partenaire très fiable qu'a été pendant longtemps le Maroc.
04:48Alors, il y a des sujets sensibles aussi à évoquer, peut-être pour Emmanuel Macron.
04:51Le sujet de l'immigration, le fameux sujet des OQTF qui nous occupent tant en ce moment en France et des laissés-passer consulaires.
04:58Vous nous direz si le Maroc est un partenaire fiable en la matière.
05:02Le sujet aussi du trafic de drogue, parce qu'il faut rappeler que l'essentiel du cannabis qui est consommé en France, il arrive justement du Maroc perverméen.
05:10Oui, non seulement il arrive, mais il y est produit.
05:13Donc, effectivement, la situation sécuritaire intérieure en France, sur les dossiers que vous expliquez, on peut en ajouter d'autres.
05:21On peut ajouter l'immigration en général, on peut ajouter aussi la question de l'islam de France, puisque le 1er janvier, la France a mis fin aux imams détachés en provenance d'Algérie, du Maroc et de Turquie.
05:32Et donc, que va-t-il se passer maintenant, puisque à peu près 700 mosquées sont d'obédience marocaine, comme on dit en France.
05:39Donc, oui, cette question sécuritaire, elle est évidemment centrale.
05:42C'est pour ça que le ministre Retailleau fait partie du voyage.
05:46Il a prévenu qu'il voulait résoudre la question des OQTF d'une manière générale.
05:50Mais le Maroc est un des pays avec lesquels il faut travailler là-dessus, puisque pour l'instant, il accepte quelques OQTF, mais très peu.
05:57Donc, je ne pense pas que ces questions très complexes et très techniques, mais aussi très sensibles politiquement, vont être mises en avant pendant le voyage.
06:05Mais les discussions en interne, si je puis dire, vont évidemment se centrer sur ces questions centrales pour la France aujourd'hui.
06:12Merci beaucoup de vos lumières, Pierre Vermeurenne, sur le Maroc et plus généralement le Maghreb contemporain.
06:17J'envoie à la lecture de vos derniers ouvrages.
06:19Le Maroc en son question chez Talandier et votre histoire de l'Algérie contemporaine absolument passionnante.
06:24Merci, Pierre Vermeurenne, d'être venu sur l'antenne d'Europe ce matin.
06:27Merci beaucoup.

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