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La France a été le premier pays au monde à voir sa natalité baisser, et en 2024 le Président a parlé de "réarmement démographique". Partout, la fécondité chute de façon vertigineuse, deux tiers des pays du monde ne font plus assez d'enfants pour renouveler leur population. Est-ce une catastrophe ou cela ouvre-t-il à de nouvelles opportunités ? Regardez David Duhamel, docteur en économie et enseignant à Sciences Po Paris, qui publie "Un monde sans enfant", aux éditions Buchet-Chastel.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 25 octobre 2024.

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Transcription
00:00Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud, il paraît qu'en France, on ne fait pas assez d'enfants
00:08et c'est ça qui plombe en partie nos comptes publics.
00:10Trop de vieux, pas assez de jeunes, au final ça ne fait pas assez d'argent dans les caisses.
00:13Raison pour laquelle, Amandine, vous avez choisi de recevoir ce matin David Duhamel
00:17qui vient de publier Un Monde Sans Enfants. Bonjour et bienvenue.
00:20Bonjour David Duhamel.
00:21Bonjour Amandine Bégaud.
00:22Vous êtes docteur en économie en Ciennes-Nuans, notamment à Sciences Po
00:26et donc vous publiez ce livre au titre volontairement provocateur
00:29Un Monde Sans Enfants, c'est aux éditions Bûcher-Chastel, le livre est sorti hier.
00:34On est d'accord, on aurait bien moins de problèmes de déficit et de budget si on faisait plus d'enfants ?
00:40Alors, on aurait moins de problèmes économiques en général si on faisait plus d'enfants.
00:45Je ne suis pas sûr que ce soit le bon slogan pour inciter les gens à faire des enfants.
00:49J'imagine mal de jeunes amoureux se dire « Allez, pour le déficit ».
00:54Mais on peut tenter, ça peut marcher.
00:56On a longtemps été en France une exception en la matière championne d'Europe de la natalité.
01:02On est tombé à 1,68 enfants par femme en 2023.
01:06On était quand même à 2 encore en 2014.
01:09Vous allez me dire qu'il n'y a pas de chiffre parfait,
01:11mais combien faudrait-il en faire pour régler une partie du problème ?
01:16Vous avez raison, il n'y a pas vraiment de chiffre.
01:191,7 c'est peu par rapport à 2.
01:21Cela dit, il faut bien comprendre que la France est plutôt bien lotie.
01:24C'est vraiment un mouvement mondial et pas une histoire française du tout,
01:27ni une histoire européenne, ni une histoire occidentale.
01:30C'est une histoire mondiale.
01:31Et donc, certes, la France a quelques difficultés,
01:34mais comme les autres s'effondrent à côté, on est presque plus beau relativement.
01:39Donc, deux bons chiffres.
01:41Si on peut rester 1,7, moi je signe tout de suite.
01:45Je pense sincèrement que ça va baisser mondialement et en France.
01:49Vous dites qu'on n'a encore rien vu ?
01:51Oui, je dis qu'on n'a encore rien vu, absolument.
01:54Je dis qu'on n'a encore rien vu parce que ce qu'on appelle la gêne Z,
01:58c'est-à-dire ceux qui sont nés entre 1997 et 2010,
02:01ceux qui ont grandi dans un univers numérique depuis le début,
02:05ceux qui ont aussi grandi sous la force du mouvement MeToo,
02:09ceux-là n'ont pas commencé encore à faire des enfants.
02:12Les plus vieux ont 27 ans, mais maintenant on commence à faire ces enfants
02:15plutôt quand on approche de la trentaine.
02:16Et donc, on ne voit pas encore la force de ces mouvements sur leur fécondité
02:20et à mon avis, elle est massive.
02:21Vous dites et vous insistez sur l'impact des nouvelles technologies sur la natalité ?
02:25Pardon, mais où est le rapport ?
02:27À tous les étages, il est absolument partout.
02:29On voit que... Alors, je vais dire les jeunes, mais c'est vrai des plus vieux aussi,
02:33mais les plus vieux, en gros, ils ont déjà fait leurs enfants.
02:35Mais les jeunes ne sortent plus, ne se rencontrent plus,
02:38prennent leurs informations avec maintenant des algorithmes
02:41qui font que ce sont des chapelles qui ne se parlent plus.
02:43Donc, les jeunes hommes tournent très à droite et les jeunes femmes très à gauche.
02:46On le voit dans cette élection, par exemple, aux Etats-Unis.
