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Transcription
00:00Après huit semaines d'audience, Gisèle Pellicot a de nouveau pris la parole ce matin pour la deuxième fois depuis le début de ce procès, début septembre.
00:09L'ex-épouse de Dominique Pellicot a exprimé son sentiment, son émotion aussi après les récits, parfois extrêmement difficiles à entendre,
00:16des co-accusés, ces 50 hommes jugés pour l'avoir violé ou agressé sexuellement.
00:20Avec moi pour commenter cette séquence, Maître Nathalie Tomazini.
00:24Bonjour, merci d'être avec nous.
00:26Vous êtes avocate spécialiste des violences intrafamiliales, sexistes et sexuelles.
00:30On va retrouver dans quelques instants Marie Schuster, qui est notre envoyée spéciale au tribunal du Vaucluse,
00:34justement pour rendre compte de ce qui s'est dit ce matin dans cette cour et aussi sûrement de l'ambiance très lourde.
00:40Beaucoup d'émotions, on imagine.
00:42D'abord un mot après ceux prononcés par Gisèle Pellicot.
00:46Je vais les répéter de nouveau.
00:48Je suis une femme totalement détruite, a-t-elle déclaré.
00:51Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça.
00:54On précise avoir voulu lever le huis clos de ce procès pour servir d'exemple aux autres femmes,
01:00que l'on sait très nombreuses et qui n'osent pas franchir ce pas.
01:03Totalement détruite, on le saura moins.
01:06Je rappelle que cette femme a été victime de centaines de viols en dix ans.
01:12C'est une femme qui est à la fois détruite physiquement dans sa chair et également psychologiquement.
01:20Après, quel courage !
01:23Une femme qui force le respect, ça tout le monde est d'accord pour le dire.
01:25Quel courage et quelle force physique et mentale.
01:32Pourquoi je dis ça ?
01:33Parce que pour avoir assisté des victimes de viols dans tout le cours de ma carrière,
01:40on sait qu'une victime de viol, un procès c'est trois jours.
01:44Là, on a quatre mois de procès.
01:48Jusqu'au 20 décembre prochain.
01:49Exactement.
01:50Et lorsque je reçois mes clientes pour la première fois pour leur parler de ce procès,
01:55qui va durer trois jours, je leur dis que ça va être une épreuve physique et psychologique énorme.
02:03Et là, c'est une épreuve qui est démultipliée pour Gisèle Pellicot.
02:08Et elle est debout.
02:09Elle est là.
02:10Elle parle.
02:11Elle parle juste.
02:13Et elle parle pour toutes les autres victimes de violences sexistes et sexuelles.
02:18Et c'est ça aussi, à mon sens, qui lui donne cette énergie et qui l'a fait tenir jusqu'au bout.
02:25Parce que c'est d'une violence inouïe, un procès d'assise.
02:29Vous avez des questions qui sont posées par les avocats de la défense qui vous traitent comme une accusée,
02:36qui mettent en doute votre parole, qui vous agressent en permanence.
02:41Les avocats des accusés, mais également les magistrats, parce qu'ils sont là pour faire émerger la vérité.
02:48Et ils ne ménagent pas non plus les victimes.
02:51C'est ça qu'il faut savoir.
02:52Donc moi, je suis ébahie par cette femme, cette force mentale qu'elle a de se tenir là tous les jours.
03:01Physiquement, c'est très éprouvant.
03:03Elle a d'ailleurs dû se reposer lundi.
03:05Il faut rappeler qu'elle est présente quotidiennement aux audiences.
03:09Elle y assiste en silence.
03:11Elle avait déjà pris la parole une fois.
03:13Et la dernière fois, Gisèle Pellicot, c'était après une première semaine d'audience.
03:18Elle avait dénoncé le traitement qu'on lui a infligé depuis le début de ce procès.
03:22Je me sens humiliée, avait-elle dit.
03:24Absolument.
03:25Les questions sont toujours humiliantes.
03:29Et puis, le fait qu'on revoie les scènes de viol en vidéo, ça fait réminiscence et revivance, finalement,
03:38de tous les moments traumatiques qu'elle a pu connaître.
03:41Et en même temps, c'est quelque chose que ses avocats et elle demandaient.
03:45Cette séquence de la diffusion des vidéos et des images pour que le monde, les journalistes et le public
03:51qui assistent aux audiences, se rendent compte de quoi on parle.
03:54Oui, elle l'a accepté.
