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Le grand impensé du repositionnement économique comme de la bifurcation écologique en France et en Europe n'est pas celui du « comment » produire, mais celui du « quoi » produire ? [...]

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00:00Le grand impensé du repositionnement économique comme de la bifurcation écologique en France
00:13et en Europe n'est pas celui du « comment produire ». Là-dessus, il y a énormément
00:18de discussions, mais c'est celui du « quoi produire ». Et là, on en parle peu.
00:22Regardons d'abord l'évolution des modes de vie et de consommation.
00:26Depuis la Deuxième Guerre mondiale, nous baignons dans une économie de suraccumulation
00:30d'objets, celle dont parlait déjà Perrec dans « Les choses », qui a transformé
00:35la vie des gens à partir des années 1950.
00:38Moi, je parle souvent d'économie salon, garage, cuisine, une économie centrée sur
00:43la transformation des modes de vie avec beaucoup d'objets, aujourd'hui l'électronique,
00:48etc.
00:49Cette économie, ce cycle économique, même s'il a de beaux restes, je pense se termine.
00:54Aujourd'hui, les secteurs vedettes et qui vont le rester sont la santé, d'abord,
00:59le bien-être, l'alimentation de qualité, l'éducation, le divertissement, la sécurité.
01:06Ces secteurs ont un point commun, ils ne concernent plus notre environnement matériel, mais
01:11s'adressent directement à nous, comme individus, à nos corps, à nos émotions,
01:16à nos cerveaux.
01:17C'est dans cette économie que j'appelle « humano-centrée » que se cachent les
01:22relais de croissance d'emploi dont nous aurons besoin.
01:25Car cette nouvelle économie, qui est hyper industrielle au sens de ma dernière présentation,
01:31parce qu'elle mêle la production de biens et de services, est aussi, ou pourrait être,
01:37ou devrait être, une économie des liens, des valeurs relationnelles, de prendre soin
01:42les uns des autres et des territoires.
01:44Le cas de la santé est emblématique.
01:46Nous la voyons limitée à la sphère médicalisée, elle va beaucoup plus loin.
01:51Nous en sous-estimons l'impact parce qu'elle est très socialisée et que nous n'en payons
01:55directement de notre poche qu'une toute petite partie.
01:57Du coup, nous la voyons surtout comme un coût collectif à stabiliser, alors qu'elle
02:02est une formidable source d'activité et de création de valeur sur un spectre très
02:06large d'emploi.
02:07Nous devrions la considérer, la santé, comme une composante à part entière de la
02:13base productive, et pas seulement comme une condition de possibilité de développement
02:16des autres activités.
02:18Donner la priorité à ces secteurs humano-centrés ou anthropogéniques, comme dit Robert Boyer,
02:26les remettre au cœur et non à la périphérie de l'économie productive, serait faire
02:30le bon pari sur l'avenir, car ce sont des secteurs qui sont à la fois ancrés territorialement
02:35et en même temps porteurs d'innovation qui peuvent aider les exportations.
02:39Ils sont aussi et surtout un support possible d'un nouveau récit dont nous manquons cruellement,
02:47celui d'un parcours vers une société, une économie différente, recentrée sur
02:51les besoins essentiels des humains.
02:53On en est assez loin.
02:54Symmétriquement à ce retour vers l'individu et l'intime, le deuxième grand champ d'avenir
02:59est celui des investissements, équipements et systèmes nécessaires pour restaurer et
03:05repenser l'habitabilité de la planète, de nos territoires, de nos villes.
03:09Cela comprend en premier chef la reconstruction d'une base énergétique post-fossile, non-fossile.
03:15En France, on est obnubilé par la question du nucléaire et on n'a pas saisi l'ampleur
03:21du potentiel des renouvelables électriques, éoliens et surtout solaires.
03:25Le solaire est en train de connaître dans le monde entier, particulièrement en Chine,
03:31mais pas seulement, une croissance sans précédent grâce aux spectaculaires baisses de coûts
03:37qui résultent des économies d'apprentissage, eux-mêmes liées aux investissements chinois
03:42depuis 20 ans.
03:43On continue à l'époque où on n'y croyait pas dans notre vieux continent.
03:47Comme l'a dit Adam Tooze, grand historien et économiste britannique, la trajectoire
03:53vers une place croissante de l'électricité dans les usages et une électricité propre
03:57est le cœur d'une révolution industrielle sans précédent, de magnitude gigantesque,
04:04surtout si on tient compte de la durée très courte sur laquelle elle devrait se réaliser.
04:11Mais il n'y a pas que les nouveaux systèmes électriques.
04:12Bien d'autres domaines vont exiger des investissements lourds, notamment pour l'adaptation de nos
04:18villes au changement climatique.
04:20De nouvelles pistes se dessinent, par exemple comme celles des solutions basées sur la
04:25nature pour faire face aux inondations.
04:27A Copenhague, par exemple, on a expérimenté le concept de ville-éponge, également popularisé
04:33en Chine.
04:34Au lieu de mettre des digues partout en béton, on regarde comment vivre avec l'excès temporaire
04:38d'eau, avec des parkings ou des parcs inondables.
04:41On pourrait multiplier les exemples.
04:42Donc vous voyez, d'un côté, recentrage sur l'intime, de l'autre côté, grand
04:46système.
04:47Au total, s'ouvre ainsi à la créativité des jeunes générations des champs absolument
04:51fabuleux d'innovation qui ne sont pas assez présents dans leur imaginaire et dont on
04:55ne parle pas assez, et qui pourraient compenser l'éco-anxiété montante dans ces générations.
05:01À condition, bien sûr, d'éviter le technosolutionnisme et de ne pas s'appuyer sur ces investissements
05:06et ces techniques pour perpétuer, voire amplifier des trajectoires économiques et
05:11technologiques non soutenables.

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