02:49Ensuite, ils déclarent, je ne sortirai pas avec quelqu'un qui ne partage pas mes opinions.
02:52Là, on va avoir un petit problème, quand même.
02:54Les applications de rencontres, finalement, compliquent la rencontre plutôt qu'elles ne la facilitent.
02:59L'ubiquité de la pornographie complique la sexualité.
03:02C'est aussi une jeunesse qui fait beaucoup moins l'amour.
03:04Ce sont les nouvelles technologies qui ont tué la natalité ?
03:09Ah oui, je pense que l'impact...
03:11Surtout, je pense qu'on ne le voit pas encore, cet impact-là.
03:13Mais alors, tuer, le mot est fort,
03:15mais on voit tous comment on se dépatouille assez mal de notre rapport à la technologie,
03:18comment elle change notre sociabilité
03:20et comment elle change le lien à l'autre.
03:23Il faut quand même, à un moment, rencontrer quelqu'un.
03:25En Corée, par exemple.
03:27Corée, c'est intéressant parce que c'est le pays qui est le plus dans la catastrophe démographique
03:30et c'est aussi le pays le plus technophile.
03:32Il y a tellement d'habitants et de jeunes coréens qui ne sortent pas de chez eux
03:35que le gouvernement pense aller payer,
03:38non pas des incitations pour faire des enfants, comme on en voit partout,
03:41juste pour mettre le pied dehors.
03:43Payer pour mettre le pied dehors ?
03:44Voilà, pour sortir de chez soi.
03:46La Corée du Sud, c'est un pays qui a dépensé 200 milliards de dollars en 20 ans
03:50justement pour essayer de réactiver cette natalité
03:54avec pas ou peu de résultats.
03:56On peut imaginer que ça resterait encore pire,
03:58mais ça demande beaucoup d'imagination
04:00puisque le taux de fécondité est en train d'approcher de 0,6.
04:02Autrement dit, maintenant, il faut 6 personnes pour faire un enfant en Corée.
04:05Donc la Corée, c'est...
04:07La Corée, c'est le Japon sous cocaïne
04:10et le Japon, c'est déjà la catastrophe.
04:12Tout le monde regarde la Corée en se disant, mais qu'est-ce qu'ils font ?
04:14Parce que dans 100 ans, en gros, il n'y aura plus personne.
04:16Enfin, plus que des très très vieux.
04:18C'est quand même très inquiétant.
04:20C'est très inquiétant pour la Corée, oui, ça c'est certain.
04:22Mais donc, on peut se dire, en France, on a un problème
04:24qui n'a rien à voir par son ampleur.
04:26En France, on a un problème qui n'a rien à voir
04:28et pourtant, il y a quelques mois,
04:30le sujet est revenu sur le devant de la scène
04:32et du débat politique avec ces mots d'Emmanuel Macron. Écoutez.
04:35Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé
04:38pour permettre justement ce réarmement démographique.
04:42Vous décrétez le réarmement démographique.
04:44C'était au mois de janvier dernier, le président Macron.
04:48Vous n'aimez pas cette expression, réarmement démographique ?
04:51Non, je n'aime pas cette expression.
04:53Mais ce n'est pas de la démographie,
04:55c'est de la politique intérieure quand il fait ça.
04:57C'est-à-dire que c'est du message codé
04:59à un électorat plutôt plus à droite que l'électorat macroniste
05:02pour dire...
05:04Vous savez, le préfixe « re »,
05:06c'est plein de nostalgie.
05:09C'est-à-dire qu'on va essayer de faire quelque chose
05:11pour revenir en arrière, pour renaître, pour reconquérir.
05:14Et donc, c'est de la politique intérieure.
05:17Maintenant, si on veut augmenter le taux de fécondité en France,
05:20on sait que le désir d'enfant est largement au-dessus
05:23du seuil de remplacement.
05:25Donc, si on essaye de faire en sorte que toutes les femmes
05:27qui souhaitent avoir des enfants ont les enfants qu'elles désirent,
05:30ça ira très bien.
05:31Ça veut dire régler les problèmes d'infertilité ?
05:34Redonner aussi de l'optimisme, vous dites,
05:38de l'espoir.
05:39Ça, c'est facile à dire.
05:40Oui, c'est ça.
05:41Non, mais c'est pour ça que mon livre est un petit peu avare
05:43en préconisation, parce que c'est hyper dur.