03:55Mais il n'en demeure pas moins que le trauma qu'elle a est ravivé à chaque visionnage de ces séquences-là.
04:05C'est pour ça que je vous disais, c'est d'une violence absolument inouïe.
04:09Indépendamment des questions des avocats de la Défense, il y a aussi ces images
04:14qui sont effectivement extrêmement humiliantes, puisqu'elle a sa vie privée, intime,
04:22qui éclatent au grand jour, en plus avec des images qui sont d'une violence inouïe.
04:28Ces avocats expliquent qu'ils ont dû se battre pour faire accepter la diffusion de ces images
04:34et que ça n'aurait pas dû être le cas, normalement.
04:36Après, je crois que le président et les assesseurs en ont délibéré.
04:42Ils trouvaient les images choquantes, indécentes, et à un temps refusaient la diffusion de ces images
04:47qui avaient fait débat, d'ailleurs.
04:49Tout à fait, mais Gisèle Pellicot elle-même avait souhaité qu'il n'y ait pas de huis clos.
04:54Bien sûr, on peut avoir un huis clos partiel, mais finalement, la Cour criminelle a décidé
05:01de lever le voile également sur ces images, même choquantes.
05:04On a entendu beaucoup de choses pendant ces huit semaines.
05:08Ce sont les avocats de Gisèle Pellicot qui parlaient pour elle, parfois qui l'ont heurtée,
05:12qui l'ont blessée, qui l'ont révoltée aussi.
05:15On va peut-être revoir en quelques minutes le résumé de ces huit semaines d'audience
05:21et donc, forcément, ces nombreux témoignages qui se sont succédés là-bas.
05:25Regardez.
05:27À chacune de ces arrivées, elle est applaudie au beau milieu du tribunal.
05:33Gisèle Pellicot, devenue le symbole des violences faites aux femmes.
05:37Ça vous touche, ces applaudissements quotidiens ?
05:39Bien sûr, bien sûr.
05:40Ça vous aide aussi dans ce que je raconte ?
05:42Beaucoup.
05:43Chaque jour, et depuis cette semaine, la foule se presse pour assister à l'audience,
05:47se confronter à l'horreur des faits.
05:49Quand on regarde sur nos écrans, on a vraiment l'impression que c'est quelque chose qui n'est pas réel
05:53et ça prend vraiment une autre dimension.
05:55Et ça, oui, ça fait peur, quand même.
05:58Ça fait peur et elle a un courage incroyable.
06:00Gisèle Pellicot, droguée à son insu par son mari
06:03et violée dans son sommeil par des inconnus contactés sur Internet,
06:07a refusé le huis clos pour livrer son combat.
06:10Elle a déjà dû supporter la projection publique, éprouvante, des vidéos de ses viols.
06:15Elle souhaite sensibiliser aussi largement que possible à ce qui lui est arrivé
06:20et que la honte change de camp.
06:22Sur les 50 co-accusés, certains se présentent comme des victimes,
06:26d'autres expriment des remords à la barre.
06:28Âgés de 26 à 73 ans, ils sont infirmiers, pompiers ou encore retraités,
06:33la plupart cagoulés quand ils arrivent au tribunal.
06:36Voilà, la plupart de ces co-accusés se sont réfugiés derrière la même défense.
06:41On ne savait pas, on n'avait pas conscience, il ne s'agit pas de viol.
06:45Oui, alors si vous voulez mon point de vue d'avocate,
06:49j'estime que cette défense, elle est indécente.
06:53Elle est indécente à plus d'un titre.
06:55Si j'ai l'habitude d'avoir en face de moi des agresseurs sexuels qui sont dans le déni,
07:03là, on est allé au-delà, si j'ose dire.
07:07Parce que vous avez des co-accusés, puisqu'on les a entendus l'année dernière et depuis lundi,
07:13il y en a même un d'entre eux qui a déclaré que ce n'était pas lui, c'était un sosie.
07:19Donc si vous voulez, même sur l'élément matériel qui est filmé, on a du déni.
07:26Ensuite, on a du déni parce qu'il nie l'intention criminelle,
07:30c'est-à-dire je ne voulais pas la violer puisque je ne savais pas qu'elle était inconsciente.
07:37Je me suis fiée au mari qui lui disait que c'était un jeu libertin
07:43et j'ai adhéré finalement à ce qui m'était dit.
07:47Et puis surtout, moi, ce qui me choque, c'est qu'il tente de minimiser leurs responsabilités
07:55en évoquant le caractère manipulateur de Dominique Pellicot,
08:01qui serait une forme de gourou, un coach, et qu'il serait sous emprise de Dominique Pellicot.
08:08Et là, c'est très choquant parce que la notion d'emprise,
08:12c'est avec cette notion qu'on explique l'état des victimes, des vraies victimes.
08:18Et donc, il y a une inversion des rôles.
08:21Ils se victimisent et ils s'emparent comme d'un bouclier de cette notion d'emprise,
08:27alors qu'ils n'ont jamais été sous emprise.
08:29Parce que cette notion d'emprise, on la définit.
08:32Il y a un contrôle coercitif sur tous les plans de vie de la victime.
08:38On la coupe de son milieu social, on la coupe de son milieu relationnel, amical et familial.
08:45Et ensuite, il y a des symptômes.
08:47C'est-à-dire qu'il y a des difficultés d'endormissement,
08:50elle ne s'alimente plus, elle perd une estime d'elle-même.
08:53Mais qui sont-ils, aujourd'hui, pour venir brandir cette notion d'emprise ?
08:58Sauf que cette défense, cet argumentaire a été aidé, appuyé par le témoignage de l'expert psychiatrique
09:04qui a fait débat là aussi, François Mist, qui a été appelé à la barre,
09:09encore en début de semaine ce lundi, et qui décrit des co-accusés comme manipulables,
09:14des proies, des hommes majoritairement isolés, peu outillés intellectuellement,
09:18qui sont des phares récurrents, des interrogatoires des accusés.
09:22Ça, ça aide la défense, non ?
09:23Oui, mais alors, je vais vous dire, on a un vrai problème,
09:27notamment en France, s'agissant des psychiatres et de leur connaissance de ce qu'est la notion d'emprise.
09:34Généralement, ce sont davantage les psychologues qui cernent bien,
09:39et les experts psychologues qui cernent bien cette notion d'emprise.
09:42J'ai entendu aussi que cet expert psychiatre, lorsqu'il a été entendu et questionné par les avocats de la défense,
09:50a évoqué potentiellement l'absence de libre arbitre des co-accusés.
09:56Mais vous vous rendez compte ce que ça veut dire ?
09:58Quand on parle d'absence de libre arbitre, on atteint presque la définition de l'altération du discernement,
10:06et donc de l'irresponsabilité pénale des co-accusés.
10:10Mais où va-t-on ? Où va-t-on dans le dévoiement des notions ?
10:14Alors, bien évidemment, les avocats de la défense s'emparent de cet expert.
10:19On savoure ses conclusions, forcément.
10:20Bien évidemment, mais ça ne tient pas la route. Pas du tout.
10:25Pour tous les avocats qui connaissent la notion d'emprise, sa définition,
10:32et la notion d'absence de libre arbitre, c'est un non-sens pour moi.
10:39Quoi qu'il en soit, être manipulé n'exonère pas de responsabilité.
10:44Mais écoutez, on a des hommes aux demeurants qui sont majeurs et vaccinés,
10:52qui s'expriment avec une certaine, j'allais dire, manipulation aussi dans leurs propres mots,
11:02qui savent très bien ce qu'ils font, qui savent très bien ce qu'ils faisaient à l'époque.
11:08Et puis, bon, je crois que le site de recrutement était très, très clair,
11:14puisqu'il proposait d'avoir des relations avec une femme à son insu.
11:19Et c'est clairement la définition de ce qu'on appelle un viol.
11:23On va aller retrouver tout de suite Marie Schuster, qui est notre envoyée spéciale au tribunal du Vaucluse.
11:28Marie, vous êtes avec nous. On citait en début de demi-heure les mots prononcés,
11:32qui étaient forcément très attendus, de Gisèle Pellicot.
11:35Gisèle Pellicot, on imagine l'ambiance très pesante, très forte.
11:39Il y avait beaucoup d'attente au sein de la presse.
11:41Presse internationale, notamment, présente en nombre pour suivre ce procès.
11:45On imagine aussi l'émotion pendant qu'elle s'est exprimée tout à l'heure.
11:51Oui, effectivement, énormément de monde.
11:53On a même eu du mal à trouver une place au sein de la salle de retransmission
11:58pour pouvoir écouter Gisèle Pellicot, qui passait aujourd'hui à la barre.
12:03Gisèle Pellicot qui est sortie il y a à peine quelques minutes de la salle d'audience
12:07sous les applaudissements du public.
12:09Gisèle Pellicot qui était évidemment extrêmement attendue
12:13au terme de ces huit premières semaines de débat dans ce procès.