05:45Je me moque d'Emmanuel Macron, mais en fait,
05:48j'aimerais pas être à sa place pour relancer la fécondité.
05:50C'est un problème culturel avant toute chose.
05:53L'infertilité, donc ça, c'est les gens qui essayent d'avoir des enfants
05:56et qui n'y parviennent pas.
05:57C'est extrêmement douloureux.
05:59Quantitativement, c'est pas encore ce qui fait une grande différence.
06:02La baisse de la fécondité, c'est quand même beaucoup.
06:05Les toutes jeunes femmes qui n'ont plus d'enfants,
06:07et notamment toutes celles qui n'avaient pas prévu d'en avoir.
06:09Moi, je suis né d'une mère qui n'avait pas prévu d'avoir d'enfants.
06:13Ma belle-mère est tombée enceinte à 16 ans.
06:16Enfin, c'est des choses qui n'arrivent plus,
06:17et je pense qu'on peut quand même s'en féliciter.
06:19Mais en revanche, j'ai complètement oublié votre seconde question.
06:24Non, je vous disais, c'est sur l'optimisme
06:28qu'il faut miser pour redonner envie aux gens
06:31de se projeter et donc de faire des enfants.
06:33Mais ce qui est très intéressant, il nous reste très peu de temps,
06:35David Duhamel, et je voulais vraiment revenir sur ce point.
06:37Dans ce livre, vous dites qu'en France,
06:39finalement, le plus gros problème qu'on a,
06:41c'est peut-être qu'il faudrait qu'on s'attaque
06:43à l'autre bout de la vie.
06:45En France, écrivez-vous, le vieillissement est presque
06:47exclusivement discuté, sans nuances,
06:49et comme une évolution problématique.
06:51On parle de la vieillesse comme d'un poids,
06:53des dépenses de santé comme d'un fardeau,
06:55et la question des retraites, j'en parle même pas.
06:57C'est ça le problème aussi, on s'occupe mal de la fin,
06:59enfin, de nos vieux, je vais dire les mots comme il faut les dire.
07:03Alors déjà, les vieux, c'est un groupe
07:05que j'arrive en trombe.
07:07Ensuite,
07:09il y a vieux et vieux, vieux ça ne veut rien dire,
07:11à partir de quand on est vieux, c'est un problème presque philosophique,
07:13on met la barre à 65 ans
07:15aujourd'hui, c'est comme ça qu'on
07:17discute de la vieillesse des sociétés.
07:19Il suffirait de la mettre à 75 ans
07:21et on serait jeunes. C'est Hervé Lebras
07:23qui dit, ça fait 50 ans que la France rajeunit
07:25parce qu'on a élevé la définition de la vieillesse
07:27et paf, on rajeunit. Moi, je pense que
07:29avoir 75 ans ou avoir 70 ans
07:31aujourd'hui, ça n'a rien à voir avec avoir
07:3370 ans il y a 40 ans. Je prends l'exemple
07:35dans mon livre de ma mère à 75 ans qui serait
07:37capable de défier en boxe et de battre
07:39mes trois grands-pères quand ils avaient le même âge
07:41parce que déjà deux d'entre eux étaient morts.
07:43Donc 65-75 ans, ça peut être une
07:45ressource, c'est un bel âge je pense, il faut le voir
07:47comme ça. Et vous dites vous, économiste,
07:49qu'il est inévitable
07:51qu'il faille augmenter l'âge de départ
07:53à la retraite. Oui, mais
07:55alors attention parce que là, il faut quand même
07:57absolument, mais ça va avec
07:59beaucoup d'autres réformes à faire en termes
08:01de justice sociale. On ne peut pas se contenter d'augmenter
08:03l'âge de la retraite, c'est aussi une
08:05demande d'équité et de justice. Mais
08:07l'âge de la retraite à 60 ans
08:09ou 62 ans, c'est faire payer aux jeunes
08:11le
08:13poids des vieux et ça ne va aller qu'en
08:15empire enjeu. Je pense que si j'étais jeune
08:17aujourd'hui, je me battrais pour qu'on augmente l'âge de la
08:19retraite plutôt que pour qu'on le réduise parce que
08:21je pense que ce serait mon intérêt.
08:23Merci beaucoup David Duhamel d'être venu nous voir ce matin.
08:25Je rappelle le titre donc de votre livre qui est sorti
08:27hier. Un monde sans enfants, on y apprend
08:29plein de choses. C'est aux éditions
08:31Bucher-Chastel.

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