12:18Attendue car elle a patiemment, durant huit semaines, écouté les accusés sur le banc.
12:24Elle a patiemment écouté leur défense.
12:27Elle est notamment revenue sur la déposition de l'un d'entre eux la semaine dernière
12:32qui, pour se défendre, expliquait, je cite,
12:35« Si j'avais voulu violer, j'en aurais choisi une plus belle ».
12:38Gisèle Pellicot qui, depuis ces huit semaines, a expliqué cette ressentie blessée.
12:44« On m'a dit que j'étais complice, que je faisais semblant, m'a même accusée de boire.
12:49C'est d'une violence », a-t-elle déclaré.
12:51Aux femmes également venues défendre, les hommes placés sur le banc des accusés,
12:56elle s'est adressée, elle explique qu'elle aussi, durant des années,
13:00elle s'est fait flouer par son ex-mari, Dominique Pellicot,
13:04qu'elle croyait, depuis 50 ans, très bienveillant,
13:08qui l'accompagnait à chaque rendez-vous médical ces dix dernières années,
13:11qui lui faisait très souvent les repas, qui lui préparait très souvent les repas.
13:16Elle a même raconté qu'il lui apportait une coupe de glace au lit
13:21lorsque celui-ci décidait de regarder les matchs de foot à la télévision,
13:26s'adressant directement à lui.
13:28Elle lâche donc. Je ne comprends pas pourquoi ce monsieur qui était vu,
13:32qui était un homme parfait, en est arrivé là.
13:35Je ne comprends pas comment tu as pu me trahir à ce point.
13:39Elle ponctue aujourd'hui être une femme détruite.
13:42Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, a-t-elle déclaré.
13:45Je ne sais pas s'il y a 70 ans, ma vie suffira pour comprendre.
13:50Merci beaucoup, Marie Schuster, en direct de la Cour.
13:53Peut-être une réaction après ce témoignage.
13:57Je me mets à la place de Gisèle Pellicot, même si c'est très difficile, bien sûr, de le faire.
14:04Mais je me mets aussi à la place de toutes les victimes de viol conjugal.
14:07Effectivement, la question qui revient, c'est pourquoi ?
14:13Pourquoi moi ? Pourquoi m'a-t-il fait ça ?
14:19Il faut savoir qu'à l'origine, quand elle est convoquée par la police,
14:23elle défend son mari aimant.
14:25C'est ça qui est complètement surréaliste.
14:27Jusqu'à ce que les policiers lui montrent les images et les preuves de ces scènes de viol.
14:32Déjà, au départ, c'est un petit peu comme les femmes qui découvrent aussi
14:39les abus sexuels sur leurs enfants de par le père.
14:44C'est une protection, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas y croire.
14:47Ce n'est pas possible.
14:49Donc elles vont avoir un ton où elles vont être dans le déni.
14:54Parce qu'il y a un effondrement psychique après cette découverte.
14:58On ne tient plus debout.
15:00La vie n'a plus de sens.
15:03Heureusement que là, Gisèle Pellicot, elle a ses enfants qui sont très soutenants.
15:09Sa fille notamment, qu'on voit beaucoup à ses côtés.
15:11Il y a des doutes sur sa fille aussi, sur ce que son père a pu lui faire subir.
15:15Absolument, également.
15:17Mais elle est soutenue affectivement par ses enfants.
15:22Elle est soutenue aussi, ce n'est pas négligeable, par l'énergie de toutes ces femmes
15:28qui sont là tous les jours au procès.
15:30Elle est soutenue, je pense, par la société civile dans son ensemble.
15:35Vous savez, ce procès, ça me fait irrésistiblement penser au procès de Jacqueline Sauvage.
15:43Que vous avez défendu, j'allais y venir.
15:45En 2016, c'était 2016.
15:48Une femme qui avait été condamnée à 10 ans de réclusion pour avoir abattu son mari
15:52après avoir subi des violences sexuelles, elle et ses filles.
15:58Je dirais qu'aujourd'hui, Gisèle Pellicot, c'est l'icône des victimes de violences sexistes et sexuelles.
16:08Comme on s'entend, Jacqueline Sauvage l'était pour les violences conjugales.
16:14Donc on a cette même portée sociétale de ces deux procès-là
16:19qui vont faire bouger les lignes, non seulement, je l'espère, au niveau des mentalités,
16:26c'est-à-dire qu'il faut que la société prenne conscience de cette violence masculine
16:33qui est systémique pour moi et qui nécessite une éducation, dès l'origine,
16:42des petits garçons et des petites filles sur leur rôle respectif dans les rapports hommes-femmes.
16:49Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire ? Qu'est-ce qu'il faut demander à faire ?
16:53S'il y a du consentement ? S'il n'y en a pas ?
16:56La notion du consentement, évidemment, très importante.
16:58Du viol, de ce qui est un viol.
17:00Bien sûr, il y a déjà, en amont, prévenir par l'éducation.
17:05Ensuite, changer la société et faire bouger les lignes
17:09en modifiant la définition du viol tel qu'elle existe actuellement
17:16et qui, pour moi, est finalement trop sommaire et archaïque.
17:21Vous avez essayé de faire bouger les lignes ?
17:23Oui, j'avais essayé à l'époque.
17:25Ça n'a pas réussi ?
17:26Non, parce qu'à l'époque, faire changer la définition de la légitime défense
17:31en expliquant que cette légitime défense, avec les critères de concomitance
17:38et de proportionnalité, était inapplicable,
17:41notamment aux femmes victimes de violences conjugales pendant des années,
17:46ça a été très compliqué parce que vous avez des lobbies,
17:50vous avez politiquement des réticences à faire changer cette loi.
17:55Cela étant, j'y travaille encore avec certains députés et sénateurs.
18:02Et vous sentez que les choses ont changé depuis l'affaire que vous aviez portée,
18:06l'affaire Jacqueline Sauvage ?
18:08Oui, les choses ont quand même changé,
18:11puisque pour moi, Jacqueline Sauvage, c'était la première marche
18:15qui a permis au mouvement MeToo, finalement, d'arriver et d'émerger.
18:22Donc oui, il y a des choses qui ont changé, mais un petit pas.
18:26Mais on reste encore dans cette société, dans la culture du viol.
18:30On est toujours là-dedans.
18:32Et pour que ça change, il faut modifier la définition du viol
18:36avec cette notion d'absence de consentement volontaire, libre et éclairé de la victime.
18:42Et également, il va falloir qu'au niveau médical,
18:46parce que le procès Pélico, c'est aussi le procès de la soumission chimique
18:51et du viol sous soumission chimique.
18:53Et de l'incapacité du système médical à détecter cette soumission chimique,
18:57parce qu'elle avait vu à plusieurs reprises des médecins pour des étourdissements,
19:00pour des plaies aussi, notamment vaginales.
19:04Elle avait consulté à plusieurs reprises et c'est le gros trou dans la raquette.
19:07On n'avait rien vu.
19:08Voilà, il n'y a pas eu d'alerte, quel qu'il soit.
19:11Après, il faut des analyses précises pour relever des traces, justement,
19:16de ces substances anxiolytiques, Temesta, etc.
19:20Et ce n'est pas en faisant des prises de sang classiques qu'on pouvait le déceler.
19:24Mais c'est vrai que les médecins n'ont pas été alertés,
19:29parce que finalement, c'était une femme qui avait une vie conjugale extrêmement classique,
19:34qui aimait son mari, qui n'avait pas de problème de violence conjugale a priori.
19:39Mais je crois qu'il faut être beaucoup plus vigilant.
19:42Et j'allais dire que ça donne quand même froid dans le dos
19:46de penser que la France, qui est le premier consommateur,
19:49donc anxiolytique, un des premiers pays consommateurs...
19:53Ça veut dire que tout le monde en a chez lui, quasiment ?
19:55Voilà, et évidemment, vous voyez où je veux en venir.
19:59N'y a-t-il pas d'autres M. Pellicot, dont certains foyers français ?
20:04Et ça, c'est évidemment une question qui s'est posée à beaucoup de femmes
20:09depuis que cette affaire a été rendue publique,
20:12portée notamment par des élus françaises.
20:15Je pense à cette députée qui avait réussi à s'échapper in extremis.
20:19J'aimerais qu'on regarde des images, peut-être...
20:22On parlait tout à l'heure du symbole de la personne que vous défendiez à l'époque, Jacqueline,
20:30et aussi de ce symbole que représente Gisèle Pellicot, une icône même pour certaines femmes.
20:35Il y a eu une marche d'organiser dans plusieurs villes de France le week-end dernier
20:38des dizaines de manifestations qui ont eu lieu devant les palais de justice
20:41pour dénoncer la culture du viol pour les milieux féministes,
20:44qui réclament justice pour 94 000 victimes de viols ou agressions sexuelles chaque année en France.
20:49Gisèle Pellicot, elle est devenue une icône, une héroïne,
20:52dont le portrait s'affiche désormais sur les murs de notre pays.
20:58Lunettes de soleil rondes, coupe carrée et cape bleue,
21:01le portrait grandeur nature de Gisèle Pellicot collée sur les murs de l'île.
21:06C'est un peu cette sensation-là, c'est de pouvoir se dire qu'elle habite notre ville
21:09et d'aller les coller dans d'autres endroits pour qu'on ait la sensation
21:11que toutes ces femmes-là, comme on est une sur trois à avoir subi des violences,
21:14elle fait partie de notre environnement.
21:16A l'origine de ces collages dessinés au crayon, l'artiste liloise La Dame qui colle.
21:21L'objectif, représenter des femmes aux vies ordinaires mais marquées par la violence.
21:26C'est une réappropriation de l'espace public par les femmes victimes de violences
21:29qui elles-mêmes défendent les autres femmes qui pourraient être victimes de violences.
21:32Elles sont un peu comme des témoins aussi.
21:33C'est un peu le but, c'est d'éloigner aussi les violences.
21:35Devenue une icône dans la lutte contre les violences faites aux femmes,
21:38la silhouette de la victime des viols de Mazan est présente dans d'autres villes de France,
21:43comme ici à Lyon ou à Gentilly.
21:45C'est bien qu'on mette son portrait, que les gens connaissent son visage
21:49parce qu'elle a eu le courage que son procès ne soit pas fait à huis clos.
21:52A Avignon, où se déroule le procès des violeurs présumés de Gisèle Pellicot,
21:56d'autres collages sur les murs.
21:58Une manière de créer le débat dans l'espace public sur la notion de consentement.
22:04Voilà, ces portraits qui s'érigent dans les rues de Lille, de France.
22:09C'est le signe que les lignes sont peut-être en train de bouger ?
22:13Oui, absolument.
22:15De toute façon, toute la société française, et pas que française d'ailleurs,
22:19puisque c'est un procès qui a un retentissement international.
22:22La presse internationale est présente pour suivre ce procès ?
22:25Complètement.
22:26Et je dirais que c'est ce parcours christique,
22:30parce que c'est totalement hors norme.
22:33Des centaines de viols, un procès où on lève le huis clos.
22:37Et puis, à la différence de Jacqueline Sauvage,
22:41il y a une compassion qui est globale,
22:45et il n'y a aucune hésitation,
22:47parce que Gisèle Pellicot, elle est partie civile,
22:51elle est victime de son procès.
22:54Jacqueline Sauvage, je le rappelle,
22:56même si nous l'avons considérée comme une victime,
22:58était accusée.
23:00Elle avait tué un homme.
23:02Donc, certains ont pu évoquer le fait que c'était tout de même une criminelle.
23:09Vous défendiez une criminelle à l'époque ?
23:12De la même manière que l'avocate de Dominique Pellicot ?
23:14Enfin, pas de la même manière,
23:15mais c'est aussi quelque chose qu'on reproche à l'avocate de Dominique Pellicot aujourd'hui,
23:18de défendre un criminel.
23:19Oui, bien sûr.
23:20Mais pour moi, elle était en état de légitime défense.
23:23Donc, on ne peut pas dire qu'un individu, quel qu'il soit,
23:28est un criminel à partir du moment où il agit dans un état de légitime défense.
23:33Ce qui était notre stratégie de défense.
23:36Mais ce que je veux dire, c'est que la société civile,
23:39même s'il y a eu aussi un engouement
23:42pour modifier cette définition de la légitime défense,
23:45et pour Jacqueline Sauvage,
23:47il y avait certaines réticences,
23:49parce qu'elle avait tué un homme.
23:51En revanche, pour Gisèle Pellicot,
23:53c'est la pure victime.
23:57C'est toute la différence.
23:58Victime qui garde la tête haute,
24:00et qui la gardera seulement jusqu'à la fin de ce procès.
24:03Elle est magnifique.
24:04Pour moi, elle est belle.
24:06Elle est vraiment incroyable.
24:08Voilà, on suivra évidemment avec beaucoup d'attention le verdict
24:11et l'issue de ce procès autour de la fin de cette année.
24:14Merci beaucoup d'avoir été notre invité du jour,
24:17Maître Nathalie Tomassini.
24:18Merci d'avoir été avec nous.
24:20On va rester à nos côtés.
24:21Paris Direct se poursuit.

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